Richard le guerrier :
- Premières armes de Richard
Dès sa jeunesse, Richard Cœur de Lion fut éduqué comme un guerrier.
La guerre était l’une des fonctions de la noblesse, surtout en cette seconde
moitié du XIIème siècle culture nobiliaire et culture chevaleresque se
mêlèrent peu à peu.
- Le « Cœur de Lion » :
Richard connut ses premiers conflits à l’âge de 16 ans, alors qu’il était duc
d’Aquitaine. En 1173, il se révolta contre son père Henri II aux côtés de son frère Henri le
Jeune. Désigné comme successeur d’Henri II, Henri le Jeune n’avait pourtant reçu aucun fief.
Il semble qu’Aliénor ait également comploté pour dresser ses fils contre le roi d’Angleterre.
La révolte, malgré le soutien de nombreux seigneurs angevins, poitevins et aquitains, ainsi
que celui du roi de France Louis VII, échoua. Les armées rebelles furent toutes repoussées par
Henri II, en Normandie, en Aquitaine, et même en Ecosse. La victoire d’Henri II fut totale,
Richard et ses frères se réconcilièrent avec leur père et lui jurèrent de nouveau fidélité.
Le roi chargea alors son fils Richard de pacifier les seigneurs rebelles de l’Aquitaine.
C’est pourquoi Richard se retourna contre les seigneurs en révolte contre son père, qui
l’avaient pourtant soutenu quelques mois auparavant. Il mena des campagnes dans la région
toulousaine et en Gascogne, mais aussi dans l’Angoumois et en Limousin. Le Vicomte
Adémar, ou Aimar, de Limoges, qui avait été son allié contre son père Henri II, devint
désormais un adversaire implacable. Il triompha des barons limousins et angoumois à la
bataille de Saint Maigrin en Mai 1175, la première à laquelle il participa.
Il tenta ensuite de pacifier le Limousin et
l’Angoumois pour consolider sa victoire. Le vicomte de
Limoges et le comte d’Angoulême Guillaume Taillefer
furent alors envoyés en Angleterre demander le pardon
du roi Henri II à la fin de l’année 1176. Richard alla
ensuite en Gascogne et au Pays Basque il mata des
seigneurs brigands qui rançonnaient les pèlerins se
rendant à Saint Jacques de Compostelle. Il commit
ensuite l’imprudence, peut-être calculée, de débaucher
ses mercenaires à Poitiers, lesquels pillèrent et
massacrèrent, ravageant ainsi le Limousin. La population
excédée fut obligée de lever des « milices de paix » qui
exterminèrent les mercenaires à la bataille de Malemort
en Avril 1177.
Ce fut durant cette période, après les prises d’Agen et de Castillon en 1175, que
Richard montra ses qualités de chef de guerre et de chevalier, recevant son surnom de « cœur
de lion », en hommage à son courage mais aussi à sa férocité et peut-être à sa cruauté. Il se
tailla tantôt une réputation de chevalier modèle, brave et humble, tantôt une réputation de
brutalité. Cet aspect versatile de son caractère lui valut également le surnom de « oc e no », en
langue d’oc, c'est-à-dire « oui et non », donné par le chevalier troubadour Bertran de Born.
Chevaliers (miniature du XIIème siècle, BNF (Nvlle
acquisition latine 710).
- Des conflits familiaux :
Durant les années qui suivirent, Richard participa à de nombreux conflits féodaux dans
son domaine d’Aquitaine. Les barons du duché n’eurent de cesse de se révolter, notamment
les comtes d’Angoulême et les vicomtes de Limoges. La révolte grondait en Limousin, et
Richard, parfois accompagné de son père, dut mener plusieurs campagnes de pacification
dans la région.
Henri le Jeune finit par se révolter à nouveau contre son père, rallié par son frère
Geoffroy. Ils parvinrent à rallier également les barons rebelles d’Aquitaine et du Poitou. Ils
ravagèrent ainsi le Limousin, le Périgord et le Poitou, pillant et commettant de nombreuses
exactions. Richard, disposant du renfort de son père, mena
une campagne en Limousin et soumit ses vassaux rebelles à
nouveau. C’est à ce moment que tout changea pour Richard.
Son frère aîné, Henri le Jeune, mourut prématurément en
1183, de maladie. La guerre avec ses frères prit fin et Richard
Cœur de Lion se retrouva alors l’héritier du trône
d’Angleterre.
