FUNDAMENTA
MATHEMATICAE
158 (1998)
Sur les r´etractes absolus Pn-valu´es de dimension finie
par
Robert C a u t y (Paris)
Abstract. We prove that a k-dimensional hereditarily indecomposable metrisable
continuum is not a Pk-valued absolute retract. We deduce from this that none of the
classical characterizations of ANR (metric) extends to the class of stratifiable spaces.
1. Introduction. Pour tout compact Xet tout entier n1, nous notons
Pn(X) l’espace des mesures probabilistes sur Xdont le support contient au
plus npoints. Nous regardons les points de Pn(X) comme des combinaisons
lin´eaires formelles Pm
i=1 λixi, o`u mn, les xisont des points de X(pas
n´ecessairement distincts) et les λisont des r´eels v´erifiant 0 λi1 et
Pm
i=1 λi= 1. Si n={(λ1, . . . , λn)Rn|0λi1 et Pn
i=1 λi= 1}, il
y a une surjection ´evidente αnde Xn×nsur Pn(X), et Pn(X) est muni
de la topologie quotient associ´ee `a αn.Pn(X) s’identifie naturellement `a
un sous-espace de Pn+1(X), et nous munissons P(X) = S
n=1 Pn(X) de
la topologie limite inductive de la suite croissante de compacts {Pn(X)}.
Nous identifions X`a P1(X). Un compact Xest appel´e un etracte absolu
Pn-valu´e si, pour tout compact Yet tout ferm´e Ade Y, toute fonction
continue f:AXa un prolongement g:YPn(X). Il est connu que
tout compact m´etrisable de dimension kest un r´etracte absolu Pk+2-valu´e.
Nous prouverons ici le r´esultat suivant :
Th´
eor`
eme 1. Soit kun entier 1. Un continu m´etrisable h´er´editai-
rement ind´ecomposable de dimension kn’est pas un r´etracte absolu Pk-valu´e.
Comme il existe des continus h´er´editairement ind´ecomposables de toute
dimension finie [1], cela montre que, pour tout k, il existe un compact
m´etrisable de dimension finie qui n’est pas un r´etracte absolu Pk-valu´e.
L’int´erˆet de ce fait vient de ce qu’il permet de construire un contre-exemple
inattendu en th´eorie des r´etractes.
1991 Mathematics Subject Classification: 54C55, 54E20, 54F15.
Key words and phrases:Pk-valued absolute retracts, stratifiable spaces, ANR.
[241]
242 R. Cauty
Rappelons qu’un espace topologique Yest dit stratifiable s’il est s´epar´e
et s’il existe une fonction faisant correspondre `a tout ouvert Ude Yune
suite {Un}
n=1 d’ouverts de Yv´erifiant (a) UnUpour tout n, (b) U=
S
n=1 Unet (c) UVimplique UnVnpour tout n. Un espace stratifiable
Yest appel´e un r´etracte absolu (de voisinage)pour la classe des espaces
stratifiables (not´e RA(V) (stratifiable)) si, pour tout espace stratifiable Zet
tout ferm´e Ade Z, toute fonction continue de Adans Ypeut se prolonger `a
Z(resp. `a un voisinage de Adans Z). Pour les espaces m´etrisables, chacune
des trois conditions suivantes caract´erise les r´etractes absolus de voisinage :
(I) Tout ouvert de Ya le type d’homotopie d’un CW-complexe.
(II) Pour tout recouvrement ouvert Ude Y,Yest U-domin´e par un
complexe simplicial.
(III) Pour tout recouvrement ouvert Ude Y, il existe un recouvrement
ouvert Vde Ytel que toute r´ealisation partielle d’un complexe simplicial K
dans Yrelativement `a Vse prolonge en une r´ealisation compl`ete de Kdans
Yrelativement `a U.
Le th´eor`eme 1 permet de construire un exemple montrant que la situation
est diff´erente pour les espaces stratifiables.
