Fluoroquinolones, TB et antimalariques 3
mesures de surveillance active peuvent être inadé-
quates pour quanti er ce problème potentiel ou pour
détecter un signal.
Dans beaucoup de pays, la spar oxacine et la gré-
pa oxacine ont été retirées du marché, en partie en
raison de leur prolongation inacceptable de l’inter-
valle QT. D’autre part, on a montré que MFX a un
effet sans signi cation clinique sur la prolongation du
QT. Dans une étude d’environ 800 patients, la pro-
longation moyenne de QTc chez les patients traités
par MFX a été de 6 ± 26 ms à des concentrations
stables (jour 3 du traitement) par comparaison à 2 ±
23 ms dans un groupe comparatif provenant d’une
analyse regroupant de multiples études ; les groupes
comparatifs ont comporté la clarithromycine et les
bétalactamases. Il faut noter que la prolongation du
QT dans le bras MFX n’est associée avec aucune
arythmie ventriculaire liée à la prolongation du QT.
Ceci reste même vrai dans les populations plus âgées
d’autres essais cliniques.14 Sur 117 millions de pa-
tients traités au niveau mondial par MFX,15 on n’a si-
gnalé que cinq cas de prolongation du QT et/ou de
torsades de pointe, dont deux chez des patients où la
présence d’autres facteurs de risque de prolongation
du QT avait été reconnue.16–20 Actuellement, on in-
clut fréquemment MFX comme témoin positif dans
les études approfondies du QT, puisque la prolonga-
tion prédite est d’environ 6 ms et est sans associa-
tion avec une dysrythmie. Une publication récente
plaide aussi en faveur de l’utilisation de LVX comme
agent comparateur, citant une prolongation maximale
du QTc de 7,44 ms (5,47–9,42) avec un dosage de
1.500 mg.21 La surveillance après mise sur le marché
estime que le nombre de cas de torsades de pointe
survenant au cours de l’utilisation de LVX est de 5,4–
16 pour 10 millions de prescriptions.12 Pour GFX,
les taux estimés sont de 27 pour 10 millions de pre-
scriptions ; toutefois, comme pour MFX, la majorité
des rapports concernent des patients ayant des fac-
teurs de risque concomitants de prolongation du QT.22
Dans la littérature, les informations sur les prolonga-
tions du QT associées à OFX sont limitées, mais des
études in vitro suggèrent que des doses environ dix
fois plus élevées que pour MFX et GFX sont néces-
saires pour inhiber les canaux potassiques cardiaques
et elles estiment que le taux de torsades de pointe est
similaire à celui de la cipro oxacine, c’est-à-dire de
0,3 pour 10 millions de prescriptions.12
Il est contrindiqué de prescrire des médicaments
prolongeant le QT concomitamment avec des agents
ayant des effets similaires, puisque l’on suppose que
la prise multiple de médicaments prolongeant le QT
pourrait comporter un risque additionnel ;23 la majo-
rité des notices de produit pour les FQ comporte cet
avertissement. L’introduction des FQ dans le traite-
ment de la TB comporte des problèmes potentiels
lorsque l’administration concomitante d’un autre mé-
dicament susceptible de prolonger le QT est indiquée
sur la plan clinique, en particulier dans des situations
sérieuses et/ou menaçant la vie.
Dans beaucoup de pays à fardeau élevé de TB, la
malaria est elle aussi endémique. Beaucoup d’anti-
malariques prolongent l’intervalle QT et il est pos-
sible que l’infection malarique elle-même le fasse.24
Vu la durée du traitement antituberculeux, si l’on de-
vait autoriser les FQ pour la prise en charge de la TB,
un traitement concomitant de la malaria pourrait
constituer un phénomène relativement courant et si
plusieurs médicaments antimalariques sont contrin-
diqués, ceci pourrait s’avérer un dé clinique. Comme
il n’est habituellement pas possible de retarder le
traitement de la malaria en raison des risques de pro-
gression rapide de la maladie, ceci pourrait constituer
le plus grand dé t dans des contextes où la prise en
charge par le programme est un élément central dans
la prise en charge de la TB et de la malaria dans le do-
maine de la santé publique.
LA MALARIA ET LE CŒUR
On sait que les parasites de la malaria sont séquestrés
dans la microvascularisation cardiaque ; toutefois, les
maladies cardiaques extravasculaires attribuables à la
malaria sont peu communes et on sait que les aryth-
mies ne sont que rarement associées à l’infection ma-
larique.25 Toutefois, la malaria clinique est associée
à diverses caractéristiques cliniquement décelables,
notamment une accélération du rythme cardiaque,
l’hypotension et l’agitation. Alors que l’on connait
bien la relation inverse entre le rythme cardiaque et
l’intervalle QT, certains ont suggéré que les caracté-
ristiques propres de la malaria clinique pourraient
avoir des effets sur l’intervalle QT indépendamment
du rythme cardiaque ;26,27 ceci s’appuie sur des études
à la fois chez l’homme et chez l’animal.28,29
On a avancé l’hypothèse que ces caractéristiques
propres de la malaria peuvent entrainer un intervalle
QT relativement raccourci chez les patients au mo-
ment où ils consultent, mais que ce raccourcissement
diminue après traitement jusqu’à un retour de l’inter-
valle QT à la normale. Cet effet peut être interprété
comme une prolongation du QT par rapport au dé-
but et être considéré erronément comme un effet du
médicament. Une petite étude récente en Thaïlande,
évaluant l’effet de l’artésunate et de la mé oquine sur
le QT a noté que les augmentations observées des in-
tervalles QT pouvaient être expliquées au mieux par
le ralentissement du rythme cardiaque lié à la guéri-
son de la malaria.29
Peu d’études ont évalué l’interaction entre les mé-
dicaments antimalariques et le paludisme en ce qui
concerne la prolongation du QT et il n’y a qu’un pe-
tit nombre d’études parallèles pharmacocinétiques et
pharmacodynamiques visant à con rmer tout effet
lié à l’exposition aux médicaments. Pour cette raison,
les effets des médicaments sur le QT dans la malaria