Mais son père Henri II se méfiait de Richard et tenta
de lui retirer l’Aquitaine afin de la confier à son autre fils
Jean qui n’avait reçu aucun fief. Courroucé, Richard reprit à
son compte les revendications de son frère défunt et entra en
conflit avec Jean, considérant qu’il tenait l’Aquitaine de sa
mère et donc que son père n’avait pas de pouvoir sur elle.
C’est à ce moment que Richard recruta le capitaine mercenaire Mercadier, qui devint un de
ses plus fidèles lieutenants. Richard se démarqua par l’emploi de nombreux mercenaires, ce
qui ne fut pas sans conséquences pour les populations locales, tant ces troupes étaient
violentes et prédatrices. L’Eglise avait tenté à plusieurs reprises de limiter les déprédations de
ces bandes de mercenaires, tout comme l’usage de l’arbalète, arme meurtrière également
affectionnée par Richard.
- Le début de la lutte contre les Capétiens :
Ce fut à ce moment que le roi de France, Philippe Auguste, récemment couronné,
s’impliqua dans le conflit à l’intérieur de la famille Plantagenêt. Il appliqua une stratégie de
division, soutenant un camp et un autre, affaiblissant ainsi ses dangereux rivaux.
Dans ce contexte Geoffroy se mit à revendiquer l’Anjou en plus de la Bretagne dont il
était duc par mariage. Soutenu par Philippe Auguste, il se réfugia à la cour de France. Il se lia
d’amitié avec le roi aux fleurs de lys mais mourut piétiné par des chevaux lors d’un tournoi en
1186. Philippe Auguste commença alors à attaquer la Normandie et le Berry. Il prit comme
prétexte le fait qu’Aélis, sa sœur, aurait du être mariée à l’un des fils d’Henri II depuis
longtemps. Le roi d’Angleterre avait laissé trainer l’affaire tout en conservant la dot. Il semble
en réalité qu’Henri II avait fait de la jeune Aélis sa concubine. Seule la perspective d’un
départ en Croisade, après l’annonce de la prise de Jérusalem par les musulmans, imposa la
paix entre les deux souverains.
Mais la Croisade tarda à s’organiser, et de nouvelles révoltes eurent lieues en
Aquitaine. Richard fut obligé d’aller rétablir l’ordre. A cette occasion, il entra en conflit avec
Raymond de Toulouse et alla assiéger ses châteaux dans le Quercy. Philippe Auguste,
Chevaliers (« bataille entre les francs et les
turcs » dans La Chanson d’Antioche, manuscrit
du XIIIème siècle, BNF).
suzerain du comte de Toulouse, prit le parti de son vassal et le conflit entre le Capétien et les
Plantagenêt menaçait de reprendre.
C’est Richard qui servit d’intermédiaire
pour garantir la paix. En lui laissant entendre
qu’Henri II ne comptait pas le laisser lui
succéder, Philippe Auguste le rallia à sa cause,
et ils s’allièrent contre le roi d’Angleterre. Ils
menèrent des campagnes victorieuses en
Normandie et dans le Berry. La défaite d’Henri
II semblait inéluctable, et il s’enfuit vers son
château de Chinon, poursuivis par Richard et ses
chevaliers. Guillaume le Maréchal, chevalier
éternellement loyal au vieux roi, protégea la
fuite de celui-ci en abattant le cheval de
Richard. Quelques mois plus tard, Henri II
mourut.
Richard, le roi :
C’est ainsi que le 3 Septembre 1189, Richard Cœur de Lion monta sur le trône
d’Angleterre. Il fut couronné lors d’une grande cérémonie à Westminster. Son couronnement
fut marqué par la ferveur religieuse qui embrasait l’Europe à ce moment, et les préparatifs de
départ en croisade se multiplièrent. Ses frères morts, excepté Jean, il hérita de l’ensemble des
domaines de son père, à savoir l’Angleterre, le duché de Normandie, le comté d’Anjou, le
comté de Poitiers, le duché d’Aquitaine. La Bretagne, dont le duc était Arthur, son neveu, fils
de Geoffroy, lui était également fidèle. Grâce aux actions diplomatiques d’Aliénor
d’Aquitaine, les barons fidèles au roi défunt se rallièrent également à Richard. Celui-ci vit
ainsi son pouvoir être quasiment incontesté dans tous les domaines Plantagenêt, excepté dans
le Limousin et en Angoumois.
