LA VISION DU BÉBÉ SECOUÉ Propositions de prise en charge DIPLOME UNIVERSITAIRE TECHNIQUE DE COMPENSATION DU HANDICAP VISUEL BERGER-MARTINET Alexandra Orthoptiste Université Paris V Faculté de Médecine René Descartes Année 2012-2013 Directeur du Mémoire Dr G. CHALLE D.U. Technique de compensation du handicap visuel REMERCIEMENTS Un grand merci à mes collègues des CAMSPs Le petit d'hom et Le chat perché pour m’avoir apporté leurs expériences et leur aide précieuse dans le suivi de nos patients. Une pensée spéciale à Virginie CURIE, éducatrice de jeunes enfants ; Stéphanie NASOM, kinésithérapeute ; Nathalie LAURENT et Pauline GIRAULT, psychomotriciennes et Cécile JAILLANT et Charlène MARTIN, orthophonistes d'avoir partagé avec moi ces prises en charge particulières que sont les suivis à quatre mains. Les patients comme ces enfants demandent à la fois de l’énergie, du temps et un besoin d’échanger. Merci tout particulièrement à Marie-Françoise CLOGENSON, ophtalmologiste, pour son soutien indéfectible et son partage lors du suivi de nos patients. Il a été très agréable de pouvoir partager cela avec vous. Merci aux enfants et aux familles pour leur confiance et leurs réponses à des questions parfois difficiles à entendre. Merci à Catherine LACHAUX, psychomotricienne, avec qui les discussions, parfois tardives, m’ont aidée a mieux organiser ma pensée et à Hélène BEBEN et Kathy ROSIER, orthoptistes, pour leurs précieux conseils. Vos compétences sur le développement et la vision de l'enfant handicapé sont une mine d'or. Merci également à Christiane HERVAULT, orthoptiste et à Béatrice LEBAIL, ophtalmologiste, pour leurs avis judicieux. Je remercie aussi mon maître de mémoire Georges CHALLE, l’ensemble des organisateurs du D.U ainsi que les orateurs pour nous avoir fait partager leur savoir. Enfin, merci aux yeux perçants de tous ceux qui ont relu maintes et maintes fois ce mémoire pour leurs conseils et leurs remarques. La vision du bébé secoué, propositions de prise en charge Alexandra BERGER-MARTINET page 2 / 51 Année 2012-2013 D.U. Technique de compensation du handicap visuel TABLE DES MATIÈRES INTRODUCTION..................................................................................................................4 1. LE SYNDROME DU BÉBÉ SECOUÉ....................................................................................5 1.1. Diagnostic............................................................................................................... 6 1.2. Diagnostic différentiel ........................................................................................... 6 1.3. Traitements............................................................................................................. 7 1.4. Evolution ............................................................................................................... 7 1.5. Atteintes visuelles et neurovisuelles....................................................................... 8 1.5.1. Les hémorragies rétiniennes............................................................................ 8 1.5.2. Le réflexe photomoteur................................................................................... 8 1.5.3. Amblyopie et cécité......................................................................................... 9 1.5.4. Troubles neurovisuels...................................................................................... 9 2. CAS CLINIQUES ET PROJETS THÉRAPEUTIQUES............................................................ 10 2.1. Coopération entre services : Noa..........................................................................10 2.2. Évaluation et prise en charge par l'orthoptiste: Mathieu......................................12 2.2.1. Évaluation orthoptique.................................................................................. 12 2.2.2. Prise en charge orthoptique........................................................................... 20 2.3. Prise en charge à quatre mains : Simon................................................................ 26 3. ÉLABORATION D'UN OUTIL D'INFORMATION À L'USAGE DES DIRECTEURS D'ÉTABLISSEMENT.............................................................................................................30 3.1. Œil, fonction visuelle et vision fonctionnelle....................................................... 30 3.2. La vision dans l'approche globale du patient........................................................31 3.3. Dépistage et évaluation visuelle des usagers........................................................ 32 3.4. Moyens d'intervention.......................................................................................... 33 CONCLUSION................................................................................................................... 34 BIBLIOGRAPHIE............................................................................................................... 36 ANNEXES......................................................................................................................... 37 Proposition de trame d'évaluation visuelle................................................................. 37 Supports de tests d'évaluation de la vision fonctionnelle...........................................41 Support de présentation à l'attention des directeurs d'établissement..........................49 La vision du bébé secoué, propositions de prise en charge Alexandra BERGER-MARTINET page 3 / 51 Année 2012-2013 D.U. Technique de compensation du handicap visuel INTRODUCTION Si une majorité de pays européens tels la Belgique, l'Allemagne ou le Royaume Uni ont pris conscience de l'ampleur des conséquences dues au syndrome du bébé secoué, ce n'est que très récemment que le sujet est étudié en France. Les chiffres concernant directement notre pays sont donc nécessairement restreints. Néanmoins, on considère que le syndrome du bébé secoué ou SBS concerne au moins 200 nourrissons chaque année (1). Selon une étude réalisée à l'hôpital Necker (2), 80% des nourrissons ont entre trois et huit mois et une grande majorité des patients sont des garçons. La vision des enfants secoués est très peu prise en compte et encore moins prise en charge dans les structures les accueillant. Pourtant, les séquelles visuelles et neurovisuelles sont complexes et entravent l'utilisation de la vision dans son rôle de saisie et de traitement de l'information visuelle. Sachant que 80 % des informations passent par le vue, et que ces patients ont la plupart du temps des troubles séquellaires associés, je souhaite faire le lien dans ce mémoire entre la vision, l’appréhension de l’environnement et les remédiations possibles. Nous décrirons tout d'abord le syndrome du bébé secoué pour montrer comment une pathologie traumatique peut engendrer des troubles de la vision. Puis, à l'aide de cas cliniques nous verrons qu'à travers différents parcours, la coopération entre structure d'accueil et service de basse vision améliore la compréhension de l'enfant par l'équipe et sa famille mais aussi permet une prise en charge plus optimale du patient. Nous tenterons de proposer des outils thérapeutiques d'évaluation et de prise en charge visuelle. Enfin, nous présenterons un support de sensibilisation aux directeurs de structures d'accueil à la présence de troubles visuels en l'absence de diagnostic primaire d'une pathologie ophtalmologique. La vision du bébé secoué, propositions de prise en charge Alexandra BERGER-MARTINET page 4 / 51 Année 2012-2013 D.U. Technique de compensation du handicap visuel 1. LE SYNDROME DU BÉBÉ SECOUÉ L'association hématome sous dural et hémorragies rétiniennes chez le nourrisson a été décrite dès 1905, mais c'est en 1946 que Caffey rapproche ces éléments des enfants maltraités présentant des fractures des os longs. Et seulement en 1972 qu'il emploie pour la première fois le terme de « Syndrome du Bébé Secoué » ou « Shaken Baby Syndrome ». Dans sa thèse de doctorat en médecine (3), le docteur Etienne Mireau relate que les facteurs de risque communément retrouvés en cas de maltraitance infantile sont la plupart du temps absents. Dans la majorité des cas il s'agit d'un homme vivant avec la mère et dans 1/5 des cas les gardiens de l'enfant sont en cause. Il n'y a pas non plus de corrélation avec des critères raciaux, socio économiques ou éducatifs. Pour de nombreux auteurs, la raison de cette forme de maltraitance serait due à association d'un contexte de stress et d'un facteur déclencheur chez des sujets peu expérimentés. Sur le plan psycho dynamique, selon Marthe Barraco (4) « pour les adultes maltraitants, tous les mouvements psychiques à l'œuvre dans la parentalité font défaut. La capacité à ressentir la fragilité du bébé est émoussée, voire abrasée. ». Elle y décrit l'hypothèse d'une rencontre