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© Université de Liège - http://reflexions.ulg.ac.be/ - 21 April 2017
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tumeur, soit délivrer une charge toxique spécialement ciblée contre la tumeur, sans occasionner de dégâts aux
cellules non-cancéreuses. Dans le premier cas, les traitements visent donc les caractéristiques biochimiques
spécifiques des cellules. Malheureusement, la plupart risquent bien de se heurter à une difficulté majeure,
à savoir l'hétérogénéité des cellules cancéreuses, qui peuvent également en partie devenir résistantes. On
ne dispose alors plus d'arme pour lutter contre le cancer. Aussi, nous avons opté pour des traitements ciblés
toxiques qui vont permettre de délivrer une charge toxique (biologique, chimique, radioactive) là ou se trouvent
les cellules cancéreuses et qui vont tuer localement toutes les cellules cancéreuses, quelles que soient leurs
caractéristiques. Une guerre propre, en quelque sorte, avec un minimum de dommages collatéraux. Mais pour
cela, il est essentiel d'identifier la cible à atteindre. C'est pourquoi nous devons trouver les bons biomarqueurs
visibles, accessibles, et qui soient présents dans les tissus cancéreux et ceux qui les environnent, mais absents
dans les tissus sains… »
Les chercheurs liégeois, qui ont déjà développé et breveté une technique innovante pour découvrir de tels
biomarqueurs accessibles, proposent par ailleurs des techniques pour en augmenter la visibilité. « Au fil de
nos recherches, notre attention a été attirée par l'asporine, une molécule dont l'un des variants avait déjà été
mis au jour par une équipe japonaise, et qui était impliqué dans des maladies articulaires comme l'arthrite.
Mais dont son rôle ou son implication dans le cancer étaient jusqu'à ce jour inconnus…»
Mur protecteur…
L'asporine a alors rapidement été identifiée comme un élément essentiel pouvant intervenir dans la lutte contre
le cancer du sein triple négatif. « Cette molécule est produite par les fibroblastes du stroma du sein, lorsque
des cellules cancéreuses essayent de se développer. L'asporine joue ainsi le rôle de mur protecteur pour
empêcher les cellules cancéreuses de proliférer, d'envahir les tissus sains et de former des métastases. Le
stroma essaie donc de nous protéger, mais certaines cellules cancéreuses parviennent à le forcer à collaborer
pour favoriser leur prolifération. C'est le cas des cellules malignes les plus agressives, mais pas n'importe
lesquelles : nous avons observé que, contrairement à ce qui se passe en présence de cellules cancéreuses
positives aux récepteurs hormonaux, les cellules cancéreuses 'triple négatives' et HER-2+ peuvent donner
l'ordre aux cellules normales du sein d'arrêter de produire l'asporine, afin de leur laisser champ libre pour leur
prolifération. Elles vont alors pouvoir envahir le sein et former des métastases, même à distance. C'est ce qui
explique l'agressivité de ce type de cancer. »
En effet, la production d'asporine n'est pas empêchée dans les cancers hormonodépendants : chez les souris,
on constate que leur taux est quatre fois supérieur à ceux des souris qui ont un cancer du sein triple négatif
ou HER-2+… Et une étude examinant la survie de 375 patientes atteintes d'un cancer triple négatif sur une
période de 25 ans montre que le taux de survie est 42% moindre chez celles qui présentent des taux d'asporine
faibles…
Un traitement existe !
Le mécanisme de ce travail effectué par les cellules cancéreuses triple négatives a été démantelé par
l'équipe du Laboratoire de Recherche sur les métastases (notamment le Dr Pamela Maris, premier auteur
de l'article) en collaboration avec les médecins du CHU de Liège, notamment le Pr Eric Lifrange et le Dr
Pino Cusumano du service de sénologie, le Dr Sylvie Maweja du service de chirurgie, le Pr Guy Jérusalem
du service d'oncologie et le Pr Philippe Delvenne du service de Pathologie. « Il s'agit d'un véritable effort
collaboratif de recherche translationnelle sans lequel ce travail n'aurait pas pu exister », insiste le professeur