Ecologie des communautés de la zone intertidale

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Sylvestre est bête comme ses pieds. Fussent ils bêtes eux-mêmes car Sylvestre était le genre de
personne qu’on appelait communément « smart feet ». En effet, ses extrémités avaient leur volonté
propre et amenaient notre cher ami où bon leur semblaient. La seule chose qu’il maitrisait était les
chaussures dans lesquelles ces maléfiques pieds étaient contenus. Et encore ! Lorsque les souliers ne
convenaient pas à ces derniers, ils grattaient frénétiquement la semelle pour que notre pauvre
Sylvestre en rachète des nouvelles. Malheureusement, c’était une dépense assez couteuse et notre
héros se retrouva bientôt sous les ponts…
ECOLOGIE DES COMMUNAUTES DE LA ZONE
INTERTIDALE ROCHEUSE
Ecologie = étude scientifique des interactions entre les organismes vivants et le milieu, et des
organismes vivants entre eux dans les conditions naturelles. C’est l’étude des mécanismes et
processus qui expliquent la distribution et l’abondance des organismes.
Communauté = ensemble d’individus appartenant à plusieurs espèces et qui occupent un territoire
déterminé et donc susceptibles d’avoir des interactions entre elles.
La communauté est différente de l’assemblage : dans l’assemblage, il n’y a pas forcément
d’interactions entre les espèces.
La zone intertidale est un territoire particulier qui se situe entre le marin pur et le terrestre pur. On
va avoir des cycles d’immersion et d’émersion (= zone de balancement des marées = estran).
On va travailler dans une frange située entre les basses mers de vives eaux (BMVE) et les hautes mers
de vives eaux (HMVE). Au-delà des limites des HMVE c’est la terre et au-delà de la BMVE, c’est la
mer.
Au-delà du coef 120, c’est la mer.
La zone subtidale contient des organismes qui ne sont jamais émergés.
La zone supra littorale héberge des espèces halophytes qui ne sont jamais immergés.
La frange infra littorale abrite des organismes qui peuvent être émergé mais uniquement aux gros
coefficients.
La frange supra littorale abrite des organismes émergés la plupart du temps mais qui sont immergés
aux grandes marées.
La zone médio littorale abrite des organismes qui vont subir des cycles d’immersion.
On va avoir des conditions de vie en dent de scie avec des contraintes assez fortes d’émersion (supra
littoral) et d’immersion ( subtidal), ce qui va provoquer l’installation de différentes communautés en
fonction des différents secteurs. On va avoir une succession d’espèces qui va être visible sur 4
groupes majeurs :
 Mollusques (gastéropodes)
 Crustacés (balanes)
 Algues brunes ou rouges (lignée brune)
 Lichens
La contrainte majeure est le cycle immersion/émersion.
Bon livre sur les zones intertidales  Hawkins et Raffaelli 1996
Universalité de la zonation verticale (= succession d’espèces) :
Cf schéma.
On a des succession de ceintures avec des espèces:
 ceintures à littorines (mangent les lichens)
 à balanes
 à algues dressées
points importants à retenir :
 la zonation verticale est une constante planétaire (organisation spatiale des communautés
conservées)
 la compréhension des forces et des interactions qui déterminent la structure de la
communauté …
Principaux gradients de contrainte observés dans les zones intertidales
1) gradient vertical de la mer à la terre
plus on passe au niveau des basses mers vers les hautes mers, plus on a des conditions de stress
fortes.
Lorsqu’on a des grosses tempêtes, la structure des communautés va être changée (facteur de stress).
 Gradient physique : facteurs liés à l’émersion (quantité de lumière plus importante  flux
quantique plus élevé, température très différente d’un coup), liés à l’hiver et le gel
 Gradient chimique : choc entre passage eau de mer/ eau douce  peut provoquer des chocs
osmotiques et induire la mort des organismes.
 Gradient biologique : pendant l’émersion, ces stress sont liés au mode respiratoire des
espèces (les suspensivores ont un problème à marée basse pour se nourrir) : les organismes
exclusivement marins qui respirent avec de l’oxygène dissous ont du mal à rester émergés
trop longtemps.
 Gradient physico chimique universel
2) Facteurs écologiques
On appelle facteur écologique tout élément du milieu qui est susceptible d’agir directement sur les
êtres vivants, en permanence ou à un moment de leur cycle de développement.
 Facteurs abiotiques (chimique, climatique)
 Facteurs biotiques ( interactions entre les espèces)
Les facteurs écologiques suivent la loi de Shelford (cf schéma)
Notion de niche écologique :
La niche d’une espèce est sa probabilité de survie à l’intérieur d’un hyperespace à n dimensions qui
rassemble la totalité des relations qu’une espèce entretient avec son habitat et les autres espèces de
la communauté.