Th´
eor`
eme 2. Soit,pour tout k1, Xkun compact m´etrisable de di-
mension finie qui n’est pas un r´etracte absolu Pk-valu´e,et soit Xle com-
pactifi´e d’Alexandroff de la somme topologique des Xk. Alors,P(X)est
un espace stratifiable poss´edant les propri´et´es (I) `a (III), mais n’est pas un
RAV(stratifiable).
Le th´eor`eme 2 est d´emontr´e dans [4] (o`u l’on peut aussi trouver la d´efini-
tion des termes employ´es dans (II) et (III)), mais avec P(X) et Pk(X) rem-
plac´es respectivement par l’espace vectoriel topologique libre E(X) engendr´e
par Xet par le sous-espace Gk(X) de E(X) form´e des combinaisons lin´eaires
d’au plus kpoints de X. Comme P(X) est un sous-espace ferm´e de E(X),
les techniques de [3] lui sont aussi applicables, et la d´emonstration de [4] se
transpose sans modification au cas de P(X); nous ne la r´ep´eterons donc
pas. Remarquons d’ailleurs que la d´emonstration du th´eor`eme 1 s’applique
aussi `a Gk(X), ce qui fournit une r´eponse affirmative aux probl`emes 6 et 5
de [4].
Remarque. L’exemple du th´eor`eme 2 montre aussi que le r´esultat de
Haver [5] selon lequel un espace m´etrique localement contractile qui est
r´eunion d´enombrable de compacts de dimension finie est un r´etracte absolu
de voisinage ne s’´etend pas aux espaces stratifiables.
La d´emonstration du th´eor`eme 1 repose sur une repr´esentation des cubes
comme limites de syst`emes projectifs particuliers, que nous construirons `a
la section 2.
etractes absolus Pn-valu´es 243
2. Une repr´esentation des cubes comme limites de suites pro-
jectives. Soit I= [0,1]. Fixons un entier r1. A toute suite {pn}de
fonctions continues du cube Irdans lui-mˆeme, nous associons une suite
projective (In, pm
n) comme suit : In=Irpour tout n0, pm
n=pn+1
. . . pmsi n < m, et pn
n= id; nous notons πnla projection de lim
(In, pm
n)
dans In.
Lemme 1. Il existe une suite {pn}de fonctions continues de Irdans Ir
telle que le syst`eme projectif (In, pm
n)ait les propri´et´es suivantes :
(i) lim
(In, pm
n)est hom´eomorphe `a Ir,
(ii) pour tout n1, tout sous-continu non vide Fde lim
(In, pm
n)con-
tient un sous-ensemble non vide V,ouvert dans F,tel que πn|Vsoit cons-
tante.
D´emonstration. Soit Grl’ensemble des fonctions continues gde Ir
dans Irtelles que tout sous-continu non vide Hde Ircontienne un sous-
ensemble non vide V, ouvert dans H, tel que g|Vsoit constante.
Affirmation 1. Grcontient des fonctions arbitrairement proches de
l’identit´e.
Avant de prouver cette affirmation, montrons qu’elle entraˆıne le lemme.
Il est clair que, pour toute suite {pn}de fonctions de Gr, le syst`eme projectif
(In, pm
n) v´erifie (ii). L’affirmation 1, combin´ee avec un r´esultat de M. Brown
([2], th´eor`eme 3), appliqu´e au syst`eme projectif (In, qm
n) o`u In=Iret
qm
n= id quels que soient net m, permet de choisir les pn∈ Grde fa¸con que
lim
(In, pm
n) soit hom´eomorphe `a Ir, d’o`u le lemme.