Ses Compagnons d’arme :
-Guillaume le Maréchal, l’archétype du chevalier:
Guillaume naquit vers 1145 en Angleterre. Il était le fils de Jean le Maréchal et de
Sybille de Salisbury. Sa famille était une petite lignée de chevaliers anglo-normands au
service des rois d’Angleterre. Ce surnom de « Maréchal » venait du grand père de Guillaume,
Gilbert le Maréchal, qui reçut ce titre héréditaire alors qu’il servait à la cour du roi Henri Ier
Beauclerc.
Suite à ses premiers exploits, il entra au service du roi d’Angleterre Henri II. Il fit
preuve d’une telle bravoure et d’un tel talent dans le métier des armes, que le roi le chargea de
l’éducation et de l’entrainement de son fils aîné : Henri le Jeune. Il est probable qu’il fut
également l’un des maîtres d’arme de Richard Cœur de Lion. Guillaume s’illustra dans de
nombreux tournois qui à l’époque prenaient la forme de véritables petites batailles, à tel point
qu’Henri II avait tenté de les interdire dans ses domaines. S’assurant une réputation très
favorable en France comme en Angleterre, Guillaume le Maréchal devint célèbre.
Il resta au service d’Henri le Jeune, frère et fils du roi Henri II même lorsque celui-ci
se révolta contre son père le roi en 1174. La vie de Guillaume le Maréchal fut bien révélatrice
de la complexité du système féodal de l’époque. Guillaume était au service d’Henri le Jeune,
Philippe Auguste et Richard Cœur de Lion (Miniature de
Guillaume de Tyr, historia, XIIIème siècle BNF).
mais par les mécanismes de vassalité et de suzeraineté, il était également vassal d’Henri II.
C’est ainsi que Guillaume fut tiraillé entre ses diverses allégeances. Il choisit le parti d’Henri
le Jeune, mais pas sans avoir demandé à Henri II la permission de se ranger du côté de son fils
rebelle !
Cette loyauté indéfectible de Guillaume caractérisait son attitude. Cherchant la
prouesse lors de tournois ou à la guerre, loyal à son seigneur, mais également humble et
courtois, il incarnait ainsi les valeurs d’une chevalerie qui s’affirmait de plus en plus dans la
seconde moitié du XIIème siècle.
En 1183, Henri le Jeune mourut. Guillaume escorta lui-même le retour de son corps à
Rouen. Suite à cet évènement, il partit en Terre Sainte. Il retourna en Europe en 1187, peu
avant la bataille d’Hattin en 1188, qui provoqua la chute de Jérusalem aux mains des
musulmans, et qui fut à l’origine de la Troisième Croisade.
Henri II, impressionné par la bravoure et la loyauté du chevalier, l’engagea à son
service et lui donna le fief de Cartmel dans le Lancashire en Angleterre. Issu d’une petite
famille de chevaliers, Guillaume entra donc ainsi peu à peu dans l’aristocratie des seigneurs
terriens. Il resta cependant « bâchelier », chevalier non marié au service d’un seigneur,
jusqu’à ses cinquante ans.
Pendant les conflits internes des Plantagenêt, Guillaume le Maréchal fut l’un des
derniers à demeurer fidèle au vieux roi Henri II. Une fois que Richard Cœur de Lion se
retrouva roi d’Angleterre, malgré la loyauté indéfectible qu’il avait montrée pour son père, il
pardonna à Guillaume. Il lui confirma le mariage avec Isabelle de Clare, comtesse de
Pembroke et de Buckingham, dite la « pucelle de Striguil ». Par ce mariage, Guillaume le
Maréchal, chevalier bachelier, devint l’un des plus puissants barons d’Angleterre : son épouse
lui amena le comté de Pembroke, la moitié de celui de Longueville et près du quart de
l’Irlande.
Par la suite, Guillaume servit Richard Cœur de Lion lors de sa guerre contre Philippe
Auguste, puis son frère Jean, après sa mort. Lui-même mourut le 14 Mai 1219. En apprenant
sa mort, le roi de France Philippe Auguste honora sa mémoire en le qualifiant de « meilleur
chevalier du monde ». Il incarna en effet les valeurs chevaleresques d’une société en pleine
mutation à la charnière des XIIème et XIIIème siècles.
