prise en charge des patients victimes d`accidents vasculaires

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PRISE EN CHARGE DES PATIENTS VICTIMES
D’ACCIDENTS VASCULAIRES CEREBRAUX
EN REANIMATION
D. MIGNONSIN, Y. TETCHI, M. KANE, A. AMONKOU, A. BONDURAND
RESUME
Il s’agit d’une étude rétrospective portant sur 158
patients victimes d’accident vasculaire cérébral admis
en réanimation pour troubles respiratoires ou neurologiques sévères ou hémodynamiques ou métaboliques.
Le traitement est basé sur la neurosédation, la
ventilation artificielle, l’utilisation des antihypertenseurs, la correction des troubles métaboliques, la
nutrition artificielle et le nursing. Le pronostic est peu
favorable : 112 décédés sur 46 sortis du Service.
Mots-clés : Accidents vasculaires cérébraux, neurosédation, ventilation artificielle, antihypertenseur,
nutrition, nursing.
INTRODUCTION
La pathologie vasculaire cérébrale en Afrique est une
pathologie fréquente et encore mal connue pour diverses
raisons (1). Elle se situe au 3e rang des causes de mortalité
dans les pays industrialisés (2). Le taux de mortalité n’est pas
moindre à Abidjan puisqu’il représente 45 % de la mortalité
globale du seul Service de Neurologie d’Abidjan (1).
Le but de ce travail est d’exposer les aspects thérapeutiques
lorsque ces sujets sont admis dans un service de réanimation.
MATERIEL ET METHODES
Il s’agit d’une étude rétrospective portant sur une période
de 11 ans (1980—1990). Cent cinquante huit (158) patients
présentant des signes de gravité ont été reçus dans le Service de Réanimation provenant du service des urgences
médicales ou du service de neurologie pour les raisons suivantes :
. troubles respiratoires : encombrement pulmonaire,
bradypnée ou pauses respiratoires,
. troubles neurologiques sévères : coma avec un score de
Glasgow inférieur ou égal à 7 et avec des signes de
localisation,
. troubles hémodynamiques : poussées tensionnelles ou
parfois des périodes d’hypotension artérielle,
. troubles métaboliques (acidose métabolique ou respiratoire).
Il s’agit en général de sujets âgés dont l’âge varie entre 45
et 80 ans.
Dès l’arrivée en réanimation, les patients sont immédiatement pris en charge :
1 - Mise en condition : voie veineuse (périphérique ou
centrale), sonde vésicale, sonde gastrique,
2 - Examen clinique sommaire pour les patients dont les
dossiers sont incomplets,
3 - Examens paracliniques spécifiques : fond d’œil, ponction lombaire si possible et parfois le scanner cérébral,
4 - Traitement institué :
Ce traitement tient compte de l’état de conscience, de
l’état ventilatoire, hémodynamique, métabolique,
nutritionnel et du nursing.
. La neurosédation est instituée d’emblée chez tous les
patients admis. Elle associe : NESDONAL 1 g/j ou
Ropofol 2,5 mg/kg avec du Fentanyl 1000 mcg par jour.
Elle permet de diminuer la consommation d’oxygène.
. La réanimation respiratoire est obligatoire lorsque la
neurosédation est instituée et surtout en cas de troubles
respiratoires : encombrement pulmonaire, pauses respiratoires, bradypnée. Il s’agit d’intuber le patient, permettant
de faire des aspirations trachéales répétées et de le mettre
après sous respirateur avec une FiO2 à 80 %. Cette réanimation respiratoire permet d’améliorer la PaO2. En cas
d’intubation prolongée, la trachéotomie est effectuée, permettant de réduire l’espace mort. La surveillance a été
clinique (recherche des signes d’hypercapnie, synchronisation des mouvements respiratoires et du respirateur),
Département d’Anesthésie-Réanimation
Service du Pr A. BONDURAND
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biologique (gazométrie, ionogramme) et mécanique (les
paramètres sur le respirateur : volume, amplitude, pressions d’insufflation, fréquence).
ou
Base excès x poids
(mEq/l)
. L’état hémodynamique a été caractérisé surtout par des
poussées hypertensives dont la pression artérielle systolique peut varier entre 180 et 250 mmhg. Le traitement a
été l’utilisation d’antihypertenseurs injectables disponibles,
la dihydralazine ou la clonidine par voie intraveineuse
relayée par la voie intramusculaire. La dose de la dihydralazine varie d’un demi à 1 ampoule dont la voie d’administration est fonction des chiffres tensionnels. La dose de la
clonidine est de 0,150 mg dont la voie d’administration est
fonction aussi des chiffres tensionnels. La surveillance est
horaire et constante par méthode non invasive.
3
La surveillance est basée sur le signes cliniques et la
gazométrie.
. la nutrition artificielle a été indispensable dans le but de
freiner le catabolisme. La quantité de calories a été de
30 kcal/kg/j. La surveillance a été clinique (poids, mesures
anthropométriques) biologique (urée sanguine et urinaire,
créatininémie, protidémie).
. le nursing est d’une importance capitale afin de prévenir
les accidents de décubitus : infections, escarres, accidents
thrombo-emboliques.
. Les troubles métaboliques sont dominés par l’acidose
métabolique qui a été corrigée par l’utilisation de bicarbonate à 14 % ou 42 % selon la formule (3)
RESULTATS
Cette étude comporte 104 hommes pour 54 femmes. Le
sex-ratio est alors environ de 2 hommes pour 1 femme
(figure 1). Le fond d’œil a été soit normal soit anormal
montrant une stase hémorragique.
