AVRIL – MAI 2010 VOL. 57 N° 2 QUÉBEC PHARMACIE 7
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Le traitement de
la maladie de Ménière
Présentation du cas
E.P., une femme de 60 ans, vous explique qu’elle n’est pas soulagée par la prise de bétahistine à raison de 16 mg trois fois par jour que son
médecin lui a prescrite pour soulager ses étourdissements et nausées associés à la maladie de Ménière. Par ailleurs, elle vous dit qu’elle a
été soulagée par cet agent lors de sa dernière crise, quatre mois auparavant. Elle vous demande s’il y a une solution de rechange et ce
qu’elle peut faire pour éviter d’autres épisodes.
Discussion
La maladie de Ménière affecte environ 1 % de
la population et touche surtout les adultes
caucasiens âgés de 40 à 50 ans1,2. La prévalence
serait 1,3 fois plus élevée chez les femmes2. À
ce jour, la physiopathologie demeure contro-
versée. On associerait ce trouble à une sura-
bondance d’endolymphe causée par une
hyperproduction ou par une sous-absorption
résultant en un œdème du labyrinthe3. L’étio-
logie de cette maladie est multifactorielle. Les
facteurs de risque incluent une histoire fami-
liale positive et une atteinte immunologique
(allergie, maladie auto-immune), mais des
facteurs environnementaux, infectieux et de
stress, ainsi que les traumas à la tête ou aux
oreilles peuvent aussi être impliqués1,4. Les
symptômes typiques comprennent les verti-
ges d’une durée d’au moins 30 minutes pou-
vant causer nausées avec ou sans vomisse-
ment, diarrhées, sudation, acouphènes,
sensation de plénitude, ainsi que fluctuation
de la qualité de l’audition1,4. Il n’est pas rare
qu’au début de la maladie il y ait une alter-
nance entre les épisodes de crises aiguës et de
rémission complète. Les crises vertigineuses
aiguës peuvent être incapacitantes puisqu’el-
les surviennent de façon inattendue et peu-
vent durer quelques heures à 24 heures, puis
elles se calment graduellement4. Avec les
années, les rémissions tendent à s’allonger.
Par contre, la perte auditive et les acouphènes
perdurent et s’intensifient avec le temps1,4. Le
diagnostic en est un d’exclusion principale-
ment et est basé sur l’histoire symptomatolo-
gique, l’examen physique et l’audiométrie6.
Il n’existe pas de traitement curatif. Les trai-
tements reposent davantage sur l’expérience
clinique que sur des données probantes
robustes. Le traitement des crises aiguës vise
le soulagement des symptômes présentés par
le patient. Les mesures non pharmacologi-
ques sont principalement le repos et la réhy-
dratation au besoin. En cas de vertige, des
agents agissant comme suppresseurs du sys-
tème vestibulaire, tels que les benzodiazépines
(diazépam 5 mg po q6 à 8 h ou lorazépam,
2 mg S/L q4 à 6 h) ou les antihistaminiques
(dimenhydrinate 50 mg po/IR q6h), semblent
très utiles afin de maîtriser ou de réduire la
durée des épisodes aigus1,7. Aussi, les agents
tels que la prochlorpérazine 10 mg po/IR q6 à
8 h ainsi que la scopolamine en timbre sem-
blent utiles pour la maîtrise des symptômes
gastro-intestinaux médiés par le système
vagal7. Aucune étude ne sous-tend l’utilisation
de la bétahistine dans le traitement des verti-
ges associés à la maladie de Ménière8. Si le
patient perçoit une perte de l’audition grave
associée à des vertiges, un corticostéroïde peut
être utilisé pour une courte période (p. ex.,
prednisone 60 mg DIE ou 1 mg/kg pour 7 à
14 jours). Un sevrage graduel est ensuite pré-
férable2,5. Parfois, la voie intratympanique
peut être utilisée si la détérioration de l’ouïe
persiste (méthylprednisone ou dexamétha-
sone) 2,4.
Le traitement chronique de la maladie pro-
longe la durée des rémissions et minimise le
Texte rédigé par Claudia Dutil, B. Pharm., et
Catherine Cellini, B. Pharm., M.Sc., Pharmacie
Marc Champagne.
Texte révisé par Sophie Grondin, B. Pharm., M.Sc.
Texte original soumis le 28 novembre 2009.
Texte final remis le 27 janvier 2010.
À VOS SOINS
S E.P. n’est pas soulagée de ses vertiges associés à la maladie de Ménière.
O Femme de 60 ans, troisième crise. Prend de la bétahistine 16 mg tid depuis 24 heures.
Aucun autre médicament ou problème de santé connu. Allergie à la pénicilline (rash).
A La prise de bétahistine n’est pas justifiée et, surtout, elle n’est pas efficace dans
ce cas. Le dimenhydrinate diminuera le nombre et la durée des vertiges et
la prochlorpérazine pourra soulager les nausées persistantes. Étant donné la récur-
rence des épisodes aigus, il semble également préférable que l’on instaure pour
cette patiente un traitement chronique afin de prolonger la durée des rémissions et
de minimiser le risque de perte auditive. Ainsi, l’association de triamtérène et
d’hydrochlorothiazide s’avérerait un bon choix.
P n Communiquer avec le médecin traitant pour proposer dimenhydrinate
50 mg po/IR q6h avec prochlorpérazine 10 mg po/IR q6h prn et discuter de l’ajout
du diurétique hydrochlorothiazide-triamtérène 50-25 mg die.
n Fournir les conseils sur les nouveaux médicaments.
n Suggérer les mesures non pharmacologiques
restriction sodée, éviter les déclencheurs, repos et réhydratation).
n Appeler la patiente dans 24 h afin de vérifier le soulagement des vertiges
et des nausées, ainsi que la présence d’effets indésirables, tels que bouche sèche,
somnolence et constipation.
n Demander un suivi des électrolytes et de la créatinine dans 1 et 3 mois,
puis chaque année si ajout du diurétique.