REFORME POLITIQUE: LA DIMENSION SOCIALE
SEMAINE 3: JOUR 1
UNE INTRODUCTION A L'ECONOMIE DE GENRE: LES FEMMES DANS LE
MENAGE
Par Kirsten Friis-Jensen et Noman Kanafani, Université Royale Agricole de
Copenhague
TABLE DES MATIERES
1. INTRODUCTION
2. CONCEPTS CLE
2.1. Le ménage
2.2. Reproduction et production
2.3. Division du travail par genre versus par sexe
2.4. Le travail salarié versus le travail non salarié
2.5. Production de culture de rente versus culture vivrière
2.6. Harmonie versus conflit d'intérêt dans le ménage
3. LE GENRE DANS L'ANALYSE ECONOMIQUE
3.1. La nouvelle économie domestique
3.1.1. Le modèle de gain de capital humain
3.1.2. La fonction d'utilité du ménage
3.2. La thèse boserupienne
3.2.1. Les système agricoles de Boserup
3.2.2. Les liens entre les systèmes agricole et le genre
3.3. Les limites du modèle
4. L'INFLUENCE DE LA REFORME POLITIQUE SUR LE GENRE
4.1. La promotion des culture de rente
4.1.1. Les cultures de rente et les avantages comparatifs homme – femme
4.1.2. Les cultures de rente et les systèmes agricoles
4.2. La nouvelle technologie
5. REMARQUES DE CONCLUSION
6. QUESTION DE DISCUSSION
ANNEXE: LES SYSTEMES AGRICOLES DE BOSERUP
BIBLIOGRAPHIE
1. INTRODUCTION
Le but de ce chapitre est d'investiguer la dimension du genre au sein de l'analyse
économique au niveau micro. L'intention est de voir comment différentes mesures de
réforme politique peuvent affecter les hommes et les femmes différemment.
Les économistes aiment voir leur discipline comme une discipline "sans genre". Nous
pensons rarement aux hommes et aux femmes quand nous utilisons des outils économiques
d'analyse. Ceci est particulièrement vrai parce que la théorie économique conventionnelle
prend les "individus" comme l'unité de base de l'analyse. Cependant, cet "individu" a
toujours été appelé "l'homme économique", en tant que "il". Et le "il" est devenu un terme
institutionnalisé, synonyme d'être humain. Les féministes, cependant, voient ce fait
comme un symptôme du biais masculin enraciné dans l'économie.
Prendre les individus comme la principale unité de prise de décision ne signifie pas que les
économistes ignorent la famille comme institution sociale de base. Il est vrai que la théorie
ne porte presque aucune attention aux relation et transactions économiques qui prennent
place au sein de la famille. Mais la principale responsable en est l'hypothèse implicite de
la théorie conventionnelle que l'intérêt de la famille, en tant qu'unité, est en harmonie avec
les intérêts de chacun de ses membres. Par conséquent, les économistes ignorent souvent
ce qui se passe réellement au sein des ménages. Le ménage demande des ressources, les
transforme en services et les offre à la vente sur le marché. Le processus de transformation
ainsi que de distribution des bénéfice se passe sans conflit. L'économique traditionnelle
voit le ménage comme une unité fonctionnant sans problème, dans laquelle l'utilité et les
préférences de tous les participants sont satisfaites selon une distribution qui fonctionne
bien et où un équilibre est maintenu entre les besoins et contraintes de la famille. Cette
hypothèse implicite, et irréaliste, présente la famille comme une institution quelque peu
mystérieuse, une "boîte noire", et elle aide à déguiser le biais masculin, intentionnel ou
non. Il est certain que beaucoup d'économistes ont été totalement choqués quand ils ont été
accusés d'être des "machistes"!
Bien que beaucoup de choses aient évolué depuis lors, il n'est cependant pas possible
d'affirmer que nous savons maintenant tout ce qu'il faut savoir sur cette "boîte noire". Le
processus pour observer à l'intérieur de celle-ci a été graduel et lent. Il a commencé avec
les articles de Mincer (1962) et Becker (1965) qui se sont concentrés sur l'allocation du
temps des femmes. Ces articles ont rendu les économistes conscients de la dimension du
genre dans la théorie et du conflit possible entre la famille et ses membres individuels: càd
la question concernant la volonté de l'individu de maximiser le bien-être de la famille (Blau
et Ferber, 1986). Cependant, la première analyse basée empiriquement sur la participation
des femmes dans la force de travail, avec ses liens avec l'évolution des systèmes
d'exploitation, n'est pas apparue avant 1970. Elle a été entreprise par Ester Boserup qui a
tenté de corréler ce processus d'évolution avec la croissance de la population et le
changement technologique dans les pays moins développés (PVD).
