Titre : Détection économétrique des bulles spéculatives durant la période 2000-2015: application du modèle à changement de régimes de Markov à l’indice S&P 500. LES AUTEURS : Mouloud ELHAFIDI Abdessamad OUCHEN Professeur de l’enseignement supérieur et Professeur de l’enseignement supérieur Directeur de l’Ecole Nationale de Commerce et assistant à l’Ecole Nationale de Commerce et de Gestion-Fès- de Gestion-Fès- Structure de recherche: Laboratoire de Recherche Structure de recherche: Laboratoire de en Entrepreneuriat et Management des Recherche en Entrepreneuriat et Management Organisations (LABEMO) des Organisations (LABEMO) Ecole Nationale de Commerce et de Gestion Ecole Nationale de Commerce et de Gestion Université Sidi Mohamed Ben Abdellah Université Sidi Mohamed Ben Abdellah - Fès- - Fès- Adresse : Ecole Nationale de Commerce et de Adresse : Ecole Nationale de Commerce et de Gestion Fès, AV 15 Al Mouahedine, B.P. 81A. Gestion Fès, AV 15 Al Mouahedine, B.P. 81A. Tél : +212661829929 Tél : +212667085262 Email : [email protected] Email : [email protected] 1 TITRE : Détection économétrique des bulles spéculatives durant la période 20002015 : application du modèle à changement de régimes de Markov à l’indice S&P 500. RESUME : Le choix de notre sujet est dû à la récurrence des crises financières. Le monde d'aujourd'hui est profondément instable et soumis à des incertitudes et à de grandes surprises. La finance connait ainsi deux régimes: état de stabilité et celui de crise. De ce fait, afin d’appréhender les asymétries cycliques dans les séries des rendements des principaux indices boursiers du monde, on doit recourir aux spécifications non linéaires qui distinguent entre les phases d’expansion et les phases de récession. Nous avons estimé ainsi un modèle à changement de regimes de Markov, à deux états et avec une spécification autorégressive d’ordre 1, de la différence première du cours mensuel de l’indice S&P 500 durant la période qui s’étale du Décembre 1999 au Décembre 2015. Ce modèle nous a permis de confirmer l’existence de deux regimes distinct sur le marché boursier américain, à savoir: l’état de crise et celui de stabilité. Il a permis ainsi la détection de trois bulles: la bulle Internet (1998-2000), la bulle immobilière (1995-2006) et la bulle financière chinoise (2014-2015). En effet, la probabilité d’être en phase de crise (probabilité de lissage) est supérieure à 0.6 après la crise des valeurs TMT en 2000-2001, après la crise financière en 2007-2008, après la crise européenne des dettes souveraines en 2010 ainsi qu’après la crise financière chinoise en 2015. En outre, la place de New York a une probabilité de passer de l’état de stabilité en t-1 à celui de crise en t, estimée à 0.085381, inférieure à celle de passer de l’état de crise en t-1 à celui de stabilité en t, estimée à 0.387076. MOTS CLES Crises financières, bulles speculatives, modèle à changement de régime de Markov. 2 ABSTRACT: The choice of our topic is due to the recurrence of financial crises. The world today is deeply unstable and subject to uncertainties and big surprises. Finance is known for two regimes: state of stability and state of crisis. Therefore, in order to understand the cyclical asymmetries in the series of yields of the main indices of the world, one has to resort to nonlinear specifications that distinguish between upswings and downturns. In the first section, we concentrate on the presentation of the Markov regime switching model. In the second section, we estimated a switching model in both states and with a specification autoregressive of order 1, the first difference in the monthly price of the S&P 500 during the period running from December 1999 to December 2015. This model allowed us to confirm the existence of two regimes distincts on the Wall Street Stock Exchange, namely the state of crisis and the stability. It allowed the detection of three bubbles: the dot.com bubble (1998-2000), the real estate bubble (1995-2006) and the Chinese financial bubble (2014-2015). Indeed, the probability of being in crisis phase (probability smoothing) is greater than 0.6 after the crisis of TMT in 2000-2001, after the financial crisis in 2007-2008, after the European debt crisis in 2010 and after the Chinese financial crisis in 2015. Also, instead of Wall Street Stock Exchange has a probability of moving from state stability in t-1 to the crisis in t, estimated at 0.085381 , less than that to move from status in t- 1 to crisis that of stability t, estimated to be 0.387076. KEYWORDS Financial crises, speculative bubbles, Markov regime switching model. 