La pharmacovigilance vétérinaire se met en place en Belgique

Folia veterinaria
LA PHARMACOVIGILANCE VETERINAIRE SE MET EN
PLACE EN BELGIQUE
Cette note d’information a pour objectif de faire le point sur la situation actuelle de la
pharmacovigilance en Belgique. Après l’actualité sur le sujet, les conditions nécessaires au
succès de cette nouvelle entreprise sont envisagées en soulignant l’intérêt des parties
concernées à promouvoir le réseau de pharmacovigilance.
Etat actuel de la question
La pharmacovigilance correspond à la surveillance et à l’évaluation scientifique des effets
indésirables des médicaments à usage vétérinaire dans les conditions de la pratique. Les
données collectées peuvent être utilisées pour modifier l’autorisation de mise sur le marché
(AMM) afin de préserver la santé et le bien-être des animaux ainsi que la santé publique et
environnementale. La directive européenne en la matière prévoit que chaque Etat membre doit
organiser un système de pharmacovigilance en son sein (Directive 2001/82/CE). En Belgique,
la législation sur la pharmacovigilance vient d’être modifiée par l’AR du 12 mars 2002 modifiant
celui du 3 juillet 1969 relatif à l’enregistrement des médicaments. Pour les médicaments
autorisés par la procédure centralisée, les centres nationaux de pharmacovigilance coopèrent
avec l’Agence européenne pour l’évaluation des médicaments (Règlement 2309/93/CE).
L’objectif est clairement établi. Après avoir reçu une autorisation de mise sur le marché (AMM),
une spécialité peut être commercialisée. L’AMM donne des garanties, à priori, sur la qualité, la
sécurité et l’efficacité du médicament. Les étapes aboutissant à cette AMM sont mises en place
dans un cadre scientifique et administratif bien établi. Néanmoins, une fois sur le marché, divers
problèmes imprévisibles peuvent survenir.
La spécialité peut se montrer d’une efficacité inférieure à celle que l’on pouvait prévoir sur base
des données contenues dans le dossier d’enregistrement et qui sont reprises dans le "Résumé
des Caractéristiques du Produit" (RCP) anciennement la "notice scientifique". Ce manque, voire
cette absence d’efficacité, peut être préjudiciable à la santé animale mais aussi publique dans
la mesure où le médicament est utilisé pour contrôler des anthropozoonoses ou mène à la
sélection de la résistance aux antibiotiques.
Sur le plan de la sécurité, plusieurs aspects sont à considérer. Le premier est celui lié au
déclenchement d’effets indésirables chez l’animal qui peuvent être incompatibles avec le bien-
être animal et occasionner des pertes économiques et des préjudices moraux pour les
propriétaires. Le second est celui de la santé publique et environnementale. Dans ce contexte
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très vaste, les effets préjudiciables découlant de l’exposition directe ou indirecte des êtres
humains aux médicaments à usage vétérinaire sont à considérer. De nombreux problèmes
peuvent être visés comme l’administration involontaire d’un médicament à un être humain, la
présence de résidus non autorisés de médicaments à usage vétérinaire dans les denrées
d’origine animale, l’impact des rejets environnementaux.
Le législateur a jugé utile de redéfinir la notion d’effet indésirable.
- Un 'effet indésirable' est une réaction nocive et non voulue, se produisant aux posologies
normalement utilisées chez l’animal pour la prophylaxie, le diagnostic ou le traitement d’une
maladie ou la modification d’une fonction physiologique.
- La notion d’effet indésirable sur l’être humain est maintenant précisée, il s’agit d’une réaction
nocive et non voulue se produisant chez un être humain à la suite d’une exposition à un
médicament vétérinaire.
- L’effet indésirable est considéré comme grave lorsqu’il entraîne la mort, est susceptible de
mettre la vie en danger, provoque un handicap ou une incapacité importants, se traduit par une
anomalie/malformation congénitale ou provoque des symptômes permanents ou prolongés
chez l’animal traité.
- L’effet indésirable est inattendu lorsque sa nature, sa gravité ou l’effet ne concorde pas avec
le RCP.