Ce chapitre va se concentrer sur les relations intra-ménage. Le but est d'observer l'effet de
ces relations sur les options qu'ont les hommes et des femmes pour devenir pleinement
intégrés dans le système économique au sein de l'environnement agricole dans les pays en
voie de développement. Il a été suggéré que les différences de genre sont plus faciles à
exposer au sein de ce cadre de travail. C'est parce que dans les systèmes économiques
beaucoup de tâches domestiques ont été transférées en biens semi-publics ou
commercialisés (tels que les jardins d'enfants, les supermarchés, les homes pour personnes
âgées, les hôpitaux, etc.), la différence entre les options économiques des hommes et des
femmes devient moins claire. Il est important de garder à l'esprit cependant que de telles
différences d'option existent aussi dans les économies développées – c'est seulement une
affaire d'étendue et de degré de clarté.
Nous allons commencer par introduire certains concepts clé avant d'introduire deux
modèles de ménage différents qui tentent de regarder dans la "boîte noire". Après une
courte évaluation de ces modèles, nous allons voir comment certains instruments de la
réforme politique peuvent mener à différents effets sur les hommes et les femmes, selon les
approches théoriques adoptées. Finalement, nous allons terminer en résumant le chapitre
et en tirant certaines conclusions.
2. CONCEPTS CLE
2.1. Le ménage
Le ménage dans ce chapitre est soit une famille nucléaire, qui est une "coalition" de deux
agents adultes (homme et femme) et un ou plus agents dépendants (enfants), ou un ménage
consistant en un homme et deux femmes ou plus et leurs enfants. Ces deux types sont
distincts de la famille étendue où le nombre d'agents adultes est plus grand et les relations
familiales sont plus larges (parents, tantes, oncles, cousins, etc.). Ils est clair que la famille
étendue est une unité moins appropriée pour l'analyse au sein de l'environnement rural dans
les pays en voie de développement. Cependant, puisque notre préoccupation centrale est
les relations entre genres, et puisque accroître le nombre d'agents adultes va compliquer
l'analyse, nous allons utiliser les définitions précédentes du ménage/ famille comme
référence de travail. En réalité, la nature des relations économiques entre hommes et
femmes change seulement un peu dans les différentes structures familiales.
Naturellement, la famille en tant qu'institution sociale n'existe pas seulement pour des
raisons économiques. Cependant, notre préoccupation sera exclusivement cela, càd l'effort
de la théorie économique pour comprendre et justifier l'existence et le fonctionnement de
cette institution sociale dans une dimension économique.
2.2. Reproduction et production
Le temps de tout individu est habituellement divisé en travail et non-travail. Le temps
passé à travailler, contrairement au temps de non-travail, génère un revenu. Le temps de
non-travail, d'autre part, peut être divisé en deux fractions: le temps pour les tâches
domestiques et le temps de loisir. L'économie a peu à dire sur le temps de loisir, tandis que
le temps de travail et le temps passé aux tâches domestiques sont tout à fait pertinents. On
les appelle également temps de production et de reproduction respectivement.
La production implique toutes les activités qui génèrent un revenu présent ou futur. Dans
l'agriculture, cela implique typiquement du temps passé à la production de cultures
vivrières et de rente, à l'élevage, à la volaille, au tissage, à l'artisanat et au travail extérieur
à la ferme.
La reproduction se réfère aux différents types d'activités incluant la reproduction
biologique (naissance et soins aux nourrissons), la reproduction générationnelle (éducation,
socialisation et formation des enfants) et entretien journalier du ménage, incluant le
ramassage du bois et de l'eau, la cuisine, le nettoyage, la couture, les soins aux malades et
ainsi de suite.
La distinction entre les activités productives et reproductives est significative, parce qu'on
suppose souvent que seul le travail productif a une valeur économique. Ceci implique soit
que les femmes ne travaillent pas, soit que leur travail soit inférieur dans un sens
économique. Il est clair que l'existence du ménage dépend de l'interaction entre les
activités masculines et féminines puisque, à la fois les activités productives et
reproductives doivent être effectuées.
Comme le travail reproductif, dans les traitements traditionnels, n'a pas de valeur
économique, il apparaît rarement dans les statistiques et enquêtes nationales. Cependant, il
est tout à fait possible d'assigner des prix shadow au loisir et aux temps de reproduction et
de les incorporer dans les comptes nationaux ainsi que dans les statistiques familiales. La
valeur du temps passé au non-travail peut être estimée comme le revenu certain dû au non-
travail, et plusieurs activités reproductives résultant en bien et services qui auraient
autrement été achetés sur le marché. Mais même quand cela est fait, le travail des femmes
sera sous-estimé. C'est parce que les domaines typiques de travail féminin payent moins
par heure en comparaison aux tâches productives masculines. Les femmes sont donc
supposées travailler plus d'heures pour égaliser le revenu de l'homme dans le ménage.
