Prise en charge de la malaria chez des patients tuberculeux sous un

INT J TUBERC LUNG DIS 16(2):144–149
© 2012 The Union REVUE GÉNÉRALE
[Traduction de l’article : « Managing malaria in tuberculosis patients on  uoroquinolone-containing regimens: assessing the
risk of QT prolongation » Int J Tuberc Lung Dis 2012; 16(2): 144–149. http://dx.doi.org/10.5588/ijtld.11.0074]
Prise en charge de la malaria chez des patients tuberculeux
sous un régime contenant la fl uoroquinolone : évaluation
du risque de prolongation de l’intervalle QT
M. E. Murphy,* K. P. Singh,* M. Laurenzi, M. Brown, S. H. Gillepsie*§
*
University College, London, UK ;
Global Alliance for TB Drug Development, New York, USA ;
London School of
Hygiene & Tropical Medicine, London, §
School of Medicine, University of St Andrews, St Andrews, Scotland, UK
Auteur pour correspondance : Michael E Murphy, Department of Infection, Centre for Clinical Microbiology, University
College London, UCL Medical School Royal Free Campus, Rowland Hill Street, London NW3 2PF, UK. Tel : (+44) 207
794 0500 ; ext. 33546. Fax : (+44) 207 794 0433. e-mail : [email protected]
Le rôle attribuable aux  uoroquinolones (FQ) dans la prise en charge de la tuberculose (TB) à germes sensibles ou ré-
sistants aux médicaments fait actuellement l’objet d’investigations. Ces produits sont utilisés hors licence pour traiter
des patients TB chez qui une hépatotoxicité apparaît au cours d’un traitement standard ainsi que chez les patients at-
teints d’une maladie à germes rési stants aux médicaments.
La prolongation de la repolarisation ventriculaire signalée sous forme d’un allongement de l’intervalle QT de
l’électrocardiogramme est un effet indésirable connu des FQ. Une prolongation signi cative de l’intervalle QT peut
entraîner des torsades de pointe, un type de tachyarythmie potentiellement létal. Les FQ actuellement sous licence
sont considérées comme sûres, et il existe peu de rapports sur les arythmies qui y sont associées, mais la plupart des
notices contrindiquent l’ad ministration concomitante d’autres agents susceptibles de prolonger l’intervalle QT.
La malaria elle aussi est endémique dans beaucoup de pays où le fardeau de TB est élevé. Beaucoup de médica-
ments antimalariques, et peut-être même l’infection paludique elle-même, peuvent prolonger l’intervalle QT ; selon les
autorisations actuelles, la co-administration de FQ avec ces agents antimalariques est contrindiquée en raison de
risques potentiels d’une prolongation supplémentaire du QT. Ceci représente un dé signi catif pour la plani cation
d’une politique ultérieure concernant l’utilisation des FQ comme traitement de première ligne de la TB ; la durée du
traitement TB rend inévitable un traitement concomitant de la malaria, et les options sans les contra-indications des
FQ sont limitées. De plus, le diagnostic de la malaria est fréquemment médiocre et l’accessibilité de son traitement
non contrôlée, puisque de nombreux patients recourent à l’achat sans prescription et aux remèdes traditionnels, ce
qui rend probable leur utilisation concomitante non contrôlée avec le traite ment antituberculeux.
Des études d’interactions médicamenteuses s’imposent d’urgence pour évaluer la sécurité de la prise en charge des
patients atteints de TB et de malaria dans des contextes endémiques et à faibles ressources, où une prise en charge et
un suivi au coût minimal au sein du programme sont essentiels pour la mise en œuvre ef ciente des stratégies de santé
publique.