Dans toutes ces circonstances, il est évident que le Ministre qui a la Santé publique dans ses
attributions doit être informé de façon à prendre les dispositions utiles visant à protéger la santé
humaine et animale, par exemple: la suspension ou la radiation de l’AMM, la modification des
conditions de délivrance et d’administration. Il est donc logique qu’un Centre belge de
pharmacovigilance vétérinaire (CBPV) ait été mis en place par un arrêté royal d’exécution de la
loi sur les médicaments (du 25 mars 1964). Il est chargé de recueillir des informations utiles
pour la surveillance des médicaments vétérinaires, notamment leurs effets indésirables sur les
animaux et les êtres humains et d’évaluer scientifiquement ces informations. Ces dernières sont
mises en rapport avec les données disponibles concernant la vente et la prescription des
médicaments vétérinaires. Le CBPV prend également en compte toutes les informations
disponibles sur l’efficacité insuffisante des médicaments vétérinaires par rapport à l’efficacité
prévue, sur leur utilisation "hors RCP", sur les études menées pour déterminer la validité du
temps d’attente et les risques éventuels pour l’environnement, du fait de l’utilisation du
médicament, dans la mesure où elles peuvent avoir une incidence sur l’évaluation de leurs
risques et de leurs bénéfices.
Les firmes titulaires d’enregistrement doivent enregistrer et déclarer tous les effets qui ont été
portés à leur attention (par les distributeurs et utilisateurs des médicaments vétérinaires).
L’enregistrement et la déclaration doivent se faire selon une procédure d’urgence prévue par la
législation en cas de présomption d’effets indésirables graves ou d’effets indésirables sur l’être
humain. Par ailleurs, les firmes sont tenues de rentrer sur une base régulière un "Rapport
Périodique Actualisé Relatif à la Sécurité" (Periodic Safety Update Report ou PSUR) contenant
toutes les informations visées par la pharmacovigilance. Eventuellement, dans le cadre d’une
étude de surveillance après mise sur le marché, des études pharmaco-épidémiologiques ou des
essais cliniques effectués conformément aux termes de l’autorisation doivent être réalisés par
les titulaires de l’enregistrement pour identifier et étudier un risque de sécurité particulier.
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Le CBPV informe les autres Etats membres et l’Agence européenne pour l’évaluation des
médicaments des données en sa possession selon une procédure et dans des circonstances
prévues par la législation. La collecte, la vérification et la présentation des rapports sur les effets
indésirables ainsi que l’échange électronique d’informations doivent être en conformité avec les
lignes directrices établies et publiées par la Commission dans le volume 9 de "La
réglementation des médicaments dans la Communauté européenne"
(http://pharmacos.eudra.org).
Au terme de l’évaluation des informations, le Ministre peut considérer qu’il faut suspendre,
retirer ou modifier l’enregistrement pour réduire les indications ou la disponibilité, modifier la
posologie, ajouter une contre-indication ou une nouvelle mesure préventive.
A terme, on peut espérer qu’une banque de données européennes se mette en place pour
centraliser les informations, comme prévu dans la directive 2001/82/CE: "L’agence met en
place, en collaboration avec les Etats membres et la Commission, un réseau informatique en
vue de faciliter l’échange d’information sur la pharmacovigilance concernant les médicaments
commercialisés dans la Communauté".
Il est à noter qu’en Belgique, le vétérinaire ou le pharmacien d’officine ne sont pas légalement
tenus de déclarer les effets indésirables ou le manque d’efficacité des médicaments.
Les conditions d’optimalisation du système
L’objectif de la pharmacovigilance est de préserver la santé animale, humaine et
environnementale des effets indésirables des médicaments à usage vétérinaire et de garantir la
sécurité de ces produits par une évaluation scientifique des bénéfices et des risques que
présente le médicament vétérinaire. Il est donc évident que tous les professionnels du
médicament, les industriels, les utilisateurs, les propriétaires d’animaux, le consommateur et le
citoyen d’une manière plus générale ont un intérêt à ce que les produits disponibles sur le
marché répondent à des normes européennes garantissant leur qualité, leur efficacité et leur
sécurité.
