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Traitements anticancéreux oraux des tumeurs solides (2e partie)*
OBJECTIFS D’APPRENTISSAGE :
1. Être en mesure de prendre en charge les eets indésirables liés à la chimiothérapie per os dans le traitement
des tumeurs solides et d’en faire le suivi.
2. Identier les molécules utilisées dans le traitement du cancer du sein, du cancer colorectal et du cancer rénal.
3. Comprendre le rôle du pharmacien dans l’adhésion au traitement.
Le nombre de cas de cancer diagnostiqués au
Canada augmente chaque année notamment à
cause du vieillissement de la population. Les
nouveaux traitements commercialisés sont de
plus en plus orientés vers une chimiothérapie et
des traitements à domicile qui comportent plu-
sieurs avantages pour le patient.
Cancer du sein
Cette forme de cancer est la plus commune chez
la femme, tant à l’échelle canadienne que mon-
diale, et est la deuxième cause de mortalité liée au
cancer chez la femme1. On prévoit quune femme
sur neuf recevra un diagnostic de cancer du sein
dans sa vie. Lâge, l’histoire familiale de cancer du
sein, lexposition à lœstrogène endogène
(période entre la ménarche et la ménopause) et la
mutation du gène BRCA1/BRAC2 sont les fac-
teurs de risque les plus importants. Une majorité
des femmes aura un cancer localisé au diagnostic
puisquelles consulteront lors de la détection
dune masse non douloureuse (généralement
unilatérale, solide, irrégulière et non mobile). Le
cancer du sein se conrme par une biopsie et un
bilan dextension. Il se divise en plusieurs types
histologiques : carcinome lobulaire invasif (15%),
carcinome canalaire invasif (70%) ou autres
(15%). Lanalyse de la biopsie est nécessaire pour
identier la présence ou labsence de récepteurs
œstrogéniques, de récepteurs progestatifs et du
facteur de croissance épithélial humain (HER-2).
La présence de récepteurs œstrogéniques permet
dintroduire une thérapie anti-œstrogène
(tamoxifène, létrozole, exémestane, anastro-
zole)2. La surexpression du HER-2, présente dans
20 % à 25% des cancers du sein, accroît la crois-
sance cellulaire, la diérenciation et la survie des
cellules tumorales. Ces cancers sont plus agressifs
et ont un pronostic défavorable. Lajout de tras-
tuzumab (HerceptinMD) dans les lignes de trai-
tement a permis dobtenir une survie semblable
à celle des patients dont la tumeur n’exprimait
pas le HER-2.
Le cancer du sein de stade I ou II se traite sur-
tout par chirurgie grâce à une tumorectomie ou
à une lobectomie partielle ou complète selon la
grosseur de la masse, avec ou sans résection des
ganglions axillaires. Si des ganglions lymphati-
ques sont atteints, la radiothérapie et/ou la
chimiothérapie adjuvante sera proposée. Selon
les facteurs de risque de récurrence, les inhibi-
teurs de lœstrogène peuvent être proposés aux
patientes ayant des récepteurs œstrogènes posi-
tifs. Au stade III, il y a souvent chimiothérapie
avant la chirurgie pour réduire la grosseur de la
tumeur et faciliter la chirurgie subséquente. Le
traitement du cancer du sein métastatique
repose essentiellement sur une chimiothérapie
palliative permettant d’améliorer les symptô-
mes, de retarder la progression de la maladie et
daugmenter la qualité de vie. À ce stade, le taux
de survie n’est que de 15% à cinq ans, doù la
nécessité de nouvelles stratégies thérapeutiques3.
Lapatinib (TykerbMD)
Le lapatinib est un inhibiteur des tyrosines kina-
ses (ITK) oral double ciblant le récepteur de
croissance épithélial EGFR1 (HER1) et HER2.
En se liant compétitivement au site de liaison, la
molécule arrête le cycle cellulaire et accroît lacti-
vité apoptotique. Le lapatinib est pris oralement,
cause moins de cardiotoxicité et pénètre mieux le
système nerveux central que le trastuzumab3.
