HOMMAGE À BRENDA MILNER
L’Université du Québec à Montréal rend aujourd’hui hommage à Brenda Milner en lui attribuant le titre de docteure honoris causa, par décision de son Conseil d’adminis-
tration et sur recommandation de sa Faculté des sciences humaines. Par ce geste, l’Université veut reconnaître la contribution exceptionnelle de madame Milner à la neuropsy-
chologie au Québec, au Canada et dans le monde.
Madame Milner a eu une carrière des plus remarquables, qui s’étend sur six décennies et qui se poursuit toujours. Sa vie professionnelle se confond avec l’évolution d’un
champ nouveau de recherche scientifique qu’elle a contribué à établir, aux frontières de la psychologie et de la neurologie, et qui porte aujourd’hui le nom de neuroscience
cognitive. Sa passion pour l’étude du cerveau humain, de la mémoire et des fonctions d’apprentissage, jumelée aux tests cognitifs méthodiques et rigoureux qu’elle administrait
à une époque, pas si lointaine, où il était impossible de voir à l’intérieur de la boîte crânienne, l’ont amenée à faire des découvertes spectaculaires qui ont modifié à jamais
la connaissance que nous avons du fonctionnement de certaines parties du cerveau.
Native de Manchester en Angleterre, elle a fait ses études de baccalauréat et de maîtrise en psychologie expérimentale à l’Université de Cambridge. Devant collaborer à
l’effort de guerre britannique au cours de la Deuxième Guerre mondiale, elle a accompagné en Amérique son mari ingénieur, affecté à des recherches ultrasecrètes sur
l’atome. Le couple a mis pied à Montréal, en 1944, après une traversée périlleuse de l’Atlantique Nord, pourchassés par les sous-marins allemands. Le séjour d’un an
a duré une vie entière.
Parfaitement bilingue, Brenda Milner a enseigné huit ans à l’Université de Montréal et a obtenu, en 1952, son doctorat à l’Université McGill auprès d’une figure de proue
des neurosciences cognitives, Donald Hebb, auteur d’un ouvrage majeur traitant des rapports entre le cerveau et le comportement, qui a tout de suite fasciné notre docteure.
Son directeur de thèse l’a dirigée vers le légendaire Wilder Penfield qui, à cette époque, avait développé une technique chirurgicale révolutionnaire pour traiter l’épilepsie.
La jeune chercheure avait pour tâche d’administrer une batterie de tests psychologiques aux patients épileptiques avant et après l’opération.
Comme il arrive souvent en recherche, c’est le comportement atypique d’un patient après son opération qui a conduit Brenda Milner à découvrir la fonction précise des
hippocampes du cerveau. Le patient en question était guéri de ses crises d’épilepsie mais était devenu amnésique après l’ablation des hippocampes et condamné à vivre
dans un éternel présent. Il ne pouvait plus fabriquer de nouveaux souvenirs, bien que sa capacité à apprendre et ses souvenirs d’avant l’opération fussent restés intacts. Ce
cas a confirmé l’hypothèse posée quelques années auparavant, à partir de l’étude de deux autres cas, sur l’existence de différents types de mémoire et leurs localisations
dans le cerveau. Les hippocampes se sont révélés être essentiels au fonctionnement de la mémoire épisodique. Les travaux de Brenda Milner ont, de plus, confirmé
les rôles différentiels des hémisphères gauche et droit dans la mémoire verbale et spatiale.
Le travail est son «plus grand ami» dans la vie, a-t-elle déjà déclaré pour justifier le fait que, à 91 ans, elle se rende toujours à son laboratoire de l’Institut neurologique
de Montréal – cinq jours maintenant plutôt que six par semaine –. «J’ai confiance dans le travail, confirme l’infatigable professeure. Si on ne réussit pas quelque chose,
c’est qu’on n’y a pas mis assez d’efforts ».
Brenda Milner a reçu d’innombrables distinctions honorifiques au cours des années, dont le célèbre prix Balzan doté d’une bourse d’un million de dollars, le Prix interna-
tional Gairdner, l’un des plus prestigieux des sciences biomédicales, et le prix Wilder-Penfield du gouvernement du Québec, qui couronne l’ensemble de la carrière d’une
personnalité scientifique québécoise pratiquant dans le domaine biomédical. Elle a, de plus, reçu une vingtaine de doctorats honoris causa, dont une majorité d’universités
canadiennes, et est également membre des Sociétés royales du Canada et d’Angleterre.
Pour son apport à la reconnaissance internationale des neurosciences cognitives, pour la qualité de ses travaux de recherche qui ont modifié en profondeur la psychologie
expérimentale, pour sa passion du travail qui constitue un modèle pour les jeunes générations, l’Université du Québec à Montréal veut honorer et saluer Brenda Milner,
docteure honoris causa.