3 INTRODUCTION Durant les deux dernières décennies, on ne compte pas moins de dix crises financières: la crise japonaise de la fin des années 1980, celle des savings and loans américaines en 1990, la faillite de la banque Barings en 1995, la crise mexicaine en 1994-1995, la crise thaïlandaise puis celle de l’ensemble des pays du Sud-est asiatique en 1997-1998, la crise russe en 1998, la quasi-faillite de LTCM( Long-term capital management) en 1998, l’éclatement de la bulle Internet et des valeurs TMT(Technologie médias télécommunications) en 2000-2001, la crise argentine en 2001-2002, la crise financière en 2007-2008, la crise des dettes souveraines dans la zone euro amorcée à la fin de l’année 2009 et l’éclatement de la bulle financière chinoise en 2015. Cette litanie de crises financières illustre bel et bien que nos univers sont devenus turbulents et marqués par l’impensable. Dès lors, l’étude des crises financières est un champ d’analyse fécond, car le monde de la crise n'est plus celui de l'exception mais celui du normal. Les crises financières de la fin du XXème siècle, en particulier la crise mexicaine et la crise asiatique, ont été marquées avant leur déclenchement par l'existence d'un engouement sur certains titres de pays émergents qui furent à l'origine d'entrées de capitaux massives dans ces pays. Puis à la suite d'un brutal retournement, ces économies ont été confrontées à des situations très défavorables sur les plans économique et financier. De mȇme, la crise des subprimes de 2007 a été survenue après la formation de la bulle immobilière de 1995-2006. En effet, la théorie des bulles rationnelles ainsi que celle du mimétisme expliquent ces épisodes et montrent les mécanismes qui ont pu les engendrer. Cependant, les bulles rationnelles sont des explications de l'engouement pour un ou des titres ou encore pour des devises, alors que les modèles de mimétisme rendent compte aussi bien des phénomènes d'engouement, comme l'engouement pour les valeurs Internet avant le printemps 2000, que des vagues de pessimisme, comme la vague de pessimisme qui toucha les marchés financiers après la faillite du courtier en énergie Enron à la fin de l'année 2001 ou après le dépôt de bilan de l'entreprise de télécommunications Worldcom en Juillet 2002. La finance connait ainsi deux régimes : état de stabilité et celui de crise. De ce fait, afin d’appréhender les asymétries cycliques dans les séries des rendements des principaux indices boursiers du monde, on doitrecourir aux spécifications non linéaires qui distinguent entre les phases d’expansion et les phases de récession. Les modèles non linéaires comportent, entre autres, le modèle à correction d’erreur non linéaire, le modèle autorégressif à seuil TAR 4 (Tiaoet Tsay (1994)), le modèle SETAR (Teräsvirta et Anderson(1992)) et le modèle à changement de régimes (Hamilton (1989)). Ayant connu un succès dans l’analyse du produit intérieur brut trimestriel des EtatsUnis, le modèle à changement de régimes constitue ainsi notre outil économétrique adéquat pour tenir compte des asymétries cycliques dans la série de notrevariable d’intérêt, à savoir : le rendement mensuel de l’indice de Dow Jones, c'est-à-dire du caractère non linéaire présent dans cette série. Il s’agit d’une approche capable d’identifier et de détecter les points de retournement des phases de tranquillité et de crise des séries temporelles financières. La modélisation de cet article est aussi une occasion pour en apprécierla performance. Il est en effet attendu de détecter sur cette période la bulle Internet (1998-2000) et celle immobilière (1995-2006). Dans le présent article, nous nous concentrons sur les fondements théoriques des chocs financiers et des bulles spéculatives ainsi que sur leur détection par le modèle à changement de régimes. Il se compose de quatre sections. La première et la seconde sections sont consacrées respectivement à un bref aperçu sur les fondements théoriques des chocs financiers et à une présentation de la théorie des bulles spéculatives. La troisième section est destinée à la présentation du modèle à changement de régimes de Markov. La dernière section est focalisée sur la détection des crises financières à l’aide du modèle à changement de régimes de Markov. 