compliquée entre parents, enfant rêvé et enfant réel. « Le bébé n'est pas perçu comme un petit être à protéger quand il suscite des fonctionnements archaïques des adultes au plus près de lui; quand il impose sa toute puissance, menace de mourir si on ne prend pas soin de lui, ce bébé est perçu comme tout puissant, quelquefois objet de jalousie, quelquefois totalement persécuteur... » Sur un plan mécanique, l'hématome sous dural, caractéristique du SBS, est causé par la rupture des vaisseaux sanguins lors du choc du cerveau contre les parois de la boite crânienne dû à des mouvements de va et vient violents. La vision du bébé secoué, propositions de prise en charge Alexandra BERGER-MARTINET page 5 / 51 Année 2012-2013 D.U. Technique de compensation du handicap visuel 1.1. Diagnostic Le Syndrome du Bébé Secoué (SBS) est évoqué face à l'association d'un hématome sous dural avec des hémorragies rétiniennes, des marques de doigts sur les membres ou le thorax, des fractures de côtes en postérieur des membres ou des lésions de la moelle épinière cervicale. A l'examen on ne retrouve pas de traumatisme crânien ou un traumatisme minime incompatible avec les lésions constatées. Il n'existe pas de signe clinique pathognomonique du SBS mais les signes révélateurs sont le plus souvent les vomissements, troubles de conscience, état de mal épileptique et tension de la fontanelle. 1.2. Diagnostic différentiel Le principal diagnostic différentiel est le traumatisme crânien accidentel. Selon la Haute Autorité de Santé, d'autres diagnostics médicaux, plus rares, doivent également être éliminés : • troubles de l’hémostase congénitaux ou acquis (thrombopénies) ; • malformations artério-veineuses cérébrales, exceptionnelles avant 1 an ; • maladies métaboliques (très rares) ; • l’ostéogenèse imparfaite est parfois citée mais il n’est pas établi de lien de cause à effet avec la présence d’hématome sous dural. La vision du bébé secoué, propositions de prise en charge Alexandra BERGER-MARTINET page 6 / 51 Année 2012-2013 D.U. Technique de compensation du handicap visuel 1.3. Traitements Le traitement médical immédiat consiste à prendre en charge les détresses vitales de l'enfant (troubles respiratoires, instabilités tensionnelles, coma) et à traiter de façon préventive ou non l'épilepsie. Par la suite, on met en place un traitement de rééducation fonctionnelle au sens large qui cherche à minimiser les séquelles sensori-motrices et psycho-intellectuelles et leurs conséquences chez l'enfant. Les indications chirurgicales (dérivation, ponction,...) sont posées en fonction du saignement, de son volume, et de l’état clinique du patient. 1.4. Evolution Concernant l'avenir de ces enfants, les études belges, britanniques ainsi que le docteur Dominique Renier (5) s'accordent à dire que la mortalité est aux alentours de 10 % des bébé victimes de SBS dans la semaine suivant le traumatisme. Pour les autres, 50 % présenterons des séquelles visibles et clairement imputables au secouements comme des déficits moteurs (40 % avec parfois une négligence spatiale associée), des troubles visuels sévères, un retard mental important (45%) ou une épilepsie (30 à 50%). On retrouve aussi des atrophies cérébrales souvent associées à un retard psychomoteur important. Les suivis à long terme ont pu mettre en évidence des troubles mineurs chez l'autre moitié des enfants à priori « bien portants » tels que des difficultés scolaires ou des troubles du comportement. Dans certains cas, le SBS passe inaperçu. Les bébés victimes ne font donc pas l'objet d'une surveillance médicale mais présentent tout de même des séquelles neurologiques minimes. Selon Mireau (3), « ils pourraient représenter selon certains auteurs une part non négligeable, voire importante des retards mentaux légers, difficultés scolaires graves, déficits visuels ou auditifs inexpliqués, hydrocéphalie, épilepsie essentielle, constatés dans un âge plus avancé. ». Dans une de ses études, à 4 ans du traumatisme seulement 30% des enfants sont asymptomatiques. Pour les autres, 30% ont un retard de développement modéré, 40% ont un retard sévère nécessitant une prise en charge en La vision du bébé secoué, propositions de prise en charge Alexandra BERGER-MARTINET page 7 / 51 Année 2012-2013 D.U. Technique de compensation du handicap visuel institution spécialisée, 25% présentent un déficit neurologique focalisé et 17% ont un déficit visuel jugé important dans la moitié des cas. 1.5. Atteintes visuelles et neurovisuelles Les atteintes visuelles sont fréquentes en cas de SBS. Les taux décrits peuvent aller jusqu'à 65 % dans les études à long terme. 1.5.1. Les hémorragies rétiniennes Si elles ne sont pas indispensables au diagnostic, la présence d’hémorragies rétiniennes (HR) est un argument important en faveur du secouement. Elles sont présentes chez 80 à 90% des cas. Elles sont la plupart du temps massives et bilatérales. Elles sont classées en 3 catégories en fonction de leur importance et disparaissent généralement spontanément en moins de 4 semaines. • Type 1 : hémorragies en flammèches, en taches ou punctiformes, situées au pôle postérieur de l’œil. • Type 2 : hémorragies en dôme prérétiniennes, de petite taille, localisées au pôle postérieur de l’œil, autour de la papille et le long des arcades vasculaires, ou en moyenne périphérie. Elles sont isolées ou associées à des HR de type 1. • Type 3 : hémorragies multiples de tous types, profuses, tapissant toute la rétine ou l’éclaboussant jusqu’à la périphérie, associées à un placard hémorragique prémaculaire, uni ou bilatéral. 1.5.2. Le réflexe photomoteur Parfois ralenti, ce signe serait un facteur de risque de mauvais pronostic vital. La vision du bébé secoué, propositions de prise en charge Alexandra BERGER-MARTINET page 8 / 51 Année 2012-2013 D.U. Technique de compensation du handicap visuel 1.5.3. Amblyopie et cécité Les amblyopies sont relativement fréquentes, leur importance varie d'une légère baisse d'acuité visuelle à la cécité complète. Les causes oculaires les plus fréquentes sont les hémorragies rétiniennes, les hémorragies du vitré, les décollements de rétine et l'atrophie optique. 1.5.4. Troubles neurovisuels Peu d'études portent sur la fréquence des troubles neurovisuels dans le SBS. Néanmoins, on retrouve des cécités corticales par atrophie des lobes occipitaux et des négligences spatiales. Les troubles neurovisuels induits par le SBS pourront fort probablement être sources de problèmes relationnels ou de difficultés d’apprentissages. Les séquelles de la cécité corticale à plus long terme sont les troubles gnosiques, par lésion de la voie ventrale, tels que les agnosies des images, des objets, des visages. De plus, les aires visuelles cérébrales, où sont décodées et interprétées les informations visuelles représentant plus d'un tiers du cerveau, une lésion pourra également entraîner l'apparition d'autres troubles neurovisuels comme : • une amputation du champ visuel (hémianopsie, quadranopsie, …). • des troubles de l'exploration et de l'attention visuelle (lésions de la voie dorsale). • une simultagnosie. • des troubles de la mémoire visuelle. Les examens objectifs que sont l'étude du fond d’œil et celle du réflexe photomoteur ont lieu dans les heures qui suivent l'arrivée de l'enfant à l'hôpital. De part leur technique et l'absence de coopération nécessaire du patient ils sont réalisables quel que soit l'âge de l'enfant. En revanche, l'étude de l'acuité visuelle et de la vision fonctionnelle sera plus complexe. Les séquelles neurovisuelles ne pourront notamment être mises en évidence que beaucoup plus à distance du traumatisme. Elles ne seront retrouvées et prises en considération que si elles sont expressément recherchées. La vision du bébé secoué, propositions de prise en charge Alexandra BERGER-MARTINET page 9 / 51 Année 2012-2013 D.U. Technique de compensation du handicap visuel 2. CAS CLINIQUES ET PROJETS THÉRAPEUTIQUES Selon qu'une orthoptiste soit présente ou non dans la structure d'accueil, plusieurs types de prises en charge peuvent être proposés. 