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Lundi 13 mars 2017 - 19:00
Prothèses de hanche/genou: l'ambulatoire peut devenir la référence
PARIS, 13 mars 2017 (APMnews) - La chirurgie ambulatoire peut aussi devenir la référence pour
des chirurgies considérées lourdes comme les poses de prothèses totales de hanche ou de
genou, comme en ont témoigné des chirurgiens précurseurs dans ce domaine en France, lors de
la séance de l'Académie de chirurgie la semaine dernière.
Les premières séries de patients opérés en ambulatoire pour une prothèse totale de hanche
viennent des Etats-Unis, dès 2009 pour des patients opérés en 2007, a rappelé Thierry de
Polignac de la clinique générale d'Annecy. Elles sont arrivées un peu plus tard en Europe, et en
France les premières prothèses totales en ambulatoire, d'abord de genou puis de hanche, ont été
réalisées en 2012.
En 2015, 572 prothèses totales de hanche (PTH) avaient été réalisées en ambulatoire en France,
sur plus de 100.000 poses de PTH par an, soit 0,50%, a rappelé le chirurgien. "Dans les centres
qui ont mis en place ces procédures en ambulatoire, on était à environ 25%", a-t-il souligné. En
2016, ce taux est monté à 0,75% pour l'ensemble du territoire, et à 33% dans les centres
expérimentés. En 2017, plus de 50% des PTH se font en ambulatoire dans les centres
expérimentés, a-t-il indiqué. "C'est devenu la référence".
Pour les prothèses totales de genou (PTG), Jérôme Villeminot de la clinique Sainte-Odile à
Hagueneau (Bas-Rhin), qui a insufflé le mouvement, a fait état d'une série de 242 cas en
ambulatoire dans son établissement, sur 563 prothèses consécutives réalisées dans le cadre d'un
programme de récupération rapide après chirurgie (Rrac).
Dans son centre, lors de la première année de mise en oeuvre de la chirurgie ambulatoire pour
les PTG, 45% des patients étaient en hospitalisation classique et 53% des patients allaient après
l'intervention dans des centres de rééducation. La 5e année (en 2016), il n'y avait plus que 21%
des patients en hospitalisation classique, et seulement 6% des patients allaient en centre de
rééducation -grâce à la mise en oeuvre de la Rrac. Le taux d'ambulatoire atteint aujourd'hui 73%
dans cet établissement, a-t-il souligné.
Les taux de complications sont "équivalents à ceux trouvés dans la littérature", à part, dans son
expérience, des nécroses cutanées, liées selon lui à son enthousiasme des débuts qui l'incitait à
"infiltrer tout, y compris la peau". Or la solution d'infiltration contient de l'adrénaline, qui est
mauvaise pour la peau, a-t-il expliqué.
Il n'y a eu aucune complication thrombo-embolique, 2 cas de sepsis ont été enregistrés, et sur
l'ensemble des patients ambulatoires, 7 ne sont pas sortis le jour-même, la plupart du temps en
raison de nausées et vomissements.
"Pour nous aujourd'hui l'ambulatoire doit être la prise en charge de référence pour la chirurgie
prothétique lourde, il n'y a pas de doute -dessus, à condition que les critères soient réunis pour
qu'on puisse le faire", a-t-il commenté.
"C'est devenu une évidence: il faut proposer l'ambulatoire à tout le monde, ensuite décliner les
critères pour chaque patient, afin de savoir si c'est faisable", a-t-il souligné.
Un changement de culture nécessaire
Cette pratique demande un "changement de culture", car la chirurgie et l'anesthésie restent, elles,
"globalement inchangées", "c'est la prise en charge du patient qui va changer"." Il faut penser les
soins autrement, laisser le patient faire ce qu'il veut: s'il veut se lever le 1er jour, il faut le laisser
faire. Rien de grave ne va arriver". Il est nécessaire de "diminuer l'impact du parcours de soins", a
insisté le Dr Villeminot.
Cette approche implique de "construire une équipe, basée sur le couple anésthésiste-chirurgien",
et de définir un cahier des charges précis, visant à permettre une déambulation dans les
quelques heures qui suivent l'intervention.
Ainsi, avant l'intervention, pour informer et accompagner le patient, il faut diversifier les
consultations: outre celles de chirurgie et d'anesthésie pré-opératoires, "on a ajouté une
consultation infirmière", avec remise d'informations et de documents très détaillés, y compris sur
le postopératoire. "Tout doit être connu du patient", a-t-il martelé.
Il faut utiliser des méthodes d'anesthésie "modernes", une prise en charge agressive de la
douleur postopératoire et privilégier un retour rapide à domicile. "Un patient qui déambule dans
un couloir n'a aucun intérêt à passer la nuit à l'hôpital", a-t-il souligné.
Pour limiter l'impact psychologique et physique de l'intervention, on n'utilise par exemple plus de
garrot pour le genou, pas de drainage, et on a recours à une analgésie par infiltration locale. Le
patient est déperfusé dès la salle de réveil, le 1er lever est fait sans kinésithérapeute, afin de ne
pas faire penser au patient qu'il est malade. La réalimentation précoce se fait au fauteuil, et on
incite le patient à s'habiller normalement, pas en pyjama, toujours pour éviter cette notion de
"malade".
"Il y a une vraie démarche qualité, cela impose de mieux faire", a-t-il résumé.
Le même schéma a été décrit par le Dr de Polignac: un "binôme leader chirurgien +
anesthésiste", associé à une infirmière/un kinésithérapeute, et une équipe pluridisciplinaire
médicale, paramédicale, administrative avec un patient expert, plus un accompagnant.
La phase de lection des patients éligibles "commence le jour de la consultation pré-opératoire
en chirurgie, est validée par la consultation d'anesthésie, et doit être comprise et acceptée par le
patient", a-t-il expliqué. "Généralement on n'a pas de patient qui refuse, si c'est présenté de façon
optimisée et positive". Le chirurgien a insisté sur le fait qu'il ne proposait pas au patient de choisir
entre ambulatoire et hospitalisation, mais qu'il proposait la chirurgie ambulatoire, tout en lui
précisant que si le soir de l'intervention il ne souhaitait pas sortir, il pouvait rester la nuit à l'hôpital.
Des économies potentielles
Arnaud Bensaïd, économiste de la santé à Lyon, a rappelé l'intérêt économique de la chirurgie
ambulatoire, appliquée aux PTG et PTH.
Dans les groupes homogènes de malades (GHM), selon le référentiel national des coûts 2015,
les charges liées à la durée moyenne de séjour représentent 28,5% des coûts pour la PTG de
niveau 1 et 40,8% pour la PTH de niveau 1. Il y a donc des "marges de réduction non
négligeables", selon lui.
Cela représenterait une économie potentielle de 1.475 euros par séjour pour la PTG et 2.284
euros par séjour pour la PTH, a-t-il calculé, soit, pour les 2 GHM, environ 240 millions d'euros
d'économies potentielles, ou 0,26% des dépenses hospitalières globales.
Ces économies peuvent être réutilisées pour réorganiser la prise en charge dans les hôpitaux, a-
t-il suggéré.
cd/ab/APMnews
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