Cependant, son ecacité clinique serait moin-
dre4. Dans le cas du cancer du sein métastatique
HER-2 positif, son utilisation se limite aux
patientes ayant progressé ou ne pouvant tolérer
un traitement d’anthracycline, de taxane et de
trastuzumab. Dans cette population, lassocia-
tion entre le lapatinib (1250 mg DIE) et la capéci-
tabine a démontré une stabilisation de la maladie
supérieure à la capécitabine seule et sans plus
deffets indésirables graves5. L’association du
lapatinib (1500mg DIE) et du létrozole a démon-
tré des bénéces semblables en comparaison avec
le létrozole seul, avec une hausse des diarrhées de
grade III6. Le lapatinib se lie à un endroit diérent
du site de liaison du trastuzumab et pourrait
contrecarrer la résistance potentielle à cette der-
nière molécule. Leet additif ou synergique entre
les deux molécules a été évalué chez des patientes
atteintes du cancer du sein métastatique HER-2
positif. Que ce soit en première intention ou à la
suite d’un échec du trastuzumab, la combinaison
de lapatinib et de trastuzumab semble avoir un
impact positif sur le taux de réponse et la survie
globale sans causer plus de problèmes cardia-
ques7-9. À ce jour, cette utilisation ne devrait avoir
lieu qu’en contexte détude clinique.
Le lapatinib est une molécule très bien tolérée
qui cause très peu deffets cardiaques à long
terme par rapport au trastuzumab. Par pru-
dence, on suggère un suivi de la fraction déjec-
tion du ventricule gauche avant le début et pen-
dant le traitement tous les trois à six mois. Le
lapatinib allonge le QT de façon modeste et un
eet cumulatif avec d’autres agents prolongeant
le QT est possible. Un électrocardiogramme
(ECG) au départ et pendant le traitement est
nécessaire chez les patients à risque (problème de
conduction cardiaque, âge ≥ 65 ans, etc.) prenant
plusieurs médicaments allongeant le QT. Les
autres eets indésirables les plus fréquents sont
les pages
bleues
Texte rédigé par Jean-Philippe Adam,
B. Pharm., M. Sc., pharmacien
à l’Hôpital Notre-Dame du CHUM.
Texte original soumis
le 25 octobre 2012.
Texte nal soumis
le 6 décembre 2012.
Révision : Nathalie Letarte, B.Pharm., M.Sc., DESG, BCOP,
pharmacienne en oncologie, département de pharmacie
du CHUM, et professeure adjointe de clinique à la
Faculté de pharmacie de l’Université de Montréal,
et Stéphanie Biron, B. Pharm., Distribution Pharmaplus Inc.
Présentation du patient 1
Gilberte Genest, 68 ans, se présente à votre
pharmacie avec une ordonnance de lapatinib
1250 mg DIE et de capécitabine 800 mg BID
(pour une surface corporelle de 1,60 m2) en
continu. Vous apprenez quelle est atteinte
d’un cancer du sein métastatique HER-2 posi-
tif réfractaire à plusieurs lignes de chimiothé-
rapie intraveineuse, dont le trastuzumab. Elle
craint beaucoup de sourir de nausées et de
vomissements puisqu’elle a expérimenté cet
eet indésirable avec un traitement antérieur.
À son dossier, il est inscrit quelle prend régu-
lièrement de l’ASA 80 mg DIE, de l’atorvasta-
tine 20 mg DIE, du diltiazem CD 240 mg DIE,
HCTZ 12,5 mg DIE et du ramipril 5 mg DIE.
Puisquil y a plusieurs interventions cliniques à
faire, vous décidez de joindre son médecin.
L’auteur et les réviseures scientiques ne déclarent aucun conit d’intérêts lié à la rédaction de cet article.
* La première partie de cet article a été publiée
dans le numéro de novembre 2012.
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I Doses, indications et ajustements de médicaments en oncologie10,16,34,48
Nom Posologie Indication Santé Canada Ajustement Ajustement Ajustement si
IRC IH
eets indésirables
Sunitinib 50 mg DIE x 4 sem. q 6 sem. 1re intention cancer RCC métastatique 37,5 mg puis
2e intention si GIST résistant à l’imatinib 25 mg
37,5 mg DIE en continu 1re intention cancer pancréas à cellules 25 mg puis
neuroendocrines de stade IV 12,5 mg
Éverolimus 10 mg DIE 2e intention cancer RCC après échec ITK Child-Pugh A : 7,5 mg puis
7,5 mg DIE 5 mg puis
2e intention cancer du sein Child-Pugh B : 2,5 mg
hormonopositif après échec des inhibiteurs 5,0 mg DIE
de l’aromatase non stéroïdiens
Pazopanib 800 mg DIE en continu 1re intention cancer RCC métastatique 200 mg 400 mg puis
2e intention cancer RCC métastatique selon bilirubine 200 mg
après échec d’une cytokine
Axitinib 5 mg BID en continu, possibilité 2e intention cancer RCC métastatique Child-Pugh B : 3 mg BID puis
dose à 7 mg BID puis 10 mg BID 2 ou 3 mg BID 2 mg BID
Lapatinib 1250 mg DIE avec capécitabine 1re ou 2e intention cancer du sein Child-Pugh C : dose de 250 mg
1500 mg DIE avec inh. aromatase stade IV HER2 + en association si la 750/1000 mg puis de 500 mg
patiente ne peut recevoir trastuzumab
Capécitabine
1250 mg/m2 BID jr 1-14 aux 21 jrs 2e intention cancer du sein stade III/IV 30-50 : à 75 % 25% dose puis
Traitement cancer colorectal stade III/IV < 30 : Éviter 50% dose
Légende : jr = jour; sem = semaine; inh. = inhibiteur; GIST = tumeurs stromales gastro-intestinales; cancer RCC = cancer du rein à cellules claires.
