Le défi de l`adolescence : changements hormonaux et sensibilité à l

Soins et défis
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La puberté est une période de changements
physiques, psychologiques et sociaux rapides
et radicaux pendant laquelle, en termes
physiologiques, un enfant devient un adulte
capable de se reproduire. Ladolescence
se fère aussi bien aux caractéristiques
de développement psychosocial de la
puberté quaux changements physiques. Les
adolescents atteints de diate, qui doivent
suivre un traitement médical complexe basé
sur des soins autonomes tout au long de
cette riode de changement, se trouvent
confrontés à une rie de défis spécifiques
importants. Dans cet article, Hala Tfayli et Silva
Arslanian se penchent sur les changements
hormonaux, métaboliques et comportementaux
qui influencent les soins du diate pendant la
puberté et détaillent les stratégies susceptibles
daider les jeunes à atteindre un bon contrôle
glycémique et à protéger ainsi leur san et
leur bien-être à lâge adulte.
Les conclusions de l’étude DCCT reflètent les difficultés liées au
maintien d’un bon contrôle glycémique pendant l’adolescence. Tant
dans le groupe soumis au traitement intensif que dans le groupe
soumis au traitement conventionnel, les adolescents affichaient
des taux moyens de glycémie à long terme (HbA1c) de 1 % supé-
rieurs à ceux des adultes, malgré des approches thérapeutiques
similaires et des doses d’insuline plus élevées.1 Cette dégradation
du contrôle métabolique s’explique à la fois par des changements
physiologiques et comportementaux.
Insensibilité physiologique à l’insuline
Des études ont montré que les taux d’insuline étaient plus élevés
pendant la puberté ou pendant la prépuberté.
2
Cette insensibilité
à l’insuline pendant la puberté n’a été démontrée qu’à travers des
expériences qui ont mesuré la sensibilité à l’insuline in vivo.3,4
Un ralentissement de l’absorption du glucose stimulée par l’insuline
chez des adolescents sains par rapport à des enfants prépubères
a été démontré pour la première fois dans les années 80. Bien
que cet effet soit amplifié chez les enfants atteints de diabète de
type 1,3 chez les enfants non atteints de la condition, dont les
cellules bêta du pancréas fonctionnent normalement, l’insensibilité
à l’insuline liée à la puberté est compensée par une hausse de
la sécrétion d’insuline.4
Les professionnels de la santé doivent être conscients de cette
évolution de l’insensibilité à l’insuline pendant la puberet aug-
Le défi de ladolescence :
changements hormonaux
et sensibilité à linsuline
Hala Tfayli et Silva Arslanian
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menter en conséquence les doses d’insuline de façon à prévenir
toute détérioration du contrôle glycémique. Récemment, une
vaste étude transversale sur des enfants non atteints de diabète
a révélé que l’insensibilité à l’insuline était la plus faible dans la
tranche d’âge des 12-14 ans (stade de puber3 selon Tanner),
indifféremment du sexe et de l’origine ethnique, et revenait à des
taux proches de la période prépubère chez les jeunes de plus de
16 ans (Tanner 5).5
La cause de l’insensibilité à l’insuline pendant la puberfait
l’objet d’études. Les changements hormonaux majeurs associés
au déclenchement de la puberté incluent un dédoublement de la
sécrétion d’hormone de croissance et une augmentation des sté-
roïdes sexuels entraînant le développement de caractères sexuels
secondaires, une forte augmentation de la taille et une modification
de la composition corporelle. Ainsi, tant l’hormone de croissance
que les stéroïdes sexuels sont potentiellement responsables du
développement de l’insensibilité à l’insuline pendant la puberté.
Toutefois, alors que l’insensibilité à l’insuline pendant la puberté
est transitoire, à l’âge adulte, les taux de stéroïdes sexuels restent
élevés et l’insensibilité à l’insuline diminue. D’autre part, la sécré-
tion d’hormone de croissance s’accélère pendant la puberté. Une
fois l’accélération de la croissance liée à la puberterminée,
les taux d’hormone de croissance diminuent. De plus, l’hormone
de croissance a été identifiée comme un facteur important de la
réduction de la sensibilité à l’insuline, à travers plusieurs effets
partagés entre l’insuline et l’hormone de croissance.