Pour atteindre l’objectif visé, il est indispensable que l’information circule de manière
multidirectionnelle entre les parties concernées de telle manre que chacun puisse en tirer un
bénéfice. Il est dès lors capital que le CBPV ne soit pas perçu comme une structure répressive
auprès des différents acteurs mais bien comme une structure permettant de conseiller et
d’informer les professionnels et dans le cadre des bonnes pratiques de prescription, de
délivrance et d’administration des médicaments à usage vétérinaire définies actuellement par
plusieurs instances (AGIM*, FVE*, UPV*, SPF* (Service Public Fédéral)…).
Néanmoins, si l’on s’en tient strictement au cadre légal, il est uniquement prévu de collecter les
informations depuis le terrain et de les centraliser vers une base de données pour permettre
aux autorités compétentes de prendre des décisions relatives à l’autorisation de mise sur le
marché des produits. Le danger d’instituer un système unidirectionnel de flux d’information,
basé sur la bonne volonté des gens de terrain pour alimenter la pyramide, existe. L’usage nous
indiquera quels sont les goulots d’étranglement possibles pour ce flux d’information.
Cependant, il est déjà possible d’identifier des problèmes potentiels et de prendre les mesures
permettant de les éviter. Le cadre légal européen le permet et incite les Etats membres à
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prendre des mesures appropriées pour encourager la transmission des observations relevant
de la pharmacovigilance à l’autorité compétente (CBPV).
Le vétérinaire praticien risque de percevoir la pharmacovigilance comme une tâche
administrative supplémentaire et, au pire, comme un organe de répression susceptible de lui
valoir, in fine, des ennuis en cas de déclaration d’un rapport de pharmacovigilance, par exemple
en cas d’utilisation hors RCP. Actuellement, c’est le plus souvent lorsqu’il est attaqué en justice
que le praticien déclare un effet indésirable au titulaire d’enregistrement et ce dans le but de
faire valoir ses droits.
Pour dissiper cette crainte, il faut d’abord rappeler que le but de la pharmacovigilance est de se
préoccuper des risques/bénéfices liés à l’utilisation des médicaments et de leurs effets
indésirables, définis comme des réactions nocives et non voulues se produisant aux posologies
normalement utilisées chez l’animal, c’est-à-dire dans le cadre de l’usage normal des
médicaments tel que défini par les RCP et dans le respect des bonnes pratiques d’utilisation
des médicaments. Dans ce contexte, le vétérinaire ou le pharmacien d’officine n’ont
évidemment aucune crainte à avoir en informant le CBPV. La question à se poser ici est de
savoir s’il retirera un bénéfice de cette démarche active pour sa pratique quotidienne. Au
départ, il faut être conscient que le CBPV demande plus qu’il ne peut donner. Néanmoins, si
une politique de communication avec les professionnels de la santé est développée, la
centralisation des données permettra, à terme, de conseiller le praticien en matière d’utilisation
raisonnée des médicaments et de l’accompagner de manière positive dans les démarches à
mettre en œuvre pour respecter les règles en vigueur. De la même manière, un dialogue
constructif avec les firmes devrait faciliter la transparence nécessaire à la recherche d’un
objectif commun. Pour ce, le CBPV devrait travailler en collaboration avec les structures
existantes, responsables de l’information en direction des professionnels de la santé et du
médicament.
Il faut en effet admettre que dans le contexte gal et réglementaire actuel, le praticien se sent
souvent dépourvu pour instaurer les thérapeutiques qu’il doit mettre en œuvre. Un des
exemples les plus délicats est celui de l’usage hors RCP des médicaments. Dans le contexte
réglementaire actuel, les firmes ont tendance à développer des médicaments pour des espèces
majeures avec des indications de plus en plus ciblées visant des pathologies fréquentes et des
contre-indications de plus en plus nombreuses. Dans ce contexte, le praticien est donc
naturellement amené à utiliser des médicaments dans des conditions qui ne sont pas
exactement celles décrites dans le RCP. Néanmoins, lorsqu’il le fait, c’est dans le cadre très
restrictif du système maintenant bien connu de "cascade", sous sa propre responsabilité. Cette
cascade prévoit que lorsqu’un médicament enregistré pour une espèce cible donnée et une
indication particulière n’existe pas, le thérapeute peut se tourner vers un médicament ayant une
AMM pour cette même espèce mais pour une autre indication. Dans quelle mesure sa
responsabilité s’engage-t-elle dans cette démarche? Dans le cas d’une inefficacité relative de la
préparation sélectionnée pour l’indication qui n’a pas fait l’objet d’une évaluation positive lors de
la demande d’AMM, le principe de l’obligation de moyens et non de résultats est mis en avant.