(20 - bicarbonate déterminé) x poids
(mEq/l)
2
Figure 1 : Répartition selon le sexe.
Nombre
30
Femmes
(54 cas)
25
Hommes
(104 cas)
20
15
10
5
0
80
81
82
83
84
85
Le scanner cérébral lorsqu’il a été fait a montré soit une
hémorragie cérébrale avec effet de masse, une inondation
des ventricules cérébraux, soit dans la grande majorité des
cas une ischémie cérébrale. La durée d’hospitalisation varie
et est en fonction de la gravité des lésions cérébrales.
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Années
Ainsi, 14,55 % sont décédés en un jour d’hospitalisation et
33,55 entre 2 et 5 jours.
L’évolution a été émaillée de complications avec 112 patients
décédés et 46 sortis dans un bon état de la réanimation (figure 2).
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VASCULAIRES CEREBRAUX EN REANIMATION
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Figure 2 : Répartition selon l’évolution
Sortie (nb total : 112)
Décès (nb total : 46)
Nombre
30
25
20
15
10
5
Années
0
80
81
82
83
84
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COMMENTAIRES
Les accidents vasculaires cérébraux (AVC) constituent une
pathologie grave, de pronostic en général sombre (5). Son
incidence aux U.S.A. et en Europe est de 2000 cas nouveaux (2,5 %) par 1.000.000 habitants. Mais l’incidence la
plus basse au monde signalée par l’OMS est à OSAKA
(Japon) : 1,1 %. En 1976 à Abidjan, l’incidence est de
0,06 % soit 14 fois moindre qu’en Europe et aux USA. Les
moyens thérapeutiques, parfois n’améliorent pas le pronostic de cette pathologie à cause de la gravité des lésions
neurologiques et des complications associées. Ainsi, la
prise en charge en réanimation de ces patients pour des
indications précitées ci-dessus ne vise qu’à corriger les
différents troubles observés :
. éviter la survenue d’autres complications,
. maintenir le patient dans un état stable face à ses lésions
neurologiques. Il est alors important de préciser que la
thérapeutique entreprise en réanimation ne vise pas à
traiter les lésions neurologiques (hémorragies cérébrales
et sous-arachnoïdiennes, infarctus) mais permet d’éviter
l’aggravation de ces lésions par la survenue d’autres
complications (troubles respiratoires, hémodynamiques,
métaboliques) ; d’où l’importance d’un surveillance clinique, biologique, mécanique constante et rigoureuse.
La nicardipine injectable (4) constitue actuellement l’outil
essentiel dans les poussées hypertensives et son emploi doit
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être large. Les pourcentages de décès et de sujet sortis
vivants du Service sont respectivement de 70,89 % et
29,11 %. Ainsi environ 2,5 fois plus de sujets sont décédés
dans l’échantillon étudié. Ceci peut s’expliquer par la gravité de cette pathologie et la survenue des complications
diverses. Son pronostic dépend de plusieurs facteurs dont
certains peuvent être contrôlés facilement et d’autres
difficilement, ce sont :
1-
le type de la lésion (hémorragies ou ischémies),
2 - la zone anatomique atteinte,
3 - l’étendue de la lésion,
4 - le délai avant l’hospitalisation en réanimation,
5 - la survenue des complications,
6 - et l’urgence d’une thérapeutique bien adaptée.
Les facteurs 1, 2 et 3 sont incontrôlables tandis que les trois
derniers sont accessibles permettant de modifier parfois le
pronostic. Pour y parvenir, tout sujet atteint d’un accident
vasculaire cérébral (AVC) avec léger trouble de la conscience - doit être hospitalisé d’urgence dans un service spécialisé afin de prévenir les diverses complications (hémodynamiques, respiratoires, métaboliques). Cette règle met
ainsi en exergue les critères d’admission de tout AVC en
réanimation. Par ailleurs, l’urgence thérapeutique doit primer sur la rigueur scientifique au début : la neurosédation,
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l’intubation trachéale, la ventilation artificielle et les antihypertenseurs, doivent être les éléments essentiels de ce
traitement. La correction des troubles métaboliques, l’instauration de la nutrition artificielle, le nursing quotidien et
la surveillance constante associés aux premiers éléments
peuvent améliorer le pronostic de ces patients.
CONCLUSION
La prise en charge rapide des patients victimes d’accident
vasculaire cérébral dans un service spécialisé de soins
intensifs s’avère indispensable. Un traitement adéquat permet d’améliorer leur pronostic.
BIBLIOGRAPHIE
1 - BONI B.
Nosographie des affections neurologiques en Côte d’Ivoire.
Thèse Med. Abidjan, n°176, 1979.
2 - BOUDOURESQUE J., GOSSET A., KHALIL R.
Sténoses et occlusions de la carotide interne.
Encycl. Med. Chirurg. Paris, SN, 17046 A-10.
Médecine d'Afrique Noire : 1992, 39 (12)
3 - GAJDOS Ph.
Equilibre acido-basique PP (1-27). : In. Réanimation Médicale GOULON M.,
BAROIS A., GAJDOS Ph., LABROUSSE J., NOUAILHAT F., RAPHAEL
J.Cl., WATTEL F.
4 - HTA Actualités - Division Sandoz Pharma, n°19.
5 - N’DZANGA E.
Accidents vasculaires ischémiques en Côte d’Ivoire.
Thèse Med., Abidjan, n°112, 1978.
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