Quelques facteurs écologiques abiotiques pouvant influencer les
successions des communautés
Variables physiques :
 Dessication
 Température
 Flux quantique
 Stress osmotique
Comment faire face aux conditions de vie changeantes sur l’estran ?
 Des adaptations comportementales
 Physiques
 Et physiologiques
1) Des adaptations comportementales
L’importance des crevasses pour le gastropode Helcion (voir schéma)
La température corporelle des individus s’accentue au cours du temps lorsque ceux-ci se réfugient à
l’intérieur des crevasses.
Les patelles, à marées hautes vont se balader et on s’est aperçu qu’elles revenaient
systématiquement au même endroit (phénomène de homing). Elle produit des substances chimiques
et elle arrive à faire une cavité de type dépression dans lequel elle va scotcher son pied et stocker de
l’eau : comme ça, à marée basse, elle reste fixée et n’a pas de problème de dessiccation ni de
respiration.
Le bigorneau présente deux comportements à marée basse :
 Le pied adhère sur le substrat et assure l’étanchéité de la coquille
 Si le gastéropode est retourné, l’opercule corné ferme la coquille empêchant ainsi la perte
d’eau.
Adaptation physique :
Gastéropodes d’un estran australien :
 La couleur claire des coquilles absorbe l’énergie lumineuse
La résistance aux basses températures hivernales en émersion
Invertébrés marins = ectothermes
Point de congélation (freezing point) dépassé = phase de super cooling
Gel des fluides corporels et formation de cristaux de glace
 Dommages mécaniques aux membranes cellulaires
 Augmentation de la concentration osmotique intra cellulaire
Une réponse adaptative chez Mytilus :
Contrôler la vitesse de formation de cristaux extra cellulaires non invasifs (petite taille) pour les
membranes cellulaires.  action des agents de nucléation
Double effet :
 Les solutés sont exclus des cristaux
 Augmentatio de la concentration osmotique extracellulaire
o
o
Perte d’eau intra cellulaire / augmentation de la concentration osmotique
intracellulaire
Diminution de …
Résistance au froid (gel) chez les mollusques intertidaux (ectothermes)
 Mécanisme de déshydratation protecteur / perte de 60% H20 intra cellulaire (cf schéma)
Conséquences de la résistance au gel sur la zonation :
% de tissus gelés entrainant la mort (% léthal pour T°< 0°C)
Cf schéma
Résistance à la dessication chez les algues (Pelvetia canaliculata) :
Entre les BMVE (basse mer de vives eaux) et les PMVE (pleine mer de vives eaux), on a une
succession d’algues : d’abord algues brunes puis algues rouges.du côté des PMVE, on a beaucoup de
lichens.
L’algue la plus haute est Fucus spiralis.
Un peu plus bas, on a Fucus vesiculosus, puis Fucus serratus.
Les grandes algues brunes sont plus bas encore.
Les conditions d’exposition (le mode) peut influencer la présence des algues mais aussi la zonation.
On va distinguer deux grands modes :
 Un mode abrité (hydrodynamisme faible)
 Un mode exposé (à de forts courants, au vent dominant…) impact mécanique des houles
sur les rochers  conséquences pour les espèces présentes. On retrouve tout de même des
ceintures à Pelvetie et à Fucus (mais certains disparaissent).
On a testé la zone de tolérance de deux espèces : la Pelvetie et le Fucus. On les a récoltées à
différentes périodes de l’année.
On les a séché à 26°C et on les a mis à 50% d’humidité relative.
Pour des durées d’exposition de moins de 40h, il y a peu de mortalité pour les plants de pelevetie
(sauf si on les prélève en hiver).
Au-delà de 40h, les plants de pelvetie sont plus endommagés.
 Les pelveties sont très résistantes à la dessication en deça de 40h.
Les fucus cependant résistent beaucoup moins bien.
La pelevtie est une espèce qui se développe en haut de l’estran alors que le fucus se trouve sur les
zones médianes de l’estran donc est émergée pendant moins de temps durant l’année.
Lumières et algues :
Flux quantique = quantité d’énergie reçue par les algues sur l’estran et composition de la lumière
perçue (longueur d’onde).
A 1m de profondeur, seulement 45% de l’énergie lumineuse est captée par les plantes.
A 10m, seulement 16% de l’énergie lumineuse est captée.
De plus, plus on va en profondeur, plus le spectre de la lumière visible diminue (à 10m, on va
seulement capter du bleu-vert).
