Journal des Sciences I.S.S.N 0851 – 4631 REVUE DES DIFFERENTES METHODES D'ESTIMATION DE L'EXPOSITION AUX RADIOFREQUENCES DANS LE VOISINAGE D'UNE ANTENNE DE STATION DE BASE GSM Bocar Sow, Abdourahmane Raimy Département Mathématique et Informatique- Université Cheikh Anta Diop DAKAR, SENEGAL [email protected], [email protected] RÉSUMÉ. Cet article présente une revue d'un ensemble de méthodes d'estimation de l'exposition aux champs électromagnétiques (CEM) radiofréquences émis par des antennes de station de base de type GSM, au cours de cette dernière décennie. Les méthodes d’estimation sont fortement dépendantes du comportement du CEM variant suivant la zone de champ. Ainsi, dans la zone de Fresnel, des méthodes numériques comme la FDTD et des méthodes purement analytiques existent. Les méthodes numériques sont plus fiables mais elles consomment beaucoup de ressources informatiques. Par ailleurs, des systèmes de mesures, des méthodes optiques et des diagrammes de rayonnement sont préconisés dans la zone de Fraunhofer. MOTS-CLÉS : Zone de Fresnel, Zone de Fraunhofer, Estimation de l'Exposition, Diagramme de Rayonnement. ABSTRACT. This paper presents a review of electromagnetic fields (EMF) assessment methods of GSM base station antenna during the last decade. Assessment methods are highly dependent on the EMF behavior that varies depending on the region of field. Thus, in the Fresnel zone, numerical methods such as FDTD and purely analytical methods are predominant. Numerical methods are more reliable, but they consume a lot of computing resources. Furthermore, measurement systems, optical methods and radiation patterns are underlined in the Fraunhofer region. KEYWORDS: Fresnel Region, Fraunhofer Region, Exposure Assessment, Radiation Patern. 1. Introduction L’augmentation croissante des abonnés de la téléphonie mobile est responsable de la présence de plus en plus d’antennes de station de base à proximité des habitations. Ainsi, les populations sont de plus en plus préoccupées par les effets biologiques et sanitaires de cette pollution électromagnétique. Nous présentons, ici, une revue des méthodes ayant permis l’estimation du niveau d’exposition aux champs électromagnétiques émis par les antennes BTS de type GSM au cours de cette dernière décennie. Cette estimation est importante pour vérifier la conformité aux normes et réglementation établies par l’ICNIRP [1]. Les méthodes d’estimation sont fortement dépendantes du comportement du champ électromagnétique qui varie suivant que l’on s’éloigne de la source. Dans la zone de Fresnel qui se matérialise par la proximité immédiate de l'antenne, des méthodes numériques sont les plus fiables bien qu’elles soient coûteuses en temps et en mémoires de calcul. On a recourt aussi à des méthodes purement analytiques qui nécessitent des formules plus ou moins complexes et de nombreux paramètres. Par ailleurs, dans la zone de Fraunhofer qui Bocar Sow et Abdourahmane Raimy /J. Sci. Vol. 14, N° 2 (Juin 2014) 20-27 Page 20 Journal des Sciences I.S.S.N 0851 – 4631 se trouve au-delà de la limite supérieure de la région de Fresnel, des solutions analytiques standards telles que des modèles de propagation de champs électromagnétiques ou des modèles dites sphériques prenant en compte les paramètres de l'antenne et de l'environnement sont préconisés. Dans un autre registre, des méthodes expérimentales basées sur des instruments de mesure de champ électrique (sondes, analyseurs de spectre et dosimètres) sont utilisés pour des études épidémiologiques. Afin de concilier les avantages des eux et des autres, des méthodes hybrides ont étés développées. 2. Région de Fresnel Le déploiement des antennes de station de base au voisinage immédiat des zones d’habitation (microcellulaire dans les aéroports, dans les supermarchés, etc) a nourri le besoin d’évaluer l'exposition aux champs électromagnétiques dans le voisinage immédiat des antennes. Dans la zone de Fresnel, aussi appelée région de champ proche, la distribution du champ électromagnétique dépend fortement de la distance à l'antenne [2]; ce qui complique l'estimation du niveau d'exposition. 