Les relations économiques et commerciales entre les Etats

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AMBASSADE DE FRANCE AU MEXIQUE
SERVICE ÉCONOMIQUE RÉGIONAL
LE CHEF DU SERVICE ÉCONOMIQUE REGIONAL
POUR LE MEXIQUE ET L’AMERIQUE CENTRALE
Affaire suivie par Lionel Grotto et Yannick Gaudin
Le 24 mai 2016
Les relations économiques et commerciales entre les Etats-Unis et le Mexique
La relation entre les Etats-Unis et le Mexique est une relation asymétrique au bénéfice des Etats-Unis. En
premier lieu, les tailles des deux économies sont extrêmement différentes, puisque le PIB des Etats-Unis est
13,4 fois plus important que celui du Mexique, et sa population 2,7 fois supérieure. Par ailleurs, les Etats-Unis
sont de loin le premier client du Mexique (80,2% des exportations en 2014) et le premier fournisseur (48,8%
des importations) alors que le Mexique n’est que le 2ème client des Etats-Unis (14,8% des exportations) et le 3ème
fournisseur (12,5% des importations). Certes, les échanges commerciaux ont été multipliés par près de 5 en 20
ans avec un excédent commercial de 123 Mds USD en faveur du Mexique en 2014. Toutefois, la valeur ajoutée
des produits continue de venir en grande partie de l’étranger et en particulier des Etats-Unis, comme en
témoigne le fait que le Mexique a reçu 172 Mds USD d’IDE des Etats-Unis depuis 2000 soit 45,7% du total des
IDE reçus. En effet, les structures productives et le niveau de développement des deux pays sont très différents,
ce qui a conduit l’économie mexicaine à devenir la base arrière manufacturière des Etats-Unis depuis l’entrée
en vigueur de l’ALENA en 1994. Cette réalité est peu comprise des opinions publiques des deux pays et peut
entretenir des discours populistes et caricaturaux. Par ailleurs, les différences de niveau de développement se
traduisent dans l’importance des transferts des migrants et du tourisme : ainsi, 11,6 millions de Mexicains
vivent officiellement aux Etats-Unis et ont envoyé 22,8 Mds USD de transferts au Mexique en 2014, constituant
une source très importante de revenus pour de nombreux foyers ; par ailleurs, 56% des touristes au Mexique
viennent des Etats-Unis en 2015, alors que les flux touristiques totaux au Mexique sont d’une importance
considérable, à savoir 17,2 Mds USD en 2015. Enfin, les échanges illégaux entretenus par l’économie informelle
et les organisations criminelles (cartels de la drogue) implantées dans les deux pays représentent probablement
des dizaines de milliards de dollars.
I.
L’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) entré en vigueur en 1994 a
considérablement renforcé des relations commerciales déjà importantes
L’ALENA1 a marqué un tournant dans les relations bilatérales et a profondément modifié la structure
productive du Mexique, faisant de ce dernier la « base arrière manufacturière » des Etats-Unis. En effet, de
pays protectionniste aux exportations majoritairement pétrolières, le Mexique est devenu une importante plateforme
d’exportation de biens manufacturés et l’un des principaux défenseurs du libre-échange en Amérique latine. L’accord
trilatéral a constitué un indéniable moteur pour l’éclosion d’une base industrielle au Mexique et a permis
d’intégrer la structure productive du pays à la chaîne de valeur nord-américaine dont elle dépend désormais,
aussi bien pour les IDE que pour les débouchés commerciaux à l’export.
L’accord de libre-échange a permis aux deux pays de développer leurs exportations bilatérales. En effet, entre
1994 et 2014, les exportations mexicaines à destination des Etats-Unis ont été multipliées par 5,8 sans que la
dépendance mexicaine vis-à-vis des débouchés américains n’en soit altérée. En effet, si les exportations mexicaines
vers les Etats-Unis représentaient 80,2% du total en 2014, elles représentaient 84,8% en 1994 et 88,7% en 2000.
Concernant les importations mexicaines en provenance des Etats-Unis, elles ont été multipliées par 3,6 en 20 ans pour
représenter 195,2 Mds USD en 2014 : elles représentaient 69,3% des importations en 1994, 75,5% en 1996 et 48,8%
en 2014.