1. BREF APERCU SUR LES FONDEMENTS THEORIQUES DES CHOCS FINANCIERS Selon Christophe BOUCHER et Hélène RAYMOND (2009), la crise financière est, en général, une hausse importante et soudaine du coût de financement liée à une raréfaction de l’offre de capitaux. Cependant, les crises financières se caractérisent par leur nature protéiforme et elles peuvent prendre l’une des formes suivantes : crise de solvabilité et/ou de liquidité bancaire, crise de la dette privée et/ou publique, crise de change, crise boursière, etc. En dépit de la délicatesse de concocter un modèle théorique qui peut expliquer en une seule combinaison le déclenchement des crises financières, à cause de leur hétérogénéité car « les crises se suivent mais ne se ressemblent pas» dixit Robert Boyer (1988), Charles Kindleberger (1996) caractérise généralement le cycle financier par l’enchainement de cinq 5 phases, à savoir : l’essor ; l’euphorie ; le paroxysme et le retournement ; le reflux et l’instauration du pessimisme ; la déflation de la dette et la restructuration des bilans. Pour expliquer le développement de chacune de ces phases, nous devons faire appel, selon Michel Aglietta et Sandra Rigot (2009), à l’hypothèse de l’instabilité financière. En effet, il y a une interdépendance étroite entre les marchés du crédit et ceux d’actifs. Ce sont les interactions entre ces deux marchés qui peuvent expliquer l’enchainement des phases du cycle financier (le cas de la crise des subprimes en 2007). Une augmentation du prix des actifs induit une progression de l’offre du crédit et une anticipation de leur hausse stimule la demande du crédit. Par conséquent, le volume du crédit augmente. De ce fait, un retournement des marchés d’actifs engendre une hausse du ratio dette/valeur de marché d’actifs et influence alors sur la solvabilité des dettes émises antérieurement, voire met en évidence la fragilité financière. Quant à la théorie de debt deflation d’Irving Fisher (1933), le retournement des marchés d’actifs, après une phase de surendettement des investisseurs, diminue l’offre du crédit et produit donc la déflation ainsi que la récession. Cet économiste américain préconise une politique économique qui vise à remonter le niveau général des prix afin d’atténuer la récession. A partir du milieu des années 1970, HymanMinsky remet à l’honneur la théorie de debtdeflation, après son oubli durant les Trente glorieuses. Il conclut que la finance « à la Ponzi » et la finance spéculative sont des caractéristiques des périodes d’euphorie et sont, d’une part, viables tant que les taux sont bas et l’actualisation des cashflows futurs est suffisamment rassurante sur la capacité à rembourser ; et, d’autre part, battues en brèches lorsque les taux s’élèvent et que les primes de risque augmentent. A l’échelle des facteurs de la contagion des crises financières, les enchainements sur les marchés financiers, la contagion par les banques, la propagation des chocs à l’économie réelle, les problèmes d’asymétrie d’information sur les marchés de capitaux, le développement du phénomène de mimétisme ainsi que l’apparition de bulles financières constituent des mécanismes de propagation des crises financières. Quant aux bulles spéculatives, elles s’expliquent, d’une part, par la théorie des bulles rationnelles qui avance que l’investisseur aura intérêt de parier sur la poursuite de la hausse du cours si ses anticipations sont validées par l’évolution ultérieure de ce cours ; et, d’autre part, par la théorie du mimétisme qui avance, sur la base de l’asymétrie de l’information, que l’agent économique sur le marché financier imite la décision d’un ou de plusieurs autres 6 agents, voire suit la tendance du marché, sans accorder le poids approprié à ses propres informations. 2. BULLES SPECULATIVES : FORMATION, ECLATEMENT ET MODELES EXPLICATIFS 2.1. LA DEFINITION DE LA BULLE SPECULATIVE, SA FORMATION ET SON ECLATEMENT D’après Christophe BOUCHER et Hélène RAYMOND (2009), la bulle spéculative est un phénomène d’engouement spéculatif pour un actif, souvent, mais pas nécessairement, financier. Selon Jean- Marie Le Page (2003), Charles Kindleberger a proposé, dans son célèbre ouvrage intitulé « Manias, Panics and Crashes », une liste non exhaustive des actifs qui ont été au centre d’euphories spéculatives depuis 300 ans. Parmi ces actifs, on trouve l’or, l’immobilier (hôtels, condominiums, immeubles de bureau…), les terrains à construire, les devises, les nouvelles industries (aux Etats–Unis), les fusions et acquisitions d’entreprises, les investissements directs étrangers (par les entreprises américaines dans les années soixante et par des entreprises américaines à partir de 1980), les placements à terme sur denrées et matières premières, les options d’achat et de