INTOXICATION PAR LE PARACETAMOL N. Rhalem, R. Soulaymani 1. Cas clinique : Un jeune homme de 18 ans, pesant 65 kg, sans antécédents pathologiques particuliers, ingère dans un but d’autolyse, un samedi à 22 heures, 25 sachets d’un produit à base de paracétamol (dosé à 500 mg). Le lendemain matin, il présente des nausées, vomissements et des sueurs abondantes. La famille se précipite alors pour l’amener à l’hôpital, où le médecin de garde l’examine et contacte le Centre Anti Poison pour mieux connaître l’intoxication et surtout pour se renseigner sur la conduite à tenir et sur l’existence ou non d’éventuels antidotes. 2. Introduction : Le paracétamol ou acétaminophène est le N-acétyl amino phénol (APAP). Il a été découvert en 1977, et a remplacé la phénacétine connue néphrotoxique. Le paracétamol a des propriétés antalgique et antipyrétiques comparables à celles des salicylés, mais il est dénué d’activité anti-inflammatoire. 3. Pharmacologie 3.1. Action antalgique : Le paracétamol est dépourvu d’action antalgique centrale, il agirait en bloquant les chémorécepteurs des terminaisons nerveuses. L’effet antalgique apparaît 30 min après l’absorption, atteint un maximum en 2 heures 30 min et disparaît en 4heures. L’action antalgique du paracétamol concerne des douleurs d’intensité moyenne, accompagnées ou non d’un syndrome inflammatoire. 3.2. Action anti-pyrétique : Le paracétamol inhibe l’action des pyrogènes endogènes au niveau des centres hypothalamiques thermorégulateurs et augmente la thermolyse périphérique par le biais d’une inhibition des prostaglandines. 4. Epidémiologie : Au Maroc, le paracétamol et ses dérivés sont résponsables d’environ 1% de l’ensemble des intoxications médicamenteuses déclarées au Centre Anti-Poison du Maroc. Dans les pays anglo-saxons, on assiste actuellement à une augmentation progressive des cas d’intoxications au paracétamol à cause de la restriction d’emploi sur les salicylés, après leur incrimination dans le syndrome de Reye. 5. Métabolisme et mode d’action : Le paracétamol est métabolisé par le foie. A doses thérapeutiques, il subit une glucuro et une sulfoconjugaison. Une faible fraction est oxydée en N-Acétyl-p-benzo-quinoneimine (NAPQI), cette fraction est réduite par le glutathion (Fig1). En cas d’intoxication, le glutathion réduit est dépassé et une forte proportion de paracétamol se trouve transformée en NAPQI qui se lie aux protéines hépatiques par les groupes S-H, aboutissant à une nécrose hépatique centrolobulaire. Celle-ci apparaît quand la réserve en glutathion devient inférieure à 20-30% de la normale. 1 Le paracétamol est éliminé en faible quantité par le rein où il subit le même métabolisme qu’au niveau du foie ce qui explique sa néphrotoxicité. Fig-1 : Métabolisme du paracétamol CIRCONSTANCES D’INTOXICATION L’intoxication au paracétamol peut survenir de façon accidentelle surtout chez l’enfant, elle peut faire l’objet d’un acte d’autolyse où peut se produire au cours d’un surdosage thérapeutique SYMPTOMATOLOGIE La symptomatologie clinique est variable selon la dose ingérée. Chez l’enfant la dose toxique est estimée à 150 mg/kg. Chez l’adulte elle varie de 7,5 à 12g, et peut être de 100mg/kg chez les sujets au métabolisme stimulé (par induction Enzymatique). Intoxication Aigue Elle peut se présenter en 3 stades : Stade précoce qui va de 0 à 24h et peut se marquer par des nausées, vomissements, anorexie, sueurs et parfois somnolence. Une acidose métabolique peut se voir en cas d’intoxication sévère. Cependant tous ces signes peuvent manquer en cas d’intoxication légère. Entre 24 et 48h post ingestion : le malade peut être asymptomatique, mais les transaminases commencent à augmenter. Plus l’élévation est précoce, plus il y’à risque d’hépatotoxicité. Au stade tardif (3 à 4 jours post ingestion) : on note une douleur de l’hypochondre droit signant l’atteinte hépatique qui peut s’accompagner d’une encéphalopathie hépatique avec possibilité d’atteinte rénale, pancréatique, myocardique et perturbation de la glycémie (hypo