CASIMIR-CRMA : Enquête artisans pâtissiers 1
QUALITE NUTRITIONNELLE « PATISSERIE-CHOCOLATERIE »
Résultats d’une enquête réalisée auprès
de dix artisans pâtissiers auvergnats
Etude réalisée par le Pôle Technologique d’Auvergne CASIMIR et la Chambre Régionale de
Métiers et de l’Artisanat d’Auvergne en collaboration avec les syndicats de pâtissiers.
1 CONTEXTE DE L’ETUDE :
PROBLEMATIQUE NUTRITIONNELLE
Aujourd'hui la qualité nutritionnelle et la valeur
santé des produits alimentaires est un critère
essentiel à prendre en considération (santé
publique, acte d'achat des consommateurs,
mobilisation des institutionnels). Les grands
groupes de l'industrie agroalimentaire ont su réagir
rapidement à cette nouvelle tendance en proposant
de nouveaux produits ou en communiquant sur la
valeur santé des aliments. Ainsi, la boulangerie-
viennoiserie-pâtisserie industrielle gagne des parts
de marché sur l’artisanat en proposant des produits
innovants et dont la qualité sensorielle est sans
cesse améliorée [Eurostaf, 2004].
Les artisans n'ont pas les moyens de cette
communication et pourtant les produits qu'ils
fabriquent sont au centre de la problématique :
- stigmatisation des produits
de viennoiserie et pâtisserie
face à la mone de
l’obési; ce sont des
produits « riches » en
énergie, matières grasses,
cholestérol et sucres ;
- dans le cadre du Programme national nutrition
santé (PNNS), une campagne nationale de
communication pour promouvoir la
consommation de féculents et limiter celle de
produits sucrés a élancée en septembre 2005
[Pnns, 2002 ; Inpes, 2005] ;
- l’AFSSA a récemment dénoncé la mauvaise
qualité nutritionnelle des matières grasses
(acides gras trans) et des glucides (simples
raffinés) des produits de pâtisserie [Afssa,
2005] ;
- la loi de santé publique interdit les distributeurs
automatiques dans les établissements scolaires
à partir de la rentrée 2005 (car présence d’une
offre nutritionnelle déséquilibrée) [RF, 2004] ;
- l’Afssa a estimé que la collation du matin à
l'école n'est pas justifiée ni adaptée.
Fréquemment constituée de biscuits, pâtisseries
ou boissons sucrées, cette prise alimentaire
« paraît introduire un déséquilibre dans
l'alimentation des enfants et doit être évitée »
[Afssa, 2004].
Inversement, la qualité nutritionnelle des
pâtisseries peut être optimisée et communiquée
de manière relativement simple :
- en optimisant la sélection des matières
premières en fonction de leur valeur
nutritionnelle : sucre non raffiné, farines bises,
matières grasses végétales, etc. ;
- en adaptant les formulations ;
- en jouant sur la qualité nutritionnelle
d’ingrédients tels que chocolat, miel, fruits
(frais et secs), etc. ;
- voire en utilisant des ingrédients fonctionnels
tels que substituts de sucres et/ou de matières
grasses.
En région Auvergne, des actions en nutrition ont
été menées dès 2003 au niveau des artisans en
prenant comme secteur test celui de la
boulangerie. Voici un bref historique :
- en 2003, une action conjointe CRMA-
CASIMIR débute par une enquête (interview)
d’une dizaine de boulangers afin d’identifier
les besoins du secteur ;
Source : Inpes
CASIMIR-CRMA : Enquête artisans pâtissiers 2
- en 2004, sur la base des conclusions de
l’enquête, une sensibilisation collective en
nutrition (des boulangers et du personnel de
fabrication) est réalisée à la Chambre des
Métiers de la Haute-Loire. Elle sera suivie par
des études personnalisées en entreprise :
développement de produits, de communication
et d’activité ;
- en 2005, une action collective PNNS de grande
envergure prend le relais en région Auvergne.
Menée par le syndicat de la boulangerie,
l’objectif est de faire évoluer l’offre de pain
courant vers des produits de meilleure valeur
nutritionnelle (pain type 80).
Sur la base de cette marche-test, rencontre,
enquête et sensibilisation d’un petit groupe
d’artisans pâtissiers ont été réalisées au cours
du deuxième semestre 2005. Les buts de cette
étude étaient d’identifier leurs connaissances,
leurs besoins et leurs attentes afin de définir
d’éventuelles actions à mener pour
accompagner ces professionnels sur la
thématique nutritionnelle.