MOTS-CLÉS : tuberculose ;  uoroquinolones ; malaria ; antimalariques ; prolongation du QT
SI L’ON VEUT que les efforts mondiaux de réduction
du fardeau de la tuberculose (TB) soient couronnés
de succès, il est nécessaire de disposer d’urgence de
nouveaux régimes de médicaments et de vaccins pour
la TB. On pense qu’on pourrait réduire l’incidence de
la TB active jusqu’à 27% par des thérapies médica-
menteuses raccourcissant la durée du traitement de la
TB et actifs dans les TB résistantes aux médicaments.1
Les  uoroquinolones (FQ) font partie des médica-
ments les plus prometteurs susceptibles de raccourcir
la durée du traitement antituberculeux. La moxi-
oxacine (MFX) et la gati oxacine (GFX) sont ac-
tuellement évaluées dans des essais cliniques de Phase
III pour déterminer leur rôle potentiel dans les traite-
ments de première ligne ; ces FQ et d’autres sont déjà
utilisées chez les patients ne tolérant pas les régimes
standard ainsi que dans le traitement de deuxième
ligne tant pour les TB sensibles que résistantes aux
médicaments. Les régimes de traitement TB conte-
nant les FQ peuvent s’avérer non inférieurs au traite-
ment standard actuel en termes d’ef cacité mais il est
également important que tous les nouveaux régimes
soient inoffensifs.
Un des effets indésirables connus pour les FQ est la
prolongation de la repolarisation ventriculaire qui se
traduit par un allongement de l’intervalle QT à l’élec-
trocardiogramme (ECG). De nombreux médicaments
antimalariques notamment la quinine, la chloroquine
RÉSUMÉ
2 The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease
et l’amodiaquine et peut-être même l’infection ma-
larique elle-même peuvent également prolonger l’in-
tervalle QT. Selon les autorisations actuelles, la co-
administration de FQ avec beaucoup de médicaments
antimalariques est contre-indiquée en raison du risque
potentiel d’une prolongation supplémentaire de l’in-
tervalle QT.2 Une telle prolongation de l’intervalle QT
pourrait risquer de précipiter des torsades de pointe
tachyarythmiques potentiellement fatales et consti-
tuent dès lors un souci clinique appréciable. De plus,
étant donné les variabilités interethniques potentielles
en matière de pharmacocinétique et de pharmaco-
dynamie, les données de sécurité provenant d’essais
de nouveaux médicaments et de nouveaux régimes
menés dans les contextes à faibles ressources qui sup-
portent le fardeau le plus élevé de TB et de malaria
seront nécessaires pour garantir la sécurité des nou-
veaux régimes dans le contexte dans lesquels ils se-
ront les plus avantageux.
Cet article envisage les preuves de prolongation
de l’intervalle QT en cas d’emploi des médicaments
antimalariques recommandés. Les bases de données
PubMed et Embase ont fait l’objet de recherche avec
comme termes de recherche QT, TB, malaria, prolon-
gation de QT, FQ et médicaments antimalariques (à
la fois en groupes et comme médicaments individuels).
Nous avons également eu accès à la brochure des cher-
cheurs pour MFX et au sommaire des caractéristiques
de GFX, de la lévo oxacine (LVX) et de l’o oxacine
(OFX). Après revue des preuves, nous proposons des
solutions pour la prise en charge de la TB par les pro-
grammes au moyen de régimes contenant la FQ et
celle de la malaria dans les zones endémiques.
PROLONGATION DU QT
Un des dé s majeurs du développement de médica-
ments en clinique constitue l’effet du médicament sur
la repolarisation ventriculaire qui se traduit par l’in-
tervalle QT à l’ECG. La prolongation du QT est une
des raisons les plus courantes du délai ou de l’échec
d’une approbation réglementaire ou même du retrait
du marché.3,4 Les directives ont été élaborées par la
Conférence Internationale sur l’Harmonisation des
Exigences Techniques pour l’Enregistrement des Mé-
dicaments à Usage Humain (ICH) sur la manière de
mener une évaluation préclinique5 et clinique6 du QT
pour tous les nouveaux médicaments.