vente, les sociétés entrant en bourse. Par ailleurs, en s’inspirant de John Kenneth Galbraith1, les célèbres épisodes spéculatifs sont : l’engouement pour les bulbes de tulipe en Hollande (1634 -1637), la bulle sur les actions de la Compagnie du Mississippi (1720), celle sur les actions de la Compagnie des Mers du Sud (1720), celles sur les terres, l’immobilier et, plus tard, sur les chemins de fer (crise de 1873), l’engouement pour les valeurs des années folles (Radio Corporation of America, Ford,…) qui a précédé le krach de 1929, la hausse de 243% des valeurs cotées dans la bourse de New York entre 1982 et 1987 ainsi que la bulle Internet de 1998-2000. Auxquels on ajoute la bulle immobilière de 1995-2006 et la bulle financière sur les marchés actions chinois 2014-2015. Les bulles spéculatives ont pour objet une spéculation à la hausse du prix d’un actif, sur une phase d’appréciation suffisamment durable et déconnectée de l’économie réelle, dont la valeur constatée peut s’écarter à la hausse de celle fondamentale.Elles se caractérisent par une longue phase de hausse suivie par un dégonflement qui ramène les prix à leurs valeurs fondamentales. Leur formation et leur éclatement dépendent alors des anticipations sur les prix. Cf. Galbraith, (John Kenneth), Brève histoire de l’éphorie financière. Cf. Le Page, (Jean-Marie), Crises financières internationales et risques systémiques,De Boeck &Larciers.a., 2003, p.122. 1 7 Selon Christophe BOUCHER et Hélène RAYMOND (2009), la bulle se caractérise par un écart croissant entre la valeur du marché de l’actif et sa valeur fondamentale évaluée à partir de ses déterminants économiques fondamentaux en dehors des anticipations autoréalisatrices. Toutefois, une soudaine chute des prix après une période de croissance, appelée également : un krach, une correction des cours, un réajustement, un assainissement, etc, reflète l’éclatement d’une bulle spéculative. En effet, cette bulle pointe son nez après la prise de conscience unanime sur la surévaluation et par conséquent son éclatement engendré par des ordres de ventes massifs. Selon son ampleur, l’éclatement d’une bulle spéculative peut prendre la forme, d’une part, d’un krach qui butte sur une crise circonscrite au marché touché; et, d’autre part, d’un krach financier global qui provoque une crise systémique. 2.2. LES MODELES EXPLICATIFS DES BULLES SPECULATIVES 2.2.1. LES BULLES SPECULATIVES RATIONNELLES Selon la théorie des bulles rationnelles, tant que les anticipations des investisseurs sont validées par l’évolution ultérieure du prix ou leurs prévisions de ce dernier indiquent qu’il va rester croissant, l’investisseur a intérêt de parier sur la poursuite de sa hausse. Ces anticipations autoréalisatrices sur la base d’information disponible rentrent dans la catégorie des anticipations rationnelles. Tandis qu’un pari trop tôt sur une correction à la baisse du prix peut engendrer des manques à gagner tant que la bulle se développe. Selon Tirole (1982, 1985)2, une bulle spéculative rationnelle n’existe que lorsqu’elle croit à un rythme qui ne dépasse pas le taux de croissance de l’économie à long terme. Dans le cas où sa valeur dépasserait les richesses de l’économie, aucun spéculateur ne pourrait continuer à parier sur une hausse. De même, les actifs dont le prix est borné, voire avec condition terminale, tels que les obligations, ne peuvent faire l’objet de bulles spéculatives rationnelles. En effet, à la date précédant immédiatement la date de remboursement où le prix est fixé, aucun spéculateur ne voudra parier sur la poursuite de la surévaluation. Résultat, la bulle liée à ces actifs avec condition terminale cesse donc dès la période qui précède la date de remboursement. D’ailleurs, selon Jean–Marie Le Page (2003), pour qu’une bulle spéculative puisse se développer, il faut que l’horizon de l’actif soit infini et sans condition terminale. En effet, outre l’explication ci-dessus relative à la condition terminale, si l’horizon est infini, le 2 Cf. De Boissieu, C., Les Systèmes financiers : mutations, crises et régulation, 3ème éditionEconomica, 2009.p.78. 8 spéculateur peut toujours espérer revendre l’actif et des phénomènes de spéculation peuvent se développer. De plus, la bulle rationnelle ne peut jamais apparaitre qu’après un peu du temps de la création de l’actif. Néanmoins, elle doit être présente dès l’émission de l’actif avec un prix surévalué. Enfin, selon Christophe BOUCHER et Hélène RAYMOND (2009), dans les modèles de seconde génération, les bulles spéculatives sont de nature «congénitale», car, même après leurs éclatements, elles ne disparaissent jamais complètement pour pouvoir se développer à nouveau. 