2 ENQUETE : METHODOLOGIE
2.1 Organisation
Le choix et le recrutement des artisans a été réalisé
conjointement par la Chambre Régionale des
Métiers et les syndicats de pâtissiers. Le suivi
administratif du dossier est sous la responsabilité
d’un ingénieur qualité de la Chambre Régionale de
Métiers d’Auvergne (CRMA). Pour la mise en
place et le déroulement de l'étude, CASIMIR a mis
à disposition un nutritionniste.
2.2 Echantillon d’étude
Cette étude a été réalisée sur un échantillon de dix
artisans répartis sur le territoire auvergnat comme
suit : quatre dans le département du Puy-de-Dôme
et deux pour chacun des autres départements
Allier, Cantal, Haute-Loire.
2.3 Méthodologie
L'étude a reposé sur quatre phases successives :
2.3.1 Recrutement des entreprises
Le recrutement a été réalisé par la CRMA en
collaboration avec les syndicats départementaux.
Les prises de rendez-vous ont ensuite été
réalisées au téléphone par l'ingénieur de
CASIMIR.
2.3.2 Supports d'enquête
Les enquêtes ont été réalisées sous forme
d’interviews guidées par un questionnaire. Il est
constitué d’une partie d’ordre général, visant à
situer l’entreprise, ses moyens et sa stratégie
(structure, dirigeant, employés, gamme de
produits, fournisseurs, communication et
positionnement) et d’une partie visant à évaluer
les perceptions et connaissances des artisans en
nutrition. Cette partie se décompose en questions
ouvertes concernant les aspects « diététiques -
scientifique », « marché - environnement »,
« produits - ingrédients » et « communication -
réglementation ».
2.3.3 Enquête proprement dite
L'enquête est réalisée par visite systématique des
entreprises retenues par un ingénieur de
CASIMIR. L’interview s’adresse principalement
au dirigeant de la structure, responsable du
développement et de la fabrication des produits
avec cependant quelques questions destinées
plus particulièrement à une personne directement
en contact avec les clients (dans la majorité des
cas les épouses des artisans).
A noter que l’étude s’est déroulée sur les mois de
novembre et de décembre, une période très
chargée pour ces professionnels, en préparation
des fêtes de fin d’année. Ainsi, deux
professionnels ont été interviewés par téléphone,
suivi d’une courte visite ou d’un questionnaire
simplifié envoyé par fax.
CASIMIR-CRMA : Enquête artisans pâtissiers 3
2.3.4 Analyse des résultats
Vu le nombre limité d’individus de l’échantillon
étudié, les résultats de ce travail sont à interpréter
de manière qualitative, le but étant de fournir des
pistes et des axes de réflexions.
L'analyse des résultats porte plus particulrement sur :
- l’offre en produits (répartition de l’activité,
positionnement, ingrédients utilisés) ;
- le niveau de connaissances des artisans sur les
questions nutritionnelles ;
- leur sensibilité à ce thème ;
- leurs attentes en terme de formation,
information, développement ;
- leur potentiel technique en liaison avec le thème
abordé ;
- leur potentiel en terme de communication.
3 RESULTATS
3.1 Echantillon
3.1.1 Gérants et entreprises
Les artisans enquêtés, choisis conjointement par la
Chambre Régionale de Métiers et les syndicats,
sont tous membres des syndicats départementaux.
Ils sont âgés en moyenne d’une quarantaine
d’années. Leurs entreprises sont situées pour
moitié dans les agglomérations les plus
importantes de la région (Aurillac, Clermont-
Ferrand, Le Puy, Vichy…) et pour une autre
moitié dans des villages. Seules deux entreprises
possèdent deux points de vente (dans la même
agglomération).
Le nombre moyen de personnes travaillant dans
les structures prospectées est de 9 personnes,
apprentis y compris, avec toutefois une variabilité
importante (minimum = 4 ; maximum = 19).
3.1.2 Stratégie d’entreprise
Une différence marquée de stratégie et de vision
du métier est remarquable.