L’affirmation 1 sera prouv´ee par r´ecurrence sur r. Nous commencerons
par construire une famille Fde fonctions de Isur Icomme suit. Fixons
un sous-ensemble d´enombrable partout dense Dde ]0,1[. Etant donn´e un
nombre fini de points 0 = a0< a1< . . . < as= 1 de I\D, prenons, dans
chaque intervalle [aq, aq+1], 0 q < s, un ensemble de Cantor disjoint de
Det contenant aqet aq+1; la r´eunion de ces ensembles est un ensemble
de Cantor K. Soient {Ui}
i=1 les composantes de I\K; d’apr`es le choix
de K, les aq, 0 qs, n’appartiennent pas `a S
i=1 Ui, ce qui permet de
trouver une fonction continue monotone f:IItelle que f(aq) = aqpour
q= 0, . . . , s, et que
(1) les ensembles f1f(x) contenant plus d’un point sont les Ui,i=
1,2, . . . ,
(2) f
[
i=1
UiD
[
i=1
Ui.
244 R. Cauty
Fest l’ensemble de toutes les fonctions ainsi construites, pour tous les
choix possibles des points aqet des ensembles de Cantor contenant aqet
aq+1 dans [aq, aq+1]\D. Evidemment, F ⊂ G1et, comme fpeut ˆetre ren-
due arbitrairement proche de l’identit´e en prenant des intervalles [aq, aq+1]
suffisamment petits, l’affirmation 1 est vraie pour r= 1.
Soit r > 1, et soit Hl’ensemble des fonctions continues hde Irdans Ir
v´erifiant
() Si Hest un sous-continu non vide de Ir, alors, ou bien (a) Hcon-
tient un sous-ensemble non vide V, ouvert dans H, tel que h|Vsoit
constante, ou bien (b) h(H) est contenu dans une tranche {t} × Ir1
o`u tI.
Il est facile de voir que si g∈ Gr1et h∈ H, alors (idI×g)h
Gr. L’affirmation 1 pour rr´esulte donc de l’affirmation 1 pour r1 et de
l’affirmation suivante.
Affirmation 2. Hcontient des fonctions arbitrairement proches de
l’identit´e.
Nous notons x= (x1, . . . , xr) le point g´en´erique de Ir. Pour 1 sr,
soient µset %sles projections de Irsur Iset Irespectivement d´efinies par
µs(x) = (x1, . . . , xs) et %s(x) = xs.
Fixons un ´el´ement fde F. Soit Kl’ensemble de Cantor utilis´e pour
construire f, et soit {Ui}
i=1 une ´enum´eration des composantes de I\K.
Fixons un eD. Pour 1 sr, soit Ls= (I\K)s. Pour 1 sr1,
soit Hs(f) la famille des fonctions hde Irdans Irtelles que, si h(x) =
(y1, . . . , ys), alors yj=xjpour j6=s+ 1, tandis que ys+1 =α(µs(x), xs+1),
o`u la fonction continue αv´erifie
(3) α(y, t) = tsi y6∈ Lsou si t=e,
(4) si yLs, alors α(y, t)> t si 0 t < e et α(y, t)< t si e < t 1,
(5) α(Ds+1)D.
Une telle fonction αpeut s’obtenir comme suit. Fixons une ´enum´eration
des composantes Ui1,...,is=Ui1×. . . ×Uisde Lset une suite εn0.
Pour obtenir la continuit´e de α, il suffit de la construire de fa¸con que si
yappartient au ni`eme des ensembles Ui1,...,is, alors |α(y, t)t|< εn. La
restriction de α`a Ui1,...,is×Ipeut s’obtenir comme limite d’une suite de
fonctions {αl}
l=1 telles que αl({d1, . . . , dl} × D)Det αl+1|{d1, . . . , dl} ×
I=αl|{d1, . . . , dl} × I, o`u {dl}
l=1 est une ´enum´eration des points de Ds
Ui1,...,is. Les d´etails de la construction sont laiss´es au lecteur. Evidemment,
αpeut ˆetre construite de fa¸con que hsoit arbitrairement proche de l’identit´e.
