LA VISION DU BÉBÉ SECOUÉ Propositions de prise

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LA VISION DU BÉBÉ SECOUÉ
Propositions de prise en charge
DIPLOME UNIVERSITAIRE
TECHNIQUE DE COMPENSATION
DU HANDICAP VISUEL
BERGER-MARTINET Alexandra
Orthoptiste
Université Paris V
Faculté de Médecine René Descartes
Année
2012-2013
Directeur du Mémoire
Dr G. CHALLE
D.U. Technique de compensation du handicap visuel
REMERCIEMENTS
Un grand merci à mes collègues des CAMSPs Le petit d'hom et Le chat perché pour
m’avoir apporté leurs expériences et leur aide précieuse dans le suivi de nos patients.
Une pensée spéciale à Virginie CURIE, éducatrice de jeunes enfants ; Stéphanie
NASOM,
kinésithérapeute ;
Nathalie
LAURENT
et
Pauline
GIRAULT,
psychomotriciennes et Cécile JAILLANT et Charlène MARTIN, orthophonistes d'avoir
partagé avec moi ces prises en charge particulières que sont les suivis à quatre mains.
Les patients comme ces enfants demandent à la fois de l’énergie, du temps et un besoin
d’échanger.
Merci
tout
particulièrement
à
Marie-Françoise
CLOGENSON,
ophtalmologiste, pour son soutien indéfectible et son partage lors du suivi de nos
patients. Il a été très agréable de pouvoir partager cela avec vous. Merci aux enfants et
aux familles pour leur confiance et leurs réponses à des questions parfois difficiles à
entendre.
Merci à Catherine LACHAUX, psychomotricienne, avec qui les discussions, parfois
tardives, m’ont aidée a mieux organiser ma pensée et à Hélène BEBEN et Kathy
ROSIER, orthoptistes, pour leurs précieux conseils. Vos compétences sur le
développement et la vision de l'enfant handicapé sont une mine d'or. Merci également à
Christiane HERVAULT, orthoptiste et à Béatrice LEBAIL, ophtalmologiste, pour leurs
avis judicieux.
Je remercie aussi mon maître de mémoire Georges CHALLE, l’ensemble des
organisateurs du D.U ainsi que les orateurs pour nous avoir fait partager leur savoir.
Enfin, merci aux yeux perçants de tous ceux qui ont relu maintes et maintes fois ce
mémoire pour leurs conseils et leurs remarques.
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D.U. Technique de compensation du handicap visuel
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION..................................................................................................................4
1. LE SYNDROME DU BÉBÉ SECOUÉ....................................................................................5
1.1. Diagnostic............................................................................................................... 6
1.2. Diagnostic différentiel ........................................................................................... 6
1.3. Traitements............................................................................................................. 7
1.4. Evolution ............................................................................................................... 7
1.5. Atteintes visuelles et neurovisuelles....................................................................... 8
1.5.1. Les hémorragies rétiniennes............................................................................ 8
1.5.2. Le réflexe photomoteur................................................................................... 8
1.5.3. Amblyopie et cécité......................................................................................... 9
1.5.4. Troubles neurovisuels...................................................................................... 9
2. CAS CLINIQUES ET PROJETS THÉRAPEUTIQUES............................................................ 10
2.1. Coopération entre services : Noa..........................................................................10
2.2. Évaluation et prise en charge par l'orthoptiste: Mathieu......................................12
2.2.1. Évaluation orthoptique.................................................................................. 12
2.2.2. Prise en charge orthoptique........................................................................... 20
2.3. Prise en charge à quatre mains : Simon................................................................ 26
3. ÉLABORATION D'UN OUTIL D'INFORMATION À L'USAGE DES DIRECTEURS
D'ÉTABLISSEMENT.............................................................................................................30
3.1. Œil, fonction visuelle et vision fonctionnelle....................................................... 30
3.2. La vision dans l'approche globale du patient........................................................31
3.3. Dépistage et évaluation visuelle des usagers........................................................ 32
3.4. Moyens d'intervention.......................................................................................... 33
CONCLUSION................................................................................................................... 34
BIBLIOGRAPHIE............................................................................................................... 36
ANNEXES......................................................................................................................... 37
Proposition de trame d'évaluation visuelle................................................................. 37
Supports de tests d'évaluation de la vision fonctionnelle...........................................41
Support de présentation à l'attention des directeurs d'établissement..........................49
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INTRODUCTION
Si une majorité de pays européens tels la Belgique, l'Allemagne ou le Royaume Uni ont
pris conscience de l'ampleur des conséquences dues au syndrome du bébé secoué, ce n'est
que très récemment que le sujet est étudié en France. Les chiffres concernant directement
notre pays sont donc nécessairement restreints. Néanmoins, on considère que le syndrome
du bébé secoué ou SBS concerne au moins 200 nourrissons chaque année (1). Selon une
étude réalisée à l'hôpital Necker (2), 80% des nourrissons ont entre trois et huit mois et
une grande majorité des patients sont des garçons.
La vision des enfants secoués est très peu prise en compte et encore moins prise en charge
dans les structures les accueillant. Pourtant, les séquelles visuelles et neurovisuelles sont
complexes et entravent l'utilisation de la vision dans son rôle de saisie et de traitement de
l'information visuelle.
Sachant que 80 % des informations passent par le vue, et que ces patients ont la plupart
du temps des troubles séquellaires associés, je souhaite faire le lien dans ce mémoire entre
la vision, l’appréhension de l’environnement et les remédiations possibles.
Nous décrirons tout d'abord le syndrome du bébé secoué pour montrer comment une
pathologie traumatique peut engendrer des troubles de la vision.
Puis, à l'aide de cas cliniques nous verrons qu'à travers différents parcours, la coopération
entre structure d'accueil et service de basse vision améliore la compréhension de l'enfant
par l'équipe et sa famille mais aussi permet une prise en charge plus optimale du patient.
Nous tenterons de proposer des outils thérapeutiques d'évaluation et de prise en charge
visuelle.
Enfin, nous présenterons un support de sensibilisation aux directeurs de structures
d'accueil à la présence de troubles visuels en l'absence de diagnostic primaire d'une
pathologie ophtalmologique.
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1. LE SYNDROME DU BÉBÉ SECOUÉ
L'association hématome sous dural et hémorragies rétiniennes chez le nourrisson a été
décrite dès 1905, mais c'est en 1946 que Caffey rapproche ces éléments des enfants
maltraités présentant des fractures des os longs. Et seulement en 1972 qu'il emploie pour
la première fois le terme de « Syndrome du Bébé Secoué » ou « Shaken Baby
Syndrome ».
Dans sa thèse de doctorat en médecine (3), le docteur Etienne Mireau relate que les
facteurs de risque communément retrouvés en cas de maltraitance infantile sont la plupart
du temps absents. Dans la majorité des cas il s'agit d'un homme vivant avec la mère et
dans 1/5 des cas les gardiens de l'enfant sont en cause. Il n'y a pas non plus de corrélation
avec des critères raciaux, socio économiques ou éducatifs.
Pour de nombreux auteurs, la raison de cette forme de maltraitance serait due à
association d'un contexte de stress et d'un facteur déclencheur chez des sujets peu
expérimentés. Sur le plan psycho dynamique, selon Marthe Barraco (4) « pour les adultes
maltraitants, tous les mouvements psychiques à l'œuvre dans la parentalité font défaut. La
capacité à ressentir la fragilité du bébé est émoussée, voire abrasée. ». Elle y décrit
l'hypothèse d'une rencontre compliquée entre parents, enfant rêvé et enfant réel. « Le bébé
n'est pas perçu comme un petit être à protéger quand il suscite des fonctionnements
archaïques des adultes au plus près de lui; quand il impose sa toute puissance, menace de
mourir si on ne prend pas soin de lui, ce bébé est perçu comme tout puissant, quelquefois
objet de jalousie, quelquefois totalement persécuteur... »
Sur un plan mécanique, l'hématome sous dural, caractéristique du SBS, est causé par la
rupture des vaisseaux sanguins lors du choc du cerveau contre les parois de la boite
crânienne dû à des mouvements de va et vient violents.