- Matières premières : certains artisans se font un
point d’honneur à utiliser le plus possible de
matières premières agricoles « fraîches » (lait,
crème, œufs) alors que d’autres ont beaucoup
plus recours aux produits stabilisés industriels
(ovoproduits, produits laitiers UHT).
- Additifs : certains ne s’autorisent que quelques
gélifiants (pectine, gélatine) pour proposer des
produits très authentiques alors que d’autres
emploient une large palette d’additifs
alimentaires (arômes, conservateurs, colorants,
gélifiants) afin de créer textures, couleurs et
goûts originaux.
- Procédé de fabrication et conservation :
certains rationalisent leurs productions en
confectionnant de grosses quantités qui seront
progressivement déstockées alors que d’autres
minimisent les stockages et produisent ainsi de
petites quantités très régulièrement.
- Offre produits : certains proposent
majoritairement des pâtisseries traditionnelles
(pâtes à choux…) alors que d’autres ne
confectionnent que des spécialités. De la même
manière, la revente représente une activité
significative chez certains alors que d’autres ne
proposent dans leurs magasins que des produits
« maisons ».
- Communication : une grande différence est là-
aussi constatée. Certains ne communiquent
pas, considérant que c’est au client de juger
alors que d’autre utilisent des moyens de
communications variés (presse écrite, radios,
affiches…).
3.1.3 Synthèse
Les stratégies apparaissent fortement variables.
Deux visions de l’artisanat sont
schématiquement représentées : « le
traditionnel » versus « l’innovant ».
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3.2 Offre produits
3.2.1 Pâtisseries
La vente de pâtisseries fraîches constitue en
moyenne la moitié du chiffre d’affaire des
entreprises visitées (avec une valeur extrême à
80 % du CA).
La plupart des interviewés proposent une gamme
de pâtisserie « classiques » type pâtes à choux. Les
ventes de ces pâtisseries sont particulièrement
importantes pour les entreprises situées en milieu
rural. Les entreprises en milieu urbain en vendent
beaucoup moins et certaines n’en fabriquent pas.
Ces dernières axent leur offre sur des spécialités,
notamment à base de chocolat, qui sont
généralement plus élaborées.
Toutes les entreprises proposent des « fruits »
(gâteaux, tartes, mousses…) qui représentent
parfois la catégorie de pâtisserie la plus vendue.
3.2.2 Chocolat
Si toutes les entreprises sont des pâtisseries-
chocolaterie, l’importance de cette production
diffère notablement. Certains professionnels
confectionnent du chocolat uniquement pour les
fêtes de fin d’années (env. 5% du CA) alors que
d’autres réalisent près de la moitié de leurs ventes
avec cette production. En général, plusieurs
dizaines de chocolats assortis sont proposés. A
noter, la bonne tenue des ventes de chocolat en
plaquettes « maison ».
3.2.3 Confiseries
Tous les professionnels interviewés déclarent
confectionner des pâtes de fruits. La production est
particulièrement importante en période estivale.
Dans l’ensemble, les pâtes de fruits sont
confectionnées à partir de 50 % de fruits nobles
mis en œuvre sur produit fini. Les parfums
oscillent entre les « purs fruits nobles du terroir »
et des goûts plus audacieux mêlant par exemple
fruits et épices, etc. Une offre parallèle en
confiture est fréquemment retrouvée.
Les glaces et sorbets sont encore assez fortement
réalisés par les artisans, principalement l’été et en
fin d’année. Ensuite, une production plus
retreinte de guimauves, voire de nougat et de
caramels. Aucun ne réalise de bonbons en sucres
cuits de type berlingot.
3.2.4 Autre
Le reste de l’activité est fortement différent en
fonction de la situation des boutiques et de la
sensibilité des gérants. Certaines entreprises
réalisent parfois près de 30% de leur activité sur
l’un des segments suivants (alors que d’autres ne
se positionnent pas sur ces mêmes segments) :
viennoiserie, traiteur, salon de thé, ou
panification.
3.2.5 Produits préemballés
1
Si la plupart des artisans présentent des produits
préemballés, notamment ballotins et tablettes de
chocolat, les mentions obligatoires ne sont pas
toujours scrupuleusement respectées. La liste des
ingrédients, récemment modifiée [CE, 2003], est
souvent insuffisante (obligation notamment de
mentionner la présence de 12 allergènes
majeurs).
