Biologiste infos ❘ Décembre 2013 - Janvier 2014
RECHERCHE
55
16 ans de recherche pour mettre
au point le pancréas bioartificiel
MAILPAN
L’idée du pancréas bioartificiel est simple : remplacer les îlots
pancréatiques détruits chez les diabétiques de type 1 pour res-
taurer la sécrétion d’insuline nécessaire à une bonne régulation
de la glycémie. L’avantage de cette thérapie,
comme dans le cas d’une greffe, réside dans sa
nature 100 % physiologique : la régulation de
la glycémie du patient s’effectue sans aucune
intervention extérieure, ce qui réduit les risques
de complications de la dépendance à l’insuli-
nothérapie, et garantit au patient une meilleure
autonomie, et donc une meilleure qualité de vie.
Pour éviter le recours indispensable à un traite-
ment immunosuppresseur, les cellules sécrétrices
d’insuline, au lieu d’être greffées telles quelles,
sont transplantées entourées d’une enveloppe
immunoprotectrice. La conception de cette
poche protectrice a été confiée à Defymed, PME
française spin-off du CeeD, spécialisée dans la
conception et le développement de dispositifs
médicaux bioartificiels innovants.
16 années de recherche ont été nécessaires pour valider les multiples
étapes technologiques du dispositif au travers de deux premiers
programmes européens, également pilotés par le CeeD et financés
par la Commission européenne.
Le premier, le projet BARP (1996-2000), a permis la validation
du système d’immunoprotection des îlots par encapsulation via
une membrane artificielle à diffusion sélective. Le projet BARP+
(2004-2007) a par la suite permis de valider les matériaux du dis-
positif, sa biocompatibilité et son efficacité chez le petit animal
(rat) comme chez le gros animal (porc). « La start-up Defymed a
vu le jour en mars 2011, dans le but de faire évoluer le pancréas
bioartificiel MAILPAN vers un dispositif médical qualifié pour sa
mise sur le marché », explique Richard BouAoun, manager R&D
de la start-up Defymed, de la dissémination et de l’exploitation
du projet européen BIOSID.
Le projet BIOSID, qui vise aujourd’hui à porter le prototype
jusqu’à la phase clinique chez les patients diabétiques de type 1,
« a pour objectifs de répondre aux besoins des cellules sécrétrices
d’insuline transplantées afin d’améliorer leur espérance de vie
dans le pancréas bioartificiel et de valider ce prototype, associé
aux cellules sécrétrices d’insuline, chez le gros animal puis chez
l’homme », résume Richard BouAoun.
Un dispositif médical combiné
innovant à implanter
Biocompatible et non dégradable, le dispositif entourant les cellules
sécrétrices d’insuline repose sur le développement d’une « mem-
brane semi-perméable faite d’un polymère certifié biocompatible »,
précise Richard BouAoun. Le système fonctionne alors selon le
principe de la diffusion sélective grâce à ses pores autorisant le
passage des molécules jusqu’à 150 kDa : alors que l’oxygène, les
nutriments, le glucose et l’insuline peuvent traverser la membrane
librement, celle-ci est imperméable aux cellules immunitaires et aux
anticorps. Aucun traitement immunosuppresseur
n’est donc nécessaire. Et pour maximiser la bio-
compatibilité du système, réduire l’inflammation
post-opératoire consécutive à l’implantation et
accélérer la vascularisation autour du système, la
membrane est soumise à un traitement de surface
spécifique avant d’être implantée.
« Un système entrée/sortie, matérialisé par des
cathéters, permet le remplissage de la poche de
cellules insulino-sécrétrices qui peuvent être obte-
nues de sources diverses : îlots isolés de donneurs
humains ou porcins, ou cellules génétiquement
modifiées », explique Richard BouAoun. La taille
du pancréas bioartificiel développé pour l’homme
a été calculée en fonction du nombre d’îlots pan-
créatiques nécessaires pour normaliser le taux
de glucose chez un diabétique de type 1 : il faut
compter entre 10 000 et 20 000 îlots pancréatiques par kilogramme
de poids corporel. Le dispositif doit être vidé des cellules mortes
Sept partenaires impliqués dans BIOSID
Pour mener à bien ce projet engendré en 1996, le CeeD et sa société
dérivée Defymed fédèrent cinq autres partenaires (en France, au
Royaume-Uni et en Belgique) dont le rôle dans la validation des
différentes étapes du projet est déterminant :
• Avanticell (PME) est chargé du développement d’un milieu de
culture favorable à la survie et au bon fonctionnement des
cellules transplantées ;
• Endocells (PME) étudie le comportement des cellules génétique-
ment modifiées associées au pancréas bioartificiel ainsi que leur
efficacité et sécurité en phase préclinique ;
• Le Département d’endocrinologie, diabète et nutrition du CHU
de Montpellier conduira une grande partie des études cliniques
chez les patients diabétiques ;
• Le Département des sciences chirurgicales de Nuffield de l’uni-
versité d’Oxford se penchera sur la compréhension des besoins
des cellules injectées dans le pancréas MAILPAN afin d’optimiser
leur survie et leur fonction dans ce dernier. Ce département
approvisionne également le pancréas bioartificiel en îlots pan-
créatiques humains et s’impliquera dans les études cliniques ;
• Le laboratoire de chirurgie expérimentale de l’université catholique
de Louvain interviendra dans la validation des études précliniques
dans le but d’obtenir des grandes instances réglementaires
européennes l’autorisation d’entrée en phase clinique.
Richard BouAoun, manager R&D de la société Defymed,
de la dissémination et de l’exploitation du projet euro-
péen BIOSID.
© CA
Camille Aulas