POLITIQUE DE L`AMC

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POLITIQUE DE L’AMC
L’EUTHANASIE ET L’AIDE AU SUICIDE
(RÉVISION 2007)
Ce document remplace deux politiques antérieures, L’aide médicale à la mort (1995) et l’euthanasie et l’aide au suicide
(1998). Au sens du présent document, l’euthanasie et l’aide au suicide doivent se distinguer de l’inexécution ou
du retrait d’interventions médicales inappropriées, futiles ou indésirées, ainsi que de la prestation de soins
palliatifs humanitaires, même lorsque ces pratiques abrègent la vie. L’AMC n’appuie ni l’euthanasie ni l’aide au
suicide. Elle exhorte ses membres à adhérer aux principes des soins palliatifs. L'énoncé de politique qui suit
définit l’euthanasie et l’aide au suicide, donne le contexte de la question et énonce les principes déontologiques
fondamentaux ainsi que les préoccupations des médecins relativement à la légalisation de l’euthanasie et de
l’aide au suicide.
Définitions
Par euthanasie et aide à la mort, l’AMC entend ce
qui suit.
L'expression générique aide à la mort comprend
à la fois l'euthanasie et l'aide médicale au suicide.
Euthanasie veut dire poser un acte sciemment
et intentionnellement dans le but explicite de
mettre fin à la vie d’une autre personne, dans les
circonstances suivantes : la personne en cause est
atteinte d'une maladie incurable; l’intermédiaire est
au courant de l’état de la personne, pose un acte
dont le but premier est de mettre fin à la vie de
cette personne et pose l’acte avec empathie et
compassion et n’en tire aucun avantage
personnel1.
1 On distingue trois types d'euthanasie, selon que la
personne en cause souhaite mettre fin à sa vie et en a
exprimé le désir. L'expression euthanasie volontaire est
réservée à la situation où la personne en cause est
capable et informée et a demandé volontairement qu’on
L'expression aide au suicide signifie fournir
sciemment et intentionnellement à une personne
les connaissances ou les moyens nécessaires pour
se suicider; notamment, lui donner des conseils au
sujet de doses mortelles de médicaments, fournir
l’ordonnance nécessaire pour obtenir les doses
mortelles en question ou fournir les médicaments
à la personne en cause.
On considère souvent que l’euthanasie et
l’aide au suicide s’équivalent sur le plan moral,
même s’il existe clairement entre les deux une
distinction sur le plan pratique de même que
devant la loi.
mette fin à sa vie. L'expression euthanasie non volontaire
désigne une situation où la personne n'a pas décidé de
ses préférences en ce qui concerne l'aide à la mort, ou
ne les a pas exprimées, ou encore est incapable de
prendre des décisions et de faire un choix éclairé.
L'expression euthanasie involontaire signifie que la
personne a fait un choix éclairé et a exprimé son désir
de refuser l'aide à la mort.
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La version électronique des politiques de l’AMC est versée sur le site web de l’Association (AMC En direct, adresse www.amc.ca
Contexte
Presque toutes les associations médicales
nationales s’opposent à l’euthanasie et à l’aide au
suicide et les codes de droit de presque tous les
pays l’interdisent. Un changement de statut de ces
pratiques devant la loi au Canada représenterait
une évolution radicale des politiques et du
comportement de la société. Pour que la
profession médicale appuie un tel changement et
participe à de telles pratiques par la suite, une
remise en question fondamentale de la déontologie
médicale classique s’imposerait.
Les médecins, les autres professionnels de la
santé, les universitaires, les groupes d’intérêt, les
médias, les législateurs et l’appareil judiciaire sont
tous profondément divisés quant à l’opportunité
de modifier les mesures législatives qui interdisent
actuellement l’euthanasie et l’aide au suicide. À
cause de la nature controversée de ces pratiques,
de leur importance indéniable pour les médecins et
de leurs effets imprévisibles sur la pratique de la
médecine, la profession et la société ont raison
d’aborder la question avec précaution et réflexion.
Principes déontologiques fondamentaux
Même si le Code de déontologie de l’AMC ne
mentionne pas explicitement l’euthanasie ou l’aide
au suicide, les articles suivants du Code sont
pertinents à la politique de l’AMC en la matière.
1.
«Tenir compte d’abord du mieux-être
du patient.» Ceci signifie faire passer avant tout le
soin des patients, en l’occurrence des personnes
qui sont en phase terminale ou qui font face à une
durée de vie indéfinie marquée par la souffrance
ou l’absence de sens.
2.
«Voir à ce que votre patient reçoive
tous les soins nécessaires, y compris le réconfort
physique et l’appui spirituel et psychosocial, même
lorsqu’il est impossible de le guérir.»
3.
«Fournir à vos patients l’information
dont ils ont besoin pour prendre des décisions
éclairées au sujet de leurs soins de santé et
répondre à leurs questions au meilleur de vos
compétences.»
4.
«Respecter le droit d’un patient apte
d’accepter ou de refuser tout soin médical
recommandé.»
5.
«Déterminer, dans la mesure du
possible, et reconnaître les désirs de votre patient
au sujet de la mise en œuvre, du maintien ou de
l’interruption des traitements essentiels au
maintien de la vie.»
6.
«Reconnaître la responsabilité de la
profession envers la société à l’égard des questions
qui ont trait (...) à la législation qui touche la santé
ou le mieux-être de la communauté (...).»
7.
«Prévenir votre patient lorsque vos
valeurs personnelles auraient un effet sur la
recommandation de toute intervention médicale
que le patient souhaite ou dont il a besoin, ou sur
la pratique de celle-ci.»