2.1. Méthodes numériques et hybrides Les méthodes numériques à onde pleine sont les plus utilisées. En effet, la FDTD (Finite Difference Time Domain) [3, 4] est l'une des méthodes numériques les plus utilisées, à l’origine, pour estimer le débit d’absorption spécifique (SAR) dans une configuration particulière : téléphone portable collé à l’oreille. Elle est aussi utilisée pour estimer l’exposition dans le voisinage immédiat de l’antenne de station de base GSM [5]. A l'aide des caractéristiques géométriques et électriques complètes de l’antenne, elle donne une estimation précise du champ électromagnétique. Cependant, elles sont difficilement applicables pour des raisons de propriétés intellectuelles des antennes, ce qui est un handicap de taille [5]. En plus de cela, les exigences en mémoire de stockage et en temps de calcul augmentent rapidement lorsque la distance entre l’antenne et le corps humain croit [4]. Pour trouver une solution à ces problèmes, des solutions hybrides consistant à minimiser le volume de calcul affecté à l’algorithme FDTD sont utilisées. Ainsi, la FDTD est associée à un modèle optique : Ray-Tracing algorithm. Cet algorithme s’occupe de la modélisation du champ électromagnétique dans l’espace entre l’antenne et un fantôme hétérogène [3] qui représente le modèle du sujet exposé. Pendant ce temps, l’algorithme FDTD est requis pour calculer le champ électromagnétique dans un volume très réduit autour du fantôme ou de l’antenne. Une autre approche, développée par Dariusz Wojcik et ces collaborateurs [4], consiste à combiner la FDTD à une méthode discrète dont les paramètres nécessaires sont fournis par le catalogue de l’antenne. Cette méthode est une description analytique de l’antenne [4, 7, 8] permettant d’évaluer le champ électromagnétique au voisinage de l’antenne. Ces solutions hybrides réduisent, par conséquent, le temps de calcul et la consommation en Bocar Sow et Abdourahmane Raimy /J. Sci. Vol. 14, N° 2 (Juin 2014) 20-27 Page 21 Journal des Sciences I.S.S.N 0851 – 4631 mémoire de stockage. L’efficacité de ces approches a été prouvée en comparaison avec l’algorithme FDTD classique. 2.2. Ray-Tracing Algorithm Par ailleurs, d’autres approches purement analytiques sont mises en évidence. Dans [5], Dariusz Wojcik a développé une méthode basée sur le remplacement d'un panneau d'antennes de station de base par une matrice linéaire discrète. Cette matrice permet de faciliter l'utilisation de Ray-Tracing Algorithm dans un environnement urbain. Dans ces conditions, cet algorithme donne une estimation fiable du champ électrique au voisinage du panneau d'antenne. Dans [9], S. Miclaus et P. Bechet ont aussi proposé une approche purement analytique basée sur le calcul de la densité de puissance maximale S max à une distance d de conformité donnée dans la zone de Fresnel (voir formule 1) : S max Wrad .2 3dB 2 (1) d 2 3dB .d .L. 1 2. d 0 ∅ est l'azimut de l'antenne, Wrad est la puissance nette radiée, ∅3dB est la largeur de faisceau à -3dB, L est la hauteur de l'antenne. 2.3. Approches basées sur le modèle Fraunhofer Très récemment, des approches basées sur les diagrammes de rayonnement sont étudiées dans la zone de Fresnel. En effet, les diagrammes de rayonnement sont utilisés à l’origine pour établir un modèle de propagation du champ électromagnétique autour de l’antenne de station de base en zone de Fraunhofer [10]. Ainsi, pour pouvoir les utiliser dans la zone de Fresnel, un terme supplémentaire est requis prenant en compte la dépendance à la distance à l'antenne. Dans ce registre, D. Trinchero et ses collaborateurs [10] ont proposé une approche en ajoutant le terme ∆ au modèle initial (voir formule 2): S (r, ) S FR (r, ) (r, ) (2) SFR(r, ϑ) est la densité de puissance approximative obtenue au moins du diagramme de rayonnement. Cette méthode propose une solution immédiate et ne requiert pas de connaitre les données de conception géométrique et électrique de l’antenne. Ce qui représente un moyen efficace et fiable pour répondre aux exigences d’évaluation de l’exposition dans la limite supérieure de la région de Fresnel. Bocar Sow et Abdourahmane Raimy /J. Sci. Vol. 14, N° 2 (Juin 2014) 20-27 Page 22 Journal des Sciences I.S.S.N 0851 – 4631 Dans un autre registre, T. Pretita [11] propose deux modèles analytiques d’estimation de la densité de puissance au voisinage d’une antenne. Dans le premier modèle, il propose l'ajout d'un terme qui est fonction de la dimension de l’antenne au modèle initial (voir formule 3) : S (r , , ) Ptx .G0 C 2 ( , ) 4r 2 AG0 (3) Ptx est la moyenne quadratique de la puissance, G0 est le gain de l'antenne, A