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L
e diabète insulinodépendant ou de type 1 (DID) se
caracrise par une production insuffisante dinsuline,
imputable à la destruction auto-immune des îlots pan-
créatiques. La maladie, qui exige une administration
quotidienne d’insuline, nest pas la cause directe du décès ; mais
constitue le plus souvent une cause indirecte à travers ses complica-
tions, cardiaques majoritairement. Le nombre de personnes souffrant
d’un diabète de type 1 a été estimé dans le monde à 25 millions
en 2012, dont plus de 300 000 en France. Linsulinothérapie et la
greffe sont actuellement les seuls traitements proposés pour pallier
linsuffisance d’insuline. Malheureusement, le succès de la greffe
pancréatique ou de la transplantation d’îlots de Langerhans est
trop souvent menacé par linsuffisance du nombre de donneurs
ainsi que par la nécessité d’administrer des immunosuppresseurs
à vie, dont les effets secondaires à long terme sont encore large-
ment méconnus.
La Commission européenne
a récemment doté le projet
BIOSID de 5,5 millions d’euros
pour la validation clinique du
pancréas bioartificiel MAILPAN
(Macroencapsulation d’îlots
pancréatiques). Coordonné par
le Centre européen d’étude du
Diabète (CeeD) comme les deux
précédents projets qui ont permis
de mettre au point le prototype,
il s’établira sur 36 mois et fédèrera
sept partenaires originaires de
trois pays difrents. Lobjectif :
offrir aux patients diabétiques
de type 1 une alternative
physiologique aux greffes
pancréatiques humaines, trop
souvent mises en échec par le rejet
immunitaire et par le manque de
donneurs compatibles.
Le pancréas bioartificiel : un traitement
physiologique du diabète de type 1
en phase préclinique
La prochaine génération du prototype de pancréas bioartificiel sera ronde, ce qui permettra d’augmenter
la résistance mécanique du dispositif tout en facilitant le vidage des cellules productrices d’insuline.
Elle permettra aussi de limiter le caractère traumatique des coins du précédent prototype, carré.
© CA
Créé en 1991 par le Pr Michel Pinget, diabétologue de renom, le CeeD est une association de droit local impliquée dans de nombreux partenariats
nationaux et internationaux. Médecins, chercheurs, ingénieurs et techniciens y travaillent sur la prévention, le traitement et la guérison du diabète.
© CA
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16 ans de recherche pour mettre
au point le pancréas bioartificiel
MAILPAN
Lidée du pancréas bioartificiel est simple : remplacer les îlots
pancréatiques détruits chez les diabétiques de type 1 pour res-
taurer la sécrétion d’insuline nécessaire à une bonne régulation
de la glycémie. Lavantage de cette thérapie,
comme dans le cas d’une greffe, réside dans sa
nature 100 % physiologique : la régulation de
la glycémie du patient s’effectue sans aucune
intervention extérieure, ce qui réduit les risques
de complications de la dépendance à linsuli-
nothérapie, et garantit au patient une meilleure
autonomie, et donc une meilleure qualité de vie.
Pour éviter le recours indispensable à un traite-
ment immunosuppresseur, les cellules sécrétrices
dinsuline, au lieu dêtre greffées telles quelles,
sont transplantées entourées d’une enveloppe
immunoprotectrice. La conception de cette
poche protectrice a été confiée à Defymed, PME
française spin-off du CeeD, spécialisée dans la
conception et le développement de dispositifs
médicaux bioartificiels innovants.
16 années de recherche ont été nécessaires pour valider les multiples
étapes technologiques du dispositif au travers de deux premiers
programmes européens, également pilotés par le CeeD et financés
par la Commission européenne.
Le premier, le projet BARP (1996-2000), a permis la validation
du système d’immunoprotection des îlots par encapsulation via
une membrane artificielle à diffusion sélective. Le projet BARP+
(2004-2007) a par la suite permis de valider les matériaux du dis-
positif, sa biocompatibilité et son efficacité chez le petit animal
(rat) comme chez le gros animal (porc). « La start-up Defymed a
vu le jour en mars 2011, dans le but de faire évoluer le pancréas
bioartificiel MAILPAN vers un dispositif médical qualifié pour sa
mise sur le marché », explique Richard BouAoun, manager R&D
de la start-up Defymed, de la dissémination et de lexploitation
du projet européen BIOSID.