Nous savons désormais qu’il existe des interactions négatives
entre le métabolisme du glucose stimulé par l’insuline et l’hormone
de croissance et/ou les taux du facteur de croissance IGF-1.3,5,6
En outre, une corrélation entre le rythme de la croissance et une
augmentation de l’insuline à jeun a été observée chez des ado-
lescents pubères non atteints de diabète. Nos études montrent
que les caractéristiques métaboliques de l’insensibilià l’insuline
pendant la pubersont une diminution de l’oxydation du glucose
et une augmentation de l’oxydation des acides gras libres, connue
sous le nom de cycle de Randle.6,7 Par conséquent, la plus grande
sécrétion d’hormone de croissance pendant la puberté accélère
la décomposition des graisses dans les adipocytes (lipolyse) et
entraîne une augmentation du flux d’acides gras libres. Ceux-
ci entrent en concurrence avec le glucose pour l’oxydation du
glucose, entraînant une baisse de l’absorption du glucose et une
insensibilité à l’insuline.
La question de l’importance de ces changements physiologiques
reste en suspens. La détérioration du contrôle du diabète chez
les adolescents était simplement attribuée aux facteurs compor-
tementaux et psychosociaux caractéristiques de l’adolescence.
Toutefois, il apparaît désormais que pendant la puberté, l’action
de l’insuline diminue de 30 % à 50 %, un facteur important qui
peut contribuer au mauvais contrôle glycémique.
Les prestataires de soins qui travaillent avec des enfants atteints
de diabète de type 1 doivent donc savoir que les besoins en
insuline augmentent de 30 % à 50 % pendant la puberté et que,
à moins que cela soit pris en compte, le contrôle glycémique
de l’enfant et ses taux d’HbA
1c
se détérioreront. Dans notre
clinique du diabète, la dose quotidienne moyenne d’insuline
chez les enfants prépubères oscille entre 0,8 et 1 unité/kg/
jour, tandis que chez les adolescents elle peut aller de 1,2 à
1,4 unité/kg/jour. Le groupe d’étude Hvidore sur le diabète chez
l’enfant, qui rassemble 18 pays d’Europe, d’Amérique du nord
et du Japon, a obserune forte augmentation des besoins en
insuline pendant la puberté, en particulier chez les filles atteintes
de diabète de type 1.
8
Changements comportementaux et psychosociaux
En plus des changements hormonaux et métaboliques caractéristi-
ques de la puberté, l’adolescence est associée à des changements
comportementaux rapides qui peuvent influencer le contrôle
du diabète. Le comportement de l’adolescent se caractérise
généralement par une remise en cause de toute autorité, la
recherche de l’autonomie, la révolte, la recherche du plaisir, le
besoin d’intimité et une plus grande sensibilisation à l’image de
soi et à la pression des autres ainsi que l’émergence de troubles
de l’alimentation chez certaines adolescentes.9 Ce processus
influence et est influencé par la présence d’une condition chro-
nique comme le diabète.
D’après les observations, les adolescents atteints d’une condition
chronique sont généralement plus exposés au risque de dépression,
d’anxiété et de troubles de l’estime de soi. Plusieurs études ont
révélé que les adolescents atteints de diabète de type 1 souffraient
d’anxiété et de dépression.
10
La prévalence de la dépression chez
les jeunes atteints de diabète serait deux à trois plus élevée. La
combinaison de la dépression et du diabète, en particulier chez
les adolescents, a de graves conséquences, y compris des taux de
suicide ou de tendances suicidaires élevés qui rendent la gestion
du diabète et les soins autonomes extrêmement difficiles.
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Hala Tfayli et Silva Arslanian
Hala Tfayli est membre de la division Pediatric Endocrinology,
Metabolism and Diabetes Mellitus du Children’s Hospital of
Pittsburgh, University of Pittsburgh School of Medicine, Etats-Unis.
