alimentation 71% FR­­C magazine AVRIL 2009 NO 17 L’économie réalisée à l’achat de petits beurres Aldi contenant plus de beurre que ceux de Kambly. «La composition des produits à bas prix à base de viande fait peur» Esther Guex, diététicienne diplômée Aliments bon marché Notre test révèle quelques cauchemars nutritionnels, mais aussi une série Enquête: Aline Clerc, Anne Onidi E ntre un produit premier prix et une marque de référence, la différence de prix saut aux yeux: deux, trois voire quatre fois moins cher. Les économies sontelles réalisées au détriment de l’équilibre alimentaire? C’est ce que nous avons voulu vérifier grâce à un test réalisé sur 106 produits. Chacun des vingt et un aliments Aldi, Denner, Prix Garantie et M-Budget a été comparé un produit de référence (une marque ou une marque de distributeur). Les produits ont été examinés sur la base de la liste des ingrédients et des données nutritionnelles. Pour les produits contenant plus de 10% de lipides, le profil des graisses a été analysé en laboratoire. Les résultats par catégories de produits sont présentés en pages 22 et 23. Ce test portant sur la qualité nutritionnelle, aucune évaluation gustative n’a été réalisée. Les méthodes permettant d’offrir ces produits à des prix si bas n’ont pas non plus été étudiées. Si la rationalisation de la production (achats et fabrication en masse) ainsi qu’une marge commerciale moins élevée permettent d’abaisser les coûts, l’offre en produits à bas prix exerce également une pression sur les fournisseurs et les employés. Attention aux grands emballages La différence de prix unitaire (prix par litre ou par kilo) entre la moyenne 20 M-Budget, Prix Garantie, hard discounters, que valent les gammes à bas prix du point de des produits à bas prix et la référence varie entre 26% (lait entier UHT) et 267% (chocolat au lait), la moyenne se situant à 117%. Pour en bénéficier, le consommateur doit souvent acheter de plus grandes quantités, des écono- alimentation FR­­C magazine AVRIL 2009 NO 17 40% Jusqu’où peut aller la diminution des coûts pour la fabrication et le conditionnement de lait à bas prix. Dans notre échantillon de produits, M-Budget et Aldi sont ceux qui comptabilisent le plus d’exhausteurs de goût. La qualité est variable de produits offrent d’excellents rapports qualité -prix. emballages de grande taille incitent à consommer de plus grandes quantités, ce qui n’est pas souhaitable pour des aliments très sucrés ou très gras comme par exemple les chips. La quantité et la qualité des graisses influencent la valeur nutritionnelle. Les acides gras poly- et monoinsaturés, présents par exemple dans l’huile de colza et d’olive, doivent être préférées aux acides gras saturés présents dans les graisses animales et dans les huiles de palme ou de coco. Les analyses du profil des graisses n’ont pas montré de différences significatives, sauf pour les margarines (cf. page suivante). Quant aux acides gras trans, les plus nocifs pour la santé, leur teneur est limitée à 2% de la matière grasse végétale depuis 2008. Bonne nouvelle, toutes les margarines et les chips analysées présentent des valeurs inférieures à 1%. ARC/Jean-Bernard Sieber La provenance compte aussi vue nutritionnel? mies qui valent la peine uniquement si ces grandes quantités peuvent être consommées avant la date limite. Les La qualité nutritionnelle et le prix ne sont pas les seuls facteurs d’achat. Selon une étude de Sophie Réviron, de l’Observatoire des marchés chez Agridea, 60% des consommateurs seraient attentifs à la provenance suisse des produits. Chez Aldi, 45% des produits de notre échantillon étaient fabriqués en Suisse, contre 75% dans la gamme M-Budget. Quant à la viande, ce sont les produits de référence qui font le plus usage de matière première helvétique, 57% des mentions contre 40% pour les produits premier prix. Pour certains produits comme le lait, les pommes, les carottes ou le pain toast, la qualité nutritionnelle est équivalente et l’économie réalisée ne se fait pas au détriment de la valeur nutritive. Pour d’autres produits qui semblent présenter les mêmes caractéristiques que le produit de référence (margarine, yogourt ou lasagne), le manque d’information sur la qualité des graisses utilisées ou la provenance exacte de la viande (mention Europe) et une liste d’ingrédients à rallonge laissent planer un doute et ne permettent pas d’effectuer un choix en toute connaissance de cause. Quant à la qualité des produits à base de viande, elle est souvent inférieure, car ces aliments contiennent presque tous moins de protéines que la version de référence. Certains des produits à bas prix, s’ils sont choisis intelligemment, peuvent donc alléger utilement le budget. Si vous faites ce choix, n’oubliez pas de comparer les teneurs en protéines et les teneurs en viande. Lisez aussi la liste des ingrédients: préférez les recettes avec un nombre limité de composants et d’additifs, spécialement pour des produits simples comme le yogourt. Les ingrédients sont indiqués dans l’ordre décroissant de leur importance. Enfin, achetez