Pour autant que les arguments scientifiques justifiant le choix opéré existent, la responsabilité
du vétérinaire ne peut être mise en cause de ce point de vue. En ce qui concerne les problèmes
éventuels de sécurité du consommateur, de l’environnement et de l’animal, le vétérinaire ne
peut en être tenu pour responsable s’il s’agit d’incidents survenant alors que le médicament a
été utilisé dans le respect des informations contenues dans les RCP (posologie, mode
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d’administration et temps d’attente). Si cette première alternative n’existe pas, le choix
thérapeutique va devoir s’orienter vers des médicaments pour lesquels la responsabilité du
vétérinaire va en grandissant: du médicament à usage vétérinaire enregistré chez une autre
espèce cible jusqu’à la préparation extemporanée en passant par le médicament à usage
humain. Plus on descend dans la cascade, plus les arguments scientifiques avancés pour
justifier le choix thérapeutique doivent être importants en cas d’apparition d’effets indésirables
ou de détection de résidus et plus la gestion administrative accompagnant la prescription, la
délivrance et l’administration des médicaments doit être scrupuleusement respectée. Il s’agit
bien d’une analyse risques/bénéfices par le vétérinaire lui-même. De ce point de vue, on perçoit
bien l’intérêt d’encadrer les praticiens et les pharmaciens d’officine dans des choix de plus en
plus délicats et dans le respect d’une législation parfois difficile à décrypter. Sur base du
dialogue constructif qui pourrait s’établir entre les acteurs de terrain et le CBPV, les objectifs de
santé publique pourraient être plus facilement compris et acceptés par tous. L’exemple récent
d’une préparation dont le temps d’attente a été allongé après avis de la Commission des
médicaments sur base d’observations réalisées par les Inspecteurs de l’IEV* (aux sites
d’injection) et les praticiens illustre bien l’intérêt d’une plate-forme de dialogue entre l’industrie,
les autorités compétentes des divers SPF (Services Publics Fédéraux) et les praticiens, pour
l’amélioration du bien-être et de la santé de l’homme et des animaux.
La mission de conseil et d’information qui pourrait être confiée au CBPV ne désengage
évidemment pas la responsabilité du vétérinaire qui ne respecterait pas les règles du jeu. Il est
évident que les usages illicites de médicaments constatés par les services compétents
d’inspection doivent être condamnés et ne peuvent être couverts par un esprit d’ouverture entre
les parties, au contraire. La centralisation des informations relatives aux infractions constatées
sur le terrain pourrait déboucher sur des actions rapides engagées par le Ministre de la santé
en matière d’autorisation de mise sur le marché des médicaments et d’information des
professionnels de la médecine vétérinaire.
La promotion de la pharmacovigilance doit passer par la création des conditions d’un contact
facile entre le CBPV, les vétérinaires et les pharmaciens. Les acteurs de terrain devraient être
accompagnés dans la rédaction des rapports souvent perçus comme des tâches inutiles. Par la
suite, le CBPV devrait promouvoir l’information de ces personnes en publiant les résultats du
Centre dans le respect des règles de confidentialité.
L’échange d’information entre le CBPV et les titulaires d’ enregistrements , dans le respect de la
confidentialité, devrait faciliter la collecte des données même si la déclaration des accidents
relevant de la pharmacovigilance est un devoir légal imposé aux industriels. En retour, le
système devrait permettre d’attirer l’attention sur des produits contenant des principes actifs vis-
à-vis desquels des suspicions relatives à l’augmentation du rapport risque/bénéfice existent.
La centralisation efficace des données couplée à un système d’alerte vis-à-vis des firmes
s’inscrit dans une logique de pharmaco-épidémiologie indispensable pour engager les actions
adéquates visant à confirmer une suspicion et gérer les problèmes identifiés. Le but ultime est
d’harmoniser les rubriques des RCP: contra-indications, effets indésirables, précautions
particulières d’emploi, interactions médicamenteuses, symptômes de surdosage, mises en
garde particulières à chaque espèce cible, précautions particulières à prendre par la personne
qui administre le produit aux animaux.
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