2.2.2. INFORMATION IMPARFAITE, MIMETISME ET BULLES SPECULATIVES En postulant l’homogénéité parfaite des prévisions dès lors que l’information est identique pour tous les investisseurs, la théorie des bulles rationnelles n’explique pas la coordination des anticipations pour former une bulle spéculative. Par ailleurs, selon la théorie du mimétisme, l’information disponible est distribuée de façon asymétrique entre les investisseurs, à cause de la diversité de ses modes d’accès, de stratégies de dissimulation des informations, de capacités de calcul limitées, etc. Cette théorie insiste alors sur l’asymétrie de l’information pour expliquer les comportements mimétiques entre les investisseurs. A titre d’exemple, les stratégies « momentum », qui consistent à suivre la tendance du marché, conduisent les investisseurs, qui peuvent ignorer leurs propres informations, à vendre quand le prix baisse ou à acheter quand il monte et former ainsi une bulle spéculative. Ainsi, le mimétisme peut se définir comme un ensemble de comportements individuels corrélés et non indépendants, voire de comportements d’imitations qui peuvent caractériser les agents économiques sur les marchés financiers. Il se produit quand un agent imite la décision d’un ou de plusieurs autres agents, sans accorder le poids approprié à ses propres informations, et peut modifier donc sa propre décision. Ce courant théorique explique, pour mémoire, le comportement mimétique pas trois raisons : En premier lieu, compte tenu de la nature asymétrique de l’information et de la possibilité de détention d’information privilégiée par les autres participants, l’investisseur a intérêt à suivre le marché. C’est ce qu’on appelle, pour mémoire, dans la littérature un « modèle de cascades ». En second lieu, les gestionnaires de fonds sur les marchés financiers, qui ne veulent pas afficher des résultats inférieurs à ceux de leurs concurrents, ont intérêt à suivre des décisions des autres pour pouvoir conserver leur part de marché et sauvegarder par conséquent leur 9 niveau de rémunération dans le cadre de modèles principal – agent. Selon Christophe BOUCHER et Hélène RAYMOND (2009), sur le marché des OPCVM (Organisme de Placements Collectifs en Valeurs Mobilières), dans la relation principal – agent qui lie le gestionnaire de fonds à son employeur (le client du fonds), il peut être optimal pour ce dernier, en situation d’aléa moral (incertitude sur l’effort fourni) ou de sélection adverse (incertitude sur les compétences), de nouer un contrat où la rémunération du gestionnaire est liée à sa performance relative. Résultat, les gestionnaires de fonds préféreront ainsi suivre un groupe de référence ou un benchmark. Ce mode de gestion, benchmarking, est largement répandu et contribue à l’homogénéisation des pratiques. En troisième lieu, selon la théorie du mimétisme autoréférentiel d’André Orléan (1989), les investisseurs ne se fondent plus sur une référence extérieure au marché comme la valeur fondamentale mais sur une donnée produite par le marché lui-même, à savoir : l’opinion majoritaire des investisseurs, surtout lorsque le paiement qu’un parmi eux reçoit en adoptant une action augmente avec le nombre d’investisseurs qui adoptent cette même action (externalités de paiement). L’exemple du « concours de beauté » avancé par John Maynard Keynes, dans son célèbre ouvrage : Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie (1936), constitue la meilleure illustration de cette raison. Dans ce concours, le gagnant était celui qui a su choisir les six jolis visages parmi une centaine de photographies en s’approchant le plus de la sélection moyenne opérée par l’ensemble des participants. Toutefois, dans un contexte d’information asymétrique, un actif peut avoir différentes valeurs fondamentales selon les différentes prévisions des dividendes futurs formées par les spéculateurs. Dans un tel contexte, Allen, Morris et Postlewaite (1993)3 proposent deux définitions de bulles, à savoir : la « bulle au sens faible » (expectedbubble), qui existe lorsque la valeur de l’actif est supérieure à toutes les valeurs fondamentales espérées par les spéculateurs, et la « bulle au sens fort » (strongbubble), qui existe lorsqu’aucune réalisation de dividendes ne peut justifier un prix aussi élevé. D’une part, une « bulle au sens fort » n’existe que lorsqu’une « bulle au sens faible » existe. D’autre part, elle existe à l’équilibre quand chaque spéculateur pense que les autres intervenants n’ont pas conscience de la « bulle forte ». C’est-à-dire la théorie du mimétisme, à l’inverse de la théorie des bulles rationnelles en information parfaite qui considère l’existence des bulles comme une « connaissance commune » (Common Knowledge), considère l’existence des bulles comme une « connaissance mutuelle » (mutualknowledge) partagée par tous les agents sans le savoir. 