les diarrhées, une augmentation de la bilirubine
et des enzymes AST/ALT10. Les diarrhées impor-
tantes doivent être prises en charge par un rem-
placement liquidien et l’ajout de lopéramide
(selon la posologie habituelle). Le lapatinib doit
être pris à jeun une heure avant ou deux heures
après un repas car, comme les autres ITK, son
absorption est augmentée avec les repas riches en
gras. Son métabolisme passe principalement via
les CYP3A4 et 3A5 et, de façon mineure, au 2C19
et 2C8. La présence d’inhibiteurs du CYP3A4
augmente de 1,7 à 3,6 fois les concentrations de
lapatinib. Si cette association ne peut être évitée,
le lapatinib devrait être diminué d’emblée à
500 mg DIE. En présence dinducteurs du
CYP3A4, le lapatinib pourrait être titré à la
hausse selon la tolérance du patient. Dans les cas
deets indésirables graves, la dose de lapatinib
peut être réévaluée à la baisse par paliers de 250 à
500 mg (voir I ). Une demande de médica-
ment dexception doit être faite an que le médi-
cament soit remboursé par le Régime général
d’assurancedicaments (RGAM).
Cancer colorectal
Le cancer colorectal représente 12,5% des nou-
veaux cancers au Canada et atteint des patients
de 72 ans d’âge moyen au diagnostic1. Il s’agit du
deuxième cancer le plus mortel chez lhomme et
le troisième chez la femme. On prévoit quun
Canadien sur 14 recevra ce diagnostic dans sa
vie. Le taux de survie à cinq ans est denviron
65% tous stades confondus. Les facteurs de ris-
que incluent lâge (≥ 65 ans), lhistoire familiale,
les polypes et les maladies inflammatoires de
lintestin. Les facteurs diminuant le risque de
cancer du côlon, eux, incluraient une alimenta-
tion saine et riche en bres et en fruits et légu-
mes, la cessation tabagique, la réduction de la
consommation dalcool et lexercice physique.
Les signes et symptômes du cancer colorectal
sont un changement dans les habitudes de défé-
cation, du sang dans les selles, des douleurs
abdominales, une faiblesse générale et une perte
de poids. Ceux-ci sont habituellement absents
aux stades précoces de la maladie et varient selon
le site de la tumeur. Le diagnostic est conrmé
par une colonoscopie, une biopsie de la masse et
une tomodensitométrie de labdomen.
Aux stades I et II, la colectomie totale ou par-
tielle avec la résection des ganglions lymphati-
ques s’avère la meilleure option de traitement
étant donné sa visée curative. Au stade III, une
chirurgie suivie dune chimiothérapie à base de
capécitabine (XelodaMD), de 5-fluorouracile
(5-FU) ou une association de 5-FU et doxalipla-
tine (protocole FOLFOX) sera utilisée en traite-
ment dit « adjuvant » pour réduire le risque de
récidive. Au stade métastatique, la chirurgie pal-
liative peut augmenter la qualité de vie et dimi-
les pages
bleues
Patient 1 (suite)
Après discussion avec le médecin de
Mme Genest, vous convenez de diminuer
le lapatinib à 500 mg DIE à cause de
l’interaction avec le diltiazem au niveau
du CYP 3A4 et de changer la posologie de
la capécitabine pour 800 mg BID, 14 jours
sur 21 jours. Vous rassurez la patiente en lui
disant que les nausées et les vomissements
ne devraient pas survenir étant donné le
risque émétique très faible des deux agents.
Comme les diarrhées peuvent aecter près
de la moitié des patients, vous lui suggérez
de se procurer du lopéramide et vous lui
donnez les conseils d’usage.