ou hyperglycémie), surtout en cas d’intoxication sévère. Au cours de l’encéphalopathie hépatique, le malade est ictérique, désorienté et présente un flapping –trémor puis un coma profond s’installe. Intoxication Chronique L’ingestion de 3g/j de paracétamol pendant un an peut entraîner une atteinte hépatique pouvant se compliquer de cirrhose. EXAMENS DE LABORATOIRE Analyse Toxicologique Fig1 : Métabolisme du paracétamol 2 6. Circonstances d’intoxication L’intoxication au paracétamol peut survenir de façon accidentelle surtout chez l’enfant, elle peut faire l’objet d’un acte d’autolyse où peut se produire au cours d’une erreur médicamenteuse. 7. Les manifestations cliniques : La symptomatologie clinique est variable selon la dose ingérée. Chez l’enfant la dose toxique est estimée à 135 mg/kg. Chez l’adulte elle est estimée entre 8 à 10 g et peut être de 100mg/kg chez les sujets au métabolisme stimulé (induction enzymatique, alcoolique, malnutris…) 7.1. Intoxication Aigue Elle peut se présenter en 3 stades : Stade précoce qui va de 0 à 24 h et peut se marquer par des nausées, vomissements, anorexie, sueurs et parfois somnolence. Une acidose métabolique peut se voir en cas d’intoxication sévère. Cependant tous ces signes peuvent manquer en cas d’intoxication légère. Entre 24 et 36 heures post ingestion : le patient peut être asymptomatique, mais les transaminases commencent à augmenter. Plus l’élévation est précoce, plus il y a risque d’hépatotoxicité. Au stade tardif (3 à 4 jours post ingestion) : on note une douleur de l’hypochondre droit signant l’atteinte hépatique qui peut s’accompagner d’une encéphalopathie hépatique avec possibilité d’atteinte rénale, pancréatique, myocardique et perturbation de la glycémie (hypo ou hyperglycémie), surtout en cas d’intoxication sévère. Au cours de l’encéphalopathie hépatique, le malade est ictérique, désorienté et présente un « flapping –trémor » puis un coma profond. 7.2. Intoxication Chronique L’ingestion de 3g/j de paracétamol pendant un an peut entraîner une atteinte hépatique pouvant se compliquer de cirrhose. 8. Examens de laboratoire 8.1. Analyse Toxicologique La recherche du paracétamol dans les urines se fait par une réaction de coloration. En effet sous l’action de l’Ortho-crésil et l’hydroxyde d’ammonium en milieu acide, le paracétamol donne un composé coloré en bleu. Quant au dosage sérique, des méthodes simples et spécifiques ont été mises au point. Des résultats fiables sont obtenus par dosage spectrophotométrique. Ce dosage doit être fait au moins 4h après l’ingestion. Les résultats doivent être interprétés selon le Diagramme de Prescott. Pour être fiable, ce dosage doit répondre aux conditions suivantes : la prise de paracétamol doit être unique, l’heure de l’ingestion doit être connue et le dosage doit être fait entre 4 h et 6 h post ingestion. 8.2. Biologie Le dosage des transaminases constitue un volet très important dans la mesure où il constitue un élément de pronostic. En effet la toxicité est peu probable si les SGOT et/ou SGPT ne s’élèvent pas dans les 48 premières heures post ingestion. Il faut aussi surveiller : La bilirubine (qui s’élève surtout sous sa forme non conjuguée), le taux de prothrombine, la créatinine, l’urée, le bilan acido-basique et la glycémie. 3 9. Traitement : 9.1. Epurateur : Les vomissements provoqués ne sont pas recommandés car ils peuvent entraver l’administration de la N-acétylcysteine. Le charbon activé doit être envisagé en première intention si le patient est vu quelques heures après l’ingestion (moins de 6h) et si le transit est normal. La dose est de 25 à 100 g chez l’adulte et l’adolescent, 25 à 50 g chez l’enfant (de 1 à 12 ans), et 1g /kg chez l’enfant de moins d’un an. Il ne doit pas être administré si on envisage de donner la NAcétylcystéine par voie orale car il a un effet adsorbant. Le lavage gastrique peut être utile lorsqu’on est désarmé des moyens précédents et si le temps post ingestion ne dépasse pas 1h. Le malade doit être ensuite gardé sous surveillance avec détermination des taux sériques du paracétamol et des transaminases. 