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1.1. Diagnostic
Le Syndrome du Bébé Secoué (SBS) est évoqué face à l'association d'un hématome sous
dural avec des hémorragies rétiniennes, des marques de doigts sur les membres ou le
thorax, des fractures de côtes en postérieur des membres ou des lésions de la moelle
épinière cervicale. A l'examen on ne retrouve pas de traumatisme crânien ou un
traumatisme minime incompatible avec les lésions constatées.
Il n'existe pas de signe clinique pathognomonique du SBS mais les signes révélateurs sont
le plus souvent les vomissements, troubles de conscience, état de mal épileptique et
tension de la fontanelle.
1.2. Diagnostic différentiel
Le principal diagnostic différentiel est le traumatisme crânien accidentel. Selon la Haute
Autorité de Santé, d'autres diagnostics médicaux, plus rares, doivent également être
éliminés :
•
troubles de l’hémostase congénitaux ou acquis (thrombopénies) ;
•
malformations artério-veineuses cérébrales, exceptionnelles avant 1 an ;
•
maladies métaboliques (très rares) ;
•
l’ostéogenèse imparfaite est parfois citée mais il n’est pas établi de lien de cause à
effet avec la présence d’hématome sous dural.
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1.3. Traitements
Le traitement médical immédiat consiste à prendre en charge les détresses vitales de
l'enfant (troubles respiratoires, instabilités tensionnelles, coma) et à traiter de façon
préventive ou non l'épilepsie. Par la suite, on met en place un traitement de rééducation
fonctionnelle au sens large qui cherche à minimiser les séquelles sensori-motrices et
psycho-intellectuelles et leurs conséquences chez l'enfant.
Les indications chirurgicales (dérivation, ponction,...) sont posées en fonction du
saignement, de son volume, et de l’état clinique du patient.
1.4. Evolution
Concernant l'avenir de ces enfants, les études belges, britanniques ainsi que le docteur
Dominique Renier (5) s'accordent à dire que la mortalité est aux alentours de 10 % des
bébé victimes de SBS dans la semaine suivant le traumatisme. Pour les autres, 50 %
présenterons des séquelles visibles et clairement imputables au secouements comme des
déficits moteurs (40 % avec parfois une négligence spatiale associée), des troubles visuels
sévères, un retard mental important (45%) ou une épilepsie (30 à 50%). On retrouve aussi
des atrophies cérébrales souvent associées à un retard psychomoteur important. Les suivis
à long terme ont pu mettre en évidence des troubles mineurs chez l'autre moitié des
enfants à priori « bien portants » tels que des difficultés scolaires ou des troubles du
comportement.
Dans certains cas, le SBS passe inaperçu. Les bébés victimes ne font donc pas l'objet
d'une surveillance médicale mais présentent tout de même des séquelles neurologiques
minimes. Selon Mireau (3), « ils pourraient représenter selon certains auteurs une part non
négligeable, voire importante des retards mentaux légers, difficultés scolaires graves,
déficits visuels ou auditifs inexpliqués, hydrocéphalie, épilepsie essentielle, constatés
dans un âge plus avancé. ». Dans une de ses études, à 4 ans du traumatisme seulement
30% des enfants sont asymptomatiques. Pour les autres, 30%
ont un retard de
développement modéré, 40% ont un retard sévère nécessitant une prise en charge en
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institution spécialisée, 25% présentent un déficit neurologique focalisé et 17% ont un
déficit visuel jugé important dans la moitié des cas.
1.5. Atteintes visuelles et neurovisuelles
Les atteintes visuelles sont fréquentes en cas de SBS. Les taux décrits peuvent aller
jusqu'à 65 % dans les études à long terme.
1.5.1. Les hémorragies rétiniennes
Si elles ne sont pas indispensables au diagnostic, la présence d’hémorragies rétiniennes
(HR) est un argument important en faveur du secouement. Elles sont présentes chez 80 à
90% des cas. Elles sont la plupart du temps massives et bilatérales.
Elles sont classées en 3 catégories en fonction de leur importance et disparaissent
généralement spontanément en moins de 4 semaines.
•
Type 1 : hémorragies en flammèches, en taches ou punctiformes, situées au pôle
postérieur de l’œil.
•
Type 2 : hémorragies en dôme prérétiniennes, de petite taille, localisées au pôle
postérieur de l’œil, autour de la papille et le long des arcades vasculaires, ou en
moyenne périphérie. Elles sont isolées ou associées à des HR de type 1.
•
Type 3 : hémorragies multiples de tous types, profuses, tapissant toute la rétine ou
l’éclaboussant jusqu’à la périphérie, associées à un placard hémorragique
prémaculaire, uni ou bilatéral.
1.5.2. Le réflexe photomoteur
Parfois ralenti, ce signe serait un facteur de risque de mauvais pronostic vital.
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1.5.3. Amblyopie et cécité
Les amblyopies sont relativement fréquentes, leur importance varie d'une légère baisse
d'acuité visuelle à la cécité complète.
Les causes oculaires les plus fréquentes sont les hémorragies rétiniennes, les hémorragies
du vitré, les décollements de rétine et l'atrophie optique.
1.5.4. Troubles neurovisuels
Peu d'études portent sur la fréquence des troubles neurovisuels dans le SBS. Néanmoins,
on retrouve des cécités corticales par atrophie des lobes occipitaux et des négligences
spatiales. Les troubles neurovisuels induits par le SBS pourront fort probablement être
sources de problèmes relationnels ou de difficultés d’apprentissages.
Les séquelles de la cécité corticale à plus long terme sont les troubles gnosiques, par
lésion de la voie ventrale, tels que les agnosies des images, des objets, des visages.
De plus, les aires visuelles cérébrales, où sont décodées et interprétées les informations
visuelles représentant plus d'un tiers du cerveau, une lésion pourra également entraîner
l'apparition d'autres troubles neurovisuels comme :
•
une amputation du champ visuel (hémianopsie, quadranopsie, …).
•
des troubles de l'exploration et de l'attention visuelle (lésions de la voie dorsale).
•
une simultagnosie.
•
des troubles de la mémoire visuelle.
Les examens objectifs que sont l'étude du fond d’œil et celle du réflexe photomoteur ont
lieu dans les heures qui suivent l'arrivée de l'enfant à l'hôpital. De part leur technique et
l'absence de coopération nécessaire du patient ils sont réalisables quel que soit l'âge de
l'enfant. En revanche, l'étude de l'acuité visuelle et de la vision fonctionnelle sera plus
complexe. Les séquelles neurovisuelles ne pourront notamment être mises en évidence
que beaucoup plus à distance du traumatisme. Elles ne seront retrouvées et prises en
considération que si elles sont expressément recherchées.
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2. CAS CLINIQUES ET PROJETS THÉRAPEUTIQUES
Selon qu'une orthoptiste soit présente ou non dans la structure d'accueil, plusieurs types
de prises en charge peuvent être proposés.
2.1. Coopération entre services : Noa
Nous avons vu que seulement 30 % des enfants sont asymptomatiques 4 ans après la
sortie d'hospitalisation et que 40 % des patients symptomatiques sont pris en charge en
établissements spécialisés. Pourtant, un nombre extrêmement réduit de ces établissements
emploie les professionnels de la vision que sont les orthoptistes.
Lors de mon expérience d'orthoptiste libérale intervenant ponctuellement au sein des
Instituts Médico Éducatifs (IME) et des Instituts d’Éducation Motrice (IEM) de mon
secteur, j'ai pu constater qu'au quotidien, les difficultés visuelles de ces jeunes sont peu
prises en compte. Soit parce qu'elles ne sont pas connues, soit parce que les équipes n'ont
ni les connaissances ni les moyens matériels pour les comprendre et s'y adapter.