Par ailleurs, d’un commerce bilatéral relativement équilibré, l’excédent commercial du Mexique n’a cessé
d’augmenter pour atteindre 123 Mds USD en 2014. De plus, les produits importés et exportés par le Mexique
appartiennent sensiblement aux mêmes catégories, ce qui témoigne d’une division des tâches et d’une forte
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Accord de libre-échange nord-américain entre le Canada, les Etats-Unis et le Mexique entré en vigueur le 1er janvier 1994.
intégration des chaînes de valeur entre les deux pays. Ainsi, les principaux produits d’exportation du Mexique vers
les Etats-Unis en 2014 étaient des véhicules terrestres et leurs composants (22%), des appareils et composants
électriques (21,8%) ainsi que des chaudières, turbines, génératrices et autres machines (16,5%) et des hydrocarbures
(9,6%). Les importations en provenance des Etats-Unis sont largement composées des mêmes catégories de produits :
chaudières, turbines, génératrices et autres machines (13,8%), hydrocarbures (13,6%), appareils et composants
électriques (11,5%) et véhicules terrestres et leurs composants (10,15%).
II.
Si l’ALENA a participé à faire du Mexique une puissance exportatrice, il a également favorisé
une situation qu’on peut qualifier « d’interdépendance asymétrique »
a. La relation entre les deux pays est asymétrique et bénéficie surtout à l’économie américaine
L’asymétrie dans la relation commerciale est manifeste si l’on note que le Mexique n’est que le 2ème client des
Etats-Unis (14,8%) derrière le Canada et le 3ème fournisseur (12,5% des importations) derrière la Chine et le
Canada, alors que les Etats-Unis sont de loin le premier client et le premier fournisseur du Mexique.
Par ailleurs, la relation est asymétrique au sens où la valeur ajoutée des exportations mexicaines est produite
en grande partie grâce à des IDE provenant des Etats-Unis. Ainsi, le Mexique a reçu plus de 375 Mds USD d’IDE
depuis 2000 dont 45,7% en provenance des Etats-Unis2. Grâce à des coûts de production plus faibles qu’au Canada
et qu’aux Etats-Unis, le Mexique est devenu une plateforme de production et d’exportation vers les Etats-Unis : on
parle du modèle dit de la Maquila. Un grand nombre d’entreprises américaines ont ainsi délocalisé leurs activités
à faible valeur ajouté et à fort contenu en main d’œuvre : c’est notamment le cas en ce qui concerne l’assemblage
de véhicules, de biens industriels et de consommation finale comme les produits électriques et électroniques. Les
activités comme la R&D ou la fabrication des composants complexes restent quant à elles localisées aux Etats-Unis.
Cette situation explique pourquoi les échanges bilatéraux concernent surtout des catégories de produits
similaires. En effet, les entreprises approvisionnent en composants leurs centres d’assemblage situés au Mexique afin
de produire des biens essentiellement destinés à être exportés. Par exemple, les flux concernant les véhicules et
composants ont fortement augmenté car beaucoup de composants automobiles assemblés au Mexique sont importés,
entre autres des Etats-Unis, avant d’être assemblés et exportés vers les Etats-Unis. Il n’existe pas de constructeur de
véhicules de tourisme mexicain : l’ensemble des constructeurs présents au Mexique sont étrangers. En 2014, plus de
82% de la production automobile nationale a été exportée et 66,6% de la production a été exportée vers ses partenaires
de l’ALENA3. Sur les 4 premiers constructeurs qui exportent depuis le Mexique, 3 sont américains4 : Chrysler, Ford
et General Motors ont représenté 50,4% de la production mexicaine et 54,7% des exportations en 20145. Concernant
les échanges d’hydrocarbures, la relation bilatérale est également asymétrique dans le sens où le Mexique exporte
essentiellement du pétrole brut et importe de l’essence raffinée et des produits chimiques issus du pétrole.
b. Les transferts des migrants et les flux touristiques traduisent les différences de niveau de
développement
En 2014, les transferts en provenance de l’étranger (remesas) se sont élevés à 23,64 Mds USD (26 Mds attendus
en 2016) : 96,4% des transferts provenaient des Etats-Unis où résident officiellement plus de 11,6 millions de
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Chaque année, les Etats-Unis sont de loin les premiers investisseurs au Mexique (sauf en 2013 où les Etats-Unis ont été le 2ème
pourvoyeur d’IDE derrière la Belgique du fait du rachat de Grupo Modelo par Anheuser-Busch InBev. Entre 1999 et le deuxième
semestre 2014, le secteur manufacturier est le premier secteur de destination des IDE américains (45,1%) devant les services
financiers et les assurances (19,1%), le commerce (12,3%) et l’hôtellerie (5%). En 2014, les IDE américains au Mexique ont
atteint 6,76 Mds USD : 85% ont été des investissements dans le secteur manufacturier.
