
Erosions chez les enfants
Rev Mens Suisse Odontostomatol, Vol 114: 10/2004 1029
ment, l’origine de l’apparition des lésions érosives était endo-
gène, le patient a donc été envoyé chez un gastro-entérologue
pour de plus amples examens.
Mesures prophylactiques
Afi n de ralentir autant que possible la progression de l’érosion
pendant la poursuite des analyses, les mesures suivantes ont été
prises après les premiers résultats: afi n de stimuler la sécrétion
salivaire insuffi sante, il a été demandé au patient de mâcher trois
fois par jour du chewing-gum préservant les dents. Une solution
de rinçage fl uorée a de plus été prescrite.
Processus
La pH-métrie œsophagienne de 24 heures, effectuée par le gas-
tro-entérologue, est normale sur toute la période d’observation.
Les épisodes de refl ux ne se produisent que pendant la journée
et ne sont que légèrement élevés – tout juste de 5% – au cours
de cette période. Le pH médian nuit se situe sur une longue
période entre 5 et 6. Il est possible que des refl ux gasto-oesopha-
giens peu acides aient lieu en grandes quantités au cours de la
nuit (fi g. 12). Une valeur de pH ⭐ 4 est considérée être une valeur
clinique de la genèse d’une œsophagite de refl ux. Les valeurs
critiques du pH pour une apparition d’érosions dentaires sont
plus élevées. En fonction du milieu (saturation de l’environne-
ment, gradient de diffusion) et du tissu dentaire exposé (émail
ou dentine), des pH inférieurs à 6,0 peuvent générer des érosions.
Des nouveaux calculs de la pH-métrie de 24 heures effectuée
sur ce patient ont montré que le pH était inférieur à 5,5 pendant
2,5 heures et inférieur à 6 pendant 12 heures. Les valeurs ont été
mesurées à 5 cm au-dessus du sphincter de l’œsophage.
Diagnostic
Chez ce patient également, les lésions des tissus durs des dents
proviennent d’une érosion due à un refl ux gastro-œsophagien.
Thérapie
La sécrétion gastrique a été réduite sur une durée de deux ans à
l’aide d’un inhibiteur de la pompe à protons (Zurcal, Nycomed,
20 mg deux fois par jour). Après cette période, une autre pH-
manométrie a été effectuée afi n obtenir des informations sur le
succès et l’évolution. Le patient devait poursuivre les mesures
préventives locales (mastication de chewing-gum, solution de
rinçage fl uorée).
Suite du processus
L’appareil orthodontique a été retiré pendant la phase de la
thérapie médicamenteuse. Immédiatement après, l’orthodontiste
a remis au patient une gouttière pour des applications locales de
gel fl uoré au niveau du maxillaire supérieur. La progression de
l’érosion a été ralentie mais n’a pas pu être stoppée. La thérapie
médicamenteuse en particulier n’a pas eu les effets escomptés et
a été arrêtée. Les lésions érosives ont été protégées par un ciment
de scellement (Seal and Protect) (fi g. 13, 14).
Lorsque le patient a atteint l’âge de 19 ans, une nouvelle thérapie,
avec un inhibiteur d’acide nouvellement mis sur le marché, a été
pratiquée (Nexium, AstraZeneca, 40 mg deux fois par jour). Une
pH-métrie de 24 heures a permis d’évaluer le succès de la mé-
dication: le refl ux nocturne a pu être arrêté mais le patient pré-
sente, malgré les médicaments, des épisodes nets de refl ux, le
matin et au cours de la journée. Le pH pendant la durée des
mesures reste inférieur à 5,5 pendant 9 heures (fi g. 15). Un autre
médicament a donc été employé afi n de mieux réduire la sécré-
tion d’acide (Prepulsid, Janssen-Cilag, 20 mg deux fois par jour).
Etant donné l’absence d’hernie hiatale, une intervention chirur-
gicale n’a pas été envisagée (Fundoplication de Nissen par voie
laparoscopique).