3 Cf. De Boissieu, C., op.cit., p.82. 10 2.2.3. LES BULLES COMPORTEMENTALES ET LIMITES A L’ARBITRAGE D’après Christophe BOUCHER et Hélène RAYMOND (2008), outre les investisseurs rationnels, l’approche appliquant les modèles comportementaux met en avant l’existence d’investisseurs ignorants (noise traders) qui achètent et vendent des actifs sur la base de croyances erronées. D’un côté, selon la théorie de l’efficience des marchés, la présence de ces investisseurs ignorants n’a pas d’impact sur les prix d’actifs, car les investisseurs rationnels arbitrent lorsqu’ils observent le moindre écart entre le prix observé et la valeur fondamentale, c'est-àdire ils vendent les titres surévalués et ils achètent ceux sous-évalués. D’un autre, d’après le courant de la finance comportementale, l’arbitrage des investisseurs rationnels, qui reste risqué et limité, ne peut pas ramener les cours jusqu’à leur valeur fondamentale et l’irrationalité des investisseurs ignorants peut ainsi avoir un impact substantiel et durable sur les cours. Afin d’éclaircir cette conclusion, l’approche de la finance comportementale avance quatre raisons. En premier lieu. Selon De Long et alii(1990)4, l’arbitrage s’avère risqué quand il n’existe pas de substitut proche au titre mal valorisé ou lorsque tout le marché est mal valorisé. En second lieu, des achats massifs des investisseurs ignorants peuvent accroitre à court terme la surévaluation. D’après Shleifer et Vishny (1997)5, cette croissance à court terme de la surévaluation peut être engendrée aussi par des investisseurs rationnels tels que les gérants d’OPCVM et de hedgefunds qui quelquefois se trouvent amenés à retarder leurs opérations d’arbitrage afin de contrecarrer l’impact de pertes même temporaires sur les souscriptions de leur fonds. En troisième lieu, l’arbitrage peut induire certains coûts de transactions substantiels tels que les commissions, les spreadsbid-ask ou le coût lié à la recherche d’informations sur la valorisation des sociétés. En dernier lieu, les investisseurs rationnels trouvent des difficultés à synchroniser leurs actions pour éliminer la surévaluation, car chacun d’eux ne peut anticiper facilement le moment où les autres investisseurs vont vendre l’actif surévalué et contrarier ainsi la bulle6. Ils peuvent donc préférer « jouer »7 la bulle plutôt que d’essayer de la contrarier. 4 Cf. De Boissieu, C., op.cit.,p.83. Ibid., p.83. 6 Dans cette situation, chacun des investisseurs rationnels fait alors face au même dilemme : attaquer la bulle trop tôt et se priver des profits tirés de l’accroissement de la surévaluation sous l’effet des investisseurs chasseurs de tendance; attaquer la bulle trop tard et rester investi dans l’actif surévalué au moment où la bulle éclate. Ibid., pp.83.et 84. 7 Dans ce cas, le marché s’apparente alors à un jeu et personne n’est incité à sortir de ce jeu en premier même si tous savent qu’il se terminera tôt ou tard. Ibid., p.84. 5 11 3. MODELE A CHANGEMENT DE REGIMES DE MARKOV Hamilton (1989) montre que la différence première des séries financières observées, qui sont généralement non stationnaires en niveau, suit un processus stationnaire non linéaire. En cherchant à modéliser ainsi le processus d’une série financière comme un processus à changement de régimes markovien, il détermine chacun de ces régimes à la date t par une variable inobservable notée St. Générée par un processus de Markov d’ordre 1, où le régime courant St ne dépend que du régime précédent St-1, cette variable St prend deux états possibles : l’état de stabilité « 0 » et celui de crise « 1 ». Elle possède les probabilités de transition suivantes : Pr (St = 1 /St-1= 1) = P11 et Pr (St = 0 /St-1= 0) = P00 Son processus stochastique est alors représenté par la matrice de probabilités de transition constante : Θ = P00 P01 P10 P11 (1) Où :Pij = Pr (St=j/St-1=i) est la probabilité de passer de l’état i à l’état j et 1 j=0 Pij =1 pour i ϵ 0; 1 ; c'est-à-dire : P01 = 1-P00 et P10 = 1- P11. Les probabilités de transition vont prendre la forme logistique suivante : P00 = exp(P0 ) 1 + exp (P0 ) P11 = exp(q 0 ) 1 + exp (q 0 ) où : p0 et q0 sont des valeurs initiales choisies arbitrairement. En s’inspirant du modèle de Hamilton (1989), où seulement la moyenne de la série étudiée peut changer d’un régime à un autre, on va présenter un modèle simple à deux états avec une spécification autorégressive d’ordre 18. Ce modèle s’écrit comme suit : yt − μst = β yt−1 − μst−1 + εt avec εt ̴ N (0;σ2 ) et St (2) 0; 1 Hamilton (1989) a utilisé un modèle à deux états avec une spécification autorégressive d’ordre 4. 