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2,642 millions de véhicules assemblés au Mexique ont été exportés en 2014. 71% des véhicules exportés l’ont été vers les EtatsUnis et 10 % vers le Canada, ou encore 58,3% de la production a été exportée vers les Etats-Unis et 8,3% vers le Canada.
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General Motors est 1er avec 553 502 véhicules exportés, Nissan 2ième avec 538 972 véhicules, Chrysler 3ième avec 465 718
véhicules et Ford 4ième avec 426 574 véhicules produits en 2014.
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Donnée de l’AMIA – Asociación Mexicana de la Industria Automotriz.
Mexicains6. Le total des Mexicains et descendants directs présents aux Etats-Unis dépasserait même les 40 millions
de personnes7.
L’industrie touristique mexicaine est particulièrement dépendante du flux de touristes en provenance des
Etats-Unis. En effet, sur les 12,9 millions de touristes étrangers qui sont entrés au Mexique par voie aérienne en 2014,
7,1 millions provenaient des Etats-Unis (+10,6%) soit 55,5% du total8. Par ailleurs, 51,1% des arrivées internationales
de touristes par voie aérienne ont été assurées par des compagnies aériennes américaines. Les investissements
américains dans le secteur touristique sont très importants dans les stations balnéaires les plus importantes du pays
que les américains fréquentent massivement9.
III.
Les relations économiques bilatérales sont également marquées par des flux illégaux issus de
l’économie du crime
Une part non-négligeable des échanges entre les Etats-Unis et le Mexique concerne des activités illégales liées
au crime organisé comme le trafic de drogue et d’armes. En effet, les Etats-Unis sont le premier marché de
consommation de drogue au monde (44% de la consommation mondiale pour l’Amérique du nord en 2014) : aux
Etats-Unis, la consommation de cannabis représenterait environ 64 Mds USD, de cocaïne 30 Mds USD, d’héroïne
8 Mds USD et d’amphétamines environ 5,5 Mds USD10. La drogue est très largement acheminée via le Mexique
(entre 80% à 90% concernant la cocaïne). En 2009, le ministre mexicain de la Sécurité publique a déclaré que le trafic
de drogue aux États-Unis générait des gains annuels de 63 Mds USD environ.
La relation est ici aussi déséquilibrée dans le sens où, si le trafic de drogue est une source de revenus qui au
travers du blanchiment réintègre l’économie du Mexique, l’impact négatif pèse davantage sur l’économie
mexicaine que sur celle des Etats-Unis. En effet, le trafic d’armes en provenance des Etats-Unis participe à maintenir
un fort niveau de violence au Mexique. Celle-ci est étroitement liée à la lutte conjointe du Mexique et des Etats-Unis
contre ces trafics, mais également aux rivalités entre groupes criminels.
Par conséquent, le coût direct et indirect de la violence au Mexique a été estimé pour 2014 à 17,3% du PIB
selon l’Indice global de paix élaboré par l’Institut pour l’économie et la paix (IEP). L’Institut incluait dans les coûts
associés à la violence toute activité économique liée aux conséquences de la violence ou à sa prévention. Les coûts
directs étaient ainsi estimés à 3,6% du PIB, les coûts indirects à 6,8% du PIB et les activités économiques qui n’ont
pas pu se développer du fait de la violence à 6,8% du PIB.
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Donnée pour 2014 du nombre de Mexicains officiellement enregistrés auprès des autorités consulaires aux Etats-Unis. Cela
représente 97,8% des Mexicains enregistrés à l’étranger.
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Ce chiffre inclut des migrants légaux, illégaux et les Américains ayant une ascendance mexicaine directe.
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Nombre de touristes entrés au Mexique par voie aérienne en 2014. En raison de la proximité géographique, tout porte à croire
que le nombre de touristes américains était en réalité bien plus important car ces derniers ont la possibilité d’entrer au Mexique
par voie terrestre, notamment en ce qui concerne le tourisme frontalier qui a concerné 13 millions de personnes en 2014.
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Les touristes américains privilégient en effet les séjours dans les stations balnéaires telles que Cancún, Los Cabos, Puerto
Vallarta, Mazatlán, Acapulco et Huatulco.
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Donnée pour 2009 issue de El problema de drogas en las Americas, 2013, OEA.
Annexes
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