Silva Arslanian dirige la division Weight Management and Wellness
et est professeur dans la division Pediatric Endocrinology,
Metabolism and Diabetes Mellitus du Children’s Hospital of
Pittsburgh, University of Pittsburgh School of Medicine, Etats-Unis.
Références
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intensive diabetes treatment on the development and progression of long-
term complications in adolescents with insulin-dependent diabetes mellitus:
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stimulated insulin responses to intravenous glucose in first degree relatives
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3 Amiel SA, Sherwin RS, Simonson DC, et al. Impaired insulin
action in puberty. A contributing factor to poor glycemic control in
adolescents with diabetes. N Engl J Med 1986; 315: 215-9.
4 Caprio S, Plewe G, Diamond M, et al. Increased Insulin Secretion in
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J pediatr 1989; 114: 963-7.
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8 Mortensen HB, Robertson KJ, Aanstoot HJ, et al. Insulin management and
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Diabet Med 1998; 15: 752-9.
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depression in Juvenile diabetes: A critical review. Clin Psychol Rev
2003; 23: 787-800.
Le style de vie, l’alimentation et les habitudes en terme d’activité
physique tendent également à changer pendant la puberté. L’étude
HABITS sur la santé et les comportements des adolescents, réalisée
dans les écoles du Royaume-Uni, a examiné le lien entre la puberté,
le tabagisme, l’alimentation et l’exercice physique. Tant chez les
garçons que chez les filles, le fait d’être à un stade de la puberté plus
avancé était associé à une plus grande probabilité de tabagisme.
Chez les garçons, la puberté était associée à une alimentation moins
saine, mais à une activité physique plus intense ; chez les filles,
aucun lien clair n’a pu être établi. De telles observations constituent
des obstacles importants à un contrôle glycémique adéquat.
Réagir aux changements liés à la puberté
Depuis la publication des résultats de l’étude DCCT en 1993, il
est clairement établi qu’un bon contrôle glycémique retarde le
déclenchement et ralentit la progression de la rétinopathie, de la
néphropathie et de la neuropathie associées au diabète. Afin de
maintenir un contrôle glycémique optimal, les professionnels de
la santé qui apportent des soins aux enfants pendant leur puberté
doivent personnaliser leur traitement de façon à contrebalancer
les changements comportementaux et la baisse physiologique de
la sensibilité à l’insuline.
Les enfants en pleine puberté ont des besoins quotidiens en insuline
plus importants. Les résultats du diabète sont liés au degré de suivi
des traitements médicaux, au contrôle glycémique et aux habitudes
alimentaires. Il peut s’avérer bénéfique d’impliquer les adolescents
dans le choix de la thérapie insulinique qui s’adapte le mieux à
leur quotidien, à leur alimentation et à leurs habitudes en termes
d’activité physique et de sommeil. Un transfert progressif de la
responsabilité de la gestion des parents vers l’enfant est important.
Le soutien constant des parents est assocà des résultats optimaux.
Les parents peuvent également contribuer à prévenir les symptô-
mes de la dépression à travers leur soutien et leur guidance et en
adoptant des stratégies positives pour faire face aux difficultés. Il
est fortement recommandé d’évaluer et d’intervenir régulièrement
pour traiter la dépression chez les adolescents atteints de diabète ;
le dépistage de l’anxiété et des troubles de l’alimentation est
parfois nécessaire.
Conclusions
En résumé, l’adolescence se caractérisent par d’importants chan-
gements hormonaux, métaboliques et psychologiques qui ont un
impact sur la gestion du diabète de type 1. Il est impératif que
l’équipe soignante soit consciente de ces changements. La baisse
de la sensibilité à l’insuline nécessite une adaptation appropriée
des doses d’insuline afin de prévenir la détérioration du contrôle
glycémique. Les changements psychosociaux doivent être sur-
veillés afin d’identifier tout symptôme dépressif ou problème
comportemental et de proposer une prise en charge appropriée
et d’orienter l’adolescent vers les spécialistes adéquats.
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