est l'aire de l'arrière plan, C est la fonction de directivité du champ, θ est l'angle d'inclinaison sphérique, φ l'azimut, r la distance à l'antenne. Cependant, ce modèle pourrait générer des valeurs nulles en dessous de 5m de l'antenne, ce qui n'est pas acceptable dans la réalité. Par ailleurs, le terme du second modèle prend en compte le nombre de dipôles N présents dans l’antenne. Le champ électrique crée, en un point, au voisinage de l'antenne est donné par (voir formule 4): Etot 30 Ptx N N Ge ( , ) i 1 ri k represente le nombre d'ondes, e jkri i (4) est l’unité de vecteur dans la direction du zenital de chaque antenne, Ge la fonction de gain de l'antenne. Ce modèle est beaucoup plus précis et présente beaucoup de similitudes avec les méthodes numériques comme la FDTD. 3. Région de Fraunhofer Cette région commence à la limite de la zone de Fresnel à une distance R égale à 2D 2/ où D représente la dimension maximale de l'antenne et λ la longueur d'onde. Cette limite est de 10 m environ pour le GSM 900. A la différence de la zone de Fresnel, dans la zone de Fraunhofer, la distribution du champ électrique est indépendante de la distance à l'antenne; ce qui fait que l'intensité et la densité du champ électrique sont relativement faciles à calculer. Des méthodes analytiques et expérimentales sont proposées. 3.1. Méthodes analytiques Parmi les méthodes analytiques, une approche basée sur un modèle de propagation en espace libre est proposée [12, 13]. Pour tenir compte de l'influence des objets présents dans le voisinage de la BTS, plusieurs auteurs ont développé des solutions basées sur des approches optiques géométriques. En effet, Wójcik et Dariusz [5] ont utilisé l'algorithme Ray-Tracing pour calculer le champ dans un environnement complexe ou des phénomènes de dispersion et de distorsion sont présents. Ils ont prouvé que l'algorithme donne des résultats satisfaisants dans le cadre de l'estimation de l'exposition aussi bien en zone de Fresnel qu'en zone de Fraunhofer. Bocar Sow et Abdourahmane Raimy /J. Sci. Vol. 14, N° 2 (Juin 2014) 20-27 Page 23 Journal des Sciences I.S.S.N 0851 – 4631 3.2. Méthodes expérimentales Dans la dernière décennie, plusieurs solutions expérimentales sont mises en œuvre. Ces solutions se différencient de plusieurs facteurs que sont : le type d’équipement de mesure, la méthodologie de mesure, le paramètre de mesure considéré, le temps de mesures, la variation du trafic, la taille de l’échantillon de mesure. Des méthodes d’estimation de l’exposition basées sur la sélection de fréquences existent mais avec plusieurs variantes. G. Neubauer et all [14] ont fait plusieurs propositions. L’une d’elle consistait à adopter une procédure de balayage dont le principe est de pivoter légèrement l’antenne à l’intérieur de la zone d’intérêt pendant que l’analyseur de spectre recueille le niveau de champ électrique mesuré. Cette approche donne une vue d’ensemble du scenario d’exposition. Une autre approche consiste à examiner plusieurs points dans la zone de mesure à l’aide d’un système isotrope de mesure afin d’obtenir des valeurs de champ électrique effectives. Cette procédure a l’avantage de donner des résultats reproductibles sous certaines conditions, malheureusement la fiabilité des mesures peut être compromise par des phénomènes physiques comme les distorsions. En vue d’obtenir des mesures reproductibles et fiables dans le cadre de l’estimation de l’exposition, il a été recommandé d’effectuer une moyenne des mesures tous les six minutes d’intervalle [9] et d’adopter des procédures de mesure strictes décrites par des protocoles de mesure existantes [9, 14, 15, 16]. Par ailleurs, jusqu’ici les données de mesures obtenues ne tenaient pas compte de la mobilité du sujet exposé car les analyseurs de spectre sont conçus pour être fixes. Ainsi, pour avoir des données de mesure fiables en temps réel et en tout lieu, des dosimètres mobiles [17] fixés sur les sujets étudiés permettent de recueillir les valeurs de champ électrique. Dans un autre registre, le temps de mesure et le traitement de grandes quantités de données de mesure recueillies est un problème majeur dans l’estimation de l’exposition. Ainsi, récemment Eduard Lunca et all [18] ont présenté une solution consistant à automatiser la mesure et le traitement des données de mesure. Cette solution consiste à combiner les équipements de