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27 mars 2013 677
contribuent aux carences protéiques après un RYGB : la ca-
ren ce d’apport (liée à un certain dégoût pour la viande, des
difficultés de mastication), la diminution des sécrétions
enzymatiques (comme par exemple les enzymes pancréa-
tiques et le pepsinogène, proenzyme à l’origine de la pep-
sine), et la réduction de la surface d’absorption intestinale.
Malheureusement les dosages plasmatiques des pro-
téines, albumine et préalbumine ne sont pas de bons mar-
queurs biologiques de l’état nutritionnel. En effet, dans la
plupart des cas, nous mesurons des concentrations nor-
males, tandis que les apports sont totalement insuffisants,
responsables d’une situation d’hypercatabolisme à l’origine
d’un remodelage osseux négatif. Idéalement, il serait né-
cessaire de réaliser un dosage des acides aminés, mais qui
n’est pas effectué de routine.
Dans ce contexte, l’anamnèse alimentaire constitue l’uni-
que outil nous permettant d’avoir des informations sur l’état
protéique des patients ayant subi un bypass gastrique.
L’évaluation de la variété de la prise alimentaire et de la
consommation régulière d’aliments riches en protéines aux
repas est facile à réaliser et nous donne déjà des indica-
tions importantes concernant une éventuelle carence des
apports. Par la suite, il est possible d’impliquer une diété-
ticienne afin d’intégrer les détails sur le plan de l’analyse
quantitative et qualitative du type de protéines consom-
mées.3,4 Ces informations seront indispensables pour dé-
terminer quel supplément alimentaire utiliser. Les résultats
préliminaires d’une étude réalisée au CHUV ont mis en
évidence une baisse des apports en protéines de 70% entre
la période préopératoire et la première année après l’in-
tervention.
Beta-crosslaps (télopeptide C)
Les
beta-crosslaps
sont des produits de dégradation du
collagène de type 1 qui représente la majeure partie de la
matrice osseuse organique (L 90%). Particulièrement inté-
ressants parmi les fragments de dégradation du collagène
de type 1 sont les télopeptides (CTx), pour lesquels l’acide
alpha-aspartique est transformé en acide bêta-aspartique
(beta-CTx) après vieillissement de l’os. Les fragments réti-
culés transversalement des beta-CTx contiennent deux fois
l’antigène beta-CTx et sont donc appelés
beta-crosslaps
. Les
petits peptides beta-CTx sont presque entièrement élimi-
nés par les reins, leur signification est donc réduite chez les
patients atteints d’une insuffisance rénale. Les
beta-crosslaps
sont sécrétées dans le sang pendant la résorption osseuse
et servent donc comme marqueurs d’ostéolyse.5 Des taux
de
beta-crosslaps
élevés à plusieurs reprises après un by-
pass gastrique devraient faire suspecter une perte osseu se
au décours et nous pousser à compléter le bilan osseux à
la recherche d’une ostéoporose.
En raison de la variabilité analytique de ce dosage, de
sa corrélation avec la consommation alimentaire (le patient
doit toujours être à jeun) et de l’absence des valeurs de ré-
férence spécifiques pour les patients obèses, l’interprétation
des résultats de ce marqueur est actuellement difficile et
par conséquent, son utilisation clinique n’est utile que lors-
qu’elle est associée aux autres paramètres biologiques et
surtout dans l’analyse de l’évolution progressive postopé-
ratoire.
P1NP (propeptide N-terminal du protocollage
de type 1)
Un autre marqueur du remodelage osseux qui peut être
utile dans l’évaluation du risque d’ostéopénie/ostéoporose
est le propeptide N-terminal du procollagène de type 1
(P1NP). La concentration du P1NP dépend de l’activité os-
téoblastique et est donc un paramètre qui permet d’éva-
luer la formation de l’os. En effet, la partie organique de la
masse osseuse se compose d’environ 90% de collagène de
type 1 et d’environ 10% de protéines non collagéniques. A
chaque synthèse d’une molécule de procollagène par les
ostéoblastes, une molécule de collagène est incorporée dans
la matrice osseuse et deux peptides d’extension sont libérés :
le P1NP (côté N terminal) et le P1CP (côté C terminal). Ces
propeptides gagnent le milieu interstitiel, puis la circulation
sanguine, où ils peuvent être dosés comme marqueurs de la
synthèse du collagène. La concentration du P1NP a l’avan-
tage d’être indépendante de la consommation alimentaire.
Pour ce paramètre aussi, l’absence des valeurs de référen ce
spécifiques pour les patients obèses rend l’interprétation
des résultats de ce marqueur actuellement difficile.
densitométrie osseuse
La densitométrie (DXA) permet de quantifier la masse
osseu se et donc d’évaluer son évolution vers l’ostéopénie
et l’ostéoporose. Cependant, l’interprétation de cet examen
est très difficile lorsque la perte pondérale est rapide et
importante, notamment pendant la première année post-
opératoire. En effet, la diminution significative du pannicule
adipeux induit un changement dans l’inclinaison des deux
rayons de la DXA avec, comme conséquence, une modifi-
cation de la surface de l’os mesurée et donc un résultat
donnant une fausse densité osseuse. Ce type d’artefact tech-
nique limite la possibilité d’utiliser de manière efficace la
densitométrie pendant la phase d’hypercatabolisme carac-
térisée par une perte de poids de l’ordre de 20-30% du
poids préopératoire.
Au-delà de cette limitation, la densitométrie est le gold
standard pour suivre l’évolution de l’état osseux. Il serait
envisageable de faire une première évaluation déjà dans
la phase préopératoire, afin d’identifier les patients ayant
une densité osseuse déjà plutôt basse. Il est important de
rappeler qu’environ 20% des patients obèses, candidats à
l’intervention, présentent déjà une carence en vitamine D
(faible exposition au soleil) et une partie aussi une hyper-
parathyroïdie secondaire.6 Après l’intervention, une DXA
peut être programmée entre douze et dix-huit mois post-
opératoires, c’est-à-dire pendant la phase de stabilisation
pondérale. Cet examen constituera donc la mesure de ré-
férence
(baseline)
pour évaluer l’évolution de la densité de
l’os au fil des années.
conclusion
Après un bypass gastrique, on retrouve fréquemment
des apports insuffisants en protéines et en calcium et des
carences en vitamine D avec une hyperparathyroïdie se-
condaire. Pour ces raisons, le traitement de l’obésité par
chirurgie bariatrique représente un facteur de risque pour
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