Dès lors, une sensibilisation des équipes à ces difficultés invisibles du grand public peut
permettre de déboucher si ce n'est sur la création d'un poste d'orthoptiste, au moins sur
une coopération avec un service spécialisé en basse vision permettant la mise en place de
rééducation orthoptique et d'adaptations pour la vie quotidienne.
Voici en guise d'illustration à travers l'histoire de Noa, l'exemple d'une collaboration entre
divers établissements mise en place à partir d'une discussion informelle.
Noa est un petit garçon de 6 ans avec un diagnostic de secouement qui a été placé en
Institut Médico Éducatif. Le traumatisme serait arrivé à l'âge de 15 mois au cours d'un jeu
avec le compagnon de sa maman. Il a été hospitalisé dans le coma, cela à duré 17 jours. Il
a eu un hématome sous dural pariétal gauche avec un œdème cérébral et une hypertension
intracrânienne opérée. Il souffre depuis de crise d'épilepsie. Le bilan d'hospitalisation
initiale évoque une hémianopsie latérale homonyme droite ainsi qu'une hémiparésie.
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Nous l'avons connu au CAMSP peu avant ses trois ans dans le cadre de la consultation
conjointe ophtalmologie/orthoptie. La demande de bilan visuel est issue d'une rencontre
informelle entre les directeurs des deux structures. La présence du pôle visuel au sein du
CAMSP fut l'occasion de recueillir des explications sur le comportement particulier de ce
petit garçon présentant des troubles du comportement.
Sur le plan de l'histoire ophtalmologique, les PEV montrent des réponses de faible
amplitude. Il a eu des hémorragies des fonds d’yeux résorbées en 9 à 10 mois. Il présente
actuellement une atrophie optique bilatérale. Sa maman le dit encore gêné visuellement et
décrit un strabisme apparu depuis le coma qui est variable dans le temps et en fonction de
l’épilepsie.
Lors de la consultation, on constate une hémiparésie droite des membres inférieurs et
supérieurs mais la marche est possible. Dès le début de l’examen on peut suspecter une
héminégligence droite. Il présente une attitude corporelle tournée vers la gauche.
Au niveau orthoptique, sur le plan sensoriel, il n'y a pas de vision binoculaire et l'acuité
visuelle, uniquement réalisable par le test de bébé vision, montre une acuité très en
dessous de la moyenne de son âge et une suspicion d'amblyopie droite. Noa ne gère pas
du tout son regard en monoculaire œil droit.
Sur le plan moteur, il y a beaucoup d'incoordinations oculomotrices et on retrouve une
esotropie œil droit. L'oculomotricité est très perturbée voir absente vers la droite et la
fixation est instable et très ancrée dans l'hémichamp gauche.
Sur le plan fonctionnel, l'étude du champ visuel attentionnel évoque une négligence droite
et fort probablement une hémianopsie latérale homonyme droite car Noa bouge beaucoup
la tête pour rechercher la cible même quand il est en monoculaire œil gauche. Ceci
engendre une attitude de tête et corporelle importante. Le regard accompagne bien le
geste dans le champ gauche mais Noa procède par tâtonnement dans le champ visuel
droit. La dissociation œil/tête est présente des deux côtés si la cible est en mouvement à
droite.
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Compte tenu de son acuité et du trouble de champ visuel, nous avons conseillé que Noa
bénéficie d'une prise en charge orthoptique (amblyopie, éveil visuel, exploration,…) et
d'une évaluation neurovisuelle plus approfondie quand il serait plus grand.
Suite à cette recommandation, un lien entre l'IME d'accueil et le SAAAS du secteur a été
mis en place afin qu'une prise en charge orthoptique puisse avoir lieu. Il s'agit de stimuler
l'utilisation de la vision au quotidien, prévenir la récidive de l'amblyopie, améliorer la
précision de l'oculomotricité et mettre en place les stratégies nécessaires en lien avec sa
malvoyance. L'acuité est maintenant de 1/30 P50 avec sa correction. Au cours la prise en
charge, des notions de prosopagnosie ont émergé et se sont vues confirmées par l'équipe
éducative. Un travail autour de la discrimination des visages a été entrepris. De plus, un
lien régulier avec les éducateurs et l'équipe enseignante a été réalisé ainsi qu'une
sensibilisation à la malvoyance auprès du personnel de l'IME. Les réussites et les échecs
sont analysés en tenant compte des difficultés visuelles et des adaptations en lien avec ses
capacités sont proposées.
2.2. Évaluation et prise en charge par l'orthoptiste: Mathieu
La présence d'une orthoptiste au sein des établissements médico sociaux permettrait un
dépistage et une prise en charge plus rapide des troubles visuels des patients.
De part leur décret de compétence, les orthoptistes sont habilitées à évaluer et traiter les
troubles de la vision tant au niveau sensoriel, moteur que fonctionnel. En prenant en
compte le lien étroit entre la vision, le développement psychomoteur, la posture mais
aussi la communication, le travail en équipe pluridisciplinaire devient une évidence.
2.2.1. Évaluation orthoptique
Les bilans que nous pouvons proposer aux patients des services médico sociaux sont
articulés autours des trois axes de la vision : sensoriel, moteur et fonctionnel. Ils sont à
adapter à l'âge, à la pathologie mais surtout aux capacités du patient et ont pour but
premier de faire le lien entre quotidien et capacités visuelles. Ils serviraient de base
d'échange avec les équipes autour des incapacités mais surtout des possibilités du patient
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afin de faire émerger les besoins de compensation et de rééducation. L'objectif est de
répondre aux questions suivantes :
Que voit-il ?
Comment voit-il ?
Qu'en fait-il ?
Afin de coller au plus près des trois piliers de la vision que sont :
• Voir, l’œil en tant que capteur sensoriel.
• Regarder, l'œil comme un effecteur par la stratégie du regard.
• Comprendre, le traitement cortical de l'information sensorielle.
Voici une proposition de bilan orthoptique permettant une analyse de la vision pour les
équipes éducatives et soignantes novices dans le domaine visuel. Une proposition de
trame ainsi que les supports des tests utilisés seront mis en annexe.
Il va de soit que les situations-tests proposées doivent prendre en compte les difficultés
visuelles, cognitives et motrices du patient. Ce bilan n'étant pas étalonné et donnant lieu à
des appréciations qualitatives, je me permets dans mon quotidien d'adapter la taille et la
disposition des supports tout en prenant en compte les modifications dans mon diagnostic
orthoptique.
L'interrogatoire ou l'analyse du dossier du patient à la recherche d'antécédents
médicaux laissant penser à une atteinte visuelle est primordial. Il permet de se faire une
idée du déficit visuel pour orienter le bilan. Une discussion avec l'entourage permet de
recueillir les demandes liées au quotidien et de faire émerger les difficultés non exprimées
engendrant des incapacités. La connaissance du projet de prise en charge mis en place
aide à orienter nos propositions. Enfin, l'accès ou non par les soignants au contexte de
secouement doit être discuté en équipe. En effet, l'inscription de ces informations dans le
dossier peut engendrer une méfiance envers les parents lors qu'ils sont les auteurs des faits
et ceci peut changer notre regard, même inconsciemment, sur l'enfant. En revanche,
connaître l'auteur du secouement peut aussi permettre de comprendre le comportement
parfois étrange des familles étant dans un fort désir de réparation ou dans une grande
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difficulté à accorder leur confiance lorsque c'est une personne extérieure qui est à l'origine
des faits.
Tentons à présent de répondre aux trois questions permettant l'étude des trois piliers de la
vision :
Que voit-il ? Quel est l'état visuel du patient au sens large ?
• Antécédents ophtalmologiques et optiques : il s'agit de savoir s'il y a déjà eu une
consultation et quels en sont les résultats. De même, si une correction a été
prescrite, si celle-ci est portée.