En physiologie normale, la durée nécessaire à la
repolarisation ventriculaire est inversement propor-
tionnelle au rythme cardiaque. Si l’on veut envisager
n’importe quel effet pharmacologique, il est donc né-
cessaire de corriger le QT mesuré en fonction des va-
riations du rythme cardiaque ; l’abréviation QTc est
utilisée pour l’intervalle QT corrigé. Il existe toute
une variété de méthodes pour la correction du QT,
mais les données connues actuellement sont en faveur
de l’utilisation de la formule Fredericia.7 On n’a pas
signalé d’effet quelconque sur la durée du QT pour
aucun des médicaments standard actuels contre la
TB ; toutefois, on sait qu’une prolongation de la re-
polarisation ventriculaire est un effet connu de la
classe des FQ.8
Le mécanisme de la prolongation de l’intervalle QT
suggéré par les études in vitro et chez l’animal consiste
à bloquer les canaux potassiques du voltage cardiaque
et en particulier la composante rapide (lKr) du ralen-
tissement du courant potassique recti cateur encodé
par le gène humain lié à ether-a-go-go (hERG).9,10
L’inhibition des délais IKr retarde la repolarisation en
bloquant le  ux des ions potassiques vers l’extérieur
à partir du myocyte, ce qui se traduit par une prolon-
gation de l’intervalle QT sur l’ECG de surface et sous
forme d’une prolongation de la phase de repolarisa-
tion du potentiel d’action ventriculaire (Figure).
On considère que toutes les FQ inhibent lKr, mais
l’importance de la prolongation consécutive de l’in-
tervalle QT varie et aux doses thérapeutiques, cer-
taines peuvent ne pas avoir un effet cardiotoxique
c liniquement signi catif sous forme d’événements in-
désirables identi ables comme la dysrythmie, des états
ischémiques ou la mort subite.12 Une étude récente
du système de déclaration des effets indésirables de la
Food and Drug Administration américaine identi e
toutefois de manière disproportionnée des torsades
de pointe chez les patients sous FQ en même temps
que d’autres médicaments antimicrobiens couram-
ment utilisés et recommandent donc des investigations
complémentaires.13 Dans les contextes à ressources
limitées, les effets indésirables potentiellement signi-
catifs peuvent être insuf samment déclarés et des
Figure A. ECG de surface : comparaison de la prolongation
de la repolarisation ventriculaire/QTc prolongé (en noir) com-
parée à la normale (en gris). B. Potentiel d’action ventricu-
laire et C) tracé du rythme sur un ECG démontrant la prolon-
gation du QTc et l’apparition de torsades de pointe (Adapté
de Crawford et coll.11 QTc = intervalle QT corrigé ; ECG =
électrocardiogramme.
Fluoroquinolones, TB et antimalariques 3
mesures de surveillance active peuvent être inadé-
quates pour quanti er ce problème potentiel ou pour
détecter un signal.
Dans beaucoup de pays, la spar oxacine et la gré-
pa oxacine ont été retirées du marché, en partie en
raison de leur prolongation inacceptable de l’inter-
valle QT. D’autre part, on a montré que MFX a un
effet sans signi cation clinique sur la prolongation du
QT. Dans une étude d’environ 800 patients, la pro-
longation moyenne de QTc chez les patients traités
par MFX a été de 6 ± 26 ms à des concentrations
stables (jour 3 du traitement) par comparaison à 2 ±
23 ms dans un groupe comparatif provenant d’une
analyse regroupant de multiples études ; les groupes
comparatifs ont comporté la clarithromycine et les
bétalactamases. Il faut noter que la prolongation du
QT dans le bras MFX n’est associée avec aucune
arythmie ventriculaire liée à la prolongation du QT.