3.2.6 Synthèse
Les variabilités de sensibilités des dirigeants se
retrouvent naturellement au niveau de l’offre
produit :
gamme de pâtisseries classiques versus
spécialités ;
activité viennoiserie, traiteur ou
panification pour certains ;
importance du pré-emballage…
1
Un produit est dit préemballé lorsqu'il est conditionné,
hors de la présence de l'acheteur, dans un emballage de
quelque nature qu'il soit, le recouvrant totalement ou
partiellement de telle sorte que la quantité de produit
contenue ne puisse pas être modifiée sans qu'il y ait
ouverture ou modification décelable de l'emballage ou
modification décelable du produit [RF, 1978].
CASIMIR-CRMA : Enquête artisans pâtissiers 5
3.3 Ingrédients
3.3.1 Sucre
Le sucre blanc, sous différentes formes (semoule,
cristallisé, etc.), est de loin le composé sucrant le
plus utilisé.
D’autres glucides purifiés sont utilisés en quantité
moindre pour leurs propriétés gustatives et
technologiques, tels que le sucre inverti, le glucose
et le fructose (sirop, cristallisé, etc.).
Du miel et des sucres non raffinés de canne ou de
betterave (vergeoise) sont employés en raison de
leurs qualités gustatives ou visuelles pour un
nombre restreint d’applications bien particulières
(décors en sucre cuit, biscuits, pain d’épices, etc.).
En effets, ces produits sont colorés et parfumés par
les composants naturels de la matière première.
Les édulcorants ne sont pas utilisés, hormis le
sorbitol pour ses propriétés hygroscopiques
(stabilisateur de l’humidité et inhibiteur de
croissance des micro-organismes) et non pas pour
son pouvoir sucrant.
3.3.2 Chocolat
Différents chocolats de couverture sont utilisés
pour réaliser entremets, chocolats fins et tablettes.
Les principaux fournisseurs sont Valhrona, Barry
Callebaut et DGF.
3.3.3 Matières grasses
Les matières grasses les plus utilisées sont les
matières grasses laitières :
- le beurre (fin, AOC, tracé) pour la matière grasse
concrète ;
- la crème entière UHT pour la matière grasse
liquide.
A noter : quelques professionnels s’approvisionnent
directement en produits frais auprès d’agriculteurs.
Un peu de matières grasses gétales hydrogénées
peuvent être employées pour certaines prépa-
rations et pour le graissage des plats. Suite aux
travaux de l’ENSP, un peu d’huile de colza est
parfois utilisée dans la réalisation de cakes.
3.3.4 Farine
La farine de type 55 (0,55 mg de minéraux pour
100 g de farine) est largement utilisée. Elle est
parfois associée à de la farine de gruau ou des
farines de type 45 ou 65.
3.3.5 Lait
Il est essentiellement utilisé du lait de vache UHT
½ écrémé. Comme pour la matière grasse laitière,
quelques professionnels s’approvisionnent
directement auprès d’agriculteurs.
3.3.6 Œufs
Tous les professionnels enquêtés utilisent des
œufs frais plus ou moins complétés par des ovo-
produits pour gérer au mieux le risque
microbiologique (jaunes, blanc et œufs entiers
pasteurisés).
3.3.7 Sel
Un artisan utilise un sel de mer non raffiné.
3.3.8 Additifs
Plusieurs additifs sont couramment emplos,
plus ou moins selon les entreprises :
- gélifiants (pectines, gélatine) ;
- colorants ;
- conservateur (acide citrique, sorbitol) ;
- arômes.
3.3.9 Synthèse – conséquences
nutritionnelles
La matière sucrante est essentiellement
représentée par des sucres purifiés :
apport de saccharose donc d’énergie
rapidement assimilable (en faveur des
troubles du métabolisme des glucides) sans
les composés protecteurs présents dans le
végétal de base (minéraux, antioxydants).
La matière grasse est essentiellement d’origine
laitière (beurre et crème) :
apport d’acides gras saturés et d’acides
gras trans (néfastes vis-à-vis du système
cardio-vasculaire).
Les farines employées sont blanches (T 55)
apport d’amidon et de protéines, des
composés énergétiques mais peu de facteurs
protecteurs tels que fibres, vitamines et
minéraux.
L’effort de certains professionnels pour obtenir
des matières fraîches (lait, crème) est louable
mais a peu de conséquences au niveau
nutritionnel.
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