L`évolution de la biodiversité au cours des temps géologiques

L’évolution de la biodiversité au cours des temps géologiques.
Préparation au concours de l’agrégation, Université Pierre & Marie Curie.
Leçon de démonstration secteur C.
Proposition de plan par : Mathieu Rodriguez, Pr. Agrégé SV-STU & doctorant iSTeP-ENS.
Adresse mail : [email protected]
Introduction :
*Actuellement, du fait de l’action de l’homme, se déroule une crise biologique : les
espèces disparaissent à un rythme anormal.
*La plus grande crise de l’histoire de la vie est l’apparition de l’oxygène dans
l’atmosphère, il y a 1.8 Ga. Seules les bactéries pourpres, ainsi que les autres bactéries dont
elles étaient le symbiote, étaient capables de lutter contre l’action toxique de l’oxygène via
leur chaîne respiratoire. Elles ont donc été sélectionnées. Limiter cependant le sujet aux temps
phanérozoïques, en raison de la présence d’organismes à « corps dur » fossilisables. Quitte à
ignorer 85 % de l’histoire de la vie!
*L’échelle des temps géologiques est évènementielle, ses subdivisions correspondant à
des crises de +/- grande amplitude. Il y a eu 5 grandes crises biologiques majeures dans
l’histoire du vivant au cours du Phanérozoïque.
*Définition de la biodiversité (terme défini en 1992 à la conférence de Rio de Janeiro):
Le terme « biodiversité » est la contraction de « diversité biologique ». L’étude de la
biodiversité rend compte de la variabilité du vivant, depuis l’échelle moléculaire jusqu’aux
interactions entre espèces. En pratique l’unité de la biodiversité est l’espèce.
*Problématique : L’estimation actuelle de la biodiversité présente des incertitudes (ex.
la diversité des arthropodes, en particulier les insectes tropicaux): qu’en est-il pour le passé ?
Comment la biodiversité a-t-elle évolué au cours des temps géologiques ? Quels sont les
facteurs et les mécanismes qui contrôlent la biodiversité ?
1) Estimer la biodiversité dans les temps géologiques : méthodes et limites.
La biodiversité du passé est inscrite dans les roches, qui constituent les archives de la vie
sur Terre. Mais ces données sont-elles représentatives de l’histoire de la biodiversité ?
a) Quelle unité pour estimer la biodiversité ?
L’utilisation des genres et des familles introduit un biais : un genre (ou une famille)
peut comprendre 50 espèces, un autre une seule espèce. Pour une approche quantitative de la
biodiversité, il est préférable d’utiliser l’espèce comme unité de mesure. Se pose alors la
question de la définition de l’espèce en paléontologie. Le critère de définition principal d’une
espèce vivante est l’interfécondité entre individus de la même espèce, et la production d’une
descendance elle-même interféconde… Critère difficilement applicable sur des fossiles !
Deux animaux peuvent appartenir à une même espèce sur le plan morphologique, mais
différer sur le plan génomique. Les limites d’une espèce en paléontologie sont parfois floues
et arbitraires. Ex. Les différentes espèces de globigérines, espèce de foraminifère asexuée
dont l’évolution est graduelle, sont définies selon le diamètre de leur Test. Autre exemple : le
cœlacanthe, dont la morphologie actuelle est proche des fossiles du paléozoïque, a
probablement beaucoup évolué sur le plan génomique sans que cela ne se répercute sur son
apparence.
b) Quels sont les biais à prendre en compte lorsqu’on estime la biodiversité à l’échelle
des temps géologiques ?
