La maladie de Ménière.

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La maladie de Ménière. Décrite en 1861 par Prosper Ménière à une époque où les vertiges étaient plus
évoqués dans la littérature que pris en compte par le monde médical, cette maladie,
ou du moins son nom, a traversé un siècle et demi pour occuper une place de choix
dans la terminologie des vertiges. C’est pourtant une maladie rare, mais le mystère
qui entoure son origine et son évolution, la richesse de son expression clinique,
l’absence de traitement spécifique en font un modèle de prise en charge pour les
audiologistes, ORL et Audioprothésistes, qui auront à collaborer pour la prise en
charge de ces patients pas tout à fait comme les autres.
• Histoire et culture Ménière est né en 1799 à Angers, la même année que
Balzac dont il était ami et à qui il inspira le personnage du
Dr Horace Bianchon dans la Peau de chagrin. A 62 ans, un
an avant sa mort, il présenta à l’Académie impériale de
médecine le 8 janvier 1861 un mémoire sur « les lésions de
l’oreille interne donnant lieu à des symptômes de
congestion cérébrale apoplectiforme ». Ménière était alors
médecin chef de « l’institution des Sourds-Muets ». Les
connaissances de l’époque sur l’équilibre et les vertiges
étaient peu documentées ; les suppositions quant à leur
origine privilégiaient le système nerveux central, intégrant
des causes vasculaires, comitiales, syncopales…(d’où le
titre de sa communication).
Ménière regroupe dans une même entité clinique trois symptômes clés : les vertiges
(avec nausées et vomissements), la surdité et les acouphènes. Il précise que la
surdité peut apparaitre brutalement dès le début de la maladie, ou s’installer
progressivement lors des crises qui caractérisent l’évolution.
Il identifie les canaux semi circulaires de l’appareil vestibulaire comme étant le siège
possible de la maladie.
Il faudra attendre les travaux de Barany (prix Nobel de médecine
en 1914) pour mieux comprendre le fonctionnement de l’oreille
interne et découvrir l’existence
du nystagmus qui avait
étonnamment échappé à la description de Ménière.
En 1936 Hallpike décrit l’hydrops labyrinthique comme un
mécanisme possible de la maladie de Ménière.
• Sa place aujourd’hui Hydrops cochléaire
hdsd
Le vocabulaire des vertiges a été très influencé par Ménière : on a parlé à tout va de
maladie de Ménière, de syndrome méniériforme etc.… et beaucoup de diagnostics
ont été portés par excès.
[Dr Jacques Leblond. Sept 2012] L’épidémiologie moderne s’appuie sur les statistiques et en réalité la maladie de
Ménière est créditée de moins de 10 % des vertiges, très loin derrière les Vertiges
Positionnels Paroxystiques (50%) et les névrites vestibulaires.
En pratique médicale quotidienne, pour beaucoup de patients, vertiges et Ménière
sont confondus. L’évolution vers la surdité et les acouphènes est redoutée. Le mot
de « Ménière » fait peur et ce n’est pas un diagnostic à annoncer à la légère !
La physiopathologie actuelle incrimine l’augmentation de pression des liquides
endo-cochléaires (hydrops). Des hypothèses anatomiques, immunitaires sont
avancées. La composante psychosomatique est reconnue comme fondamentale.
Le diagnostic se fait par l’observation de l’évolution , souvent sur plusieurs années.
La maladie ne se présente pas toujours d’emblée avec la triade des symptômes au
complet : il y a souvent des installations décalées dans le temps avec une sensation
de plénitude auriculaire inaugurale puis quelque mois ou années après, apparition
d’une crise de vertige, puis une rechute avec des acouphènes et une surdité.
L’évolution est imprévisible, elle se fait par crises souvent déclenchées par le
stress. L’audition se dégrade graduellement. Dans les formes sévères et anciennes
le déficit prend la forme d’une courbe en plateau fluctuante aux alentours de 60 dB.
Les crises vertigineuses se raréfient mais les acouphènes persistent souvent. Les
formes bilatérales sont rares mais possibles et posent des problèmes de
réhabilitation fonctionnelle.
Parmi les examens para cliniques une IRM sera réalisée tôt ou tard en association
avec les explorations vestibulaires modernes informatisées. Un neurinome peut
parfois se révéler par une symptomatologie très semblable.
L’audiogramme a sa place à tous les stades de la
maladie. Typiquement il objective au début une
surdité de perception sur les graves avec une
courbe ascendante, souvent fluctuante au gré des
poussées.. L’audiométrie vocale est très dégradée,
avec des distorsions ressenties dès les premières
intensités supraliminaires. Dans ce contexte, la
réalisation de l’audiogramme n’est pas simple et
demande du temps mais c’est un excellent
marqueur diagnostique et évolutif.
• Prise en charge Il faut considérer la crise aiguë et surtout la phase chronique de la maladie au cours
de laquelle le patient atteint d’hypoacousie et d’acouphènes aura besoin de l’aide
de l’audioprothésiste.
Le traitement médical de la crise repose sur l’acétyle L leucine (Tanganil) souvent
en injectable, les anti émétiques et les anxiolytiques. La beta histidine est prescrite
en traitement de fond en raison de son action sur la pression endolymphatique. Des
[Dr Jacques Leblond. Sept 2012] protocoles alternatifs à visée pressionnelle ont été proposés (sérum salé
hypertonique etc.)
La chirurgie est exceptionnelle : on peut mentionner l’historique décompression du
sac endo lymphatique et les neurotomies vestibulaires sélectives dans les formes
rebelles. L’implantation cochléaire peut être proposée en cas de surdité bilatérale
répondant mal à l’appareillage conventionnel.
L’apprentissage de la lecture labiale auprès d’orthophonistes s’envisage dans les
surdités évoluées et aussi préventivement dans les formes bilatérales évolutives.
La dimension psychosomatique est reconnue, et sa prise en compte par l’ensemble
des professionnels de santé à tous les stades de la maladie est nécessaire. Le
contexte psychologique contemporain de la première crise est important à cerner. Il
en va de même pour les récidives. Les crises sont souvent invalidantes, obligeant le
patient à cesser son activité professionnelle. La menace d’une récidive de survenue
aléatoire est anxiogène. L’amélioration de la tolérance des acouphènes fait partie
des objectifs du traitement. Une prise en charge en psychothérapie est souvent
nécessaire : techniques relaxation, sophrologie, hypnose font partie de l’arsenal
thérapeutique.
La prise en charge des vertiges et de l’instabilité fait largement appel à la
kinésithérapie qui obtient des résultats significatifs mais se heurte à l’évolution de la
maladie avec le caractère changeant des caractéristiques vestibulaires.
L’audioprothèse est indiquée lorsque le déficit auditif devient gênant. Ce moment
précis est parfois difficile à cerner car le seuil cochléaire est souvent fluctuant, ce
qui rend les réglages délicats dès le départ et tout au cours de la phase
d’adaptation. Les acouphènes sont à intégrer de même que les problèmes
d’intelligibilité. Il faut aussi considérer l’oreille controlatérale vieillissante et garder à
l’esprit que les réactions de l’oreille atteinte sont celles d’une cochlée pathologique
et pas simplement presbyacousique..
• Conclusion La maladie de Ménière est une pathologie qui réunit ORL et audioprothésistes
autour du patient devenu malentendant. La dimension médicale est présente tout au
long de l’adaptation prothétique. Dans ce contexte les échanges entre le praticien,
le patient et l’audioprothésiste sont indispensables.
[Dr Jacques Leblond. Sept 2012] 
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