Ceci reste même vrai dans les populations plus âgées
d’autres essais cliniques.14 Sur 117 millions de pa-
tients traités au niveau mondial par MFX,15 on n’a si-
gnalé que cinq cas de prolongation du QT et/ou de
torsades de pointe, dont deux chez des patients où la
présence d’autres facteurs de risque de prolongation
du QT avait été reconnue.16–20 Actuellement, on in-
clut fréquemment MFX comme témoin positif dans
les études approfondies du QT, puisque la prolonga-
tion prédite est d’environ 6 ms et est sans associa-
tion avec une dysrythmie. Une publication récente
plaide aussi en faveur de l’utilisation de LVX comme
agent comparateur, citant une prolongation maximale
du QTc de 7,44 ms (5,47–9,42) avec un dosage de
1.500 mg.21 La surveillance après mise sur le marché
estime que le nombre de cas de torsades de pointe
survenant au cours de l’utilisation de LVX est de 5,4–
16 pour 10 millions de prescriptions.12 Pour GFX,
les taux estimés sont de 27 pour 10 millions de pre-
scriptions ; toutefois, comme pour MFX, la majorité
des rapports concernent des patients ayant des fac-
teurs de risque concomitants de prolongation du QT.22
Dans la littérature, les informations sur les prolonga-
tions du QT associées à OFX sont limitées, mais des
études in vitro suggèrent que des doses environ dix
fois plus élevées que pour MFX et GFX sont néces-
saires pour inhiber les canaux potassiques cardiaques
et elles estiment que le taux de torsades de pointe est
similaire à celui de la cipro oxacine, c’est-à-dire de
0,3 pour 10 millions de prescriptions.12
Il est contrindiqué de prescrire des médicaments
prolongeant le QT concomitamment avec des agents
ayant des effets similaires, puisque l’on suppose que
la prise multiple de médicaments prolongeant le QT
pourrait comporter un risque additionnel ;23 la majo-
rité des notices de produit pour les FQ comporte cet
avertissement. L’introduction des FQ dans le traite-
ment de la TB comporte des problèmes potentiels
lorsque l’administration concomitante d’un autre mé-
dicament susceptible de prolonger le QT est indiquée
sur la plan clinique, en particulier dans des situations
sérieuses et/ou menaçant la vie.
Dans beaucoup de pays à fardeau élevé de TB, la
malaria est elle aussi endémique. Beaucoup d’anti-
malariques prolongent l’intervalle QT et il est pos-
sible que l’infection malarique elle-même le fasse.24
Vu la durée du traitement antituberculeux, si l’on de-
vait autoriser les FQ pour la prise en charge de la TB,
un traitement concomitant de la malaria pourrait
constituer un phénomène relativement courant et si
plusieurs médicaments antimalariques sont contrin-
diqués, ceci pourrait s’avérer un dé clinique. Comme
il n’est habituellement pas possible de retarder le
traitement de la malaria en raison des risques de pro-
gression rapide de la maladie, ceci pourrait constituer
le plus grand dé t dans des contextes où la prise en
charge par le programme est un élément central dans
la prise en charge de la TB et de la malaria dans le do-
maine de la santé publique.
LA MALARIA ET LE CŒUR
On sait que les parasites de la malaria sont séquestrés
dans la microvascularisation cardiaque ; toutefois, les
maladies cardiaques extravasculaires attribuables à la
malaria sont peu communes et on sait que les aryth-
mies ne sont que rarement associées à l’infection ma-
larique.25 Toutefois, la malaria clinique est associée
à diverses caractéristiques cliniquement décelables,
notamment une accélération du rythme cardiaque,
l’hypotension et l’agitation. Alors que l’on connait
bien la relation inverse entre le rythme cardiaque et
l’intervalle QT, certains ont suggéré que les caracté-
ristiques propres de la malaria clinique pourraient
avoir des effets sur l’intervalle QT indépendamment
du rythme cardiaque ;26,27 ceci s’appuie sur des études
à la fois chez l’homme et chez l’animal.28,29
On a avancé l’hypothèse que ces caractéristiques
propres de la malaria peuvent entrainer un intervalle
QT relativement raccourci chez les patients au mo-
ment où ils consultent, mais que ce raccourcissement
diminue après traitement jusqu’à un retour de l’inter-
valle QT à la normale. Cet effet peut être interprété
comme une prolongation du QT par rapport au dé-
but et être considéré erronément comme un effet du
médicament. Une petite étude récente en Thaïlande,
évaluant l’effet de l’artésunate et de la mé oquine sur
le QT a noté que les augmentations observées des in-
tervalles QT pouvaient être expliquées au mieux par
le ralentissement du rythme cardiaque lié à la guéri-
son de la malaria.29
Peu d’études ont évalué l’interaction entre les mé-
dicaments antimalariques et le paludisme en ce qui
concerne la prolongation du QT et il n’y a qu’un pe-
tit nombre d’études parallèles pharmacocinétiques et
pharmacodynamiques visant à con rmer tout effet
lié à l’exposition aux médicaments. Pour cette raison,
les effets des médicaments sur le QT dans la malaria
4 The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease
peuvent être soit sous-estimés soit surestimés. De plus,
en l’absence d’études sur les interactions des médica-
ments et les interactions avec les états aigus et conva-
lescents de la maladie soignée, il nous est impossible
d’identi er de manière  able les combinaisons de mé-
dicaments pour la malaria et la co-infection tubercu-
leuse qui pourraient avoir des effets prolongateurs
additifs sur le QT.