• Réfraction : selon mon expérience, les lunettes prescrites sont peu portées. Le plus
souvent, l'importance de la correction des amétropies est méconnue et paraît bien
moindre comparée aux autres séquelles des patients. Pour autant, il est assez rare
qu'une correction optique bien adaptée ne soit pas supportée. En revanche, on
retrouve aussi des situations inconfortables où les verres ne sont pas propres, où la
monture est mal positionnée ou encore mal adaptée à la position orthopédique
recommandée. Quand il n'y a pas eu de consultation ophtalmologique, il est
intéressant de se faire une idée de la réfraction ainsi que de l'état accommodatif.
Cela nous permet de décrire à l'équipe dans quelle zone de vision le patient est le
plus à l'aise. Dans tous les cas il faut recommander une consultation médicale.
•
État sensoriel : la mesure de l'acuité visuelle est faite avec une méthode adaptée à
l'âge et à la pathologie. La méthode du regard préférentiel peut être utilisée pour
comparer le pouvoir séparateur de chaque œil quand aucune coopération n'est
possible. Quand la coopération est meilleure, des optotypes isolés sont préférés
pour éviter les phénomènes de simultagnosie, en choisissant des lettres et des
dessins en cas de troubles spatiaux ou les E et les anneaux de Landolt en cas de
troubles gnosiques. L'échelle du Léa test est un bon compromis car elle évite les
soucis spatiaux et gnosiques. L'étude de la vision binoculaire peut se faire par
l'acuité stéréoscopique au TNO ou au test de Lang en dépistage mais aussi par le
test de fusion de Worth et la mesure des amplitudes de fusion. Enfin, l'évaluation
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du champ visuel peut être réalisée par la méthode de confrontation ou aux
marionnettes en s'aidant du château de Labro pour canaliser l'attention.
•
Œil fixateur, œil viseur: chez l'enfant, s'il n'est pas toujours aisé de déterminer
l’œil viseur, il est envisageable de proposer de fixer un point éloigné à travers un
tube. Il est alors possible de noter l’œil utilisé.
•
Déséquilibre oculomoteur : on vérifie si la motilité est équilibrée et on fait
éventuellement un lien avec une attitude de tête. On recherche également s'il y a
un strabisme et on l'étudie de façon classique.
Comment voit-il? Comment le patient utilise t il son regard ?
•
Sait-il utiliser son regard indépendamment de sa tête ? On teste si les mouvements
des yeux sont indépendants de ceux de la tête. C'est la dissociation œil/tête. Puis
on regarde si les yeux entraînent la tête lors de la perception d'une cible en
périphérie. Il s'agit de la coordination oculocéphalique. Les mouvements de
saccades étant plus précis et plus rapides que ceux de la tête, une bonne
coordination engendre un coût énergétique moindre pour le patient.
•
L'oculomotricité est elle suffisamment efficace pour mettre en jeu le regard ? La
fixation, les poursuites mais surtout les saccades et les mouvements de vergence
sont examinées en terme de précision, de stabilité et d'endurance. Pour l'examen
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des saccades, il est intéressant de noter la qualité des mouvements selon qu'ils sont
réalisés en détection (système archaïque) ou en volontaire (système récent). De
même, il faut se demander si le soutien verbal, cognitif ou proprioceptif est une
aide ou un frein. Ceci permet d'élaborer des pistes de rééducation mais aussi de
mesurer à minima la composante attentionnelle du patient. Enfin, l'utilisation du
château de Labro permet un test rapide de ces fonctions et rajoute la possibilité
d'un examen des saccades visuo-guidées qui balise visuellement l'espace et donc
apporte un soutien mais qui rajoute aussi une composante cognitive d'anticipation.
•
Sait-il trouver et utiliser des stratégies pour explorer une scène ?L'exploration de
loin et de près, sur feuille et dans l'espace est testée. Il s’agit de se demander si le
patient possède les ressources pour tirer bénéfice de la présentation du support (en
ligne, en colonne, en vrac) et y adapter ses stratégies ou s'il faut lui en induire une.
L’existence des redites ou des oublis et si ces derniers sont situés dans un espace
bien déterminé laissant évoquer une négligence est notée. Le test est effectué en
visuel pur et en barrage. Il faut cependant se méfier des doubles consignes comme
le piquage ou le dénombrement. De même, les stratégies cognitives sont mises en
jeu avec des items significatifs ou mises de côté avec des items sans signification.
Enfin, pour dépister un trouble des fonctions visuo attentionnelles, il est possible
de jouer avec la présence de distracteurs plus ou moins semblables aux cibles
cherchées.
•
Existe-t-il une bonne perception ? Il s'agit de tester la vision des couleurs par les
tests d'Ishihara ou par appariement de carrés colorés avec des teintes plus ou
moins saturées. La fonction de sensibilité aux contrastes peut s'évaluer pendant
la phase d'acuité avec les tests de Serret, Lissac ou des palettes de Léa. Enfin les
perceptions relatives de la taille par simple appariement et de l'orientation avec
le test des lignes de Benton sont étudiées. La dissociation fond/forme est évaluée
avec les tests de Safari ou les figures entremêlées de M. Frostig.
Qu'en fait-il? Analyse corticale et mise en jeu des données visuelles.
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•
Sait-il utiliser son regard et effectuer une action ? La coordination
oculomanuelle est testée en pointage, piquage, graphisme ou en manipulation
plus complexe. L'anticipation visuelle sur l'action est évaluée notamment lors de
tracés de plus en plus complexes.
•
Sait-il analyser une situation ? Il s'agit de voir si le patient peut trouver les détails
pertinents, caractéristiques d'un item, dans les exercices de recherche de
différences ou d'appariement des identiques. On note aussi la perception et
l'analyse des positions spatiales relatives en topologie par exemple.
•
Sait-il utiliser les informations perçues pour effectuer une tâche ? Les tâches
complexes que sont la lecture, le graphisme ou les constructions demandent de
savoir associer précisément des éléments non signifiants pour former un tout
signifiant à partir de données visuo spatiales. Dans ces taches, on évalue
l'association
du
sensoriel
(perceptif),
du
moteur
(oculomotricité),
des
coordinations et du traitement visuo spatial. A notre niveau, la lecture est testée en
vitesse et en qualité par le test de lecture comparé qui permet de connaître les
possibilités de coopération binoculaire (6). Pour le graphisme, les tracés simples,
les formes de base ou les reproduction d’algorithmes peuvent être proposées.
Enfin, pour la construction, la reproduction, dans l’espace de figures à l'aide de
cubes mais également la copie d'assemblages de figures simples sur feuille ou
l'écriture fait l’objet d’une attention particulière.
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•
Peut-il confronter des informations visuelles et cognitives ? On propose un test de
dépistage des gnosies visuelles en demandant une dénomination d'images simples
du quotidien que l'on sait connues du patient. Les images de Mme Blanche
Ducarne de Ribaucourt ont été étalonnées (7). Les recherches pourront être
poussées plus avant en proposant des images prises d'un point de vue insolite ou
en testant la reconnaissance des visages en fonction de l'entretien avec les proche
et l'équipe soignante.
En conclusion du bilan, il s'agira de faire ressortir les possibilités sensorielles, la qualité
de l'outil oculomoteur avec la présence ou non de troubles du regard, la qualité des
stratégies visuelles mais aussi la présence ou non de troubles visuo spatiaux et gnosiques.
Ceci permettra de suggérer de compléter l'évaluation avec d'autres bilans paramédicaux
(psychomoteur, ergothérapique, orthophonique) ou neuropsychologiques. Enfin, il faudra
statuer sur la qualité de l’interaction entre la vision et l'action.