2.1. Coopération entre services : Noa Nous avons vu que seulement 30 % des enfants sont asymptomatiques 4 ans après la sortie d'hospitalisation et que 40 % des patients symptomatiques sont pris en charge en établissements spécialisés. Pourtant, un nombre extrêmement réduit de ces établissements emploie les professionnels de la vision que sont les orthoptistes. Lors de mon expérience d'orthoptiste libérale intervenant ponctuellement au sein des Instituts Médico Éducatifs (IME) et des Instituts d’Éducation Motrice (IEM) de mon secteur, j'ai pu constater qu'au quotidien, les difficultés visuelles de ces jeunes sont peu prises en compte. Soit parce qu'elles ne sont pas connues, soit parce que les équipes n'ont ni les connaissances ni les moyens matériels pour les comprendre et s'y adapter. Dès lors, une sensibilisation des équipes à ces difficultés invisibles du grand public peut permettre de déboucher si ce n'est sur la création d'un poste d'orthoptiste, au moins sur une coopération avec un service spécialisé en basse vision permettant la mise en place de rééducation orthoptique et d'adaptations pour la vie quotidienne. Voici en guise d'illustration à travers l'histoire de Noa, l'exemple d'une collaboration entre divers établissements mise en place à partir d'une discussion informelle. Noa est un petit garçon de 6 ans avec un diagnostic de secouement qui a été placé en Institut Médico Éducatif. Le traumatisme serait arrivé à l'âge de 15 mois au cours d'un jeu avec le compagnon de sa maman. Il a été hospitalisé dans le coma, cela à duré 17 jours. Il a eu un hématome sous dural pariétal gauche avec un œdème cérébral et une hypertension intracrânienne opérée. Il souffre depuis de crise d'épilepsie. Le bilan d'hospitalisation initiale évoque une hémianopsie latérale homonyme droite ainsi qu'une hémiparésie. La vision du bébé secoué, propositions de prise en charge Alexandra BERGER-MARTINET page 10 / 51 Année 2012-2013 D.U. Technique de compensation du handicap visuel Nous l'avons connu au CAMSP peu avant ses trois ans dans le cadre de la consultation conjointe ophtalmologie/orthoptie. La demande de bilan visuel est issue d'une rencontre informelle entre les directeurs des deux structures. La présence du pôle visuel au sein du CAMSP fut l'occasion de recueillir des explications sur le comportement particulier de ce petit garçon présentant des troubles du comportement. Sur le plan de l'histoire ophtalmologique, les PEV montrent des réponses de faible amplitude. Il a eu des hémorragies des fonds d’yeux résorbées en 9 à 10 mois. Il présente actuellement une atrophie optique bilatérale. Sa maman le dit encore gêné visuellement et décrit un strabisme apparu depuis le coma qui est variable dans le temps et en fonction de l’épilepsie. Lors de la consultation, on constate une hémiparésie droite des membres inférieurs et supérieurs mais la marche est possible. Dès le début de l’examen on peut suspecter une héminégligence droite. Il présente une attitude corporelle tournée vers la gauche. Au niveau orthoptique, sur le plan sensoriel, il n'y a pas de vision binoculaire et l'acuité visuelle, uniquement réalisable par le test de bébé vision, montre une acuité très en dessous de la moyenne de son âge et une suspicion d'amblyopie droite. Noa ne gère pas du tout son regard en monoculaire œil droit. Sur le plan moteur, il y a beaucoup d'incoordinations oculomotrices et on retrouve une esotropie œil droit. L'oculomotricité est très perturbée voir absente vers la droite et la fixation est instable et très ancrée dans l'hémichamp gauche. Sur le plan fonctionnel, l'étude du champ visuel attentionnel évoque une négligence droite et fort probablement une hémianopsie latérale homonyme droite car Noa bouge beaucoup la tête pour rechercher la cible même quand il est en monoculaire œil gauche. Ceci engendre une attitude de tête et corporelle importante. Le regard accompagne bien le geste dans le champ gauche mais Noa procède par tâtonnement dans le champ visuel droit. La dissociation œil/tête est présente des deux côtés si la cible est en mouvement à droite. La vision du bébé secoué, propositions de prise en charge Alexandra BERGER-MARTINET page 11 / 51 Année 2012-2013 D.U. Technique de compensation du handicap visuel Compte tenu de son acuité et du trouble de champ visuel, nous avons conseillé que Noa bénéficie d'une prise en charge orthoptique (amblyopie, éveil visuel, exploration,…) et d'une évaluation neurovisuelle plus approfondie quand il serait plus grand. Suite à cette recommandation, un lien entre l'IME d'accueil et le SAAAS du secteur a été mis en place afin qu'une prise en charge orthoptique puisse avoir lieu. Il s'agit de stimuler l'utilisation de la vision au quotidien, prévenir la récidive de l'amblyopie, améliorer la précision de l'oculomotricité et mettre en place les stratégies nécessaires en lien avec sa malvoyance. L'acuité est maintenant de 1/30 P50 avec sa correction. Au cours la prise en charge, des notions de prosopagnosie ont émergé et se sont vues confirmées par l'équipe éducative. Un travail autour de la discrimination des visages a été entrepris. De plus, un lien régulier avec les éducateurs et l'équipe enseignante a été réalisé ainsi qu'une sensibilisation à la malvoyance auprès du personnel de l'IME. Les réussites et les échecs sont analysés en tenant compte des difficultés visuelles et des adaptations en lien avec ses capacités sont proposées. 2.2. Évaluation et prise en charge par l'orthoptiste: Mathieu La présence d'une orthoptiste au sein des établissements médico sociaux permettrait un dépistage et une prise en charge plus rapide des troubles visuels des patients. De part leur décret de compétence, les orthoptistes sont habilitées à évaluer et traiter les troubles de la vision tant au niveau sensoriel, moteur que fonctionnel. En prenant en compte le lien étroit entre la vision, le développement psychomoteur, la posture mais aussi la communication, le travail en équipe pluridisciplinaire devient une évidence. 2.2.1. Évaluation orthoptique Les bilans que nous pouvons proposer aux patients des services médico sociaux sont articulés autours des trois axes de la vision : sensoriel, moteur et fonctionnel. Ils sont à adapter à l'âge, à la pathologie mais surtout aux capacités du patient et ont pour but premier de faire le lien entre quotidien et capacités visuelles. Ils serviraient de base d'échange avec les équipes autour des incapacités mais surtout des possibilités du patient La vision du bébé secoué, propositions de prise en charge Alexandra BERGER-MARTINET page 12 / 51 Année 2012-2013 D.U. Technique de compensation du handicap visuel afin de faire émerger les besoins de compensation et de rééducation. L'objectif est de répondre aux questions suivantes : Que voit-il ? Comment voit-il ? Qu'en fait-il ? Afin de coller au plus près des trois piliers de la vision que sont : • Voir, l’œil en tant que capteur sensoriel. • Regarder, l'œil comme un effecteur par la stratégie du regard. • Comprendre, le traitement cortical de l'information sensorielle. Voici une proposition de bilan orthoptique permettant une analyse de la vision pour les équipes éducatives et soignantes novices dans le domaine visuel. Une proposition de trame ainsi que les supports des tests utilisés seront mis en annexe. Il va de soit que les situations-tests proposées doivent prendre en compte les difficultés visuelles, cognitives et motrices du patient. Ce bilan n'étant pas étalonné et donnant lieu à des appréciations qualitatives, je me permets dans mon quotidien d'adapter la taille et la disposition des supports tout en prenant en compte les modifications dans mon diagnostic orthoptique. L'interrogatoire ou l'analyse du dossier du patient à la recherche d'antécédents médicaux laissant penser à une atteinte visuelle est primordial. Il permet de se faire une idée du déficit visuel pour orienter le bilan. Une discussion avec l'entourage permet de recueillir les demandes liées au quotidien et de faire émerger les difficultés non exprimées engendrant des incapacités. La connaissance du projet de prise en charge mis en place aide à orienter nos propositions. Enfin, l'accès ou non par les soignants au contexte de secouement doit être discuté en équipe. En effet, l'inscription de ces informations dans le dossier peut engendrer une méfiance envers les parents lors qu'ils sont les auteurs des faits et ceci peut changer notre regard, même inconsciemment, sur l'enfant. En revanche, connaître l'auteur du secouement peut aussi permettre de comprendre le comportement parfois étrange des familles étant dans un fort désir de réparation ou dans une grande La vision du bébé secoué, propositions de prise en charge Alexandra BERGER-MARTINET page 13 / 51 Année 2012-2013 D.U. Technique de compensation du handicap visuel difficulté à accorder leur confiance lorsque c'est une personne extérieure qui est à l'origine des faits. Tentons à présent de répondre aux trois questions permettant l'étude des trois piliers de la vision : Que voit-il ? Quel est l'état visuel du patient au sens large ? • Antécédents ophtalmologiques et optiques : il s'agit de savoir s'il y a déjà eu une consultation et quels en sont les résultats. De même, si une correction a été prescrite, si celle-ci est portée. • Réfraction : selon mon expérience, les lunettes prescrites sont peu portées. Le plus souvent, l'importance de la correction des amétropies est méconnue et paraît bien moindre comparée aux autres séquelles des patients. Pour autant, il est assez rare qu'une correction optique bien adaptée ne soit pas supportée. En revanche, on retrouve aussi des situations inconfortables où les verres ne sont pas propres, où