8 12 Dans le présent modèle9, il existe deux distributions avec deux moyennes différentes qui gouvernent la série yt . On désigne par l’état St = 1 le régime de crise et par l’état St = 0 le régime de tranquillité. A l’instar du modèle de Hamilton (1989), on a supposé que la variance du terme d’erreur est constante entre les deux régimes. Les paramètres de l’équation (2) ainsi que les probabilités de transition de l’équation (1) sont jointement estimés par la méthode de Maximum de vraisemblance. 4. DETECTION DES CRISES FINANCIERES : APPLICATION DU MODELE A CHANGEMENT DE REGIMES DE MARKOV En s’inspirant de Hamilton (1989), on va estimer un modèle à changement de régimes, à deux états et avec une spécification autorégressive d’ordre 1, de la différence du cours mensuel de l’indice S&P 500 rendement mensuel durant la période qui s’étale du Décembre 1999 au Décembre 201510. Le tableau suivant regroupe les coefficients estimés de ce modèle (voir le tableau A1 de l’annexe). Tableau 1 : L’estimation du modèle à changement de régimes de la différence première du cours de l’indice S&P 500 durant la période 2000-2015 Coefficients Coefficients estimés du modèle à changement de régimes 𝝁𝟎 21.80178 [0.0000] 𝝁𝟏 -75.87128 [0.0000] β -0.198561 [0.0068] 𝐋𝐨𝐠(𝛔) 3.696109 [0.0000] Où : [.] probabilité critique ; DSANDP500t = μ0 (1-St) + μ1St +β (DSANDP500t-1-μ0(1-St-1)-μ1St-1)+εt avecεt ̴ N (0;σ2 ) et St∈ 0; 1 ; 9 Qui peut aussi s’écrire comme suit : Yt = μ0 (1-St) + μ1St +β (Yt-1-μ0(1-St-1)-μ1S1-t)+εt Les cours de l’indice de S&P500 sont issus de fr.finance.yahoo.com. 10 13 et P00 = 0,914619 et P10 = 0,387076. D’un côté, on constate que les paramètres estimés sont significatifs au seuil statistique de 5%. D’un autre, il y a bel et bien des changements de régimes distincts dans la différence première du cours de l’indice de S&P 500. En effet, il y a un état optimiste ou de stabilité, à moyenne positive égale à 21.80178, ainsi qu’un autre pessimiste ou de crise, à moyenne négative égale à – 75.87128. En outre, l’état de stabilité, qui a une probabilité de transition P00 de 0.914619, est plus persistant par rapport à celui de crise, qui a une probabilité de transition P11 de 0.612924. D’ailleurs, les probabilités inconditionnelles de l’état de stabilité et 1−P 11 celui de crise, qui sont égales respectivement à 𝜋0 = 2−𝑃 de 11 −𝑃00 1−P 00 𝜋1 = 2−𝑃 11 −𝑃00 = 0.81928 et = 0.18072, indiquent que, pour un échantillon donné des rendements de DJI, près de 18,072 % des observations devraient se situer dans l’état de crise. Autrement dit, l’état de tranquillité domine la plupart du temps la place de New York. De même, on a une duration anticipée conditionnelle à l’état de crise égale à 1 1−𝑃11 = 2.58347 mois. C'est-à-dire, on peut s’attendre à ce que, en moyenne, une période de volatilité élevée dure près de deux mois et demi. Il convient de noter également que la place de New York a une probabilité de passer de l’état de crise en t-1 à celui de stabilité en t, estimée à P10 = 0.387076, supérieure à celle de passer de l’état de stabilité en t-1 à celui de crise en t, estimée à P01 = 0.085381. Par ailleurs, la figure suivante illustre l’évolution des probabilités d’être en phase de crise, appelées « probabilités de lissage », pour la place de New York. Figure 1 : La probabilité de lissage qui correspond à l’état de crise (Voir aussi la probabilité de lissage qui correspond à l’état de stabilité dans la figure A1 de l’annexe) où : 14 𝑃𝑟 𝑆𝑡 = 1| 𝑦𝑡 ; 𝜃 = 𝑃𝑟 𝑦 𝑡 ,𝑆𝑡 =1 ;𝜃 𝑓 𝑦 𝑡 ;𝜃 = 𝜋 1 .