Prenons l'exemple de Mathieu, 7 ans. Il a été suivi au CAMSP depuis sa sortie de service
d'hospitalisation suite à un diagnostic de secouement par sa nourrice. C'est à l'âge de 6
mois que des convulsions ont entraîné la découverte d'hématomes sous duraux. Il y a eu
mise en place d'une dérivation sous durale externe et d'un traitement anticonvulsivant. Au
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CAMSP, il a bénéficié de prises en charge régulières en kinésithérapie et en
psychomotricité. Un soutien psychologique pour la famille et une surveillance orthoptique
ont été proposés une fois par mois. Sur le plan visuel, tant le suivi ophtalmologique
qu'orthoptique ont été longs à se mettre en place. Sur le plan ophtalmologique, les papilles
sont pâles et il y a un remaniement pigmentaire maculaire gauche. Il porte une légère
correction d'hypermétropie. Le travail régulier en orthoptie n'a pu se mettre en place que
vers ses 3 ans.
Sur le plan sensoriel : Il n'y a pas de vision binoculaire. La mesure d'acuité visuelle a dû
être répétée sur plusieurs séances car Mathieu présente des troubles de l'attention massifs
et des persévérations ne permettant pas toujours de statuer quant à la fiabilité des
réponses. On retrouve néanmoins une isoacuité aux alentours de 1/10. La valeur que l'on
peut considérer comme basse reste cependant toute relative. Ces mesures d'acuité dans
des conditions peu recommandées nous ont permis d'appuyer la demande d'orientation en
SAAAS auprès de la MDPH.
Sur le plan moteur, il existe un strabisme convergent œil droit fixateur. Quand il s'agit de
discriminer des détails fins, Mathieu tente de conserver la fixation avec son œil droit
même à travers le filmomatt. L'oculomotricité est peu endurante, imprécise et entraîne des
tensions cervicales et des syncinésies mandibulaires.
Sur le plan fonctionnel, la coordination oculomanuelle est peu précise car le geste
moteur de préhension ou de piquage n'est pas fin. On ne retrouve pas d'éléments en faveur
d'une négligence spatiale. La dénomination d'images est très aléatoire. Les images sans
indices pertinents sont difficilement nommées de même que les dessins trop fournis en
détails ou trop symboliques.
Lors de l'évaluation, Mathieu a été coopérant mais les troubles attentionnels, de
persévérations et gnosiques ont été très importants. Nous avons prévu de poursuivre la
prise en charge orthoptique de façon hebdomadaire concernant la surveillance de l'acuité
visuelle et la mise en place des stratégies visuelles d'exploration, de discrimination et
d'identification en attendant le relai avec le SAAAS du secteur. Pendant ce temps, nous
avons effectué des séances conjointes ponctuelles avec sa psychomotricienne afin de la
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sensibiliser et de lui expliquer en situation le handicap visuel de Mathieu tant en terme
d'acuité que de stratégies ou de gnosies.
A la rentrée de moyenne section, Mathieu a été accueilli au SAAAS. Il est alors pris en
charge par l’orthoptiste, la psychomotricienne, l’ergothérapeute et l’enseignante
spécialisée. L'orthoptiste le voit toutes les semaines à l'école et travaille avec lui les
stratégies de discrimination et l'oculomotricité. A son passage en CP, elle commence à
mettre en place un travail sur téléagrandisseur car le besoin de grossissement devient trop
important et son toucher fin n'est pas assez bon pour apprendre le braille. Son acuité,
mesurée à 1/32 P16 à 10cm en binoculaire, est insuffisante pour que la lecture en noir soit
efficace. De plus Mathieu présente des difficultés gnosiques et compte tenu de ses
problèmes de reconnaissance des lettres on peut se demander s'il n'y a pas une agnosie des
signes conventionnels liés à l'écrit.
A la fin du CP, une orientation en CLIS 3 (déficience visuelle) a été demandée afin de
mieux prendre en compte ses difficultés et de lui donner plus de temps pour réaliser les
taches qui lui sont demandées. Il commence à lire des phrases courtes en arial 48. Il
présente aussi des troubles graphiques liés aux séquelles de SBS qui prennent la forme de
troubles de régulation tonique et de difficultés praxiques.
2.2.2. Prise en charge orthoptique
La prise en charge des enfants cérébrolésés et plus précisément victimes de SBS doit
prendre en compte tous les paramètres de la vision car l'ensemble des fonctions visuelles
peut potentiellement être atteint.
Les éléments sensoriels, moteurs et fonctionnels (praxies visuelles, stratégies, perception
et analyse visuelle et spatiale, attention visuelle, coordinations) seront traités en fonction
du bilan. Enfin, si cela est nécessaire, la mise en place de moyens de compensation sera
proposée. Tout ceci n'ayant de sens que dans une approche globale du patient, adaptée à
l'âge et au handicap associé car ces pathologies touchent bien plus que la sphère visuelle.
Il faut traiter en priorité les amblyopies induites par les hémorragies rétiniennes ; puis
permettre la mise en place d'une fixation efficace notamment en cas de cécité corticale
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comme nous le verrons avec le petit Simon mais aussi travailler sur les capacités
oculomotrices de fixation et de saccades. Par la suite, nous traiterons les stratégies
visuelles de discriminations liées à la malvoyance et les stratégies de reconnaissance et
visuo spatiales liées aux lésions neurologiques.
Pour élaborer le projet de rééducation il faut aussi se demander en fonction des éléments
ce qui relève de la rééducation, qui entend la récupération complète de la fonction ; de la
réadaptation, où on sait que la récupération n'est pas possible et
nécessitant une
adaptation de la fonction ; ou de la compensation, pour laquelle il s'agit d'envisager des
aides humaines ou techniques.
Le déroulement des séances doit pouvoir se réaliser dans un lieu calme, favorisant
l'attention et bien éclairé. Le patient doit être installé de façon à ce que la vision puisse
être engagée sans effort. Il doit avoir les pieds au sol sur une surface dure afin de favoriser
le rappel proprioceptif. On peut aussi proposer de le placer dos au mur afin de baliser
l'espace environnant et de favoriser la concentration. Un pupitre pourra au besoin soulager
les tensions. Pour les enfants cérébrolésés présentant des difficultés de régulation tonique,
le travail au tapis dans une installation contenante doit être envisagée.
Les travaux de Bullinger (8) sur le rapport entre flux visuels et tonus ainsi que les
échanges avec nos collègues kinésithérapeutes et psychomotriciennes apportent
énormément dans ce domaine.
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Troubles sensoriels et moteurs:
•
Suivi du strabisme : on s'assure que le suivi ophtalmologique soit régulier, que la
correction optique soit toujours adaptée et portée mais on traite également les
fixations croisées.
•
Amblyopie : il s'agit de la priorité absolue de traitement sur toute autre prise en
charge car le temps est compté. Il peut s'agir de traitements par occlusion ou
pénalisation. Ces traitements devront être suffisants pour être efficaces mais
toujours adaptés dans la mesure où ils ont des conséquences sur le développement
psychomoteur. Un travail d'explication à nos partenaires de rééducation est le
bienvenu dans la mesure où ce traitement n'est toujours bien accepté. On assure
par la suite la surveillance et la prévention de l'amblyopie.
•
Nystagmus : une position de blocage ou de moindre battement du nystagmus est
recherchée de façon à proposer si possible un moyen de compensation adapté ou
le maintien d'une posture favorisant une fixation de qualité.
•
Pré-requis orthoptiques : les pré-requis orthoptiques de base tels que les
amplitudes de fusion, l'accommodation et la motricité oculaire sont bien
évidement rééduqués.
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Troubles fonctionnels :
•
Champ visuel attentionnel : l’objectif est d’élargir au maximum la fenêtre visuoattentionnelle en proposant des taches d'anticipation visuelle variées (relier des
points, suivi de chemin, labyrinthes, ….). L'empan visuel, quantité de lettres
perçues en une fixation, peut être entraîné en augmentant le nombre de caractères
au fur et à mesure. Selon les travaux de S. Valdois (9), il est en moyenne de 7
lettres. Enfin, il n'est pas rare de retrouver des négligences spatiales unilatérales
séquellaires du SBS. Notre rôle est d'apprendre au patient à aller chercher avec ses
yeux l’information dans le champ négligé en se servant de stimulations
multimodales dégressives et de travailler sur les stratégies de compensations
motrices, visuelles et cognitives.