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II Formats, coûts et statuts RGAM des médicaments cytotoxiques
Nom de Nom commercial Compagnie Formats disponibles Coût pour un cycle ($) RGAM
la molécule
novatrice
chez AmerisourceBergen
Sunitinib SutentMD Pzer Capsules 12,5 mg, 50 mg DIE (42 jrs) : ≈ 7112 $
Médicament d’exception
25 mg et 50 mg 25 mg DIE (42 jrs) : ≈ 3575 $
Éverolimus AnitorMD Novartis Comprimés de 10 mg 10 mg DIE (42 jrs) : ≈ 7860 $
Médicament d’exception
Comprimés de 2,5 mg et 5 mg 2,5-5 mg DIE (42 jrs) : ≈ 8320 $ Patient d’exception
Pazopanib VotrientMD GlaxoSmithKline Comprimés 200 mg 800 mg DIE (42 jrs) : ≈ 6620 $
Médicament d’exception
Axitinib InlytaMD Pzer Comprimés de 1 mg et 5 mg Prix non disponible*
En évaluation par l’INESSS
(février 2013)
Lapatinib TykerbMD GlaxoSmithKline Comprimés 250 mg 1500 mg DIE (28 jrs) ≈ 3290 $
Médicament d’exception
Capécitabine
XelodaMD
Homann-La Roche
Comprimés
1000 mg/m2 BID (21 jrs) : ≈ 629 $* Médicament d’exception
150 mg et 500 mg 1250 mg/m
2
BID (21 jrs) : ≈ 774 $*
* Coût calculé pour un patient avec une surface corporelle moyenne de 1,73 m2
nuer lobstruction et les saignements selon les
structures touchées par le cancer. Les chimio-
thérapies intraveineuses combinant le 5-FU et
loxaliplatine (FOLFOX) ou lirinotécan (proto-
cole FOLFIRI) et le bévacizumab (AvastinMD)
sont employées afin daméliorer la survie et la
qualité de vie.
Capécitabine (Xeloda)
Le 5-FU est un analogue uoré de luracile, syn-
thétisé en 1957. Son inclusion dans lARN (acide
ribonucléide) et lADN lors de la réplication et de la
réparation crée une instabilité entraînant la mort
cellulaire. Cet antimétabolite est connu pour son
activité contre une grande variété de cancers (colo-
rectal, gastrique, œsophage et sein). Il doit être
administré par voie intraveineuse, souvent en per-
fusion continue, en raison de son absorption gas-
tro-intestinale variable et de sa dégradation rapide.
La capécitabine est un promédicament qui, après
son absorption, est convertie en 5-FU par trois
réactions enzymatiques séquentielles
11
. La der-
nière enzyme, la thymidine phosphorylase (TP),
semble être présente à des niveaux disproportion-
nés dans les cellules cancéreuses, générant ainsi
une quantité plus importante de l’agent oncologi-
que au site de la tumeur
12,13
. Cette pharmacoci-
tique particulière permet à la capécitabine de
mimer une perfusion continue de 5-FU an dévi-
ter linstallation dune voie centrale et l’emploi
dune pompe à perfusion.
La capécitabine est de plus en plus utilisée dans
le cancer colorectal, particulièrement dans trois
contextes : en traitement adjuvant (stade pré-
coce), en association avec dautres agents ou en
monothérapie au stade III/IV11. La littérature
médicale est plus robuste lorsqu’il est question
de lutiliser en monothérapie ou en association
avec de loxaliplatine dans les cas de cancer colo-
rectal avancé ou métastatique14. Une méta-ana-
lyse comprenant 22études randomisées n’a pas
démontré un avantage signicatif pour la survie
lorsque la capécitabine était comparée au 5-FU15.
À toutes ns utiles, la capécitabine demeure une
solution de rechange plus coûteuse que le 5-FU.
En association avec dautres agents, la dose de
capécitabine peut être débutée à une dose réduite
de 850 à 1000 mg/m2 BID an de diminuer les
toxicités possibles16. En monothérapie, une dose
initiale de 1000-1250 mg/m2 BID peut être utili-
sée17. Avec la radiothérapie, la dose maximale est
de 850 mg/m2 BID puisque le 5-FU est radiosen-
sibilisant. Dans les cancers gastriques ou de
lœsophage en stade III/IV, certaines études sou-
tiennent l’utilisation de la capécitabine en rem-
placement du 5-FU en première intention18.
Dans le traitement du cancer du sein métastati-
que, la capécitabine a démontré une bonne e-
cacité chez les patientes ne pouvant recevoir de
chimiothérapie intraveineuse19. En situation cli-
nique, la capécitabine est surtout utilisée en
deuxième ou troisième intention en monothéra-
pie après un échec des régimes contenant une
taxane (docétaxel ou paclitaxel) et une anthracy-
cline (épirubicine ou doxorubicine). Dans le cas
des cancers HER-2 positifs, la capécitabine peut
être associée au lapatinib (voir section « Cancer
du rein ») ou au trastuzumab.
La capécitabine présente un prol de toxicité
différent du 5-FU et cause plus de syndromes
palmo-plantaires, de diarrhées et de stomatites.