Le projet BIOSID, qui vise aujourd’hui à porter le prototype
jusqu’à la phase clinique chez les patients diabétiques de type 1,
« a pour objectifs de répondre aux besoins des cellules sécrétrices
d’insuline transplantées afin d’améliorer leur espérance de vie
dans le pancréas bioartificiel et de valider ce prototype, associé
aux cellules sécrétrices d’insuline, chez le gros animal puis chez
l’homme », résume Richard BouAoun.
Un dispositif médical combiné
innovant à implanter
Biocompatible et non dégradable, le dispositif entourant les cellules
sécrétrices d’insuline repose sur le développement d’une « mem-
brane semi-perable faite d’un polymère certifié biocompatible »,
précise Richard BouAoun. Le système fonctionne alors selon le
principe de la diffusion sélective grâce à ses pores autorisant le
passage des molécules jusqu’à 150 kDa : alors que loxygène, les
nutriments, le glucose et l’insuline peuvent traverser la membrane
librement, celle-ci est imperméable aux cellules immunitaires et aux
anticorps. Aucun traitement immunosuppresseur
nest donc nécessaire. Et pour maximiser la bio-
compatibilité du système, réduire l’inflammation
post-opératoire consécutive à limplantation et
accélérer la vascularisation autour du système, la
membrane est soumise à un traitement de surface
spécifique avant dêtre implantée.
« Un système entrée/sortie, matérialisé par des
cathéters, permet le remplissage de la poche de
cellules insulino-sécrétrices qui peuvent être obte-
nues de sources diverses : îlots isolés de donneurs
humains ou porcins, ou cellules génétiquement
modifiées », explique Richard BouAoun. La taille
du pancréas bioartificiel développé pour l’homme
a été calculée en fonction du nombre d’îlots pan-
créatiques nécessaires pour normaliser le taux
de glucose chez un diabétique de type 1 : il faut
compter entre 10 000 et 20 000 îlots pancréatiques par kilogramme
de poids corporel. Le dispositif doit être vidé des cellules mortes
Sept partenaires impliqués dans BIOSID
Pour mener à bien ce projet engendré en 1996, le CeeD et sa socié
dérivée Defymed fédèrent cinq autres partenaires (en France, au
Royaume-Uni et en Belgique) dont le rôle dans la validation des
différentes étapes du projet est déterminant :
Avanticell (PME) est chargé du développement d’un milieu de
culture favorable à la survie et au bon fonctionnement des
cellules transplantées ;
Endocells (PME) étudie le comportement des cellules génétique-
ment modifiées associées au pancréas bioartificiel ainsi que leur
efficacité et sécurité en phase préclinique ;
Le Département d’endocrinologie, diabète et nutrition du CHU
de Montpellier conduira une grande partie des études cliniques
chez les patients diabétiques ;
Le Département des sciences chirurgicales de Nuffield de l’uni-
versité d’Oxford se penchera sur la compréhension des besoins
des cellules injectées dans le pancréas MAILPAN afin d’optimiser
leur survie et leur fonction dans ce dernier. Ce département
approvisionne également le pancréas bioartificiel en îlots pan-
créatiques humains et s’impliquera dans les études cliniques ;
Le laboratoire de chirurgie expérimentale de l’université catholique
de Louvain interviendra dans la validation des études précliniques
dans le but d’obtenir des grandes instances glementaires
européennes l’autorisation d’entrée en phase clinique.
Richard BouAoun, manager R&D de la société Defymed,
de la dissémination et de l’exploitation du projet euro-
péen BIOSID.