•
Troubles du regard : La mise en place d'une bonne fixation est l'étape clé de la
prise en charge orthoptique. Elle se fait par une stimulation multimodale (auditive,
tactile, proprioceptive et cognitive) une fois le support adéquat trouvé. Il est
déterminé en fonction de sa taille, sa luminosité, son contraste et des propriétés
proprioceptives associées comme par exemple les vibrations. Dans les cas où la
fixation reste compliquée, il sera possible de commencer avec un fond structuré
comme les panneaux à damier ou les réseaux. Le travail doit être quantitatif mais
surtout qualitatif. Le coût énergétique de la fixation doit être moindre pour que
celle-ci puisse être engagée. On veille à diminuer au maximum les clignements,
larmoiements ou les syncinésies. Une fois cette fixation statique obtenue, elle peut
être travaillée en dynamique. Les poursuites devront alors être réalisées sans
difficulté, dans toutes les directions et sur des supports aux caractéristiques variées
de taille décroissante. La fixation doit être efficace pour que la prise d'information
visuelle soit fiable. Enfin, les saccades, base des stratégies visuelles praxiques et
perceptives, sont travaillées en endurance, en rapidité et en précision, en
commençant par les mettre en jeu avec des exercices de dissociation œil / tête puis
sur ordre et enfin en volontaire pur. Des cibles de taille décroissante, des lettres ou
des mots sont utilisés, le travail est effectué dans toutes les directions, en
monoculaire
et
en
binoculaire.
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Afin
d'aider
au
déclenchement,
un
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accompagnement verbal, proprioceptif ou cognitif peut être proposé. Pour
augmenter la difficulté, une double tache comme le respect d'un rythme, le
dénombrement, la description ou le barrage pourra être envisagée.
•
Coordinations : la coordination oculomanuelle est le lien qui est fait entre la
vision périphérique et la vision centrale ou encore entre la détection d'une cible et
la précision du geste. Elle est travaillée dans l'espace et sur feuille ; d'abord dans la
portion de l’espace la plus facile pour finir dans un plan en deux dimensions. Il
sera possible de mettre en place des taches alliant discrimination la plus fine
possible et le piquage, pointage, barrage, graphisme....
La coordination oculocéphalique se travaille par la mise en jeu de saccades, tête
tenue si besoin dans un premier temps en associant des stimulations multimodales.
La coordination visuomotrice peut être travaillée dans une approche corporelle
globale avec pour les plus petits l'amélioration du lien entre le vision et
l'acquisition des schèmes moteurs (retournements, station assise, quatre pattes,
genou dressé, station debout) et pour les plus grand par des taches de marche, de
lancés ou d'équilibre dynamique.
•
Stratégies visuelles: une mise en place des stratégies exploratoires est proposée
en ligne isolée puis sur un espace feuille organisé et enfin désorganisé, sans puis
avec distracteurs plus ou moins identiques et plus ou moins denses. Les items
pourront être dans un premier temps significatifs puis sans signification.
L’attention sera portée sur la stratégie mise en place (circulaire ou oculo lexique)
et on en proposera une plus efficace si besoin. Pour faciliter l'exercice, l'espace
pourra être balisé, une portion du support cachée ou le doigt curseur mis en place
s'il est bien utilisé. Pour rendre le travail plus complexe il est envisageable de
demander une double consigne.
Concernant les stratégies de lecture, une fois les pré requis orthoptiques et
l'oculomotricité en place, la précision du retour à la ligne est travaillée. On veille à
ce que l’œil directeur soit performant et la coopération binoculaire correcte. Sinon
il faut penser à un temps de travail en monoculaire. Des moyens de compensation
peuvent être mis en place comme de surligner une ligne sur deux, de cacher le
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texte à venir, d'utiliser une règle, un doigt repère ou curseur si la coordination œil
main est bonne. Enfin, on peut travailler sur des supports informatisés qui propose
un texte défilant et dont les mots lus s’effacent petit à petits pour éviter les
rétrosaccades trop nombreuses (10).
•
Identification et Gnosies visuelles :que ce soit l'identification par malvoyance ou
la gnosie visuelle séquellaire de la cécité corticale du SBS qui posent problème,
on travaille avec le patient sur la prise de détails par appariement de dessins ou de
signes ne différant que par un détail, par repérages de séquences parmi des
distracteurs et par l'analyse de ce qui est vu grâce à la verbalisation. Les troubles
de simultagnosie sont également à prendre en compte dans les difficultés
d'exploration et on pourra appliquer les techniques de mise en place des stratégies
exploratoires ou leurs moyens de compensation. Dans tous les cas, la connaissance
du problème est essentielle pour la vie quotidienne et peut expliquer des troubles
du comportement, car les patients ne peuvent pas se fier aux informations
visuelles perçues. Leur dépistage et l'explication à l’entourage sont donc
nécessaires.
•
Analyse et repérage visuo spatial : l'amélioration de l'analyse visuo spatiale et du
repérage passe par un travail sur les positions spatiales relatives, la position
topologique des éléments, la production en trois dimension puis sur feuille avec
des exercices tels que les Atelier Topologie, le Compox ou les planches de Visuoanalyse (Ortho édition) mais aussi tous les supports mettant en jeu les
coordonnées comme les symétries ou la bataille navale. Des moyens de
suppléance tels que la verbalisation, les codes couleur ou les doigts repères
peuvent être mis en place.
Les liens avec les autres soignants sont indispensables à la fois pour s'inscrire dans une
prise en charge globale du patient mais aussi parce que la vision est un mécanisme peu
connu et difficile à comprendre et parce qu'un trouble visuel peut paraître banal. Cela
permet aussi de leur indiquer si le patient peut faire confiance à sa vision (problème
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d’agnosie, de négligence), quelles tâches sont plus ou moins évidentes, s'il faut combattre
ou favoriser une position de tête et s'il faut mettre en place une suppléance.
Enfin, les échanges avec nos partenaires sont pour nous source de savoir car ils nous
permettent de réaliser des examens dans de meilleures conditions comme nous l'avons vu
précédemment autour de l'installation par exemple mais aussi parce que ils enrichissent
nos connaissances sur le développement de l’enfant et donc nous permettent de globaliser
son accompagnement.
2.3. Prise en charge à quatre mains : Simon
Nous avons vu dans les deux parties précédentes les possibilités de coopération entre
services ainsi que les propositions d'évaluation et de prise en charge orthoptique. Une
autre possibilité est intéressante dans le travail avec les patients cérébrolésés, il s'agit de la
prise en charge à quatre mains.
Au cours de mon expérience en CAMSP, il m'a été permis de travailler en binôme avec
divers professionnels de santé, à commencer par un partenaire naturel, l'ophtalmologiste.
Nous assurions des consultations lors desquelles nous avons pu partager des regards
spécifiques dans un même but, l'examen visuel. J'ai également eu l'occasion de faire
équipe avec la kinésithérapeute, l'orthophoniste et l'éducatrice de jeunes enfants. Enfin, à
travers l'histoire de Simon, je souhaiterai illustrer le travail commun avec la
psychomotricienne.
Simon est un petit garçon victime de secouement par sa nourrice à l'âge de 5 mois. Une
dérivation à été mise en place ainsi qu'un traitement antiépileptique.
Il est arrivé au CAMSP à l'âge de 9 mois. Le retard psychomoteur était alors massif. Seule
la position en décubitus dorsal était possible, il existait une hypotonie axiale majeure
associée à une hypertonie périphérique. Le regard était vide et le visage inexpressif. Il n'y
avait pas de vocalises.
