Dr CASTADOT.pub - CHU de Charleroi

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Avancées thérapeutiques
La radiothérapie adaptative
dans les tumeurs cervico-faciales
Pierre Castadot 1,4, John A. Lee 1, Xavier Geets 1,2, Benoît Macq 3, Vincent Grégoire 1,2
1
Laboratoire d’Imagerie Moléculaire et de Radiothérapie Expérimentale, Université catholique de Louvain
2
3
Service de Radiothérapie-Oncologie, cliniques universitaires Saint-Luc
Laboratoire de Télécommunications et Télédétection, Université catholique de Louvain
4
Service de Radiothérapie-Oncologie, CHU de Charleroi - site de Vésale
Mots-clés : Radiotherapie adaptative, recalage élastique, cancer tête et cou, multimodalité, PET scan
DE LA TROISIÈME DIMENSION...
L
a radiothérapie forme avec la chirurgie et l’oncologie médicale le trépied essentiel au traitement curatif des patients atteints de cancer.
Depuis une dizaine d’années, le service de radiothérapie oncologique des cliniques universitaires Saint-Luc associé au laboratoire d’imagerie moléculaire et de radiothérapie
expérimentale de l’université catholique de Louvain est à la pointe de la radiothérapie tridimensionnelle en modulation d’intensité (Intensity Modulated Radiation Therapy ou
IMRT en Anglais) et les tumeurs de la sphère cervico-maxillo-faciales (ORL) ont été choisies comme modèle.
C
ette technique de traitement des tumeurs nécessite d’abord la délimitation précise
des volumes tumoraux et des organes à épargner.
Pour ce faire, le radiothérapeute utilise l’imagerie anatomique comme le CT scanner ou
la résonance magnétique nucléaire.
En complétant les informations recueillies par de l’imagerie fonctionnelle comme la tomographie par émission de positrons (PET scan), le radiothérapeute gagne en précision
dans cette étape très importante de la délimitation des volumes à traiter ou à épargner.
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Avancées thérapeutiques
A
près avoir délimité les volumes cibles et à risque, commence l’étape de la planification du traitement. Cette étape, en étroite collaboration avec le service de physique
consiste à adapter le traitement à chaque patient et à sa pathologie.
Les machines modernes de radiothérapie permettent de littéralement disséquer la tumeur
car les gradients de dose générés sont très importants. Cela offre l’opportunité d’augmenter la dose de rayons délivrée au niveau de la tumeur tout en diminuant la dose au
niveau des tissus sains. Ce faisant, la probabilité d’augmenter le contrôle tumoral, et
donc de guérison, augmente alors que la probabilité d’effets secondaires négatifs pour le
patient diminue drastiquement.
… A LA QUATRIEME DIMENSION
C
ette méthode classique de traitement des patients traités par radiothérapie souffre
néanmoins d’une limitation essentielle. En ne faisant qu’un scanner de dosimétrie avant
le début de la radiothérapie, les radiothérapeutes font l’hypothèse extrêmement simplificatrice que l’anatomie du patient ne change pas en cours de traitement.
En réalité des phénomènes tels que la fonte tumorale, la perte de poids induite par la chimio et/ou la radiothérapie et l’œdème provoquent des modifications anatomiques très importantes. Le scanner de dosimétrie effectué préalablement à la radiothérapie ne constitue donc qu’un « cliché instantané » de l’anatomie du patient (voir Figure 1).
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’imagerie en cours de traitement permet d’observer les modifications anatomiques et métaboliques induites par le traitement. Pour un patient atteint ici d’une
tumeur cervico-faciale, les images au scanner CT (images du dessus) ainsi que
celles acquises au PET scan (images du dessous) montrent très clairement la
fonte tumorale. La radiothérapie adaptative est capable de prendre en compte les
modifications observées pour recibler le traitement de manière optimale à chaque
session d’irradiation.
Figure 1
P
ar exemple, nous avons pu prouver que le volume tumoral diminue de 3.2% par jour
de traitement. Par ailleurs, les glandes salivaires (parotides et sous-maxillaires) diminuent d’environ 1.2% par jour de traitement.
De plus, ces différents organes présentent de légères modifications de position (de l’ordre de 2mm), probablement dus aux phénomènes de rétraction tumorale et de perte de
poids du patient.
Ces modifications anatomiques induites par la radiothérapie font que la dosimétrie effectuée préalablement n’est plus tout à fait correcte vu que le traitement planifié a été appliqué sur une anatomie légèrement différente.