Lincidence des problèmes hématologiques
dépend principalement des agents oncologiques
avec lesquels elle peut être associée. La majorité
de ces eets sont liés à la dose et peuvent être pris
en charge en diminuant la dose empiriquement
de 25%, puis de 50% si nécessaire. Il est suggéré
de prendre la capécitabine au déjeuner et au sou-
per avec de la nourriture pour diminuer linci-
dence et la gravité des diarrhées pouvant être
associées. Dans le cas de diarrhées importantes,
la lopéramide peut être utilisée au besoin selon la
posologie standard. Le syndrome palmo-plan-
taire est caractérisé par des changements symé-
triques de la sensation sur la peau, une rougeur et
une enure. Cette réaction dière de celle ren-
contrée avec le sunitinib et le sorafénib. Les
mesures préventives reposent sur lemploi dune
crème hydratante quatre fois par jour et sur la
réduction de lexposition des mains et des pieds
à leau chaude et à la friction. Dans les cas légers,
des analgésiques oraux peuvent être envisagés
(acétaminophène ou ibuprofène). Les cas modé-
rés à graves doivent être adressés au médecin
pour réévaluer la dose de capécitabine. La pré-
Présentation du patient 2
À 55 ans, Reynald Paré vient de recevoir le dia-
gnostic de cancer rénal métastatique des cel-
lules claires. Après avoir commencé le traite-
ment il y a deux semaines à la dose de 50 mg
DIE durant quatre semaines sur six, ce patient
vient vous consulter pour des lésions très
douloureuses, localisées, avec contour rouge
et accompagnées d’un épaississement de la
peau. Il utilise seulement une crème hydra-
tante quatre fois par jour et a de la diculté à
attacher ses souliers et à s’habiller. Au dossier
pharmacologique, il est inscrit que le patient
prend régulièrement les médicaments sui-
vants : ASA 80 mg DIE, rosuvastatine 20 mg
DIE, amlodipine 5 mg DIE et telmisartan
80 mg DIE. Quelle est votre conduite ?
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III Eets indésirables communs et importants par médicament10,47
Nom de HTA Sx PP N/V D Mucosites Neutro PLT Anémie Rash Fatigue Décoloration Alopécie Hypo Toxicité Toxicité
la molécule des cheveux T4 rénale hépatique
Sunitinib ++ + ++++ + +++ +++ +/++ ++++ ++ + +
Éverolimus +/++ ++ ++ +++ ++ +/++
Pazopanib ++ + +/++ ++++ ++ ++ + + +/++
Axitinib +++ ++ +/++ ++++ + + + ++ + ++ ++ +/++ +
Lapatinib ++++ ++ ++ ++
Capécitabine ++/+++ ++++ ++ + + + ++
Légende : + = 5-10 %; ++ = 11-25 %; +++ = 26-40 %; ++++ = 40 % et 60%; +++++ 60 % et plus; HTA = Hypertension; Sx PP = Syndrome palmo-plantaire; N/V = Nausées et vomissements; D = Diarrhées;
Neutro = Neutropénie; PLT = Thrombocytopénie; HypoT4 = Hypothyroïdie; Toxicité rénale = Élévation de la créatinine; Toxicité hépatique = Élévation des enzymes AST et ALT ou de la bilirubine
sence d’une douleur classe le syndrome en grade
II et demande dinterrompre la dose. La stomatite
est une inflammation de la muqueuse buccale
pouvant entraîner des ulcères. Cela peut provo-
quer une douleur dans la bouche et une diculté
à mastiquer ou à avaler pouvant aecter la qualité
de vie des patients. À titre préventif, le patient doit
maintenir une bonne hygiène buccale (lavage des
dents avec une brosse en soie souple) et se garga-
riser avec une préparation de sel et de bicarbonate
de soude (1/2 cuillerée à thé de chaque ingrédient
dans 1 tasse deau tiède). Les essais cliniques n’ont
indiqué aucune diérence quant à l’ecacité des
gargarismes contenant de la chlorhexidine ou de
la lidocaïne et des gargarismes de sel et de bicar-
bonate de sodium20. Pour traiter les stomatites
légères secondaires à la capécitabine, il est possi-
ble de revoir les mesures non pharmacologiques
et de débuter de libuprofène ou de l’acétamino-
phène au besoin en labsence de èvre. Dans les
cas modérés à graves, le patient doit être adressé
au médecin pour réévaluation. Pour soulager le
patient, il est possible de suggérer un gargarisme
contenant des corticostéroïdes, des analgésiques
et des antifongiques10.
La capécitabine est éliminée par les reins. La
dose doit être diminuée à 75% lorsque la clai-
rance à la créatinine est abaissée entre 30 et
50 mL/min et son utilisation avec une clairance
inférieure à30 mL/min n’est pas suggérée. La
capécitabine est remboursée par le RGAM.
