Améliorer la communication
en matière de santé :
l’expérience allemande
`Susan Woods-Büggeln
>>
La récente euphorie sur les effets positifs des mesures
préventives sur les personnes atteintes de tolérance
abaissée au glucose ou de diabète de type 2 est
rarement reflétée dans l'expérience des professionnels
de la santé qui travaillent avec des personnes atteintes
de diabète. Malgré les efforts pour conseiller et
informer, peu de changements durables sont perçus
dans les comportements vis-à-vis des soins de santé.
Nombreux sont les professionnels qui mentionnent des
sentiments de frustration et de colère. Ils qualifient
souvent les personnes dont ils s'occupent de 'difficiles'.
De nombreux prestataires de soins présentent des
symptômes d'épuisement ; leurs tentatives initiales pour
aider cèdent la place à la résignation et la distance
émotionnelle. Afin de comprendre ce phénomène, Susan
Woods-Büggeln se penche sur le processus de
communication entre les professionnels de la santé et
les personnes atteintes de diabète de type 2.
La première voie de traitement au
moment du diagnostic du diabète
de type 2 est la réduction de poids
et une plus grande activité physique.
Cela implique un changement de
comportement qui risque d'interférer
avec le style vie d'une personne.
Cette personne est probablement
d'un âge moyen et ses décisions
sont susceptibles d'être influencées
par un certain nombre de
caractéristiques psychosociales.
Changements de comportement
Les personnes d'âge moyen se
comportent probablement de la
même façon depuis plusieurs années,
voire plusieurs décennies. Leurs choix
comportementaux sont basés sur des
décisions prises il y a longtemps et
qui sont à présent bien ancrées. Les
personnes d'âge moyen qui n'ont
pas de schémas de style de vie aux
niveaux des relations, des habitudes
et du travail sont atypiques et
souffrent probablement de
problèmes psychosociaux.
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>>
Optimaliser les soins
Juin 2004 Volume 49 Numéro spécial
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Sur base de cette observation, la
conviction que les personnes d'âge
moyen ont la capacité et la volonté de
changer des aspects importants de leur
style de vie est totalement infondée.
La modification vers un nouveau
comportement stable implique un
processus psychologique extrêmement
complexe. Les comportements
spontanés, comme le fait de manger
dans un fast-food lors d'une journée de
shopping, doivent être consciemment
remplacés par d'autres comportements
- acheter, préparer et manger un repas
sain avant de partir par exemple. Cela
signifie souvent une perte de confort.
La conviction selon
laquelle les personnes
d'âge moyen peuvent
facilement modifier leur
style de vie est
infondée.
Réseau social stable
La plupart des gens évolue dans un
contexte social ; leur comportement
est influencé par les réactions d'amis,
de collègues et de membres de la
famille. Un comportement prévisible
provoquera des réactions largement
prévisibles ; un comportement
inhabituel peut provoquer l'irritation.
Afin d'effectuer un changement efficace
et stable, un individu a besoin de la
capacité non seulement d'accepter une
perte à long terme de facteurs positifs,
mais aussi d'y parvenir malgré la
résistance de son environnement
social. Cela implique un certain niveau
de compétence sociale.
Absence de symptômes
Un des précurseurs du changement
comportemental est la perception
d'une contradiction entre comment les
choses sont en réalité et comment
elles devraient être. Un autre
précurseur est la conviction que cette
contradiction est subjectivement
importante. Chez les personnes
atteintes de diabète de type 2, les
symptômes ne sont pas apparents
ou à peine perceptibles. Soit parce
qu'ils apparaissent d'une façon très
progressive soit parce qu'ils peuvent
être attribués à d'autres phénomènes.
Une baisse des niveaux d'énergie et
de libido ainsi qu'une perte progressive
de la capacité à profiter de la vie sont
souvent attribuées au processus
général de vieillissement plutôt qu'à
la présence d'une maladie non
diagnostiquée.