𝑓 𝑦 𝑡 |𝑆𝑡 ; 𝜃 𝑓 𝑦 𝑡 ;𝜃 est la probabilité que le régime à l’instant t soit le régime de crise, avec : et 𝑓 𝑦𝑡 ; 𝜃 = 2𝜋 𝜎 exp[ 2𝜎 2 −(y t −μ 0−β (y t−1 − μ 0) )2 π0 2π −(𝑦 𝑡 −μ s t −β (𝑦 𝑡−1 − μ s t−1 ) )2 1 𝑓 𝑦𝑡 𝑆𝑡 = 1; 𝜃 = σ exp[ 2σ 2 ]+ π1 2π σ ]; exp[ −(y t −μ 1−β (y t−1 − μ 1) )2 2σ 2 ] Au regard de cette figure, on constate que cette probabilité est supérieure ou égale à 0,6 pour les périodes très volatiles de la différence première du cours de l’indice de S&P 500, après la crise des valeurs TMT en 2000-2001,après la crise financière en 2007-2008, après la crise européenne des dettes souveraines en 2010 ainsi qu’après la crise financière chinoise en 2015. En conséquence, toutes les crises financières de la période 2000-2015 ont été détectées par le modèle à changement de régime de Markov. Résultat, il y a deux régimes distincts sur le marché boursier américain. En effet, quand la différence première de l’indice de S&P 500 soit négative, le marché soit en crise et la probabilité de lissage, qui correspond à une phase de crise, soit supérieure ou égale à 0,6. Par ailleurs, le modèle à changement de régimes de Markov permet ainsi la détection de trois crises financières, en 2001, en 2008 et en 2015, respectivement après l’éclatement de la bulle Internet (1998-2000), l’éclatement de la bulle immobilière (1995-2006) et l’éclatement de la bulle financière chinoise en 2015. Au niveau de la première bulle, entre octobre 1998 et fin mars 2000, le cours moyen des actions incluses dans l’indice NASDAQ100, qui regroupe les principales valeurs technologiques cotées aux Etats-Unis, est, d’après Christophe BOUCHER et Hélène RAYMOND (2009), multiplié par plus de quatre. Toutefois, deux semaines plus tard, il perd déjà plus de 30% de sa valeur. Quant à la seconde bulle, entre 1995 et 2006, les prix de l’immobilier sont, selon ces mêmes auteurs, multipliés par trois aux Etats-Unis avec une nette accélération à partir de 200211. Cependant, la hausse des taux d’intérêt provoque l’éclatement de cette bulle immobilière. Concernant la troisième bulle, entre Janvier et Juin 2015 et Mai 2015 une bulle financière s’est formée sur les marchés boursiers chinois et l’indice de Shanghai a connu une hausse de 122 %.La bourse de Shanghai a atteint son plus haut le 12 juin. Depuis, les baisses se sont enchaînées et en à peine trois semaines, 3 000 milliards de dollars se sont évaporés. De même, les prix de d’immobilier ont connu depuis le milieu des années 1990 une progression sans précédents dans d’autres pays industrialisés tels que le Royaume-Uni, l’Espagne et l’Irlande. Cf. Boucher, C., et Raymond, H., « Les crises bancaires et financières ». Sous la direction de De BOISSIEU, C., op.cit., p.74. 11 15 CONCLUSION Le modèle à changement de régimes de Markov met en évidence l’existence de deux régimes distincts sur le marché boursier américain, à savoir : l’état de crise et celui de stabilité. En effet, ce modèle a permis la détection de trois bulles : la bulle Internet (19982000), la bulle immobilière (1995-2006) et la bulle financière chinoise (2014-2015). En outre, la place de New York a une probabilité de passer de l’état de stabilité en t-1 à celui de crise en t, estimée à 0.085381, inférieure à celle de passer de l’état de crise en t-1 à celui de stabilité en t, estimée à 0.387076. Certes, la connaissance des chocs financiers qui peuvent survenir permet la prise de mesures proactives susceptibles de garantir la stabilité financière. Néanmoins, leurs prévisions sont très délicates. En témoigne, le questionnement : « pourquoi personne n’a-t-il vu venir cette crise »12, adressé, en novembre 2008, par la reine Elisabeth aux professeurs de la fameuse université London School of Economics. Par ailleurs, Isaac Newton, qui fait partie des investisseurs ruinés lors de l’éclatement de la bulle de la Compagne des mers du sud en 1720, confesse : « je peux mesurer le mouvement des corps célestes, mais pas la folie humaine »13. 12 Voir le Financial Times, 26 novembre 2008. Cf. Ben Hammouda, H., Oulmane, N., SadniJallab, M., Crise…Naufrage des économistes ?, Enquête sur une discipline en plein questionnement. Groupe De Boeck s.a., 2010, p.7. 13 Cf. Lacoste, O., Comprendre les crises financières,© Groupe Eyrolles, 2009. p.29. 16 ANNEXE Tableau A1 : L’estimation du modèle à changement de régimes de la différence première du cours de l’indice de S&P 500 durant la période 2000-2015 Figure A1: La probabilité de lissage qui correspond à l’état de stabilité 17 REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES Aglietta, M. et Rigot, S. (2009). Crise et rénovation de la finance. Odile Jacob. Ben Hammouda, H., Oulmane, N., et SadniJallab, M. (2010). Crise…Naufrage des économistes ? Enquête sur une discipline en plein questionnement. Groupe De Boeck s.a. Bourbonnais, R. (2009). Econométrie. 7ème édition DUNOD. De Boissieu, C. (2009). Les Systèmes financiers : mutations, crises et régulation. 3ème édition-Economica. Evans, G. (1991). Pitfalls in testing for Explosive Bubbles in Asset Prices. 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