Les aléas de la fossilisation : seuls les tissus durs (squelette, dents, bois) se fossilisent
bien. Par conséquent, il existe peu de fossiles d’organismes constitués de tissus mous, comme
les méduses, les végétaux, et les micro-organismes. Des comptages ont permis de montrer que
seul 1% du plancton se retrouve dans le sédiment au fond de l’océan, en raison de leur
dissolution (lors du passage de la CCD) : les espèces qui y sont le plus sensibles ne sont donc
pas fossilisées. Il y a donc une forme de tri sélectif. Il y a de plus des périodes et des lieux
les processus de fossilisation étaient plus ou moins efficaces. De plus, des sites fossilifères
peuvent subir une importante érosion, et ne pas être conservés au cours du temps - c’est ce qui
expliquerait en partie la très faible quantité de sites disponibles pour étudier la crise Permo-
Trias. Des méthodes d’extrapolation, qui postulent que le rapport entre organismes
fossilisables et non fossilisables est constant au cours du temps pour un environnement donné,
permettent de s’affranchir, dans une certaine mesure, des biais liés à la fossilisation, lorsque
couplées au principe d’actualisme.
D’autre part, l’étude de la biodiversité en géologie ne prend en compte que la diversité
des fossiles, qui n’image pas nécessairement la biodiversité réelle : par exemple, la
distribution des espèces actuelles montre que les espèces les plus nombreuses sont
bactériennes, que l’on retrouve très rarement à l’état fossile ! Sans compter d’autre biais,
d’ordre méthodologique : il y a en effet des corrélations entre l’évolution du nombre
d’espèces au cours du temps, le nombre de spécialistes pour les différents âges géologiques et
la superficie des affleurements pour chaque âge. Est-ce parce qu’un âge comporte beaucoup
d’espèces qu’il y a plus de spécialistes pour l’étudier ? Ou est-ce parce qu’il y a plus de
spécialistes que plus d’espèces ont été découvertes pour cet âge ? De me, plus la surface
d’affleurement d’un âge est grande, plus il y a de spécialistes…
c) Les courbes de l’évolution de la biodiversité au cours du temps
En vertu de tous ces biais, la courbe d’évolution de la biodiversité est-elle
représentative de la réalité passée ? Et si les variations qu’elle met en évidence sont
discutables, peut-on vraiment parler de crises ?
Les courbes d'évolution de la biodiversité ne représentent certainement pas la réalité...
Mais cela reste une forme de "signal" qui mérite d'être étudié en ayant à l'esprit tous les biais
qui le composent! Il existe deux courbes de l’évolution de la biodiversité : une concernant les
familles terrestres, l’autres les familles marines. Celles-ci n’ont pas la même allure, car, bien
sûr, au Paléozoïque, la vie terrestre n’était pas encore complètement installée ; de plus, les
espèces marines et terrestres n’ayant pas le même écosystème, elles réagiront différemment
selon la nature du stress imposé. Quoiqu’il en soit, la courbe affiche clairement 5 grandes
crises majeures au cours du Phanérozoïque. Ces 5 grandes crises ont eu lieu : 1) à
l’Ordovicien supérieur (445 Ma), 2) au Dévonien supérieur (375 Ma), 3) aux limites Permo-
Trias(P/T) (250 Ma, la plus importante de toutes avec près de 95% des espèces éteintes), 4) et
Trias-Jurassique (T/J) (200 Ma), et enfin 5) Crétacé-Tertiaire (K/T) (65 Ma). Ces crises
définissent les divisions majeures de l’échelle des temps géologiques.
A l’aide d’un tableau bilan, associer chaque crise à la disparition de certains
groupes représentatifs (ex. les dinosaures non-aviens pour la crise K-T), et préciser le
% d’espèces disparues.
Cependant, après chaque crise, la biodiversité augmente. Quelles sont les causes des
extinctions, et comment la biodiversité finit-elle par reprendre ses droits ?
2) Les crises biologiques.