TRAITEMENT ANTIMALARIQUE
Les directives internationales du traitement de la ma-
laria conseillent un traitement combiné pour la mala-
ria qui inclut au moins deux médicaments ayant des
mécanismes d’activité antimalarique indépendants a n
d’améliorer les résultats et de prévenir le développe-
ment de la résistance.30–32 Le choix de la combinaison
de médicaments est fortement dicté par les types de
résistance. Les directives de traitement de l’Organi-
sation Mondiale de la Santé (OMS),32 de la British
Infection Association (BIA)30 et des US Centers for
Disease Control and Prevention (CDC)/Infectious
Diseases Society of America (IDSA)31 conseillent un
traitement de la malaria clinique administré dans les
24 h ; toutefois, le traitement antimalarique devrait
être largement réservé aux cas dont le diagnostic pa-
rasitologique est positif, lorsque ceci est possible. Le
patient typique vivant dans une zone holendémique
pour la malaria reçoit souvent, trois fois par an ou
davantage, des médicaments antimalariques sans pre-
scription ou sans diagnostic parasitologique pour une
èvre non typique. Une étude de patients soumis à un
traitement antimalarique n’a identi é le parasite de la
malaria que dans moins de la moitié des cas.33 La su-
restimation du diagnostic de malaria chez des patients
fébriles a été démontrée en pratique dans d’autres
études,34–36 et peut accroître le risque de mortalité
par suite d’un diagnostic insuf sant d’infections bac-
tériennes et/ou d’infections par le virus de l’immuno-
dé cience humaine, qui peuvent être ignorées au pro-
t de diagnostics non con rmés de malaria.34
MÉDICAMENTS ANTIMALARIQUES
ET LEUR EFFET SUR LE QT
Les médicaments antimalariques habituellement pres-
crits et leurs effets potentiels sur le QT tels que dé-
crits dans le résumé des caractéristiques du produit
ainsi que leur demi-vie d’élimination apparaissent au
Tableau 1.
L’aryl-amino alcool quinine est un alcaloïde végétal
extrait de l’écorce de l’arbre cinchona en Amérique
du Sud qui a été inclus dans les traitements les plus
largement utilisés pour la malaria depuis plus de
350 ans. La quinine reste le traitement de première
ligne pour la malaria non compliquée et grave dans
beaucoup de contextes de soins de santé, y compris le
Royaume Uni. On sait que la quinine prolonge le QT,
bien que la prolongation cliniquement signi cative du
QT soit rare aux doses recommandées. La résistance
à la chloroquine est actuellement si commune qu’on
ne la recommande plus pour le traitement non sélec-
tif de la malaria due à Plasmodium falciparum.37
Dans les pays en développement, la quinine a été lar-
gement remplacée par la sulfadoxine-pyriméthamine
pour le traitement des maladies non compliquées, en
raison de sa facilité d’administration et de ses effets
indésirables limités ; la résistance a réduit l’utilité de
ce produit dans la plupart des contextes. Alors que
l’atovaquone-proguanil (AP) reste ef cace, son utili-
sation est fréquemment limitée par son coût dans les
contextes à ressources médiocres.