Cependant, une demande pour médicament
dexception doit être faite en vue d’une utilisa-
tion dans le cancer colorectal de stade III ou IV
ou dans le cancer du sein réfractaire à la chimio-
thérapie standard. Pour toute utilisation dans
dautres cancers, une demande pour patient
dexception doit être faite. Habituellement, la
capécitabine en monothérapie est servie par les
pharmacies communautaires. Lorsquelle est
utilisée en association avec de la chimiothérapie
intraveineuse, le centre hospitalier peut la fournir.
Cancer du rein
Le cancer rénal représente 3% de tous les cancers
au Canada1. L’incidence est plus élevée entre les
âges de 60 à 70 ans et ce cancer est deux fois plus
fréquent chez lhomme que la femme (ratio 2 : 1).
La majorité des patients sont asymptomatiques
lors du diagnostic, le cancer rénal étant générale-
ment découvert par radiographie lors d’une
investigation pour dautres maladies ou des
symptômes non spéciques21. Près du tiers des
patients auront une maladie demblée métastati-
que, souvent accompagnée de symptômes com-
muns comme lhématurie et une douleur aux
flancs. D’autres symptômes moins fréquents
peuvent survenir (anémie, èvre, fatigue, hyper-
calcémie, perte de poids, etc.)22. Le cancer des cel-
lules rénales est le plus commun des cancers
rénaux (90%), loin devant les tumeurs de Wilms
et les cancers des cellules transitionnelles. Il peut
être classié en plusieurs types histologiques : cel-
lules claires (70-85%), cellules chromophiles ou
papillaires (10-15%), chromophobes (5%) et non
classiées (3-5%)23. Pour le cancer du rein à cellu-
les claires (CRCC), la survie à cinq ans se situe
autour de 10%. Il est généralement réfractaire au
traitement de chimiothérapie en raison de la
surexpression de p-glycoprotéines qui expulse la
molécule thérapeutique hors de la cellule.
Le traitement du cancer rénal local ou locale-
ment avancé (stades I, II et III) est purement
chirurgical et consiste en une néphrectomie par-
tielle ou complète selon la grosseur de la masse et
le nombre de reins touchés. Même si le risque de
récidive semble élevé (40%), aucune chimiothé-
rapie adjuvante nest proposée dans ces cas. Ainsi,
seuls les cancers rénaux métastatiques (stade IV)
seront traités par la chimiothérapie. Par le passé,
peu doptions thérapeutiques hormis linterleu-
kine-2 (IL-2) et linterféron-α (INF-α) pouvaient
être proposées. Ces traitements étaient très toxi-
ques et peu utilisés. Ces dernières années, larri-
vée de nouveaux agents ciblant le facteur de crois-
sance vasculaire endothéliale (VEFG) et le
« mammalian Target of Rapamycin » (mTOR) a
permis dobtenir un meilleur pronostic. Cette
section passera en revue le sunitinib, lévéroli-
mus, le pazopanib et laxitinib. Le rôle du sora-
nib dans le CRCC a été traité brièvement dans la
première partie de cet article.
Sunitinib (SutentMD)
Le sunitinib, comme le sorafénib, est un inhibi-
teur oral des tyrosines kinases qui cible les voies
de signalisation multiples. En bloquant le récep-
teur du facteur de croissance dorigine plaquet-
les pages
bleues
Patient 2 (suite)
Reynald Paré est atteint d’un syndrome
palmo-plantaire de grade II secondaire à son
traitement de sunitinib. Après avoir consulté
le guide ONCible, vous lui suggérez d’appli-
quer des mesures non pharmacologiques,
d’utiliser une crème à base d’urée 20% deux
fois par jour sur les parties calleuses, en plus
de prendre de l’acétaminophène 500 mg à
raison de deux comprimés toutes les six
heures. Vous transmettez votre opinion
pharmaceutique au médecin, lui suggérant
l’ajout d’un onguent de clobétasol 0,05 %
BID sur les mains. Vous demandez les chires
de tension du patient depuis le début du
traitement : ils se maintiennent entre 140 et
150/90. Le patient revoit son médecin dans
trois semaines.