Mise en évidence de la crise K/T, à partir des microfossiles (ex. d’affleurement en France,
la plage de Bidart au Pays Basque) : les couches du Maastrichtien sup. sont riches en
Globotruncanidés et en Hétérohélécidés, qui disparaissent dans les couches du Danien, au
profit des Globigérinidés. A partir de l’étude simple de deux lames minces nous mettons en
évidence la disparition d’espèces et leur renouvellement après une crise. Quelles sont les
causes de ces remaniements de la biodiversité ?
a) A la recherche des causes des crises biologiques
La crise biologique actuelle, conséquence des activités humaines, le montre bien : les
espèces biologiques disparaissent en réponse aux changements de leur milieu de vie, auxquels
elles ne sont pas adaptées. Ici, nous partons à la recherche des grands évènements naturels
susceptibles d’avoir modifié l’environnement des espèces et causé leur extinction, à l’époque
des grandes crises. Plusieurs causes, parfois contemporaines, sont identifiées :
Les météorites : des traces d’impact de météorites ont été trouvées pour les
crises K/T, P/T, T/J. L’exemple le plus connu est le cas du cratère du Chicxulub, au
Mexique, qui serait une des causes possibles de la crise K/T. En plus de ce cratère, la
limite K/T se caractérise stratigraphiquement par une concentration anormalement
élevée en Iridium, un élément caractéristique des météorites. L’anomalie en Iridium
est mondiale. La limite K/T est également enrichie en spinelle nickélifère, et en
minéraux choqués. Les impacts de météorite dégagent de la poussière dans
l’atmosphère, entraînant une baisse des températures ; ils génèrent des tsunamis si
l’impact a lieu dans l’océan ; ils entraînent la vaporisation de plusieurs éléments
contenus dans les roches ou la biomasse (composés destructeurs de la couche
d’Ozone, Soufre contenu dans le gypse (diminution de la T°), CO2 contenu dans les
carbonates (augmentation de la T°).
Les trapps : De grands épanchements volcaniques sont mis en place de façon
contemporaine aux plus grandes crises : les trapps du Deccan pour la crise K/T (2.4.
106 km3); les trapps de Sibérie pour la crise P/T (>3. 106 km3 initialement); la province
magmatique de l’Atlantique central pour la crise T/J (2. 106 km3). Les datations radio-
chronologiques sont capitales pour relier une province magmatique à la crise
correspondante. Ces éruptions importantes relarguent elles aussi des poussières dans
l’atmosphère, du soufre, du CO2. L’altération des trapps consomme du CO2.
(Le Soufre entraîne une diminution de la T° sur 100 ans env. ; le CO2 entraîne
une augmentation de la T° sur 1000 ans env.)
Les variations du niveau marin (NM) et les glaciations : il existe une
corrélation entre les crises et les variations du niveau marin. Les zones de plate-forme
continentales sont parmi celles qui concentrent la plus grande biodiversité, et sont
donc les plus sensibles en terme d’extinction. Par exemple, au Permien moyen, le
niveau des mers était l’un des plus hauts jamais atteints, environ 200 m au dessus du
niveau actuel. Le niveau marin chuta progressivement de 280 à 250 Ma d’environ 250
m, émergeant ainsi la plupart des domaines de plate-forme continentale, où était
concentré l’essentiel de la biodiversité. Les espèces marines ont donc été plus
affectées que les espèces continentales lors de la crise Permo-Trias. Les espèces fixes
(ex. crinoïdes) ont été plus affectées que les espèces mobiles. La baisse du NM
entraîne une compétition biologique accrue sur la plate forme.
Une glaciation est retenue comme la principale cause de la crise
Ordovicienne : les changements climatiques, les variations du NM consécutives, et
l’arrivée d’eaux appauvries en oxygène sur le plateau continental lors de la
déglaciation auraient été fatals à de nombreuses espèces.
La tectonique des plaques : les migrations des continents favorise le
développement des eaux océaniques profondes et froides (moins soumises aux
changements), modifie la composition chimique des océans et en perturbe les
courants ; elle provoque des collisions et la formation d’isthmes, lesquels favorisent
les migrations et les compétitions entre les espèces.
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