Malgré cette thérapie, les lésions érosives progressent toujours.
Des scellements ont encore été appliqués sur les lésions sur une
période de deux ans au cours de plusieurs consultations. Etant
donné que la perte des tissus est encore relativement faible, des
formes agressives de thérapie ont pu être évitées jusqu’à présent
(obturation, couronnes à incrustation vestibulaire céramiques ou
couronnes). Comme mesure prophylactique, il a été demandé au
patient de pratiquer un brossage de dents normal, avec des pâtes
dentifrice peu abrasives, d’effectuer des rinçages fl uorés quoti-
diennement et d’appliquer un gel fl uoré toutes les semaines.
Discussion
L’érosion peut être générée par des facteurs intrinsèques et ex-
trinsèques. Le principal facteur exogène initiant une érosion est
l’alimentation acide. En effet, si celle-ci est excessive, elle peut
entraîner d’importantes lésions érosives, plus particulièrement
lorsque des facteurs défavorables tels qu’une hyposialie ou un
pouvoir tampon insuffi sant de la salive, y sont associés (ZERO
1996). Si la surface de l’émail ou de la dentine attaquée est de
plus sollicitée mécaniquement, comme cela se produit lors de
parafonctions ou lors du brossage de dents, la perte des tissus
durs des dents est alors élevée et progresse rapidement. Une
consommation excessive de jus de fruits, de boissons gazeuses
acides (sodas) et d’aliments acides peut provoquer, comme le
décrivent plusieurs articles, des lésions érosives chez les adultes
et chez les enfants (LUSSI et al. 1993, 1995, MILLWARD et al. 1994,
GRANDO et al. 1996, HUNTER et al. 2000, AL-DLAIGAN et al. 2001,
AL-MAJED et al. 2002). La popularité croissante des boissons
gazeuses sucrées mais aussi l’augmentation de la consommation
de «boissons designer» alcoolisées et acides (Alcopops) provo-
quent chez les jeunes une importante augmentation d’apport
exogène d’acide, ce qui augmente le risque d’érosion (O’SULLI-
VAN & CURZON 1998, AL-DLAIGAN et al. 2001).
Outre les anorexies et les boulimies nerveuses, pour lesquelles
la cavité buccale est exposée aux acides par les vomissements, le
refl ux gastro-œsophagien doit être considéré comme une autre
origine endogène importante de l’apparition d’érosion dentaire.
Les deux études de cas présentées ici montrent que cette maladie
reste fréquemment inaperçue et qu’elle n’est souvent dépistée
que lorsque des lésions des muqueuses (œsophagites) ou une
érosion dentaire apparaît. Les symptômes de ces maladies se-
condaires sont des douleurs stomacales, des brûlures ou des
douleurs thoraciques, une sensation acide dans la bouche et une
hypersensibilité des dents. En général, les phases de refl ux se
produisent au cours de la nuit. Il faut remarquer que le suc gas-
trique n’atteint pas la cavité buccale chez tous les patients souf-
frant de refl ux, aucune érosion n’est donc observée chez ces
patients. Le refl ux gastro-œsophagien de suc gastrique apparaît
lors d’une insuffi sance du sphincter inférieur de l’œsophage.
Toutefois, même lorsque la fonction du sphincter est normale,
des refl ux peuvent se produire si la pression intra-abdominale
est élevée, par exemple pendant une grossesse, dans le cas d’une
obésité ou encore si le volume de l’estomac est important, par
exemple en raison d’une alimentation excessive, d’ulcères ou de
spasmes du pylore (SCHEUTZEL 1996). Les médecins parlent de
refl ux pathologiques si le pH dans l’œsophage distal est inférieur
à 4 dans plus de 4% des phases de refl ux (BARTLETT et al. 1996).
Une extrapolation directe aux tissus durs des dents est toutefois
diffi cile.