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III Eets indésirables communs et importants par médicament10,47
Nom de HTA Sx PP N/V D Mucosites Neutro PLT Anémie Rash Fatigue Décoloration Alopécie Hypo Toxicité Toxicité
la molécule des cheveux T4 rénale hépatique
Sunitinib ++ + ++++ + +++ +++ +/++ ++++ ++ + +
Éverolimus +/++ ++ ++ +++ ++ +/++
Pazopanib ++ + +/++ ++++ ++ ++ + + +/++
Axitinib +++ ++ +/++ ++++ + + + ++ + ++ ++ +/++ +
Lapatinib ++++ ++ ++ ++
Capécitabine ++/+++ ++++ ++ + + + ++
Légende : + = 5-10 %; ++ = 11-25 %; +++ = 26-40 %; ++++ = 40 % et 60%; +++++ 60 % et plus; HTA = Hypertension; Sx PP = Syndrome palmo-plantaire; N/V = Nausées et vomissements; D = Diarrhées;
Neutro = Neutropénie; PLT = Thrombocytopénie; HypoT4 = Hypothyroïdie; Toxicité rénale = Élévation de la créatinine; Toxicité hépatique = Élévation des enzymes AST et ALT ou de la bilirubine
taire (PDGFR), les récepteurs de chacun des fac-
teurs de croissance endothélial vasculaire
(VEGFR-1, VEGFR-2, VEGFR-3) et le c-kit, le
sunitinib diminue l’angiogenèse, la prolifération
cellulaire et la progression métastatique de cer-
tains cancers24. Cette molécule a prouvé une e-
cacité dans le traitement du cancer rénal métasta-
tique et des tumeurs stromales gastro-intestinales
(GIST), ainsi que dans le cancer du pancréas à
tumeurs neuroendocrines métastatiques.
Dans le cancer rénal métastatique en première
intention, le sunitinib (50 mg DIE durant quatre
semaines puis arrêt de deux semaines) a démon-
tré des bénéces supérieurs à l’INF-α quant à la
survie sans progression, au taux de réponse et à
la qualité de vie25. Hormis pour la diarrhée, les
patients toléraient mieux le sunitinib. Dans une
mise à jour de cette étude, le sunitinib a aug-
menté la survie de 21,8 à 26,4 mois26. Ces résul-
tats ont permis d’établir un nouveau schéma de
traitement de première intention dans le cancer
rénal métastatique. Parmi les autres utilisations
thérapeutiques, le sunitinib (50mg DIE durant
quatre semaines puis arrêt de deux semaines)
s’est avéré supérieur au placebo dans le traite-
ment des GIST chez les patients réfractaires ou
intolérants à l’imatinib27. Dans les tumeurs pan-
créatiques neuroendocrines métastatiques, le
sunitinib a été comparé au placebo avec une
posologie diérente (37,5 mg DIE en continu)
jusqu’à une progression documentée ou lappa-
rition deets indésirables inacceptables. Létude
a été interrompue prématurément puisque la
survie globale sans progression a doublé, pas-
sant de 5,5 à 11,4 mois avec le sunitinib28.
Les eets secondaires les plus fréquents du suni-
tinib sont lhypertension, une coloration jaune de
la peau, une dépigmentation des cheveux, un syn-
drome palmo-plantaire, des éruptions cutanées,
des diarrhées ou de la constipation, de la fatigue et
des neutropénies24,25,27,28. Moins fréquemment,
lhypothyroïdie, des problèmes cardiaques et un
déséquilibre électrolytique peuvent survenir. Sur
le plan hématologique, les neutropénies ou
thrombocytopénies sévères peuvent survenir
pendant le traitement et ont tendance à se norma-
liser durant les deux semaines d’arrêt. Par son
action sur le VEGF, le sunitinib peut causer des
saignements (sang dans les selles ou les urines, sai-
gnements de nez). Avant toute intervention
chirurgicale à risque de saignements, il est recom-
mandé d’arrêter temporairement le sunitinib au
moins une semaine avant. Lhypertension est liée
à leet inhibiteur du VEGF et survient générale-
ment durant les trois à quatre semaines suivant
linstauration du traitement. Tout comme pour
le sorafénib, le pharmacien doit encourager le
patient à suivre ses tensions artérielles à laide
dun tensiomètre à domicile. En cas dapparition
dune hypertension légère à modérée, un traite-
ment pharmacologique est préconisé. Lhyper-
tension sévère (≥ 200 mm d’Hg) survient chez
4 % à 9% des patients et nécessite larrêt du suni-
tinib avec une réévaluation médicale10. Une
légère baisse de la fraction d’éjection du ventri-
cule gauche (FEVG) a été observée chez 8 % à
12% des patients. Bien quil n’y ait pas de consen-
sus à lheure actuelle, une échographie cardia-
que transthoracique pourrait être entreprise à
linstauration du traitement, puis répétée selon
lavis médical. Lorsque la FEVG diminue de 20
points et se retrouve à moins de 50%, on suggère
de suspendre temporairement la dose ou de la
diminuer. Le sunitinib peut prolonger les inter-
valles QT et PR29. Il faut donc recommander un
suivi avec des ECG chez les patients ayant des
antécédents cardiaques ou prenant plus de deux
autres médicaments jouant sur le QT ou le PR.