la monture est mal positionnée ou encore mal adaptée à la position orthopédique recommandée. Quand il n'y a pas eu de consultation ophtalmologique, il est intéressant de se faire une idée de la réfraction ainsi que de l'état accommodatif. Cela nous permet de décrire à l'équipe dans quelle zone de vision le patient est le plus à l'aise. Dans tous les cas il faut recommander une consultation médicale. • État sensoriel : la mesure de l'acuité visuelle est faite avec une méthode adaptée à l'âge et à la pathologie. La méthode du regard préférentiel peut être utilisée pour comparer le pouvoir séparateur de chaque œil quand aucune coopération n'est possible. Quand la coopération est meilleure, des optotypes isolés sont préférés pour éviter les phénomènes de simultagnosie, en choisissant des lettres et des dessins en cas de troubles spatiaux ou les E et les anneaux de Landolt en cas de troubles gnosiques. L'échelle du Léa test est un bon compromis car elle évite les soucis spatiaux et gnosiques. L'étude de la vision binoculaire peut se faire par l'acuité stéréoscopique au TNO ou au test de Lang en dépistage mais aussi par le test de fusion de Worth et la mesure des amplitudes de fusion. Enfin, l'évaluation La vision du bébé secoué, propositions de prise en charge Alexandra BERGER-MARTINET page 14 / 51 Année 2012-2013 D.U. Technique de compensation du handicap visuel du champ visuel peut être réalisée par la méthode de confrontation ou aux marionnettes en s'aidant du château de Labro pour canaliser l'attention. • Œil fixateur, œil viseur: chez l'enfant, s'il n'est pas toujours aisé de déterminer l’œil viseur, il est envisageable de proposer de fixer un point éloigné à travers un tube. Il est alors possible de noter l’œil utilisé. • Déséquilibre oculomoteur : on vérifie si la motilité est équilibrée et on fait éventuellement un lien avec une attitude de tête. On recherche également s'il y a un strabisme et on l'étudie de façon classique. Comment voit-il? Comment le patient utilise t il son regard ? • Sait-il utiliser son regard indépendamment de sa tête ? On teste si les mouvements des yeux sont indépendants de ceux de la tête. C'est la dissociation œil/tête. Puis on regarde si les yeux entraînent la tête lors de la perception d'une cible en périphérie. Il s'agit de la coordination oculocéphalique. Les mouvements de saccades étant plus précis et plus rapides que ceux de la tête, une bonne coordination engendre un coût énergétique moindre pour le patient. • L'oculomotricité est elle suffisamment efficace pour mettre en jeu le regard ? La fixation, les poursuites mais surtout les saccades et les mouvements de vergence sont examinées en terme de précision, de stabilité et d'endurance. Pour l'examen La vision du bébé secoué, propositions de prise en charge Alexandra BERGER-MARTINET page 15 / 51 Année 2012-2013 D.U. Technique de compensation du handicap visuel des saccades, il est intéressant de noter la qualité des mouvements selon qu'ils sont réalisés en détection (système archaïque) ou en volontaire (système récent). De même, il faut se demander si le soutien verbal, cognitif ou proprioceptif est une aide ou un frein. Ceci permet d'élaborer des pistes de rééducation mais aussi de mesurer à minima la composante attentionnelle du patient. Enfin, l'utilisation du château de Labro permet un test rapide de ces fonctions et rajoute la possibilité d'un examen des saccades visuo-guidées qui balise visuellement l'espace et donc apporte un soutien mais qui rajoute aussi une composante cognitive d'anticipation. • Sait-il trouver et utiliser des stratégies pour explorer une scène ?L'exploration de loin et de près, sur feuille et dans l'espace est testée. Il s’agit de se demander si le patient possède les ressources pour tirer bénéfice de la présentation du support (en ligne, en colonne, en vrac) et y adapter ses stratégies ou s'il faut lui en induire une. L’existence des redites ou des oublis et si ces derniers sont situés dans un espace bien déterminé laissant évoquer une négligence est notée. Le test est effectué en visuel pur et en barrage. Il faut cependant se méfier des doubles consignes comme le piquage ou le dénombrement. De même, les stratégies cognitives sont mises en jeu avec des items significatifs ou mises de côté avec des items sans signification. Enfin, pour dépister un trouble des fonctions visuo attentionnelles, il est possible de jouer avec la présence de distracteurs plus ou moins semblables aux cibles cherchées. • Existe-t-il une bonne perception ? Il s'agit de tester la vision des couleurs par les tests d'Ishihara ou par appariement de carrés colorés avec des teintes plus ou moins saturées. La fonction de sensibilité aux contrastes peut s'évaluer pendant la phase d'acuité avec les tests de Serret, Lissac ou des palettes de Léa. Enfin les perceptions relatives de la taille par simple appariement et de l'orientation avec le test des lignes de Benton sont étudiées. La dissociation fond/forme est évaluée avec les tests de Safari ou les figures entremêlées de M. Frostig. Qu'en fait-il? Analyse corticale et mise en jeu des données visuelles. La vision du bébé secoué, propositions de prise en charge Alexandra BERGER-MARTINET page 16 / 51 Année 2012-2013 D.U. Technique de compensation du handicap visuel • Sait-il utiliser son regard et effectuer une action ? La coordination oculomanuelle est testée en pointage, piquage, graphisme ou en manipulation plus complexe. L'anticipation visuelle sur l'action est évaluée notamment lors de tracés de plus en plus complexes. • Sait-il analyser une situation ? Il s'agit de voir si le patient peut trouver les détails pertinents, caractéristiques d'un item, dans les exercices de recherche de différences ou d'appariement des identiques. On note aussi la perception et l'analyse des positions spatiales relatives en topologie par exemple. • Sait-il utiliser les informations perçues pour effectuer une tâche ? Les tâches complexes que sont la lecture, le graphisme ou les constructions demandent de savoir associer précisément des éléments non signifiants pour former un tout signifiant à partir de données visuo spatiales. Dans ces taches, on évalue l'association du sensoriel (perceptif), du moteur (oculomotricité), des coordinations et du traitement visuo spatial. A notre niveau, la lecture est testée en vitesse et en qualité par le test de lecture comparé qui permet de connaître les possibilités de coopération binoculaire (6). Pour le graphisme, les tracés simples, les formes de base ou les reproduction d’algorithmes peuvent être proposées. Enfin, pour la construction, la reproduction, dans l’espace de figures à l'aide de cubes mais également la copie d'assemblages de figures simples sur feuille ou l'écriture fait l’objet d’une attention particulière. La vision du bébé secoué, propositions de prise en charge Alexandra BERGER-MARTINET page 17 / 51 Année 2012-2013 D.U. Technique de compensation du handicap visuel • Peut-il confronter des informations visuelles et cognitives ? On propose un test de dépistage des gnosies visuelles en demandant une dénomination d'images simples du quotidien que l'on sait connues du patient. Les images de Mme Blanche Ducarne de Ribaucourt ont été étalonnées (7). Les recherches pourront être poussées plus avant en proposant des images prises d'un point de vue insolite ou en testant la reconnaissance des visages en fonction de l'entretien avec les proche et l'équipe soignante. En conclusion du bilan, il s'agira de faire ressortir les possibilités sensorielles, la qualité de l'outil oculomoteur avec la présence ou non de troubles du regard, la qualité des stratégies visuelles mais aussi la présence ou non de troubles visuo spatiaux et gnosiques. Ceci permettra de suggérer de compléter l'évaluation avec d'autres bilans paramédicaux (psychomoteur, ergothérapique, orthophonique) ou neuropsychologiques. Enfin, il faudra statuer sur la qualité de l’interaction entre la vision et l'action. Prenons l'exemple de Mathieu, 7 ans. Il a été suivi au CAMSP depuis sa sortie de service d'hospitalisation suite à un diagnostic de secouement par sa nourrice. C'est à l'âge de 6 mois que des convulsions ont entraîné la découverte d'hématomes sous duraux. Il y a eu mise en place d'une dérivation sous durale externe et d'un traitement anticonvulsivant. Au La vision du bébé secoué, propositions de prise en charge Alexandra BERGER-MARTINET page 18 / 51 Année 2012-2013 D.U. Technique de compensation du handicap visuel CAMSP, il a bénéficié de prises en charge régulières en kinésithérapie et en psychomotricité. Un soutien psychologique pour la famille et une surveillance orthoptique ont été proposés une fois par mois. Sur le plan visuel, tant le suivi ophtalmologique qu'orthoptique ont été longs à se mettre en place. Sur le plan ophtalmologique, les papilles sont pâles et il y a un remaniement pigmentaire