Soit maintenant H(f) la famille des fonctions hde la forme h=h2s2
. . .h1o`u, pour 1 sr1, h2s1∈ Hs(f) et h2s=f×. . .×f. Puisque les
h2s1peuvent ˆetre choisies arbitrairement proches de l’identit´e, hpeut ˆetre
etractes absolus Pn-valu´es 245
rendue arbitrairement proche de la compos´ee de r1 copies de f×. . . ×f;
comme fpeut ˆetre choisie de fa¸con que cette compos´ee soit arbitrairement
proche de l’identit´e, il suffit, pour prouver l’affirmation 2, de montrer que
H(f)⊂ H pour tout f∈ F.
Soit donc h=h2s2. . . h1∈ H(f). Posons b
h0= id et b
hs=hs. . . h1
pour 1 s2r2. Etant donn´e un sous-continu Hde Ir, nous allons
montrer que, pour tout entier s∈ {1, . . . , r 1}, l’une au moins des deux
conditions suivantes est v´erifi´ee :
(a0)µs+1(b
h2s1(H)) Ls+1 6=,
(b0)b
h2s(H) est contenu dans une tranche {t} × Ir1.
Notons que les fonctions h2s1ne changent pas la premi`ere coordonn´ee,
tandis que les fonctions h2senvoient chaque tranche {t} × Ir1dans une
autre tranche, donc si (b0) est v´erifi´ee pour s, elle l’est aussi pour s0s,
et la condition () est v´erifi´ee pour H. Si la condition (a0) est v´erifi´ee pour
s=r1, alors b
h2r3(H) contient un point de Lr;h2r2=f×. . . ×fest
constante sur un voisinage d’un tel point, et () est aussi v´erifi´ee pour H.
Supposons donc que s= 1 ou que s > 1 et que (a0) soit v´erifi´ee pour s1.
Si s= 1 et si H=b
h0(H) n’est pas contenu dans une tranche {t} × Ir1,
alors µ1(H)L16=. Si s > 1 et si (a0) est v´erifi´ee pour s1, alors, puisque
h2s2=f×. . . ×f, il r´esulte de (2) que µs(b
h2s2(H)) Ls6=. Il existe
donc un ensemble U=Ui1×...×Uistel que µ1
s(U)b
h2s2(H)6=. Si
µs(b
h2s2(H)) U, alors h2s1(H)f(Ui1)×Ir1, qui est une tranche.
Si µs(b
h2s2(H)) 6⊂ Uet si xest un point de b
h2s2(H)µ1
s(U), alors
la fermeture de la composante Cde xdans b
h2s2(H)µ1
s(U) rencontre
µ1
s(U\U). Si Ccontient un point yde %1
s+1(D), alors h2s1(y)U×D
Ls+1 (d’apr`es (5)), et (a0) est v´erifi´ee. Si Cne contient pas de tel point, elle
est contenue dans un ensemble de la forme %1
s+1(a) o`u a6∈ D; d’apr`es (3) et
(4), %s+1 h2s1|Cne peut ˆetre constante, donc h2s1(C) contient un point
de µ1
s(U)%1
s+1(D)µ1
s+1(Ls+1) et (a0) est v´erifi´ee pour s.
Le lemme suivant d´eveloppe une cons´equence de la propri´et´e (ii) qui
est la clef de la d´emonstration du th´eor`eme 1. Pour un continu X, nous
notons exp Xl’espace des sous-ensembles compacts non vides de Xavec la
topologie de Vietoris, et expnXle sous-espace de exp Xform´e des compacts
contenant au plus npoints.
Lemme 2. Soient (In, pm
n)comme dans le lemme 1, Fun sous-continu
de lim
(In, pm
n), Xun continu h´er´editairement ind´ecomposable,sun entier
1et f:FexpsXune fonction continue. S’il existe un entier net une
fonction continue g:πn(F)expsXtels que f=g(πn|F), alors fest
constante.
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