des produits non alimentaires en gamme bas prix, par exemple les films alimentaires (FRC Magazine No 13). Vous réaliserez ainsi des économies sans nuire à la qualité de votre alimentation. A. C. 21 alimentation FR­­C magazine AVRIL 2009 NO 17 Pommes Chicken Nuggets Préparation à base de viande, mais contenant quantité d’autres ingrédients, les nuggets sont par nature différents d’une escalope de poulet: plus gras, plus salés. Surprise, parmi les produits de notre échantillon, la référence (Disney Stars Chicken Zoo) présente la plus faible teneur en viande (49%), contre plus de 60% chez ses concurrents. Dans ce cas, la différence de prix (+48%) ne se justifie pas. Tous les produits sont élaborés en Suisse avec de la volaille brésilienne. Dans les lignes à bas prix, les pommes, de catégorie II, sont vendues par sac de 2,5 kilos pour un prix de 1 fr. 78 le kilo. Dans la gamme standard, on trouve des pommes de catégorie I qu’on peut généralement acheter en libre-service à un tarif fluctuant (4 fr. 20 le kilo chez Coop le 11 février). Nutritionnellement, les catégories I et II se valent – elles ont poussé sur les mêmes arbres, elles se différencient par le calibrage et l’aspect, la catégorie II autorisant des défauts comme des taches de grêle ou des formes inhabituelles. Paul Bertuchoz, de l’Union fruitière lémanique, relève que, «lorsque la production est importante, les grands distributeurs exercent de fortes pressions sur les producteurs pour acheter ces fruits de catégorie II aux prix les plus bas». Farine Quelle différence entre une farine bas de gamme et une farine de qualité? «Leur taux de gluten, qui détermine leur aptitude à lever», répond Pascal Favre, des Moulins de Cossonay. Les farines à bas prix (dites «ménagères» ou «de cuisine») sont produites à partir de blé pauvre en gluten, auquel de l’amidon est parfois ajouté. Elles pourront être utilisées dans la préparation de biscuits, de sauces et de pâte à pizza. Pour obtenir une belle pâte levée (tresse, kougloff, panettone), ni elles ni les farines standards n’égaleront une farine «à tresse», plus riche en protéines. Plats préparés Parmi les plats préparés, trois spécialités italiennes ont été examinées. Pizza au jambon, tortellini ricotta-épinards et lasagne bolognaise de référence affi- 22 chent des teneurs en protéines supérieures à celles de produits à bas prix. Ces derniers se distinguent également par la qualité et la quantité des ingrédients utilisés. La pizza M-Budget ne contient pas de mozzarella mais une préparation au fromage; la lasagne Giovanni Rana (référence) contient 30% de viande (porc et bœuf) contre seulement 8% à 24% dans les lasagnes à bas prix. Pour ce qui est de la ricotta, les tortellini premier prix se distinguent par leur pingrerie: entre 3 et 11% contre plus de 22% pour la référence. alimentation FR­­C magazine AVRIL 2009 NO 17 Saucisse de veau Margarines Attention, tout ce qui ressemble à une saucisse de veau n’en est pas une. M-Budget et Prix Garantie vendent des saucisses à rôtir de couleur blanche au prix de 10 fr. 35 le kilo. A ce prix, elles ne contiennent pas de veau, mais de la viande de porc. La proportion de viande n’est pas indiquée pour le produit Migros, mais n’est que de 45% chez Coop. Parmi les ingrédients restants on trouve du lard, de la glace, de la couenne, des épices et des additifs. Des ingrédients que l’ont retrouve également dans les saucisses d’Aldi et de Denner, qui contiennent 36 et 37% de veau. Cette relativement faible proportion de viande explique que ces quatre saucisses soient deux fois plus grasses que la saucisse Bell de référence (23,75 le kilo), qui présente non seulement 57% de viande de veau, mais également un nombre moins élevé d’ingrédients. Dans ce cas-là, le prix bas se paie par une qualité réduite. Quatre margarines ont été examinées. La composition de la margarine de référence, Rama (7 fr. 80 le kilo) présente un mélange assez équilibré de différentes matières grasses végétales (colza, tournesol, germe de maïs). C’est le produit contenant le moins de graisses saturées. Produit intéressant également, Bellasan, d’Aldi (4 fr. 38 le kilo), est composé principalement d’huile de tournesol avec beaucoup d’acides gras polyinsaturés, mais une composition moins équilibrée que Rama. Les produits les moins chers (4 fr. le kilo), M-Budget et Prix Garantie, sont également les moins intéressants: ils sont les plus riches en graisses saturées et les plus pauvres en graisses polyinsaturées. Si le produit Prix Garantie affiche les matières grasses utilisées (colza, palme et coco), la margarine M-Budget reste muette à ce sujet. Jambon Pourquoi les ersatz de jambon vendus sous le doux nom de «cotto», de produit à base de porc ou encore de la garniture pour toast sont-ils deux fois et demi moins chers qu’un jambon de derrière? Parce que ce ne sont tout simplement pas des jambons, mais des préparations de viande qui n’en contiennent qu’environ 75%. Ils renferment donc plus d’eau, d’épaississants et d’additifs que le produit de référence. Leur teneur en protéines (env. 15 g pour 100 g contre 23 g) s’en ressent. Nutritionnellement, ces produits sont donc peu intéressants. Confiseries, bonbons et snacks Les biscuits «petit beurre», le chocolat au lait, les chips au paprika et la pâte à tartiner aux noisettes semblent assez homogènes au niveau de la qualité nutritionnelle. A relever, point positif, qu’aucun des chocolats à bas prix n’utilise de graisse végétale autre que le beurre de cacao, et qu’Aldi, qui pourtant se vante de vendre des produits suisses, est le seul à proposer un chocolat au lait des Alpes fabriqué... en Allemagne. Quoi qu’il en soit, ce type de produits, riches en graisses et/ou en sucre doivent être consommés avec plaisir et modération. Une raison de préférer non pas le moins cher, mais celui qui plaît le plus au palais. Produits laitiers Le lait entier UHT standardisé (3,5% de matière grasse) est le produit qui affiche la moins grande différence de prix: le produit de référence n’est que 36% plus cher pour une qualité nutritionnelle identique. Qu’il soit vendu à bas prix dans des briques de 2 litres ou au litre dans la gamme standard, le lait provient des mêmes producteurs payés au même prix. Chez Vallait, on explique la différence de prix par des frais de transport et d’emballage moins élevés et par des rabais accordés pour des commandes en grandes quantités. Les bries étudiés ne se différencient pas les uns des autres; ce sont tous des bries industriels fabriqués en France. Quant aux fromages frais (style tartare) et aux yogourts aux fraises, les produits de référence (Tartare et Hirz) présentent une recette plus simple, avec un nombre réduit d’ingrédients, sans amidon modifié ou épaississant. 23 alimentation Coop colle des étiquettes L’étiquetage des valeurs nutritionnelles n’est pas obligatoire en Suisse mais le consommateur a tout de même le droit de savoir ce qu’il mange. Sur ce point, Coop se démarque de ses concurrents. Les étiquettes de la gamme Prix Garantie fournissent les informations les plus complètes de toutes les marques à bas prix testées. Elles sont les seules à donner des repères nutritionnels journaliers. A noter que, sur les 106 produits examinés, seuls deux produits transformés ne comportent pas d’indication des valeurs nutritionnelles: la saucisse de veau Denner et le mythique Nutella, pure huile végétale non identifiée, pur sucre! Chez Aldi, les additifs alimentaires, (identifiables grâce à leur code «E...»), se noient dans la masse des ingrédients. Le produit à base de porc (genre jambon) d’Aldi est ainsi le plus pauvre en porc, avec 75% de viande seulement, mais le plus riche en additifs. On en compte sept! Au chapitre des listes d’ingrédients fantaisistes, Dener remporte la palme du monolinguisme (tout en allemand pour le fromage frais aux herbes) et Aldi celle de la traduction désastreuse digne du «Grand bêtisier» (la «panure sèche» des nuggets de poulet pané devient «panade sèchement»!). FR­­C magazine AVRIL 2009 NO 17 Sucre, sel et graisses Promotion Santé Suisse confirme la surdose Fondation nationale soutenue par les cantons et les assureurs, Promotion Santé Suisse a soutenu une recherche de l’Institut de médecine sociale et préventive de l’Université de Berne dont l’objectif était de comparer les produits des lignes à bas prix de Coop et de Migros aux produits standards de ces enseignes. Ses conclusions rejoignent celles de notre enquête: n L’assortiment des gammes à bas prix ne correspond pas aux recommandations de la pyramide alimentaire. Les sucreries, snacks salés et les protéines (viande, produits laitiers) y sont surreprésentés par rapport aux fruits et légumes. n La qualité nutritionnelle (sel, sucre, graisses, additifs) des produits à bas prix, évaluée sur la base d’une lecture des étiquettes, n’est pas systématiquement moins bonne que la gamme standard, sauf pour le groupe des confiseries et des snacks salés. n La plupart des produits à bas prix sont vendus en portions plus grandes que le produit de référence; cela influence à la hausse la quantité consommée et représente un problème pour les produits gras ou sucrés qu’il faudrait consommer modérément (glaces, biscuits, etc.). www.promotionsante.ch ARC/Jean-Bernard Sieber Bon coût Bon goût? En avril 2005, la FRC testait les qualités sensorielles de produits à bas prix vendus chez Carrefour, Coop, Denner, Manor et Migros. Au menu de cette séance de dégustation: moz-zarella, frites surgelées, confiture d’abricot et limonade aromatisée au citron. Le jury, composé de six testeurs profession- 24 nels et amateurs, jugeait le goût, bien sûr, mais aussi l’apparence, la texture et parfois l’odeur des aliments. Au final, leurs avis ont été homogènes et modérés, oscillant entre «agréable» et «assez désagréable». Le jury a relativement peu aimé les confitures et les frites, des produits industriels qui souffrent cruellement de la comparaison avec leurs équivalents maison. Les mozzarellas ont trouvé grâce auprès de toutes les papilles, et les limonades ont moyennement convaincu des gastronomes peu habitués à consommer ce type de boissons.