Exemples
Pigments
Algues
vertes
= Algues
rouges
chlorophytes
rhodophytes
Ulves,
caulerpes,
entéromorphes
Chlorophylles a,b
Chlorophylle
a
phycobilisomes
Pic d’absorption
Bleur-rouge
Longueur d’onde absorbée
Violet
Bleu
Vert
Jaune
Orange
rouge
= Algues
brunes
phéophytes
laminaires
=
et Chlorophylle a, c +
phlorotanins
protecteurs bruns
vert
Bleu mais photophile
Couleur complémentaire (que l’on voit)
Jaune
Orange
Rouge
Violet
bleu
vert
Les phlorotanins des algues brunes sont protecteurs contre un flux quantique trop élevé. Ils donnent
aux algues brunes leur couleur (normalement elles devraient être oranges).
Il existe des signatures pigmentaires propres à chaque groupe (pigments majeurs), mais des
pigments photosynthétiques accessoires permettent à tous les groupes d’algues de supporter des
éclairements variés.
C’est la quantité de lumière plus que les longueurs d’ondes qui impose la zonation.
Espèce sciaphiles= espèces protégées de la lumière et recherchant des zones d’ombres (ex : algues
rouges en épiphytes).  contraire de photophile ( comme les laminaires).
On va avoir des micro habitats sur l’estran appelés des dessalures ( zones sans sel) avec une humidité
relative qui permet la survie des algues vertes qui s’y trouvent.
Stress osmotique : cas des cuvettes
Sur l’estran, les variations de ph et de température sont beaucoup plus importantes en haut que en
bas.
 Zonation des organismes dans les cuvettes (beaucoup plus résistants dans les cuvettes
de haut niveau).
Stress osmotique :
Perdre de l’eau qui va aller du milieu intérieur vers l’eau de la cuvette. Cela peut être également un
mouvement d’eau du milieu extérieur vers le milieu intérieur. Les deux cas peuvent entrainer la mort
de l’individu.
Les individus exposés à ce stress vont devoir développer des méthodes pour le gérer.
Deux types de comportement :
 Osmoconforme : supporte les grandes variations de pression osmotique du milieu
extérieur.
 Ormorégulateur : maintien de l’osmolarité du MI constant
Cf schéma poisson stratégie d’osmorégulation




Apport d’eau et de sel par ingestion d’aliments et d’eat de mer
Excrétion par les branchies de NA+ et CLPerte d’eau par excrétion d’une urine isotonique et peu abondante
Perte d’eau par osmose derrière les branchies.
Facteurs biotiques – Interactions
Interactions
Neutralisme
Compétition
Amensalisme
(B inhibe A mais n’en retire
aucun avantage)
Parasitisme
(A parasite B)
Prédation
(A prédateur)
Commensalisme
(A commensale, B hôte)
Coopération
(interaction facultative)
Mutualisme = symbiose
Espèce A
0
-
Espèce B
0
0
+
-
+
-
+
0
+
+
+
+
La compétition inter ou intraspécifique :
Compétition= 2 ou plusieurs organismes ou populations utilisent des ressources communes
présentes en quantité limitée ou, si ces ressources ne sont pas limitantes ; quand en les recherchant,
les organismes en concurrence se nuisent.
La quantité totale de ressource doit être inférieure au besoins de toutes les espèces en présence.
Une ressource doit toujours pouvoir :
1. Etre utilisable
2. Etre limitante
3. Avoir un effet direct sur la croissance, la fécondité et la survie de l’espèce (sa fitness).
On va avoir :
 Compétition indirecte ou par exploitation (ou passive)
 Compétition directe (active) ou par interférence.
Cela induit :
 Exclusion pure et simple
 Ségrégation active spatiale trophique et temporelle
 Déplacement de caractères
 Convergence de caractères.
Compétition intraspécifique indirecte chez les patelles :
 Autorégulation de la taille des individus et de la population de façon à pouvoir partager
les ressources alimentaires sur un même territoire
 Plus la population grandit, plus les individus sont petits.
Compétition par interférence : la ségrégation spatiale
Plusieurs populations de balanes sur l’estran. Deux espèces majeures en France :
 Chthamalus (en haut de l’estran)
 Semibalanus (en bas)
Lorsqu’on passe la zone au carcher, on remarque que les semibalanus occupent tout l’espace
possible (mais toujours en bas de l’estran pour rester immergé le plus possible)
Chthamalus possède des larves qui se développent beaucoup plus lentement donc elles possèdent
une zone plus petite de colonisation là où il reste de la place, à savoir le haut de l’estran.
La zonation d’algues avec compétition :
Fucus vesiculosus est un compétiteur de Fucus sprialis : sa dynamique de croissance est supérieure à
celle de F spiralis.. F spiralis s’établit au dessus de la ceinture de F vesiculosus.
Cf schéma
La niche réalisée est très inférieure à la niche potentielle. Effet majeur de la compétition sur le bas de
l’estran. Les algues les plus compétitrices vont rejeter vers le haut les algues les moins compétitrices.