Ces principes ne peuvent à eux seuls trancher
la question de savoir s’il faudrait permettre
l’euthanasie et l’aide au suicide. Ils sont toutefois
pertinents au débat dans la mesure où les cinq
premiers établissent l’importance du mieux être et
de l’autonomie des patients, le sixième intègre la
responsabilité à l’égard de la société et le septième
défend l’autonomie des médecins en cas de
changement législatif.
Politique de l’AMC sur la participation des
médecins à l’euthanasie et à l’aide au suicide
Les médecins du Canada devraient s’abstenir de
participer à l’euthanasie ou à l’aide au suicide.
Préoccupations des médecins au sujet de la
légalisation de l’euthanasie et de l’aide au
suicide
L’AMC reconnaît que la société a la prérogative de
décider s’il faut modifier les lois qui régissent
l’euthanasie et l’aide au suicide. L’AMC souhaite
contribuer la perspective de la profession médicale
à l’examen des aspects juridiques, sociaux et
éthiques de ces pratiques.
Avant qu’on envisage de changer le statut
légal de l’euthanasie ou de l’aide au suicide, l’AMC
souhaite vivement que l’on réponde aux
préoccupations suivantes.
1. Il faut offrir à tous les Canadiens des
services adéquats de soins palliatifs. Le Conseil
général de 1994 de l’AMC a approuvé à
l’unanimité une motion portant que les médecins
du Canada devraient adhérer aux principes des
soins palliatifs.
Le public a démontré clairement que le soin
des mourants le préoccupe. Il faut considérer la
prestation de soins palliatifs à tous ceux qui en ont
besoin comme une condition préalable obligatoire
avant d’envisager d’assouplir la législation. Il faut
2
intensifier les efforts pour étendre la disponibilité
des soins palliatifs au Canada.
2. Il faudrait maintenir et renforcer au besoin
les programmes de prévention du suicide. Même
s’il n’est pas illégal d’essayer de se suicider, une
tentative de suicide découle souvent d’une
dépression ou d’un malheur temporaire. La société
appuie les efforts de prévention du suicide et l’on
s’attend à ce que les médecins interviennent pour
tenter de maintenir en vie les personnes qui ont
essayé de se suicider. Dans tout débat sur l’aide au
suicide qui vise à soulager les souffrances de
patients incurables, il faut protéger les intérêts des
personnes qui risquent d’essayer de se suicider
pour d’autres raisons.
3. Il faudrait entreprendre une étude
canadienne sur la prise de décisions médicales au
cours de l’agonie. Nous savons relativement peu
de choses sur la fréquence avec laquelle diverses
décisions médicales sont prises vers la fin de la vie,
sur la façon dont elles sont prises et sur la
satisfaction des patients, des membres de leur
famille, des médecins et des autres soignants à
l’égard du processus décisionnel et des résultats.
Les médecins participent aux décisions
d’interrompre ou de retenir ou non des
traitements et d’administrer ou non des sédatifs et
des analgésiques en doses qui peuvent abréger la
vie. On soutient que des médecins pratiquent
l’euthanasie ou l’aide au suicide. Une étude de la
pratique canadienne relative à la prise de décisions
médicales au cours de l’agonie s’impose si l’on
veut évaluer l’état actuel de la pratique dans ce
domaine. Cette évaluation aiderait énormément à
déterminer les besoins possibles de changements
et à définir les changements en question. Si l’étude
offrait aux médecins qui y participaient l’immunité
contre les poursuites découlant des
renseignements fournis, comme ce qui s’est fait
dans le cas de la Commission Remmelink aux
Pays-Bas, elle pourrait répondre aux affirmations
répétées selon lesquelles on pratique déjà
l’euthanasie et l’aide au suicide.
4. Le public doit avoir amplement l’occasion
de commenter toute modification législative
proposée. La loi devrait émaner des vœux de la
société exprimés par l'entremise du Parlement et
non de décisions des tribunaux.
5. Il faudrait envisager la capacité de toute
législation2 proposée de limiter l’euthanasie et
l’aide au suicide aux cas indiqués. Des recherches
effectuées aux Pays-Bas et en Oregon ont
démontré qu'une grande proportion des patients
qui demandent de l'aide à la mort le font dans le
but de préserver leur dignité et leur autonomie
Si l’on permet l’euthanasie ou l’aide au suicide
dans le cas des patients en phase terminale qui
sont lucides et souffrent, des contestations
judiciaires fondées sur la Charte des droits et
libertés de la personne pourraient viser à étendre
ces pratiques à des personnes inaptes, qui ne
souffrent pas ou qui ne sont pas en phase
terminale. Ces applications constituent «la pente
glissante» que beaucoup de gens craignent. On
pourrait demander aux tribunaux d’entendre des
cas de demandes d’euthanasie pour des personnes
inaptes, demandes fondées sur des directives
préalables ou présentées par des mandataires. Ces
cas pourraient être ceux de patients victimes
d’atteintes neurologiques ou de nouveau-nés
atteints de graves anomalies congénitales. Le
«protocole de Groningen», qui énumère cinq
critères d'euthanasie pour les bébés atteints de
maladies incurables, a été adopté en Hollande. Les
psychiatres reconnaissent qu’une personne lucide
et autrement en bonne santé peut opter pour le
suicide. Une telle personne pourrait présenter aux
tribunaux une requête afin d’obtenir qu’un
médecin l’aide à se suicider.
Conclusion
L’AMC a élaboré cette politique afin d’aider les
médecins, le public et les politiciens à participer à
une nouvelle analyse de la loi qui interdit
actuellement l’euthanasie et l’aide au suicide, et à
parvenir à une solution qui soit dans le meilleur
intérêt des Canadiens.
2 Par ex., Statuts révisés de l'Oregon. The Oregon
Death with Dignity Act. § 127.800 - §127.995.
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