Sur
le
plan
de
l'histoire
ophtalmologique,
des
hémorragies
péripapillaires
retrohyaloidiennes et interpapillo maculaires bilatérales ont été retrouvées lors de
l'hospitalisation. La macula était visible à gauche mais pas à droite. Quatre mois après
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l'accident, il n’y avait plus d’hémorragie mais une atrophie optique bilatérale. Les
examens électrophysiologiques concluaient à un ERG normal et des PEV discernables
mais immatures.
Sur le plan ophtalmologique, le clignement à la menace était absent et les réflexes
photomoteurs directs et consensuels présents mais très faibles. Il y avait une atrophie
optique bilatérale massive et la réfraction était impossible à réaliser.
Sur le plan sensoriel, il y avait uniquement une perception lumineuse sur l’œil droit. A
gauche la réponse était très faible au test de bébé vision et la détection des damiers était
possible.
Sur le plan moteur, on constatait une errance oculaire avec une déviation très variable. La
fixation était excentrée et possible uniquement avec l’œil gauche mais le temps de latence
était très élevé. Les poursuites étaient absentes et les saccades céphaliques et possibles
uniquement en détection à gauche s'il n'y avait pas de son associé.
Sur le plan fonctionnel, les coordinations oculomanuelle et oculocephalique étaient
absentes. Il n'y avait aucun geste de préhension, peu d’intérêt pour la cible et aucune
dissociation œil/tête. La coordination auditivomotrice était présente des deux côtés.
Au total, Simon montrait peu d’intérêt pour le canal visuel. Il présentait les symptômes
d'une cécité corticale. Il a donc été décidé de commencer immédiatement un travail de
stimulation de l'éveil visuel et de l'oculomotricité de base en commençant par l’obtention
d’une fixation, avec pour parti pris de ne pas attendre la fin de l'ensemble des évaluations
et de faire deux séances par semaine.
Dès la fin des évaluations, et devant le besoin psychomoteur important, il a paru
fondamental à l'équipe de conjuguer les savoirs psychomoteurs et orthoptiques au sein
d'une même séance afin de proposer à la fois une stimulation du potentiel visuel et un
soutien de l’activité motrice par la vision dans le cadre d’un travail global. Nous
souhaitions également développer la compréhension des liens entre ce qui était vu et les
autres perceptions sensorielles.
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Très rapidement, la détection s'est améliorée, les poursuites sur damiers et parfois sur
certains objets connus sont devenues possibles dans tous les champs du regard. Après
deux ans de prise en charge, Simon a beaucoup évolué. Grâce aux diverses stimulations,
une fixation sur les objets a pu se mettre en place. Le temps de latence restait élevé mais
Simon était capable de regarder un objet pour le saisir ou de l’attraper et de l’amener
devant ses yeux pour l’examiner. Même s’il restait probablement des séquelles de cécité
corticale, il semblait mieux comprendre son environnement et il pouvait être en
interaction visuelle avec l’autre. Comme la fixation était devenue de meilleure qualité,
l'ophtalmologiste a pu réaliser une réfraction plus fiable qui a révélé une myopie. Une
correction optique a été prescrite.
Quelques jours après cette consultation, Simon a quitté le CAMSP pour une structure
d'accueil à la journée. Nous avons préconisé la poursuite de la stimulation visuelle mais
l'IME n'ayant pas d'orthoptiste, les parents ont du trouver non sans mal un relai en libéral,
les adresses que nous avons fournies leur semblant trop éloignées du domicile.
Nous
avons
pu
revoir
Simon
un
an
après
en
consultation
conjointe
ophtalmologie/orthoptie dans le cadre d'une collaboration entre services. Il acceptait bien
ses lunettes. Les PEV Flash seraient normaux. La prise en charge orthoptique se
poursuivait à raison d’une fois par semaine depuis plusieurs mois.
Sur le plan ophtalmologique, l'atrophie optique bilatérale restait majeure. La myopie avait
peu évolué. Il n'y avait toujours pas de clignement à la menace.
Sur le plan sensoriel, on retrouvait une détection très inconstante des damiers.
Sur le plan moteur, les reflets montraient un strabisme divergent, la fixation était possible
entre 5 et 10 cm. Simon fuyait la lumière. Il orientait son regard uniquement au bruit et de
façon céphalique.
Sur le plan fonctionnel, la dissociation œil/tête était absente. Le geste de préhension ne se
faisait qu’avec la main droite même quand celle-ci était tenue. Simon repérait la cible, en
vision périphérique puis lâchait le regard, attrapait l’objet et enfin regardait à nouveau.
Depuis son entrée à l'IME, il n'y a plus eu de prise en charge à quatre mains
orthoptie/psychomotricité ni de liens entre les professionnels. On peut constater que la
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vision en elle-même se développe mais que la relation à l'autre, l’intérêt pour
l’environnement et l'envie de découvrir se sont dégradés. Le regard est maintenant très
peu engagé. Le temps de latence reste élevé. Il est capable de saisir un objet et de
l’amener devant ses yeux mais n'en fait rien de plus.
Dans un cas comme celui de cet enfant, le travail de concert a permis de développer le
lien entre la vision et la proprioception, l'appréhension de environnement mais aussi le
partage avec autrui. La mutualisation de nos connaissances nous a apporté une
connaissance globale du développement de l'enfant et a enrichi notre savoir faire et bien
évidemment nos prise en charges.
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3. ÉLABORATION D'UN OUTIL D'INFORMATION À L'USAGE
DES DIRECTEURS D'ÉTABLISSEMENT
En accord avec la directrice du CAMSP, nous avons proposé une sensibilisation aux
troubles visuels à l'ensemble des directeurs d'établissement de notre association
gestionnaire. Le but était de promouvoir la prise en compte de la vision de leurs usagers
dans leurs accompagnements, de leur montrer par des exemples du quotidiens les
difficultés auxquelles ils pouvaient être confrontés, et ainsi de faire émerger la nécessité
d'un dépistage visuel pour leurs patients et pourquoi pas la création d'un poste
d'orthoptiste par mutualisation de moyen.
3.1. Œil, fonction visuelle et vision fonctionnelle
Nous avons commencé par un rappel sur l'anatomie de l’œil et de ses muscles
oculomoteurs en les replaçant dans le cadre plus global qu'est le cerveau.
Puis nous avons insisté sur le rôle de la vision par laquelle 80 % des informations sont
perçues. Elle a également été décrite en tant que capteur postural. Ceci est assez parlant
car nombre des usagers présentent un trouble de régulation tonique ou des difficultés
orthopédiques. Enfin, nous avons détaillé le triple rôle de la vision que nous avons vu lors
de la proposition d'évaluation à savoir : voir, comprendre et regarder. A cette occasion, la
boucle neurovisuelle a été décrite afin d'expliquer qu'une bonne acuité visuelle n'est ni
suffisante ni indispensable pour avoir une vision efficace.
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3.2. La vision dans l'approche globale du patient
Nous avons développé l'utilité de la vision :
• Dans le développement du mouvement, car c'est en grandissant et par le biais
d’expériences variées que l’enfant devient acteur de ses systèmes visuel et moteur.
• Dans la communication, car voir c'est aussi communiquer de façon verbale ou
non, capter et répondre aux mimiques et expressions d’autrui.
• Dans la construction de soi, car l’élaboration de la personne passe par le ressenti
de soi en tant que corps et la vision dans son action stimulante du déplacement
joue un rôle non négligeable dans la construction de l'enveloppe corporelle. Elle
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participe aussi à l'élaboration du schéma corporel, l'élaboration du langage mais
aussi à la construction de l'imagerie mentale.
3.3. Dépistage et évaluation visuelle des usagers
Par la suite nous avons évoqué les populations à risque afin que les directeurs présents se
rendent compte que nombre de leurs usagers en font partie.