Les algues sur le haut de l’estran ont des capacités de resistance à la dessication.
Cas de la compétition inter spécifique : moteur de l’évolution
Existence d’un processus évolutif de déplacement de caractères impliquant une modification des
traits d’histoire de vie et/ ou d’attributs morphologiques des espèces.
Cas de convergence adaptative : la microphagie
Organismes suspensivores se nourrissant de particules en suspension.
Ex : l’ascidie : chaque zoide comporte deux orifices permettant de créer un courant d’eau pour
récupérer les particules en suspension.
Compétition interspécifique : ségrégation trophique
LA PREDATION EN ZONE INTERTIDALE
Les relations prédateurs/proies
Prédation et parasitisme : usage d’un des protagonistes (la proie ) par l’autre (le prédateur) comme
source d’énergie ou de ressources. On peut distinguer :
 Les prédateurs vrais : tuent leur proie mais étendent la définition aux granivores,
planctonophages.



Les brouteurs : prélèvent une partie de la proie avec des dommages variables pour cette
dernière (insectes piqueurs, sangsues, herbivores)
Parasitoides : essentiellement des larves d’insectes qui sont pondues dans d’autres insectes
et finissent par les tuer.
Parasites : organismes de petite taille par rapport à celle de leurs proies, qu’ils utilisent à
leurs fin pour leur développement, de préférence sans les tuer (tiques, E.coli)
Exemple d’un ectoparasite : l’anilocre
 Stylet piqueur qu’il plante au dessus de l’œil du poisson pour lui sucer le sang.
Exemple d’un endoparasite : la sacculine (schéma)
Sa larve se fixe sous l’abdomen d’un crabe mâle. Une fois fixée, elle perd ses appendices et
développe des radicules nourriciers dans le corps du crabe.
A terme, le crabe s’affaiblit. La sacculine se décroche alors et emet des gamètes.
Ce parasitisme provoque la stérilité chez le mâle et sa féminisation.
Autre exemple : le bigorneau mange des algues de type Ulva et peut se faire parasiter par un
trématode.
L’action d’un endoparasite sur un brouteur va modifier la couverture alguale
Interaction compétition/ zoophagie en zone intertidale :
_ zone médio littorale en mode abrité
Dans tous les cas, Fucus vesiculosus est manuellement supprimé jusqu’en 1973
 Nucella excluded : dominance seule de Mytilus edulis
 Nucella ecluded and mytilus removed: recolonisation des focus sp et des semibalanus.
Relation très complexe entre balanes, gastéropodes, moules et algues. Lorsqu’on enlève une de ces
espèces, on modifie totalement la chaine.
Mais la prédation peut altérer les effets de la compétition :
Expérience de Paine : prédateur clé de voute
Prélèvement des étoiles de mer :
Résultats : extension verticale de la zone de moules et diminution globale de la diversité.
Conclusion : la prédation contrôle aussi la limite inférieure de distribution des moules et la
complexité de l’habitat et sa diversité.
 Ces résultats sont constants en différentes régions avec différents prédateurs.
Quels facteurs expliquent la distribution verticale, la diversité d’espèces et leurs abondance dans le
milieu rocheux intertidal ?
 Tolérance physiologique : la limite supérieure de la distribution verticale est déterminée par
la résistance des espèces à l’émersion.
Stress hydrique et intensité d’élcairement accrue = dessication
Stress osmotique …
 Intensité des inter actions biotique : la limite inférieure de la distribution verticale est
déterminées par deux éléments clés :
Compétition pour l’espace
prédation
cf schéma.
Existence d’un gradient horizontal d’exposition à l’action des vagues :
 Déterminé par la direction et l’intensité des vents
 Forme et orientation de la côte par rapport aux vents
Ce gradient physico chimique a un caractère
Rôle des perturbations et de la variabilité temporelle du recrutement :
Deux aspects principaux reliés aux processus stochastiques :
 Perturbations (tempetes, vagues) : création d’espace libre susceptible d’être colonisé.
 Prévenir ou ralentir le déplacement compétitif et contribuer au maintien de la diversité.
 Disponibilité de propagules d’origine planctonique : le déplacement compétitif a besoin
de l’arrivée continue des propagules au milieu intertidal.
 La variation des condtions océanographiques peut ralentir / changer la résultante nette
des interactions biotiques et ainsi contribuer au maintien de la biodiversité.
Take home message :
Les communautés rocheuses intertidales se caractérisent par une importante succession d’espèces
verticale (patterns de distribution et d’abondance des espèces).
Cette zonation et due à l’interaction (complexe) entre un gradient physique vertical de stress, les
interactions biotiques (compétition, zoophagie…)…
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