-Mercadier :
Mercadier était un mercenaire du XIIème siècle. On connaît peu de chose sur sa vie,
mais il fut l’un des plus indéfectibles serviteurs de Richard Cœur de Lion. On ne connaît rien
de lui avant 1183. A cette date, il était réputé être le chef de Brabançons. Les Brabançons
étaient des troupes de mercenaires qui se vendaient dans tout le royaume de France. Ils
avaient une sinistre réputation car une fois débauchés par leurs employeurs, ils avaient
l’habitude de se nourrir sur le pays, en ravageant villes et villages par des rapines, pillages et
atrocités. On les appelait également les « écorcheurs » en raison des monstrueuses exactions
qu’ils commettaient parfois. « Brabançons » était un terme générique désignant ces
mercenaires qui étaient issus de diverses origines. Malgré leur réputation, ils étaient
régulièrement employés par les rois et les grands seigneurs féodaux.
Mercadier suivit et soutint Richard dans toutes ses campagnes. De 1190 à 1192, il
partit en croisade à ses côtés. Après la libération de Richard par l’empereur allemand, il
rejoignit de nouveau son armée et participa au conflit contre le roi de France. En récompense
de sa loyauté, Richard accorda à Mercadier les terres laissées par Adhémar de Beynac, en
Périgord, après que celui-ci soit mort sans héritier. En Février 1199, Richard Cœur de Lion
donna de nouveau à Mercadier la mission d’aller pacifier le Limousin. Mercadier, sur ordre de
Richard, mena ses routiers à Châlus dont il assiégea le château. Le roi l’y rejoignit et mourut
du carreau d’arbalète qui lui fut tiré.
A la mort du roi, Mercadier resta par la suite au service du nouveau roi d’Angleterre,
Jean Sans Terre, frère de Richard, et ravagea l'Aquitaine ainsi que la ville d'Angers. Le 10
Avril 1200, un lundi de Pâques, il fut assassiné à Bordeaux par un homme de main de
Brandin, un capitaine mercenaire rival, également au service de Jean. Un des ponts de
Château Gaillard, en Normandie, portait son nom, moignant de l’affection que lui portait
Richard.
- L’épanouissement de la chevalerie
Les premiers conflits auxquels participa Richard Cœur de Lion prirent place à une
période s’affirmait une catégorie particulière de combattants : les chevaliers.
Emblématique du Moyen Age, la chevalerie fut aussi liée à cette époque comme l’était le
château-fort ou le troubadour. Imaginé comme un noble guerrier défendant la veuve et
l’orphelin, la réalité du chevalier était, comme toujours, plus complexe et plus nuancée.
Richard Cœur de lion, perçu et se revendiquant comme un véritable « roi-chevalier », a
beaucoup contribué à la diffusion des valeurs de la chevalerie.
-Qu’est-ce qu’un chevalier au XIIème siècle ?
Le mot « chevalier » est bien évidemment construit sur « cheval ». Un chevalier était
donc un combattant à cheval, et suffisamment riche pour en posséder un, voire plusieurs.
C’est au Xème siècle que le terme de « Miles » (plur. Milites), commença à être utilisé pour
désigner uniquement les guerriers à cheval, et non plus l’ensemble des combattants. Ces
guerriers d’un nouveau genre s’étaient constitués en « mesnies » autour des seigneurs
féodaux, composant leur entourage. C’est au XIIème siècle qu’ils devinrent une véritable
institution, se mêlant avec la noblesse.
Un chevalier était avant tout un combattant
lourd à cheval. Les montures et l’armement d’un
chevalier étaient fort couteux. Seule l’appartenance à
une famille noble, les faveurs d’un seigneur,
pouvaient permettre d’acquérir cet équipement. De
plus, les chevaliers étaient des combattants d’élite,
entrainés depuis leur plus jeune âge au combat à
l’épée, à l’équitation, à la joute, ainsi qu’à porter et à
se mouvoir avec les lourdes cottes de mailles.
Un chevalier ne pouvait pas avoir d’autres
activités, au XIIème siècle, que la guerre et
l’entraînement à la guerre. En revanche, des
« chevaliers-paysans », qui pratiquaient par ailleurs
une activité agricole, existèrent durant les premiers
temps de la chevalerie. Tous les chevaliers au XIIème
siècle n’étaient pas nobles. Certains étaient des
Chevalier du XIIème siècle (Job avertis du massacre
Miniature d’une Bible du XIIème siècle, BNF).
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