Déficit d'informations
Lorsque les médicaments ne sont
plus suffisants, un passage à
l'insulinothérapie peut être la seule
voie raisonnable du point de vue du
professionnel de la santé.Toutefois,
pour la personne concernée, cette
recommandation peut être vécue
comme un rappel que sa condition
est chronique et être interprétée
comme un signe que son diabète
empire. La personne atteinte de
diabète peut croire, à tort, que ceux
qui s'injectent de l'insuline souffrent
de davantage de complications que
ceux qui prennent seulement des
médicaments. Par conséquent, la
recommandation du médecin peut
déclencher des sentiments de peur
et de tristesse.
Les personnes atteintes de diabète
sont souvent en colère et frustrer
de ne pas avoir été 'guéries'
alors qu'elles ont suivi les
recommandations initiales. Il
est également courant pour ces
personnes d'éviter passivement toute
nouvelle communication ; la personne
accepte l'insulinothérapie mais ne suit
en fait pas les recommandations.
Co-morbidité
Au moment du diagnostic, une
majorité des personnes atteintes de
diabète de type 2 ont des problèmes
de type macrovasculaire. La maladie
cardiaque fait psychologiquement très
peur. En comparaison, des taux de
glycémie élevés ne semblent pas
aussi menaçants parce qu'ils ne
représentent qu'un élément d'une
série de paramètres de laboratoire,
comme les taux de cholestérol, de
triglycérides et la pression artérielle.
De nombreuses recommandations
thérapeutiques sont données pour
différentes conditions médicales. Les
recommandations plus étroitement
associées à des complications
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Optimaliser les soins
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()
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mortelles aiguës et plus faciles à
appliquer sont plus susceptibles d'être
prises en compte prioritairement.
Attentes par rapport au rôle traditionnel
Le traitement du diabète de type 2 se
déroule dans le cadre d'une relation
qui a jusqu'ici été définie par les règles
de la médecine d'urgence. Dans le
modèle traditionnel 'patient –
prestataire de soins', la personne
atteinte de diabète
manifeste les symptômes
applique le traitement sur une
période limitée
affiche une réaction émotionnelle
positive lorsque les symptômes
diminuent.
Le professionnel de la santé
pose un diagnostic
propose une recommandation
de traitement
affiche une réaction émotionnelle
positive lorsque la personne atteinte
de diabète manifeste de la gratitude.
Dans ce modèle, l'objectif du
traitement est de sauver ou de
guérir ; le succès est défini par une
absence de symptômes.Après un
traitement réussi, le 'patient' et le
'prestataire de soins' reprennent
chacun leur chemin.
Malgré la simplification excessive,
c'est ce type d'attente qui peut
provoquer l'irritation et la déception
mutuelle dans la gestion d'une condition
médicale chronique. Chez les personnes
atteintes de diabète de type 2, les soins
impliquent des intrusions permanentes
dans leur vie. Le professionnel de
la santé ne peut pas guérir et la
personne atteinte de diabète ne
réussit souvent à intégrer qu'une
partie des recommandations.
L'irritation et la
déception mutuelles
peuvent entraîner une
mauvaise communication
et le contournement
des questions
fondamentales.
Une irritation et une déception
mutuelles peuvent apparaître si les
deux parties se raccrochent au modèle
traditionnel. Celles-ci peuvent entraîner
une mauvaise communication et le
contournement des questions
fondamentales.
Un modèle dysfonctionnel
Lors de la prise en charge des
personnes atteintes de diabète de
type 2, les prestataires de soins
travaillent sur base de suppositions
dysfonctionnelles concernant le
changement de comportement et
le processus de motivation. Ces
suppositions sont non seulement
inefficaces, mais elles aliènent la
personne qui se trouve au coeur
des soins.
Généralement, les professionnels de
la santé sont également incapables de
combiner leurs convictions humanistes
et leurs objectifs médicaux. Ils
parviennent souvent à communiquer
avec empathie avec les personnes
atteintes de diabète jusqu'au moment
où ils commencent à parler du
traitement. Ces professionnels de
la santé sont généralement des gens
bienveillants et très motivés ; leur
objectif est de rendre les personnes
atteintes de diabète capables de gérer
leur condition.Toutefois, ils sont
souvent frustrés et perplexes par >>
Les prestataires de soins
analysent les situations
difficiles au sein d'un
atelier interactif.