© CA
Camille Aulas
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suite à un manque d’oxygène ou de nutriments, tous les deux à six
mois selon lorigine des îlots, rincé, puis rempli avec de nouvelles
cellules par simple injection sous-cutanée dans les chambres reliées
aux cathéters. « Nous devons encore optimiser l’environnement
que la poche offre aux cellules pour augmenter leur survie au-delà
de six mois et garantir leur bon fonctionnement, expose Richard
BouAoun. Nous travaillons notamment sur la formulation d’un
milieu de culture innovant comprenant des molécules bénéfiques
pour la survie des îlots ».
Chez le gros animal, le prototype est
implanté près de la cavité abdominale,
les chambres étant placées sous la peau
pour un remplissage post-opératoire de la
poche plus facile. Il faut attendre quelques
semaines pour maximiser la vasculari-
sation autour de la poche et pour que la
réaction inflammatoire soit résorbée avant
dinjecter les îlots dans la poche. Reste à
savoir si le site dimplantation choisi chez
le gros animal est adaptable à l’homme ;
ces études sont en cours.
Vers les phases
cliniques en 2015
Léquipe a jusqu’à 2016 pour finaliser
la première phase clinique. « Létude
de la biocompatibilité a d’ores et dé
débuté chez le primate ; la prochaine
étape sera le remplissage du dispositif
par des cellules insulino-sécrétrices, probablement fin 2013 »,
rapporte Richard BouAoun. Des îlots porcins seront d’abord
transplantés, la même expérience sera ensuite tentée avec des
îlots humains, puis avec des cellules génétiquement modifiées.
Dici 2015, lefficacité du pancréas bioartificiel sur la régulation
glycémique devra avoir été démontrée chez le primate, préala-
blement rendu diabétique via un traitement à la streptozotocine.
La validation des phases précliniques permettra dans un second
temps de rentrer en phase clinique chez
l’homme. Seize patients diabétiques
seront suivis sur une durée d’un an
minimum, dont douze à Montpellier et
quatre à Oxford, et la biocompatibilité
du système, tout comme son effica-
cité sur la régulation de la glycémie,
devront être démontrées.
Parallèlement, le dispositif médical
devra obtenir un marquage CE, gage
de sa sécurité et de son efficacité et
condition sine qua non de sa mise
sur le marché. Defymed est chargé
de gérer laspect réglementaire rela-
tif à la poche immunoprotectrice.
« Mais le pancréas bioartificiel dans
sa globalité comprend aussi les cel-
lules transplantées dans la poche, qui
relèvent elles du cadre réglementaire
des médicaments », nuance Richard
BouAoun. Les étapes réglementaires à valider pour la mise sur
le marché de ce dispositif médical combiné à un type cellulaire,
sont donc doubles.
Les autres projets de recherche
fondamentale du CeeD
Outre son implication dans le pancréas bioartificiel MAIL-
PAN, le CeeD est engagé dans le projet « Vectorisation
de médicaments ». Ce projet ambitionne de permettre
aux diabétiques une administration orale d’insuline
lente grâce à une double encapsulation protégeant
la molécule d’intérêt des sucs digestifs durant son
trajet jusqu’à l’intestin, où elle sera absorbée sous
la forme de nanoparticules.
Autre exemple : le projet « Antioxydants et préven-
tion du diabète » vise à sélectionner des aliments
à propriétés anti-oxydantes intéressantes dans la
prévention du diabète de type 2 et de ses compli-
cations. Lambition est ici d’élaborer une stratégie
nutritionnelle préventive et d’accompagner des
traitements actuellement proposés aux patients
diabétiques.
Jordan Magisson, assistant ingénieur R&D chez Defymed, met en culture une portion d’insulinome
humain, tumeur endocrine responsable d’une sécrétion inappropriée d’insuline, afin d’isoler les cellules
susceptibles de sécréter de l’insuline en continu.
Defymed est chargée de la conception du pancréas bioartificiel et de son adaptation aux modèles
utilisés : animaux ou humain. Avant de rentrer en étude préclinique sur le gros animal, des études de
preuves de concept ont été menées sur le petit animal afin de réduire le nombre d’individus néces-
saires pour l’étude préclinique, une réponse aux exigences éthiques sur l’expérimentation animale.
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