maculaire gauche. Il porte une légère correction d'hypermétropie. Le travail régulier en orthoptie n'a pu se mettre en place que vers ses 3 ans. Sur le plan sensoriel : Il n'y a pas de vision binoculaire. La mesure d'acuité visuelle a dû être répétée sur plusieurs séances car Mathieu présente des troubles de l'attention massifs et des persévérations ne permettant pas toujours de statuer quant à la fiabilité des réponses. On retrouve néanmoins une isoacuité aux alentours de 1/10. La valeur que l'on peut considérer comme basse reste cependant toute relative. Ces mesures d'acuité dans des conditions peu recommandées nous ont permis d'appuyer la demande d'orientation en SAAAS auprès de la MDPH. Sur le plan moteur, il existe un strabisme convergent œil droit fixateur. Quand il s'agit de discriminer des détails fins, Mathieu tente de conserver la fixation avec son œil droit même à travers le filmomatt. L'oculomotricité est peu endurante, imprécise et entraîne des tensions cervicales et des syncinésies mandibulaires. Sur le plan fonctionnel, la coordination oculomanuelle est peu précise car le geste moteur de préhension ou de piquage n'est pas fin. On ne retrouve pas d'éléments en faveur d'une négligence spatiale. La dénomination d'images est très aléatoire. Les images sans indices pertinents sont difficilement nommées de même que les dessins trop fournis en détails ou trop symboliques. Lors de l'évaluation, Mathieu a été coopérant mais les troubles attentionnels, de persévérations et gnosiques ont été très importants. Nous avons prévu de poursuivre la prise en charge orthoptique de façon hebdomadaire concernant la surveillance de l'acuité visuelle et la mise en place des stratégies visuelles d'exploration, de discrimination et d'identification en attendant le relai avec le SAAAS du secteur. Pendant ce temps, nous avons effectué des séances conjointes ponctuelles avec sa psychomotricienne afin de la La vision du bébé secoué, propositions de prise en charge Alexandra BERGER-MARTINET page 19 / 51 Année 2012-2013 D.U. Technique de compensation du handicap visuel sensibiliser et de lui expliquer en situation le handicap visuel de Mathieu tant en terme d'acuité que de stratégies ou de gnosies. A la rentrée de moyenne section, Mathieu a été accueilli au SAAAS. Il est alors pris en charge par l’orthoptiste, la psychomotricienne, l’ergothérapeute et l’enseignante spécialisée. L'orthoptiste le voit toutes les semaines à l'école et travaille avec lui les stratégies de discrimination et l'oculomotricité. A son passage en CP, elle commence à mettre en place un travail sur téléagrandisseur car le besoin de grossissement devient trop important et son toucher fin n'est pas assez bon pour apprendre le braille. Son acuité, mesurée à 1/32 P16 à 10cm en binoculaire, est insuffisante pour que la lecture en noir soit efficace. De plus Mathieu présente des difficultés gnosiques et compte tenu de ses problèmes de reconnaissance des lettres on peut se demander s'il n'y a pas une agnosie des signes conventionnels liés à l'écrit. A la fin du CP, une orientation en CLIS 3 (déficience visuelle) a été demandée afin de mieux prendre en compte ses difficultés et de lui donner plus de temps pour réaliser les taches qui lui sont demandées. Il commence à lire des phrases courtes en arial 48. Il présente aussi des troubles graphiques liés aux séquelles de SBS qui prennent la forme de troubles de régulation tonique et de difficultés praxiques. 2.2.2. Prise en charge orthoptique La prise en charge des enfants cérébrolésés et plus précisément victimes de SBS doit prendre en compte tous les paramètres de la vision car l'ensemble des fonctions visuelles peut potentiellement être atteint. Les éléments sensoriels, moteurs et fonctionnels (praxies visuelles, stratégies, perception et analyse visuelle et spatiale, attention visuelle, coordinations) seront traités en fonction du bilan. Enfin, si cela est nécessaire, la mise en place de moyens de compensation sera proposée. Tout ceci n'ayant de sens que dans une approche globale du patient, adaptée à l'âge et au handicap associé car ces pathologies touchent bien plus que la sphère visuelle. Il faut traiter en priorité les amblyopies induites par les hémorragies rétiniennes ; puis permettre la mise en place d'une fixation efficace notamment en cas de cécité corticale La vision du bébé secoué, propositions de prise en charge Alexandra BERGER-MARTINET page 20 / 51 Année 2012-2013 D.U. Technique de compensation du handicap visuel comme nous le verrons avec le petit Simon mais aussi travailler sur les capacités oculomotrices de fixation et de saccades. Par la suite, nous traiterons les stratégies visuelles de discriminations liées à la malvoyance et les stratégies de reconnaissance et visuo spatiales liées aux lésions neurologiques. Pour élaborer le projet de rééducation il faut aussi se demander en fonction des éléments ce qui relève de la rééducation, qui entend la récupération complète de la fonction ; de la réadaptation, où on sait que la récupération n'est pas possible et nécessitant une adaptation de la fonction ; ou de la compensation, pour laquelle il s'agit d'envisager des aides humaines ou techniques. Le déroulement des séances doit pouvoir se réaliser dans un lieu calme, favorisant l'attention et bien éclairé. Le patient doit être installé de façon à ce que la vision puisse être engagée sans effort. Il doit avoir les pieds au sol sur une surface dure afin de favoriser le rappel proprioceptif. On peut aussi proposer de le placer dos au mur afin de baliser l'espace environnant et de favoriser la concentration. Un pupitre pourra au besoin soulager les tensions. Pour les enfants cérébrolésés présentant des difficultés de régulation tonique, le travail au tapis dans une installation contenante doit être envisagée. Les travaux de Bullinger (8) sur le rapport entre flux visuels et tonus ainsi que les échanges avec nos collègues kinésithérapeutes et psychomotriciennes apportent énormément dans ce domaine. La vision du bébé secoué, propositions de prise en charge Alexandra BERGER-MARTINET page 21 / 51 Année 2012-2013 D.U. Technique de compensation du handicap visuel Troubles sensoriels et moteurs: • Suivi du strabisme : on s'assure que le suivi ophtalmologique soit régulier, que la correction optique soit toujours adaptée et portée mais on traite également les fixations croisées. • Amblyopie : il s'agit de la priorité absolue de traitement sur toute autre prise en charge car le temps est compté. Il peut s'agir de traitements par occlusion ou pénalisation. Ces traitements devront être suffisants pour être efficaces mais toujours adaptés dans la mesure où ils ont des conséquences sur le développement psychomoteur. Un travail d'explication à nos partenaires de rééducation est le bienvenu dans la mesure où ce traitement n'est toujours bien accepté. On assure par la suite la surveillance et la prévention de l'amblyopie. • Nystagmus : une position de blocage ou de moindre battement du nystagmus est recherchée de façon à proposer si possible un moyen de compensation adapté ou le maintien d'une posture favorisant une fixation de qualité. • Pré-requis orthoptiques : les pré-requis orthoptiques de base tels que les amplitudes de fusion, l'accommodation et la motricité oculaire sont bien évidement rééduqués. La vision du bébé secoué, propositions de prise en charge Alexandra BERGER-MARTINET page 22 / 51 Année 2012-2013 D.U. Technique de compensation du handicap visuel Troubles fonctionnels : • Champ visuel attentionnel : l’objectif est d’élargir au maximum la fenêtre visuoattentionnelle en proposant des taches d'anticipation visuelle variées (relier des points, suivi de chemin, labyrinthes, ….). L'empan visuel, quantité de lettres perçues en une fixation, peut être entraîné en augmentant le nombre de caractères au fur et à mesure. Selon les travaux de S. Valdois (9), il est en moyenne de 7 lettres. Enfin, il n'est pas rare de retrouver des négligences spatiales unilatérales séquellaires du SBS. Notre rôle est d'apprendre au patient à aller chercher avec ses yeux l’information dans le champ négligé en se servant de stimulations multimodales dégressives et de travailler sur les stratégies de compensations motrices, visuelles et cognitives. • Troubles du regard : La mise en place d'une bonne fixation est l'étape clé de la prise en charge orthoptique. Elle se fait par une stimulation multimodale (auditive, tactile, proprioceptive et cognitive) une fois le support adéquat trouvé. Il est déterminé en fonction de sa taille, sa luminosité, son contraste et des propriétés proprioceptives associées comme par exemple les vibrations. Dans les cas où la fixation reste compliquée, il sera possible de commencer avec un fond structuré comme les panneaux à damier ou les réseaux. Le travail doit être quantitatif mais surtout qualitatif. Le coût énergétique de