La plupart des preuves soutiennent actuellement
l’utilisation des thérapies basées sur l’artémésinine
lorsqu’une fourniture  able et une fabrication con-
forme aux bonnes pratiques de fabrication (BPF) sont
disponibles.38–40 Ces médicaments ont été élaborés à
partir d’un produit chinois, le qinghaosu, extrait des
feuilles d’Artemesia annua, qui a été utilisé depuis
des siècles en Chine comme médicament végétal. La
demi-vie courte (2 heures) des artémésinines rend la
résistance moins probable. Les artémésinines sont
utiles pour le traitement de tous les types de malaria
et sont actives contre les gamétocytes, ce qui réduit
la contagiosité. Elles sont recommandées pour une
utilisation combinée avec d’autres produits antimala-
riques (traitement combiné à l’artémésinine, ACT) a n
de prévenir le développement d’une résistance. Des
comprimés combinés à dose  xe d’artémésinine sont
disponibles (Tableau 2), ce qui améliore l’adhésion
Tableau 1 Médicaments antimalariques d’utilisation
courante, leur potentiel de prolongation de l’intervalle
QT obtenu à partir des caractéristiques du produit
et de leur demi-vie d’élimination
Classe de médicaments
antimalariques
Médicaments
de la classe en
pratique
clinique
Effets
sur
QTc Demi-vie
Aryl amino alcools Quinine + 12–18 h
Quinidine + 6–8 h
Méfl oquine 0 10–40 jours
Halofantrine +++ 6–10 jours
Luméfantrine 0 3–6 jours
Peroxydes-artémésinines Arteméther 0 2–5 h
Artésunate 0 40 min–2 h
4-aminoquinolines Chloroquine +/ 3–5 jours
Amodiaquine +/ 5 h
Pipéraquine +/ 31,5 jours
8-aminoquinolines Primaquine 0 3,7–9,6 h
Naphtoquinones Atovaquone +/ 2–3 jours
Inhibiteurs de la synthèse
des folates Sulfadioxine 0 9–12 h
Proguanil 0 12–21 h
Pyriméthamine 0 80–95 h
Antibiotiques Doxycycline 0 14–24 h
Clindamycine 0 1,5–5,0 h
Tétracycline 0 57–108 h
QTc = QT corrigé.
Fluoroquinolones, TB et antimalariques 5
thérapeutique du patient et réduit davantage l’émer-
gence de la résistance.
Initialement, quelques craintes sont apparues con-
cernant la prolongation du QT due aux artémési-
nines après la découverte de la prolongation du QT
qu’elles provoquaient chez les chiens, mais ceci n’a
pas été observé chez l’homme. Des études de fortes
doses intraveineuses d’artésunate n’ont démontré
aucune augmentation signi cative du QTc et toute
modi cation du QTc est sans corrélation avec les
niveaux plasmatiques d’artésunate ou de son ingré-
dient actif la dihydroartémésinine.41 Aucune preuve
de prolongation du QT n’a été démontrée pour sa
combinaison orale avec l’AP.42 Des préoccupations
étaient apparues antérieurement au sujet de l’utili-
sation de la combinaison artméther-luméfantrine en
raison des similitudes structurelles de la luméfantrine
et de l’halofantrine dont on avait démontré après son
autorisation qu’elle provoquait à la fois une prolon-
gation du QT et des arythmies cardiaques.38,39 Sur la
base d’une quantité considérable de données dispo-
nibles, toutefois, il n’y a pas de preuves qui puissent
soutenir ces craintes que ce soit sur la prolongation
du QT ou la cardiotoxicité ;40,43–48 c’est la raison
pour laquelle cette combinaison est recommandée
par l’OMS, l’IDSA et la BIA.30–32
On trouve dans l’appendice un résumé des effets
cliniquement signi catifs sur la repolarisation ven-
triculaire des antimalariques recommandés sur le
plan international.* Pour des détails supplémentaires
sur les mécanismes des classes principales de médi-
caments antimalariques et leur cardiotoxicité po-
tentielle, les lecteurs sont orientés vers la revue de
White et coll. sur la cardiotoxicité des médica-
ments antimalariques.49
DISCUSSION
Les preuves de prolongation du QT par les antimala-
riques actuellement recommandés n’existent que pour
la quinine, la chloroquine et l’amodiaquine qui restent
des traitements de première ligne dans beaucoup de
programmes de traitement de la malaria. Toutefois,
ces produits ainsi que d’autres antimalariques sont
contrindiqués lors d’une administration concomitante
de  uoroquinolones en raison de leur potentiel sup-
posé de prolongation du QT.