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E
n appliquant le traitement planifié avant le traitement sur les scanners acquis durant
le traitement, nous avons évalué l’impact dosimétrique des modifications anatomiques.
Ainsi, nous avons pu démontrer que tous les organes à risque (glandes parotides et sous
-maxillaires, cavité orale, moelle épinière, peau) que nous souhaitons épargner en cours
de traitement reçoivent systématiquement légèrement plus de dose que prévu. Cette
constatation importante nous a donc amené à tester l’hypothèse suivante : si l’anatomie
du patient varie en cours de traitement, pourquoi ne pas adapter le traitement au cours
du temps à ces modifications anatomiques. Cette nouvelle manière de traiter les patients,
incorporant la quatrième dimension (le temps) au traitement du patient porte le nom de
Radiothérapie Adaptative (Adaptive Radiotherapy).
L
’hypothèse sous-jacente est qu’en adaptant le traitement aux modifications anatomiques particulières de chaque patient nous augmenterons encore la probabilité de contrôler la tumeur tout en diminuant les effets secondaires induits par notre traitement. Afin de
tester cette hypothèse, nous avons utilisé des données relatives à dix patients ayant bénéficié de quatre imageries en cours de traitement. Nous avons complètement replanifiés ces patients sur base des scanners acquis durant le traitement (voir Figure 2).
Figure 2
P
lanification de la dose de rayonnement à administrer avant et pendant le traitement. Les images montrent la répartition de la dose sur les images de scanner CT
acquises à deux temps différents du traitement. Les couleurs en surimpression traduisent les isodoses légendées entre les deux images. Le suivi par l’imagerie permet de
conserver une focalisation optimale de la dose sur la lésion, tout en diminuant le volume irradié avec les doses les plus importantes. Cela permet d’augmenter la probabilité de contrôle local de la maladie tout en réduisant la toxicité du traitement.
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C
e faisant, nous tenons entièrement compte des modifications anatomiques de chaque patient.
En utilisant une telle méthodologie, nous sommes arrivés à la conclusion qu’en utilisant la
radiothérapie adaptative, nous améliorons sensiblement la dosimétrie cumulée au niveau
des organes à risque, notamment au niveau de la moelle épinière, de la cavité orale et
des glandes sous-maxillaires.
Ces résultats préliminaires ouvrent la voie vers de nouvelles investigations, nous permettant d’envisager des études cliniques afin de valider les gains potentiels révélés par nos
travaux.
A
fin de pouvoir faire le lien entre les différents scanners et les différentes dosimétries
effectuées en cours de traitement, nous avons dû développer de nouveaux outils. Ces
outils, appelés algorithmes de recalage élastique, nous permettent d’identifier et de mesurer précisément les modifications anatomiques du patient.
Ces outils ont fait l’objet d’une collaboration étroite
avec le laboratoire de Télécommunication
(Laboratoire TELE, Benoît Macq) de Louvain-la-Neuve.
Ce faisant, nous avons pu adapter et choisir le meilleur programme pour les patients
souffrant d’une néoplasie de la sphère cervico-faciale.
Cette collaboration entre laboratoires fut extrêmement fructueuse.
DE NOUVEAUX PROJETS À VENIR
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O
utre la possibilité de générer des gradients de dose importants, les machines
modernes de radiothérapie offrent la possibilité d’effectuer une imagerie quotidienne
grâce à l’imagerie embarquée sur ces machines de traitement. En utilisant l’information quotidienne de cette imagerie embarquée, nous pourrons déterminer comment la
dose de rayon s’est déposée à chaque séance de traitement. Cela ajoutera un gain en
termes de précision.
E
n ce qui concerne le PET scan, le concept de radiothérapie adaptative sera étendu à l’utilisation à plusieurs traceurs.
En complément du fluoro-deoxy-glucose, qui révèle l’hypermétabolisme glucidique de
la tumeur, d’autres molécules indicatrices de la prolifération ou de l’hypoxie tumorale
seront utilisées.
C
es traceurs alternatifs seront étudiés sur une petite série de 10 patients avec tumeurs de stade avancé dans la sphère ORL. Les patients bénéficieront d’une imagerie
anatomique par CT et d’une imagerie fonctionnelle par PET avec les différents traceurs à la fois avant et au cours des 3 premières semaines du traitement par radiothérapie.
E
n utilisant les informations collectées, nous pourrons administrer une dose nonuniforme au niveau de la tumeur, en visant en particulier les zones détectées comme
étant radio-résistantes.
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