la fixation doit être moindre pour que celle-ci puisse être engagée. On veille à diminuer au maximum les clignements, larmoiements ou les syncinésies. Une fois cette fixation statique obtenue, elle peut être travaillée en dynamique. Les poursuites devront alors être réalisées sans difficulté, dans toutes les directions et sur des supports aux caractéristiques variées de taille décroissante. La fixation doit être efficace pour que la prise d'information visuelle soit fiable. Enfin, les saccades, base des stratégies visuelles praxiques et perceptives, sont travaillées en endurance, en rapidité et en précision, en commençant par les mettre en jeu avec des exercices de dissociation œil / tête puis sur ordre et enfin en volontaire pur. Des cibles de taille décroissante, des lettres ou des mots sont utilisés, le travail est effectué dans toutes les directions, en monoculaire et en binoculaire. La vision du bébé secoué, propositions de prise en charge Alexandra BERGER-MARTINET Afin d'aider au déclenchement, un page 23 / 51 Année 2012-2013 D.U. Technique de compensation du handicap visuel accompagnement verbal, proprioceptif ou cognitif peut être proposé. Pour augmenter la difficulté, une double tache comme le respect d'un rythme, le dénombrement, la description ou le barrage pourra être envisagée. • Coordinations : la coordination oculomanuelle est le lien qui est fait entre la vision périphérique et la vision centrale ou encore entre la détection d'une cible et la précision du geste. Elle est travaillée dans l'espace et sur feuille ; d'abord dans la portion de l’espace la plus facile pour finir dans un plan en deux dimensions. Il sera possible de mettre en place des taches alliant discrimination la plus fine possible et le piquage, pointage, barrage, graphisme.... La coordination oculocéphalique se travaille par la mise en jeu de saccades, tête tenue si besoin dans un premier temps en associant des stimulations multimodales. La coordination visuomotrice peut être travaillée dans une approche corporelle globale avec pour les plus petits l'amélioration du lien entre le vision et l'acquisition des schèmes moteurs (retournements, station assise, quatre pattes, genou dressé, station debout) et pour les plus grand par des taches de marche, de lancés ou d'équilibre dynamique. • Stratégies visuelles: une mise en place des stratégies exploratoires est proposée en ligne isolée puis sur un espace feuille organisé et enfin désorganisé, sans puis avec distracteurs plus ou moins identiques et plus ou moins denses. Les items pourront être dans un premier temps significatifs puis sans signification. L’attention sera portée sur la stratégie mise en place (circulaire ou oculo lexique) et on en proposera une plus efficace si besoin. Pour faciliter l'exercice, l'espace pourra être balisé, une portion du support cachée ou le doigt curseur mis en place s'il est bien utilisé. Pour rendre le travail plus complexe il est envisageable de demander une double consigne. Concernant les stratégies de lecture, une fois les pré requis orthoptiques et l'oculomotricité en place, la précision du retour à la ligne est travaillée. On veille à ce que l’œil directeur soit performant et la coopération binoculaire correcte. Sinon il faut penser à un temps de travail en monoculaire. Des moyens de compensation peuvent être mis en place comme de surligner une ligne sur deux, de cacher le La vision du bébé secoué, propositions de prise en charge Alexandra BERGER-MARTINET page 24 / 51 Année 2012-2013 D.U. Technique de compensation du handicap visuel texte à venir, d'utiliser une règle, un doigt repère ou curseur si la coordination œil main est bonne. Enfin, on peut travailler sur des supports informatisés qui propose un texte défilant et dont les mots lus s’effacent petit à petits pour éviter les rétrosaccades trop nombreuses (10). • Identification et Gnosies visuelles :que ce soit l'identification par malvoyance ou la gnosie visuelle séquellaire de la cécité corticale du SBS qui posent problème, on travaille avec le patient sur la prise de détails par appariement de dessins ou de signes ne différant que par un détail, par repérages de séquences parmi des distracteurs et par l'analyse de ce qui est vu grâce à la verbalisation. Les troubles de simultagnosie sont également à prendre en compte dans les difficultés d'exploration et on pourra appliquer les techniques de mise en place des stratégies exploratoires ou leurs moyens de compensation. Dans tous les cas, la connaissance du problème est essentielle pour la vie quotidienne et peut expliquer des troubles du comportement, car les patients ne peuvent pas se fier aux informations visuelles perçues. Leur dépistage et l'explication à l’entourage sont donc nécessaires. • Analyse et repérage visuo spatial : l'amélioration de l'analyse visuo spatiale et du repérage passe par un travail sur les positions spatiales relatives, la position topologique des éléments, la production en trois dimension puis sur feuille avec des exercices tels que les Atelier Topologie, le Compox ou les planches de Visuoanalyse (Ortho édition) mais aussi tous les supports mettant en jeu les coordonnées comme les symétries ou la bataille navale. Des moyens de suppléance tels que la verbalisation, les codes couleur ou les doigts repères peuvent être mis en place. Les liens avec les autres soignants sont indispensables à la fois pour s'inscrire dans une prise en charge globale du patient mais aussi parce que la vision est un mécanisme peu connu et difficile à comprendre et parce qu'un trouble visuel peut paraître banal. Cela permet aussi de leur indiquer si le patient peut faire confiance à sa vision (problème La vision du bébé secoué, propositions de prise en charge Alexandra BERGER-MARTINET page 25 / 51 Année 2012-2013 D.U. Technique de compensation du handicap visuel d’agnosie, de négligence), quelles tâches sont plus ou moins évidentes, s'il faut combattre ou favoriser une position de tête et s'il faut mettre en place une suppléance. Enfin, les échanges avec nos partenaires sont pour nous source de savoir car ils nous permettent de réaliser des examens dans de meilleures conditions comme nous l'avons vu précédemment autour de l'installation par exemple mais aussi parce que ils enrichissent nos connaissances sur le développement de l’enfant et donc nous permettent de globaliser son accompagnement. 2.3. Prise en charge à quatre mains : Simon Nous avons vu dans les deux parties précédentes les possibilités de coopération entre services ainsi que les propositions d'évaluation et de prise en charge orthoptique. Une autre possibilité est intéressante dans le travail avec les patients cérébrolésés, il s'agit de la prise en charge à quatre mains. Au cours de mon expérience en CAMSP, il m'a été permis de travailler en binôme avec divers professionnels de santé, à commencer par un partenaire naturel, l'ophtalmologiste. Nous assurions des consultations lors desquelles nous avons pu partager des regards spécifiques dans un même but, l'examen visuel. J'ai également eu l'occasion de faire équipe avec la kinésithérapeute, l'orthophoniste et l'éducatrice de jeunes enfants. Enfin, à travers l'histoire de Simon, je souhaiterai illustrer le travail commun avec la psychomotricienne. Simon est un petit garçon victime de secouement par sa nourrice à l'âge de 5 mois. Une dérivation à été mise en place ainsi qu'un traitement antiépileptique. Il est arrivé au CAMSP à l'âge de 9 mois. Le retard psychomoteur était alors massif. Seule la position en décubitus dorsal était possible, il existait une hypotonie axiale majeure associée à une hypertonie périphérique. Le regard était vide et le visage inexpressif. Il n'y avait pas de vocalises. Sur le plan de l'histoire ophtalmologique, des hémorragies péripapillaires retrohyaloidiennes et interpapillo maculaires bilatérales ont été retrouvées lors de l'hospitalisation. La macula était visible à gauche mais pas à droite. Quatre mois après La vision du bébé secoué, propositions de prise en charge Alexandra BERGER-MARTINET page 26 / 51 Année 2012-2013 D.U. Technique de compensation du handicap visuel l'accident, il n’y avait plus d’hémorragie mais une atrophie optique bilatérale. Les examens électrophysiologiques concluaient à un ERG normal et des PEV discernables mais immatures. Sur le plan ophtalmologique, le clignement à la menace était absent et les réflexes photomoteurs directs et consensuels présents mais très faibles. Il y avait une atrophie optique bilatérale massive et la réfraction était impossible à réaliser. Sur le plan sensoriel, il y avait uniquement une perception lumineuse sur l’œil droit. A gauche la réponse était très faible au test de bébé vision et la détection des damiers était possible. Sur le plan moteur, on constatait une errance oculaire avec une déviation très variable. La fixation était excentrée et possible uniquement