Vu l’utilisation croissante des FQ pour le traite-
ment des infections supposées bactériennes, beaucoup
de patients atteints d’une  èvre indéterminée rece-
vront de façon concomitante des FQ et des antimala-
riques. Bien que la prolongation du QT et les aryth-
mies n’aient pas été signalées de manière claire
jusqu’ici, vu l’absence de procédure d’enregistrement
of cielles dans les contextes à ressources limitées et
vu le grand nombre d’autres agents antimicrobiens
disponibles, le ratio risque-avantage est en faveur de
prescriptions évitant la prolongation du QT et les
effets indésirables cardiotoxiques potentiels.
Si un régime contenant des FQ devait être intro-
duit dans les programmes TB sur le plan internatio-
nal, cela poserait un dé plus grand encore ; il n’est
pas à conseiller cliniquement de modi er les régimes
TB et dans les pays qui reposent sur une pratique de
santé publique standardisée, la modi cation des di-
rectives de programme comporterait un coût et des
barrières d’infrastructure signi catives. La durée du
traitement antituberculeux est longue et dans ces
conditions, un traitement concomitant de la malaria
est susceptible d’être habituel dans les zones où l’en-
démie de la TB et de la malaria est élevée et où le
traitement de la malaria doit être administré sans dé-
lai. Lorsque ceci comporte une administration conco-
mitante de FQ et d’antimalariques qui sont suscep-
tibles de prolonger le QT, les autorisations actuelles
suggèrent que ceci pourrait exposer le patient à un
risque potentiel de toxicité, mais ce risque n’a pas été
quanti é.
Les directives internationales sur la malaria plaident
en faveur de l’utilisation des ACT et, alors que l’arté-
sunate est considéré comme sûr, des préoccupations
ont été soulevées au sujet de la prolongation poten-
tielle du QT par la plupart des médicaments auxquels
l’artésunate est combiné. La luméfantrine est citée
comme ayant des effets sur la repolarisation ventricu-
laire, principalement en raison de sa similitude struc-
turelle avec l’halofantrine ; toutefois, dans la littéra-
ture publiée, il n’existe aucune preuve convaincante
de cet effet. Néanmoins, elle est contrindiquée en cas
d’administration concomitante de médicaments pro-
longeant le QT, y compris les FQ. Entretemps, l’utili-
sation de beaucoup d’antimalariques et de médications
concomitantes, notamment les FQ, souvent en l’ab-
sence d’un diagnostic parasitologique, continuent de
manière non réglementée dans beaucoup de contextes
endémiques.
A ce jour, un grand nombre d’études évaluant la
prolongation du QT ont été menées dans des sites
individuels et pour cette raison, n’évaluent pas les va-
riations interethniques potentielles dans la pharmaco-
cinétique des antimalariques ; les évidences prove -
nant d’Asie de l’Est peuvent ne pas s’appliquer à des
populations africaines. Les dé s que comportent les
études d’interaction des médicaments et les études
pharmacocinétiques dans les contextes à ressources
médiocres devraient être résolus a n de mener des
Tableau 2 Combinaisons disponibles des artémésinines
Artémésinines Médicament en combinaison
Arteméther Luméfantrine
Artésunate Méfl oquin
Dihydroartmésinine Pipéraquine
Artésunate Amodiaquine
Artésunate Sulfadoxine-pyriméthamine*
*
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