Une autre différence entre le travail des hommes et des femmes, qui rend les calculs encore
plus durs, se réfère à la nature de l'allocation de temps. Les hommes remplissent leurs
tâches en faisant une chose à la fois et leur journée de travail s'arrête quand ils ont réali
leur part des activités productives. Les femmes, au contraire, travaillent au sein du ménage
et leurs tâches se chevauchent souvent. Elles mènent habituellement plus d'une tâche à la
fois. Et puisque leurs responsabilités sont nombreuses et continues, la frontière entre leur
travail et leur loisir est souvent peu claire et probablement non existante.
2.3. Division du travail par genre versus par sexe
Il n'est pas nécessaire de préciser que la distinction plus haut entre la production et la
reproduction reflète aussi la division standard entre l'utilisation du temps des hommes et
des femmes. Ceci est cependant principalement dû à la différentiation du genre plutôt que
du sexe entre hommes et femmes, càd que c'est dû à des biais et à une discrimination plutôt
qu'à une différence biologique entre les hommes et les femmes. A part la reproduction
biologique, toutes les activités mentionnées plus haut peuvent en principe être menées par
toute personne indépendamment de son sexe. Le terme "genre" est donc utilisé en vue de
décrire l'allocation socialement définie des tâches entre hommes et femmes. Il s'ensuit que
les domaines typiques de travail des hommes et des femmes sont définis différemment
dans des cultures différentes, et que la division par genre du travail change avec le temps.
2.4. Le travail salarié versus le travail non salarié
La division traditionnelle du travail ne signifie pas seulement que les hommes sont
habituellement responsables de la production et les femmes des tâches de reproduction,
mais aussi que le travail productif des femmes n'est souvent pas comptabilisé. Les femmes
rurales entreprennent des activités productives qui sont complémentaires aux activités
masculines traditionnelles: le désherbage et la récolte sont souvent menés par les femmes
et les enfants, mais ils sont habituellement comptés comme travail non salarié. Ceci
signifie que toute la famille est impliquée dans les activités productives, mais le paiement
final va souvent être reçu par le mari. Les femmes sont également responsables de
produire pour la consommation domestique du ménage (légumes, œufs, vêtements, nattes,
briques pour les réparations de la maison, etc.). Ils est clair que ces activités sont substituts
à l'achat de biens, mais elles ne sont probablement pas prises en compte. Typiquement, les
femmes mènent ces responsabilités en même temps que toutes les tâches de reproduction
citées plus haut.
Il est important de noter que, bien que la contribution principale des femmes soit dans le
domaine de la reproduction et du travail non salarié, elles ont souvent leurs propres
activités de production qui leur apportent un revenu propre. Celles-ci sont typiquement
liées à la commercialisation du surplus de la production alimentaire domestique et de
l'extension du travail domestique, tel que le nettoyage et la lessive pour les autres
personnes, en même temps que beaucoup l'artisanat.
2.5. Production de culture de rente versus culture vivrière
Il est également important, au sein du contexte agricole, de distinguer les cultures de rente
et les cultures vivrières. La production de cultures de rente (sucre de canne, cacao,
arachides, coton, ananas, etc.) est entreprise par les fermiers pour recevoir un revenu
liquide. Les cultures vivrières d'autre part sont produites principalement pour satisfaire les
besoins de base du ménage et le surplus est habituellement vendu sur le marché local pour
générer un revenu supplémentaire pour le ménage.
La plupart des différences dans les méthodes de production et la productivité entre ces
deux cultures est un résultat de la différence substantielle dans la recherche et le
développement (R&D) menés par les agences nationales et internationales. La production
de culture de rente est typiquement vue comme un input important de l'industrie et un
contibuteur significatif à la balance des paiements. Elle reçoit, de là, beaucoup de support
et d'attention publique. Les intérêts commerciaux dans la production de rente sont
également grands puisqu'elle requiert un input manufacturé (pesticides, engrais, et
semences de variétés à haut rendement). Ces facteurs expliquent l'implication relativement
intensive publique et commerciale dans les cultures de rente en vue d'augmenter à la fois la
demande d'inputs et la productivité des fermiers.
La production de culture vivrière reçoit, au contraire, bien moins d'attention, probablement
parce que cette production est typiquement basée sur les inputs produits localement (gains
de la récolte de la dernière année, fumier animal et désherbage manuel). La production de
culture vivrière se repose souvent sur la connaissance et la pratique traditionnelle et le
cycle tourne indépendamment des intérêts publics et commerciaux. De plus, les ventes de
surplus prennent habituellement place sur les marchés informels qui typiquement ne sont
pas incorporés dans les statistiques et enquêtes nationales. La conséquence est que la
production et la productivité des cultures vivrières augmente à une vitesse plus lente que
celles des cultures de rente, et l'écart de productivité entre elles s'élargit continuellement.
Il existe aussi une différentiation claire entre genres dans les responsabilités par rapport à
cette division de culture. Tandis que les homme sont typiquement impliqués dans la
production de cultures de rente, les femmes sont habituellement responsables des cultures
vivrières domestiques.
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