La prise en charge des diarrhées associées au
sunitinib passe par une hausse de l’apport liqui-
dien; lemploi du lopéramide dépend de la gra-
vité des symptômes. Si le patient présente moins
de quatre selles molles par jour, le lopéramide
peut être pris de façon habituelle, soit deux com-
primés immédiatement, puis un comprimé
après chaque selle liquide. Si le patient a de quatre
à six selles molles par jour ou de la diarrhée noc-
turne, la posologie devra être augmentée à un
comprimé toutes les deux heures durant la jour-
née et à deux comprimés toutes les quatre heures
pendant la nuit (jusqu’à des selles normales pen-
dant 12 heures). Lorsque la diarrhée ne peut être
maîtrisée après 24 heures, le patient doit être
adressé rapidement au médecin.
Au niveau cutané, lapparition et les manifesta-
tions du syndrome palmo-plantaire sont dié-
rentes de celles provoquées par la capécitabine.
Sous sunitinib, les lésions ont tendance à être sen-
sibles, localisées, avec contour rouge et accompa-
gnées dun épaississement de la peau10,30. Habi-
tuellement, la réaction apparaît au cours des deux
à quatre premières semaines du traitement et elle
est dintensité faible à modérée. Cependant, envi-
ron 5 % des patients présentent une réaction
importante nuisant aux activités de la vie quoti-
dienne. Les mesures préventives reposent essen-
tiellement sur la réduction de lexposition des
mains et des pieds à leau chaude et à la friction, et
sur lemploi d’une crème hydratante quatre fois
par jour. La prise en charge du syndrome palmo-
plantaire, tirée du guide ONCible, est détaillée au
tableau IV 10. Un autre eet cutané possible, la
coloration jaune de la peau, peut s’expliquer par la
couleur jaune du médicament et semble être liée
à la dose24. Une dépigmentation des cheveux et de
la barbe peut apparaître après cinq à six semaines
et après deux à trois semaines respectivement. Le
changement de couleur de la peau ou des che-
veux est généralement mineur et réversible deux
à trois semaines après la diminution du médica-
ment ou dès son arrêt24. Chez certains patients, il
peut y avoir une alternance entre la décoloration
des cheveux (quatre semaines de traitement) et la
couleur normale (deux semaines d’arrêt) lors des
cycles de traitement. En outre, le sunitinib et ses
métabolites causent une coloration jaune de
lurine lors de l’élimination. La fonction thyroï-
dienne (dosage de T4 et TSH) doit être mesurée
avant le début du traitement et avant chaque cycle
chez tous les patients en vue dune intervention
de type pharmacologique s’il y a hypothyroïdie
ou hyperthyroïdie. Des désordres électrolytiques
mineurs (hypo/hyperkaliémie ou hypo/hyper-
natrémie) peuvent nécessiter une prise en charge.
Le sunitinib est métabolisé de façon impor-
tante au niveau du CYP3A4 et est sujet à plu-
sieurs interactions. Lorsqu’utilisé avec un inhibi-
teur important du 3A4, le sunitinib doit être
réduit à 37,5 mg dans le GIST ou le cancer rénal
et à 25 mg dans les tumeurs neuroendocrines du
pancréas. Bien que cela soit rarement fait en cli-
nique, on peut hausser la dose initiale du médi-
cament selon la tolérance en présence dun
inducteur important du CYP3A4. En cas deets
indésirables graves, il est également possible
dajuster la dose à la baisse (voir I ). Chez les
patients avec une insuffisance rénale ou une
insuffisance hépatique légère ou modérée
(Child-Pugh A ou B), aucun ajustement initial
de la dose n’est recommandé. Le sunitinib est
remboursé par le RGAM en tant que médica-
ment dexception pour le cancer rénal métastati-
que en première intention, pour le GIST en
deuxième intention en cas dintolérance ou de
résistance à l’imatinib, et en première intention
pour le cancer pancréatique neuroendocrine
métastatique. Les demandes sont valides pour
une durée maximale de six mois.
Le patient 2 (suite)
Malgré vos conseils et l’ajout de clobétasol, le
traitement de M. Paré a été diminué à 37,5 mg
au deuxième cycle. Il a souffert d’un syn-
drome palmo-plantaire de grade III nécessi-
tant l’arrêt du traitement. Il revient avec une
ordonnance d’évérolimus 10 mg DIE. Il vous
demande s’il risque à nouveau d’avoir un syn-
drome palmo-plantaire et s’il doit continuer à
suivre sa tension. Que lui répondez-vous ?
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