mesure avec des algorithmes de mesure. Jusqu'à récemment, l’estimation de l’exposition est faite sur de courtes périodes de temps (six minutes) en considérant une exposition maximale et un scenario au pire des cas [15, 10, 2]. En effet, des études ont montré que des moyennes sur des intervalles de 6 minutes sont insuffisantes pour une estimation fiable de l’exposition [20] et qu’une extrapolation du niveau de champ électrique sur le canal BCCH ne tenait pas en compte de la variation du trafic; ceci était source de surestimation de l’exposition [15]. Cette extrapolation consistait à multiplier l’intensité du champ électrique par la racine carrée du nombre de canaux de trafic actifs [21]. Ces choix sont justifiés par le manque d’informations techniques provenant des operateurs GSM et des procédures de mesure standardisées mises en place. Ainsi, on accorde un plus grand intérêt à Bocar Sow et Abdourahmane Raimy /J. Sci. Vol. 14, N° 2 (Juin 2014) 20-27 Page 24 Journal des Sciences I.S.S.N 0851 – 4631 l’estimation du niveau d’exposition dans le long terme. Mahfouz Z et all [19] ont proposé une solution consistant à analyser la distribution temporelle de l’exposition durant une période de 24h sur des sites différents, en environnement urbain et rural. Malheureusement, cette solution fait recourt à l’extrapolation du canal BCCH. W. Joseph et all [6] ont prouvé que les périodes de mesure minimales requises pour estimer avec précision le niveau d’exposition est de 7 jours. Ils ont proposé d’augmenter légèrement la durée de mesure et l’étaler sur une semaine en tenant compte de l’occupation du canal ou de l’intensité du trafic moyen. L’inconvénient de cette proposition est que l’occupation du canal est une donnée technique qui n’est pas toujours disponible. Cependant, des méthodes existent, permettant de contourner ce problème. Une des solutions consiste à tenir compte, en plus du canal BCCH, des canaux de trafic [15]. Un canal de trafic peut accueillir simultanément 8 communications, alors un facteur de pondération est affecté pour tenir compte du taux d’utilisation des canaux. Ce facteur de pondération est le rapport entre le nombre de communications actives sur un canal et le nombre de communications potentielles sur ce même canal. Ainsi, la puissance moyenne sur le canal revient à faire le produit entre ce facteur de pondération et la puissance totale allouée à ce canal. Cependant, les communications actives sont difficiles à détecter à cause de courtes durées de communication. Les approches expérimentales sont couteuses en ressources financières et matériels. Les systèmes de mesure utilisés ne sont pas unanimes d'où la nécessité de standards de mesure à la lumière des méthodes de mesure développées récemment. 4. Conclusion L’évaluation de l’exposition aux champs électromagnétiques radiofréquences est, de nos jours, très importante. D’une part, des méthodes numériques fiables comme la FDTD sont proposées bien qu’elles soient couteuses en temps et mémoires et ne s’appliquent rigoureusement que dans un volume très restreint. D’autre part, des méthodes analytiques (Ray-Tracing, modèle de Fraunhofer, etc) ont été développées mais leur fiabilité n’est démontrée qu’en zone de Fraunhofer. Des modèles hybrides performants sont conçus en considérant les avantages des modèles précédents. A coté des méthodes numériques et analytiques, des méthodes dites expérimentales existent. Elles consistent à mesurer le niveau de champ électrique émis par une antenne en un point donné. La plupart de ces méthodes préconisent la mesure du canal de contrôle BCCH qui délivre en continu le signal. Malheureusement, ces méthodes surestiment le niveau d’exposition. Des méthodes plus précises essaient de tenir compte du nombre de communications actives du canal de trafic. Bocar Sow et Abdourahmane Raimy /J. Sci. Vol. 14, N° 2 (Juin 2014) 20-27 Page 25 Journal des Sciences I.S.S.N 0851 – 4631 5. Bibliographie [1] International Commission on-Ionizing Radiation Protection (ICNIRP). Statement on the "Guidelines for limiting exposure to time-varying electric, magnetic and electromagnetic fields (up to 300 GHz)", 2009. [2] Trinchero, Daniele, Alessandro Galardini, Riccardo Stefanelli. "Comparative Review of Prediction Methods for Exposure Assessment in the Fresnel Region of BTS Antennas." (2009). 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