9.2. Antidotique Le traitement antidotique est constitué par la N- Acétylcystéine. Cette substance spécifique apporte les radicaux SH et compense l’insuffisance du système de glutathion. Elle pénètre dans les cellules hépatiques. Si l’intoxication est suspectée, ce traitement doit être démarré le plus tôt possible sans attendre les résultats de la paracetamolémie. En fonction de ces résultats, le traitement sera poursuivi ou arrêté. L’administration peut se faire par voie orale ou veineuse. La N- Acétylcystéine doit être administrée dans les 8 heures qui suivent l’intoxication, cependant, elle reste efficace même après 24 heures. Modalités d’administration Voie orale : La dose de charge est de 140 mg/kg diluée dans 3 à 4 ml/kg d’eau ou de jus, 4 heures plus tard, on donne une dose d’entretien soit 70 mg/kg, diluée dans 2 à 3 ml/kg. Répéter la même dose toutes les 4 heures pour un total de 17 doses. En cas de vomissement, il faut répéter la même dose 1h après. NB : si un premier dosage montre un risque d’hépatotoxicité, il ne faut pas arrêter le traitement, même si un 2ème bilan indique que ce risque n’existe plus. Voie parentérale : Avant 12 h post ingestion on applique le protocole de 21 heures : o 1ère perfusion: 150 mg/kg dans 200 ml de glucosé à 5% à perfuser sur une durée de 60 min. o 2ème perfusion en 4h : 50 mg/kg dans 500ml de glucosé à 5 % o 3ème perfusion sur 16h: 100mg/kg dans 1000 ml de glucosé 5 % o Chez l’enfant, ces volumes peuvent entraîner des risques d’hyponatrémie et de convulsions, il faut donc tenir compte du poids de l’enfant pour le volume total de glucosé ou préférer la voie orale. 4 o Chez les patients ayant présenté une atteinte hépatique, il faut continuer l’antidote jusqu’à son amélioration. Effets indésirables de la N- acétylecystéine : Erythème facial : ce qui impose le ralentissement de la perfusion. Réaction anaphylactoide : nécessitant l’arrêt de la perfusion (possibilité de passage à une hémoperfusion sur charbon de bois activé si disponible). 9.3. Traitement de support : Le traitement de l’insuffisance hépatique et de l’insuffisance rénale ne présente pas de particularités spécifiques liées au paracétamol. 10. Pronostic : Le pronostic est lié à : • La dose absorbée. La demie vie d’élimination du paracétamol qui varie normalement de 1 à 3h. La nécrose hépatique est probable quand la demie vie dépasse 4 heures, au-delà de 12 heures, elle annonce l’imminence d’un coma hépatique • La consommation préalable d’inducteurs enzymatiques qui vont accélérer la formation du NAPQI et donc aggraver l’intoxication, c’est le cas des médicaments suivants : • Sédatifs : barbituriques, méprobamate, glutethimide. • Anticonvulsivants: primidone, carbamazépine. • L’alcool (éthanol) en prise chronique. • Neuroleptiques : chlorpromazine, halopéridol. • Antibiotiques : griséofulvine, rifampicine. • Antihistaminiques. • Anti-inflammatoires non stéroïdiens. L’encéphalopathie hépatique est probable si aucun traitement n’est apporté 4 heures après ingestion, si le taux plasmatique de paracétamol est supérieur à 2000 µmol /l, et le taux de prothrombine est diminué (90% de probabilité). • 11. Conclusion : Le paracétamol est un analgésique non morphinique et un antipyrétique. A doses thérapeutiques, ses effets secondaires sont faibles. Sa toxicité pour le foie est dose dépendante et est de pronostic sévère, en l’absence d’une prise en charge adéquate. Le charbon activé peut être utilisé comme épurateur du paracétamol et la N- Acétylcystéine est le traitement spécifique de choix, si elle est utilisée de façon précoce (8ème à 10ème heures). Références : 1. Bekka R, Borron SW, & Astier A.: Treatment of methanol and isopropanol poisoning with intravenous fomepizole. Clin Toxicol 2001; 39:59-67. 2. Bismuth C., Baud .F, Conso F., Fréjaville J.P., Garnier R. Toxicologie clinique, 5ème édition, Médecine science- Flammarion, 2001, Paris. 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