avec l’œil gauche mais le temps de latence était très élevé. Les poursuites étaient absentes et les saccades céphaliques et possibles uniquement en détection à gauche s'il n'y avait pas de son associé. Sur le plan fonctionnel, les coordinations oculomanuelle et oculocephalique étaient absentes. Il n'y avait aucun geste de préhension, peu d’intérêt pour la cible et aucune dissociation œil/tête. La coordination auditivomotrice était présente des deux côtés. Au total, Simon montrait peu d’intérêt pour le canal visuel. Il présentait les symptômes d'une cécité corticale. Il a donc été décidé de commencer immédiatement un travail de stimulation de l'éveil visuel et de l'oculomotricité de base en commençant par l’obtention d’une fixation, avec pour parti pris de ne pas attendre la fin de l'ensemble des évaluations et de faire deux séances par semaine. Dès la fin des évaluations, et devant le besoin psychomoteur important, il a paru fondamental à l'équipe de conjuguer les savoirs psychomoteurs et orthoptiques au sein d'une même séance afin de proposer à la fois une stimulation du potentiel visuel et un soutien de l’activité motrice par la vision dans le cadre d’un travail global. Nous souhaitions également développer la compréhension des liens entre ce qui était vu et les autres perceptions sensorielles. La vision du bébé secoué, propositions de prise en charge Alexandra BERGER-MARTINET page 27 / 51 Année 2012-2013 D.U. Technique de compensation du handicap visuel Très rapidement, la détection s'est améliorée, les poursuites sur damiers et parfois sur certains objets connus sont devenues possibles dans tous les champs du regard. Après deux ans de prise en charge, Simon a beaucoup évolué. Grâce aux diverses stimulations, une fixation sur les objets a pu se mettre en place. Le temps de latence restait élevé mais Simon était capable de regarder un objet pour le saisir ou de l’attraper et de l’amener devant ses yeux pour l’examiner. Même s’il restait probablement des séquelles de cécité corticale, il semblait mieux comprendre son environnement et il pouvait être en interaction visuelle avec l’autre. Comme la fixation était devenue de meilleure qualité, l'ophtalmologiste a pu réaliser une réfraction plus fiable qui a révélé une myopie. Une correction optique a été prescrite. Quelques jours après cette consultation, Simon a quitté le CAMSP pour une structure d'accueil à la journée. Nous avons préconisé la poursuite de la stimulation visuelle mais l'IME n'ayant pas d'orthoptiste, les parents ont du trouver non sans mal un relai en libéral, les adresses que nous avons fournies leur semblant trop éloignées du domicile. Nous avons pu revoir Simon un an après en consultation conjointe ophtalmologie/orthoptie dans le cadre d'une collaboration entre services. Il acceptait bien ses lunettes. Les PEV Flash seraient normaux. La prise en charge orthoptique se poursuivait à raison d’une fois par semaine depuis plusieurs mois. Sur le plan ophtalmologique, l'atrophie optique bilatérale restait majeure. La myopie avait peu évolué. Il n'y avait toujours pas de clignement à la menace. Sur le plan sensoriel, on retrouvait une détection très inconstante des damiers. Sur le plan moteur, les reflets montraient un strabisme divergent, la fixation était possible entre 5 et 10 cm. Simon fuyait la lumière. Il orientait son regard uniquement au bruit et de façon céphalique. Sur le plan fonctionnel, la dissociation œil/tête était absente. Le geste de préhension ne se faisait qu’avec la main droite même quand celle-ci était tenue. Simon repérait la cible, en vision périphérique puis lâchait le regard, attrapait l’objet et enfin regardait à nouveau. Depuis son entrée à l'IME, il n'y a plus eu de prise en charge à quatre mains orthoptie/psychomotricité ni de liens entre les professionnels. On peut constater que la La vision du bébé secoué, propositions de prise en charge Alexandra BERGER-MARTINET page 28 / 51 Année 2012-2013 D.U. Technique de compensation du handicap visuel vision en elle-même se développe mais que la relation à l'autre, l’intérêt pour l’environnement et l'envie de découvrir se sont dégradés. Le regard est maintenant très peu engagé. Le temps de latence reste élevé. Il est capable de saisir un objet et de l’amener devant ses yeux mais n'en fait rien de plus. Dans un cas comme celui de cet enfant, le travail de concert a permis de développer le lien entre la vision et la proprioception, l'appréhension de environnement mais aussi le partage avec autrui. La mutualisation de nos connaissances nous a apporté une connaissance globale du développement de l'enfant et a enrichi notre savoir faire et bien évidemment nos prise en charges. La vision du bébé secoué, propositions de prise en charge Alexandra BERGER-MARTINET page 29 / 51 Année 2012-2013 D.U. Technique de compensation du handicap visuel 3. ÉLABORATION D'UN OUTIL D'INFORMATION À L'USAGE DES DIRECTEURS D'ÉTABLISSEMENT En accord avec la directrice du CAMSP, nous avons proposé une sensibilisation aux troubles visuels à l'ensemble des directeurs d'établissement de notre association gestionnaire. Le but était de promouvoir la prise en compte de la vision de leurs usagers dans leurs accompagnements, de leur montrer par des exemples du quotidiens les difficultés auxquelles ils pouvaient être confrontés, et ainsi de faire émerger la nécessité d'un dépistage visuel pour leurs patients et pourquoi pas la création d'un poste d'orthoptiste par mutualisation de moyen. 3.1. Œil, fonction visuelle et vision fonctionnelle Nous avons commencé par un rappel sur l'anatomie de l’œil et de ses muscles oculomoteurs en les replaçant dans le cadre plus global qu'est le cerveau. Puis nous avons insisté sur le rôle de la vision par laquelle 80 % des informations sont perçues. Elle a également été décrite en tant que capteur postural. Ceci est assez parlant car nombre des usagers présentent un trouble de régulation tonique ou des difficultés orthopédiques. Enfin, nous avons détaillé le triple rôle de la vision que nous avons vu lors de la proposition d'évaluation à savoir : voir, comprendre et regarder. A cette occasion, la boucle neurovisuelle a été décrite afin d'expliquer qu'une bonne acuité visuelle n'est ni suffisante ni indispensable pour avoir une vision efficace. La vision du bébé secoué, propositions de prise en charge Alexandra BERGER-MARTINET page 30 / 51 Année 2012-2013 D.U. Technique de compensation du handicap visuel 3.2. La vision dans l'approche globale du patient Nous avons développé l'utilité de la vision : • Dans le développement du mouvement, car c'est en grandissant et par le biais d’expériences variées que l’enfant devient acteur de ses systèmes visuel et moteur. • Dans la communication, car voir c'est aussi communiquer de façon verbale ou non, capter et répondre aux mimiques et expressions d’autrui. • Dans la construction de soi, car l’élaboration de la personne passe par le ressenti de soi en tant que corps et la vision dans son action stimulante du déplacement joue un rôle non négligeable dans la construction de l'enveloppe corporelle. Elle La vision du bébé secoué, propositions de prise en charge Alexandra BERGER-MARTINET page 31 / 51 Année 2012-2013 D.U. Technique de compensation du handicap visuel participe aussi à l'élaboration du schéma corporel, l'élaboration du langage mais aussi à la construction de l'imagerie mentale. 3.3. Dépistage et évaluation visuelle des usagers Par la suite nous avons évoqué les populations à risque afin que les directeurs présents se rendent compte que nombre de leurs usagers en font partie. Nous avons évoqué l'évaluation des capacités visuelles en replaçant dans leurs rôles respectifs l'ophtalmologiste et l'orthoptiste. Nous avons évoqué sans le détailler et tout en se rapprochant au maximum des difficultés du quotidien, les éléments qui pourraient être apportés pour aider le patient et l'équipe. Puis, nous avons terminé par les signes d'appel facilement observables dans les structures d'accueil à la journée comme par exemple : un mauvais contact visuel ou des mouvements anormaux des globes, une attitude de tête, une absence ou maladresse dans la préhension, ... La vision du bébé secoué, propositions de prise en charge Alexandra BERGER-MARTINET page 32 / 51 Année 2012-2013 D.U. Technique de compensation du handicap visuel 3.4. Moyens d'intervention Enfin nous avons terminé la présentation en évoquant les modalités possibles d'intervention de l'orthoptiste et de l'ophtalmologiste telles que : • la création de poste, • la convention entre services: le professionnel dépend entièrement d'une structure et ses interventions sont remboursées par les autres établissements, • le relai avec le secteur libéral avec convention dans laquelle l'établissement recevant l'enfant règle les soins, • le relai avec le secteur libéral avec le remboursement des soins aux familles par la