Nous avons évoqué l'évaluation des capacités visuelles en replaçant dans leurs rôles
respectifs l'ophtalmologiste et l'orthoptiste. Nous avons évoqué sans le détailler et tout en
se rapprochant au maximum des difficultés du quotidien, les éléments qui pourraient être
apportés pour aider le patient et l'équipe. Puis, nous avons terminé par les signes d'appel
facilement observables dans les structures d'accueil à la journée comme par exemple : un
mauvais contact visuel ou des mouvements anormaux des globes, une attitude de tête, une
absence ou maladresse dans la préhension, ...
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3.4. Moyens d'intervention
Enfin nous avons terminé la présentation en évoquant les modalités possibles
d'intervention de l'orthoptiste et de l'ophtalmologiste telles que :
•
la création de poste,
•
la convention entre services: le professionnel dépend entièrement d'une structure
et ses interventions sont remboursées par les autres établissements,
•
le relai avec le secteur libéral avec convention dans laquelle l'établissement
recevant l'enfant règle les soins,
•
le relai avec le secteur libéral avec le remboursement des soins aux familles par la
sécurité sociale en fonction du mode de financement des structures d’accueil.
A la suite de la présentation, beaucoup de directeurs ont avoué leur méconnaissance des
troubles visuels et de leurs conséquences. Ils se sont montrés intéressés par l'intervention
d'une orthoptiste dans leur structure et l'augmentation de temps du poste d'orthoptiste du
CAMSP sera mis à l'étude lors de l'élaboration du Contrat Pluriannuel d'Objectifs et de
Moyens à venir.
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CONCLUSION
J'ai été frappée lors de mon travail auprès des enfants victimes de secouement par la
disparité des séquelles motrices et cognitives mais surtout par la quasi omniprésence de
troubles visuels. Les difficultés visuelles pouvant avoir des expressions variées allant de
la malvoyance organique aux troubles visuels d'origine cognitifs. Dans tous les cas, elles
sont peu prises en considération par l'entourage, les proches et les soignants, en
comparaison avec les autres manifestations du handicap.
Lors de l'écriture de ce mémoire, j'ai souhaité améliorer la forme de mon bilan
orthoptique neurovisuel. Ce bilan de dépistage des fonctions neurovisuelles, associé à une
évaluation basse vision, s'applique à tous les patients sans notion d'âge mais également à
tous ceux pour lesquels on suspecte des troubles de la vision fonctionnelle. Il permet ainsi
une approche complète des capacités visuelles des patients cérébrolésés et malvoyants
sans se limiter aux seules victimes de SBS.
A travers cette évaluation, je souhaite pouvoir échanger sur les difficultés du quotidien
avec l'entourage des enfants que ce soit les proches, les professionnels de santé (équipe
soignante, éducative et psychologique) ou l'équipe pédagogique. Les données
orthoptiques sont recueillies classiquement selon les trois axes (sensoriel, moteur et
fonctionnel) mais sont transmises de façon différente aux interlocuteurs pour se
rapprocher au maximum du vécu du patient et répondre aux questions : Que voit-il ?,
Comment voit-il ? et Qu'en fait-il ?.
Ce support, permettant de développer les échanges pluridisciplinaires, m'apporte
également une approche orthoptique plus globale et plus ciblée du patient. Elle aide à se
rapprocher du quotidien et à cibler les demandes. C'est aussi un apport non négligeable
concernant les prises en charge à quatre mains car cela permet de travailler à partir
d'observations similaires et sur la base d'un langage commun.
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Enfin, le constat de l'absence de prise en compte dans les établissements d'accueil des
difficultés visuelles liées au SBS des enfants que nous avons suivi, nous a poussé à penser
autrement l'intervention de l'orthoptiste au sein de l'association gestionnaire du CAMSP.
Cette réflexion a abouti à une intervention lors du conseil de direction ayant pour but
d'informer les directeurs d'établissement de l’intérêt de la vision et de son évaluation au
quotidien. Nous avons alors pu constater à quel point cet univers est méconnu mais
intéressant lorsqu'il est expliqué. Chacun a pu y trouver un intérêt pour sa structure et
nous avons eu beaucoup de demandes.
Si toutes ces propositions ne sont pas directement des mesures pour la préservation de la
vision des enfants potentiellement victimes de SBS, au moins ont-elles la prétention de
contribuer à son évaluation et à sa réadaptation en touchant les acteurs de première ligne
que sont les professionnels médico sociaux.
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BIBLIOGRAPHIE
1. Sofmer – HAS, Recommandation de la commission d'audition – Syndrome du
bébé secoué / Mai 2011
2. Série de 117 SBS de Necker Enfants Malades (Paris) entre 1996 et 1999
3. Thèse de doctorat en médecine, Syndrome du bébé secoué, Dr Mireau, 2005
4. Le bébé: du rêve au cauchemar, Marthe Barraco, Le bébé secoué. Dominique
Renier - Editions KARTHALA, 2001.
5. Le bébé secoué. Dominique Renier - Editions KARTHALA, 2001.
6. Lecture et relation binoculaire, apport du test de lecture comparée, M-F. Clenet
RFO-03-2008-1, p 9-18.
7. Neuropsychologie visuelle : évaluation et rééducation, Blanche Duarne de
Ribaucourt, Martine Barbeau, De Boeck université, 1993
8. Le développement sensori-moteur de l'enfant et ses avatars : Un parcours de
recherche, A. Bullinger, La Vie de L'Enfant (ERES), 2007
9. Dyslexie acquise et développementale. Approche Neuropsychologique des
Apprentissages chez l’Enfant, Valdois, S.,1991
10. http://dyslexie.visuelle.free.fr/
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ANNEXES
Proposition de trame d'évaluation
visuelle
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NOM, Prénom
EXAMEN ORTHOPTIQUE du
Interrogatoire
BILAN SENSORIEL
CORRECTION OPTIQUE:
ACUITE VISUELLE:
correction
OD=
et OG=
sans
OD=
et OG=
avec
correction
ACCOMMODATION PPa / PPr: OD=
VISION
•
•
•
/
cm et OG=
/
cm
BINOCULAIRE:
RELIEFS
FUSION
AMPLITUDES DE FUSION
CHAMP VISUEL ATTENTIONNEL:
BILAN MOTEUR
OEIL VISEUR:
MAIN GRAPHIQUE:
ATTITUDE POSTURALE :
MOTILITE:
RdC:
PPCf:
PPCt:
DEVIATION:
• ASC
• SC
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MOTRICITE CONJUGUEE:
• FIXATION monoculaire et binoculaire
• POURSUITES
• SACCADES
• DETECTION
• VISUO GUIDEES
• VOLONTAIRES
BILAN FONCTIONNEL
LECTURE COMPAREE (sur P6)
OD=
mots/min
OG=
mots/min
ODG=
mots/min
PRAXIES
• ANTICIPATION VISUELLE
• EXPLORATION format A4 / A3, ligne, vrac, retour à la ligne
• COORDINATION
• OCULOMANUELLE dans l'espace et sur feuille
• OCULOCEPHALIQUE
•
•
•
DENOMBREMENT 12 pions, en pointage et en visuel pur
ANALYSE VISUO SPATIALE
COPIE VISUO SPATIALE
• Repère de points
• Feuille blanche
PERCEPTIONS
• DISSOCIATION FOND / FORME
• PERCEPTION TAILLE – FORME – ORIENTATION
• PERCEPTION DES COULEURS
• FONCTION DE LA SENSIBILITE AUX CONTRASTES
GNOSIES, dénomination
• DESSINS D'OBJETS PROTOTYPIQUES
• FLEXIBILITÉ DE CLOSURE
• POINTS DE VUE INSOLITE
• VISION SYNCRÉTIQUE
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DIAGNOSTIC ORTHOPTIQUE
SUR LE PLAN SENSORIEL
SUR LE PLAN MOTEUR
SUR LE PLAN DE L'EFFICACITE VISUELLE
Traitements proposés - Orientation
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Supports de tests d'évaluation de la
vision fonctionnelle
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Support de présentation à l'attention
des directeurs d'établissement
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