Optimaliser les soins
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rapport à leurs propres difficultés à
communiquer efficacement avec les
personnes qu'ils veulent aider.
Les étapes pratiques
Pour résoudre les problèmes
particuliers auxquels sont confrontés
les professionnels de la santé dans
leurs relations avec les personnes
atteintes de diabète de type 2, un
atelier interactif (NovoAkademie) a
été créé par Hansruedi Stahl de
Novo Nordisk Europe, en collaboration
avec un comité consultatif d'experts.
Pendant deux jours, les participants,
notamment des diabétologues, des
infirmières spécialisées en diabète
et des généralistes, travaillent avec
des spécialistes en diabétologie, en
psychologie et en communication
sur les problèmes pratiques qu'ils
rencontrent dans le cadre de leur
travail.Afin de comprendre les
obstacles au traitement du point de vue
de la personne, les résultats de l'étude
DAWN (Diabetes Attitudes,Wishes and
Needs) sont présentés et la situation
psychosociale spécifique des personnes
atteintes de diabète est examinée.
Les situations particulièrement difficiles
sont analysées par le biais de jeux de
rôle. Ce n'est qu'après s'être soumis
à un processus de changement
émotionnel que les participants
peuvent mettre en pratique des
stratégies de communication plus
efficaces. Ces activités incluent des
éléments communs à la plupart des
jeux de rôle incluant :
L'empathie
En endossant le rôle de la personne
atteinte de diabète et de ses difficultés,
le professionnel de la santé arrive à
partager ses émotions et sentiments
avec cette personne. Par le biais de
l'observation, les autres membres du
groupe apprennent à comprendre les
personnes atteintes de diabète.
Le soutien du groupe
Les autres participants essaient
différentes approches pour
communiquer avec la personne atteinte
de diabète. Soutenus par cette approche
de groupe, les professionnels de la santé
sont souvent soulagés de leur propre
sentiment de médiocrité. Ce processus
devrait réduire l'auto-évaluation
négative et la colère qui en découle.
Par l'observation, les
membres du groupe
apprennent à
comprendre les
personnes atteintes
de diabète.
La réflexion
La formation donne aux participants
une opportunité de remettre en
question leurs suppositions
dysfonctionnelles existantes et
facilite la génération d'alternatives
plus réalistes.
La pratique
Des stratégies de communication plus
efficaces sont développées et mises
en pratique. Les prestataires de
soins élargissent leur répertoire
comportemental afin de gérer les
situations difficiles, ce qui réduit les
émotions négatives et permet une
approche plus créative, détendue.
Les éléments énumérés ci-dessus sont
susceptibles de réduire les barrières
émotionnelles à un traitement efficace
de la part des prestataires de
soins de santé.
Dans le cadre du programme
DAWN de Novo Nordisk Europe,
la NovoAkademie propose, tout au
long de l'année, des ateliers pour
les professionnels de la santé.
Des séminaires avancés pour les
participants précédents sont en
cours de développement. Bien que
les commentaires soient très positifs,
une évaluation des effets à long terme
est nécessaire.
`Susan Woods-Büggeln
Susan Woods-Büggeln est psychologue
clinique agréée qualifiée en
psychothérapie en Allemagne et en
psychologie clinique au Royaume-Uni
(British Psychological Society). Elle
travaille au Département du diabète du
Bethanien Hospital et dans un service
de consultations externes spécialisé
dans le diabète à Hambourg, Allemagne.
Elle est Vice-présidente du Groupe de
travail sur la psychologie et la médecine
comportementale de l'Association
allemande du diabète.
Remerciements
L'auteur remercie le spécialiste en
communications Hansruedi Stahl, Business
Development Director, Europe Centrale, Novo
Nordisk. Hansruedi Stahl a fondé la
NovoAkademie et est responsable de la
gestion du centre et de l'organisation des
ateliers en collaboration avec le comité
consultatif d'experts.
Optimaliser les soins
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