sécurité sociale en fonction du mode de financement des structures d’accueil. A la suite de la présentation, beaucoup de directeurs ont avoué leur méconnaissance des troubles visuels et de leurs conséquences. Ils se sont montrés intéressés par l'intervention d'une orthoptiste dans leur structure et l'augmentation de temps du poste d'orthoptiste du CAMSP sera mis à l'étude lors de l'élaboration du Contrat Pluriannuel d'Objectifs et de Moyens à venir. La vision du bébé secoué, propositions de prise en charge Alexandra BERGER-MARTINET page 33 / 51 Année 2012-2013 D.U. Technique de compensation du handicap visuel CONCLUSION J'ai été frappée lors de mon travail auprès des enfants victimes de secouement par la disparité des séquelles motrices et cognitives mais surtout par la quasi omniprésence de troubles visuels. Les difficultés visuelles pouvant avoir des expressions variées allant de la malvoyance organique aux troubles visuels d'origine cognitifs. Dans tous les cas, elles sont peu prises en considération par l'entourage, les proches et les soignants, en comparaison avec les autres manifestations du handicap. Lors de l'écriture de ce mémoire, j'ai souhaité améliorer la forme de mon bilan orthoptique neurovisuel. Ce bilan de dépistage des fonctions neurovisuelles, associé à une évaluation basse vision, s'applique à tous les patients sans notion d'âge mais également à tous ceux pour lesquels on suspecte des troubles de la vision fonctionnelle. Il permet ainsi une approche complète des capacités visuelles des patients cérébrolésés et malvoyants sans se limiter aux seules victimes de SBS. A travers cette évaluation, je souhaite pouvoir échanger sur les difficultés du quotidien avec l'entourage des enfants que ce soit les proches, les professionnels de santé (équipe soignante, éducative et psychologique) ou l'équipe pédagogique. Les données orthoptiques sont recueillies classiquement selon les trois axes (sensoriel, moteur et fonctionnel) mais sont transmises de façon différente aux interlocuteurs pour se rapprocher au maximum du vécu du patient et répondre aux questions : Que voit-il ?, Comment voit-il ? et Qu'en fait-il ?. Ce support, permettant de développer les échanges pluridisciplinaires, m'apporte également une approche orthoptique plus globale et plus ciblée du patient. Elle aide à se rapprocher du quotidien et à cibler les demandes. C'est aussi un apport non négligeable concernant les prises en charge à quatre mains car cela permet de travailler à partir d'observations similaires et sur la base d'un langage commun. La vision du bébé secoué, propositions de prise en charge Alexandra BERGER-MARTINET page 34 / 51 Année 2012-2013 D.U. Technique de compensation du handicap visuel Enfin, le constat de l'absence de prise en compte dans les établissements d'accueil des difficultés visuelles liées au SBS des enfants que nous avons suivi, nous a poussé à penser autrement l'intervention de l'orthoptiste au sein de l'association gestionnaire du CAMSP. Cette réflexion a abouti à une intervention lors du conseil de direction ayant pour but d'informer les directeurs d'établissement de l’intérêt de la vision et de son évaluation au quotidien. Nous avons alors pu constater à quel point cet univers est méconnu mais intéressant lorsqu'il est expliqué. Chacun a pu y trouver un intérêt pour sa structure et nous avons eu beaucoup de demandes. Si toutes ces propositions ne sont pas directement des mesures pour la préservation de la vision des enfants potentiellement victimes de SBS, au moins ont-elles la prétention de contribuer à son évaluation et à sa réadaptation en touchant les acteurs de première ligne que sont les professionnels médico sociaux. La vision du bébé secoué, propositions de prise en charge Alexandra BERGER-MARTINET page 35 / 51 Année 2012-2013 D.U. Technique de compensation du handicap visuel BIBLIOGRAPHIE 1. Sofmer – HAS, Recommandation de la commission d'audition – Syndrome du bébé secoué / Mai 2011 2. Série de 117 SBS de Necker Enfants Malades (Paris) entre 1996 et 1999 3. Thèse de doctorat en médecine, Syndrome du bébé secoué, Dr Mireau, 2005 4. Le bébé: du rêve au cauchemar, Marthe Barraco, Le bébé secoué. Dominique Renier - Editions KARTHALA, 2001. 5. Le bébé secoué. Dominique Renier - Editions KARTHALA, 2001. 6. Lecture et relation binoculaire, apport du test de lecture comparée, M-F. Clenet RFO-03-2008-1, p 9-18. 7. Neuropsychologie visuelle : évaluation et rééducation, Blanche Duarne de Ribaucourt, Martine Barbeau, De Boeck université, 1993 8. Le développement sensori-moteur de l'enfant et ses avatars : Un parcours de recherche, A. Bullinger, La Vie de L'Enfant (ERES), 2007 9. Dyslexie acquise et développementale. Approche Neuropsychologique des Apprentissages chez l’Enfant, Valdois, S.,1991 10. http://dyslexie.visuelle.free.fr/ La vision du bébé secoué, propositions de prise en charge Alexandra BERGER-MARTINET page 36 / 51 Année 2012-2013 D.U. Technique de compensation du handicap visuel ANNEXES Proposition de trame d'évaluation visuelle La vision du bébé secoué, propositions de prise en charge Alexandra BERGER-MARTINET page 37 / 51 Année 2012-2013 D.U. Technique de compensation du handicap visuel NOM, Prénom EXAMEN ORTHOPTIQUE du Interrogatoire BILAN SENSORIEL CORRECTION OPTIQUE: ACUITE VISUELLE: correction OD= et OG= sans OD= et OG= avec correction ACCOMMODATION PPa / PPr: OD= VISION • • • / cm et OG= / cm BINOCULAIRE: RELIEFS FUSION AMPLITUDES DE FUSION CHAMP VISUEL ATTENTIONNEL: BILAN MOTEUR OEIL VISEUR: MAIN GRAPHIQUE: ATTITUDE POSTURALE : MOTILITE: RdC: PPCf: PPCt: DEVIATION: • ASC • SC La vision du bébé secoué, propositions de prise en charge Alexandra BERGER-MARTINET page 38 / 51 Année 2012-2013 D.U. Technique de compensation du handicap visuel MOTRICITE CONJUGUEE: • FIXATION monoculaire et binoculaire • POURSUITES • SACCADES • DETECTION • VISUO GUIDEES • VOLONTAIRES BILAN FONCTIONNEL LECTURE COMPAREE (sur P6) OD= mots/min OG= mots/min ODG= mots/min PRAXIES • ANTICIPATION VISUELLE • EXPLORATION format A4 / A3, ligne, vrac, retour à la ligne • COORDINATION • OCULOMANUELLE dans l'espace et sur feuille • OCULOCEPHALIQUE • • • DENOMBREMENT 12 pions, en pointage et en visuel pur ANALYSE VISUO SPATIALE COPIE VISUO SPATIALE • Repère de points • Feuille blanche PERCEPTIONS • DISSOCIATION FOND / FORME • PERCEPTION TAILLE – FORME – ORIENTATION • PERCEPTION DES COULEURS • FONCTION DE LA SENSIBILITE AUX CONTRASTES GNOSIES, dénomination • DESSINS D'OBJETS PROTOTYPIQUES • FLEXIBILITÉ DE CLOSURE • POINTS DE VUE INSOLITE • VISION SYNCRÉTIQUE La vision du bébé secoué, propositions de prise en charge Alexandra BERGER-MARTINET page 39 / 51 Année 2012-2013 D.U. Technique de compensation du handicap visuel DIAGNOSTIC ORTHOPTIQUE SUR LE PLAN SENSORIEL SUR LE PLAN MOTEUR SUR LE PLAN DE L'EFFICACITE VISUELLE Traitements proposés - Orientation La vision du bébé secoué, propositions de prise en charge Alexandra BERGER-MARTINET page 40 / 51 Année 2012-2013 D.U. Technique de compensation du handicap visuel Supports de tests d'évaluation de la vision fonctionnelle La vision du bébé secoué, propositions de prise en charge Alexandra BERGER-MARTINET page 41 / 51 Année 2012-2013 D.U. Technique de compensation du handicap visuel La vision du bébé secoué, propositions de prise en charge Alexandra BERGER-MARTINET page 42 / 51 Année 2012-2013 D.U. Technique de compensation du handicap visuel La vision du bébé secoué, propositions de prise en charge Alexandra BERGER-MARTINET page 43 / 51 Année 2012-2013 D.U. Technique de compensation du handicap visuel La vision du bébé secoué, propositions de prise en charge Alexandra BERGER-MARTINET page 44 / 51 Année 2012-2013 D.U. Technique de compensation du handicap visuel La vision du bébé secoué, propositions de prise en charge Alexandra BERGER-MARTINET page 45 / 51 Année 2012-2013 D.U. Technique de compensation du handicap visuel La vision du bébé secoué, propositions de prise en charge Alexandra BERGER-MARTINET page 46 / 51 Année 2012-2013 D.U. Technique de compensation du handicap visuel La vision du bébé secoué, propositions de prise en charge Alexandra BERGER-MARTINET page 47 / 51 Année 2012-2013 D.U. Technique de compensation du handicap visuel La vision du bébé secoué, propositions de prise en charge Alexandra BERGER-MARTINET page 48 / 51 Année 2012-2013 D.U. Technique de compensation du handicap visuel Support de présentation à l'attention des directeurs d'établissement La vision du bébé secoué, propositions de prise en charge Alexandra BERGER-MARTINET page 49 / 51 Année 2012-2013 D.U. Technique de compensation du handicap visuel La vision du bébé secoué, propositions de prise en charge Alexandra BERGER-MARTINET page 50 / 51 Année 2012-2013 D.U. Technique de compensation du handicap visuel La vision du bébé secoué, propositions de prise en charge Alexandra BERGER-MARTINET page 51 / 51 Année 2012-2013