LE JOURNAL DES SOINS INFIRMIERS DU CHUM Vo l . 14 - N o 2 - P rin t em p s 2014 Toxicomanies / psychiatrie et infections transmissibles sexuellement et par le sang Oser innover auprès d’une clientèle urbaine qui présente des problèmes de santé complexes. Force est de constater que les services liés à la psychiatrie et aux toxicomanies ont longtemps fonctionné « en silos ». Conséquemment, les traitements pour cette clientèle ont souvent été dispensés en mode séquentiel, exigeant que les patients soient d’abord traités pour un problème puis, dans un deuxième temps, pour l’autre. Or, il est bien documenté que 50 à 65 % des personnes en traitement pour la toxicomanie présentent des problèmes de santé mentale (Gouvernement du Québec, 2006). Inversement, chez les patients ayant un diagnostic psychiatrique, les résultats probants démontrent qu’il existe un risque important au cours de la vie, de l’ordre de 27 à 80 %, d’avoir un trouble lié à une substance (Rush, Urbanoski, Bassani, Castel, Wild, Strike, Kimberley et Somers, 2008). La difficulté dans l’arrimage des différents services ou l’absence de services intégrés contribuent au fait que les personnes aux prises avec des problèmes psychiatriques et de dépendance aux drogues se retrouvent aux urgences à répétition, ce qui crée un phénomène de portes tournantes. De plus, en raison de diverses complications de santé, nombre de ces patients sont également hospitalisés. Dès lors, les équipes traitantes se trouvent confrontées à des situations telles les sevrages, la gestion de la douleur et les comportements perturbateurs, pour lesquelles elles se sentent inexpérimentées. Claire Lahaie, Barbara Kotsoros et Tania Bond Mmes Claire Lahaie, Barbara Kotsoros et Tania Bond, toutes trois infirmières cliniciennes au CHUM, ont récemment remporté le Grand prix Innovation clinique Banque Nationale 2013 de l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, pour leur projet de développement du rôle d’infirmière de liaison en comorbidité toxicomanies/psychiatrie/infections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS). Ce projet a vu le jour au printemps 2010, dans le souci particulier de joindre et d’évaluer, dans une vision globale, les patients aux prises avec ces grandes problématiques de santé urbaine. Il vise à faciliter l’accès à des soins adaptés que cette clientèle est en droit de recevoir, en vue de leur rétablissement. À la lumière de ces différents constats, l’implantation d’une équipe d’infirmières de liaison possédant une expertise en comorbidité (toxicomanies, psychiatrie, ITSS) est apparue essentielle pour joindre ces clientèles à la source. Ces infirmières ont conçu un outil d’évaluation de la condition physique et mentale des patients en quatre volets : 1. risques de complications de sevrage; 2. conditions médicales associées à la consommation (ex. : hépatite alcoolique, cirrhose, hépatite C, endocardite); 3. conditions psychiatriques (ex. : psychoses toxiques, décompensation psychotique, risque suicidaire); 4. risques d’exposition aux ITSS (ex. : hépatite C et infection par le VIH). Ces infirmières sont les premières répondantes de l’ensemble des consultations en psychiatrie et en médecine des toxicomanies à l’urgence de l’Hôpital Saint-Luc. Elles se déplacent également aux urgences et dans les différentes unités hospitalières des trois hôpitaux du CHUM, afin de répondre aux demandes de consultation en désintoxication pour les sevrages complexes ou à haut risque de complications. Enfin, elles vont régulièrement à l’Hôpital Notre-Dame, afin de répondre aux consultations en psychiatrie des toxicomanies à l’urgence psychiatrique et dans les départements de psychiatrie. Par ailleurs, partout où elles sont appelées à intervenir, elles cherchent à détecter les personnes infectées par le virus de l’hépatite C ou par toute autre ITSS, et planifient des rendez-vous rapides en consultation externe du Service de médecine et de psychiatrie des toxicomanies. Finalement, elles assurent la liaison avec les partenaires du réseau impliqués dans le rétablissement de la personne : les pharmacies offrant la méthadone, les centres d’accès au matériel d’injection, les CSSS et, plus particulièrement, les équipes de santé mentale et d’itinérance, les centres de réadaptation en dépendance, les centres de crise, etc. >> SUITE À LA PA GE SU IVA NT E ÉDITORIAL Le rôle des infirmières de liaison ne serait pas possible sans un lien étroit avec l’équipe de soins intégrés du Service de médecine et de psychiatrie des toxicomanies et sans une solide collaboration interprofessionnelle avec tous les membres de l’équipe : médecins et psychiatres experts en toxicomanie, infirmières, infirmières auxiliaires, travailleurs sociaux, ergothérapeutes, préposés aux bénéficiaires et agents administratifs. L’ensemble de l’équipe adhère aux approches motivationnelles et de réduction des méfaits. L’équipe de soins intégrés offre l’évaluation et le traitement des dépendances aux opioïdes, souvent à risque de complications, le dépistage des ITSS, la vaccination, le traitement de l’hépatite C, ainsi que l’évaluation et le suivi psychiatrique des patients aux prises avec une comorbidité. Il est également possible de diriger les personnes qui font face à des sevrages complexes, celles qui ont une maladie associée à leur consommation ou encore celles dont la consommation a déstabilisé la condition psychiatrique dans l’unité hospitalière spécialisée. Cette année, le printemps fait suite aux jeux olympiques, aux athlètes de Sotchi, à la compétition, à la performance, à la discipline, en fait, à ceux qui se sont employés à donner le meilleur d’eux-mêmes! Dans le cadre de notre environnement en changement, jumelé aux efforts déployés à ce jour pour se préparer à notre nouvel hôpital, nous pouvons nous comparer à ces athlètes où, dans notre cas, la cible est le patient et sa famille. Avec toute la capacité et le savoir existant au CHUM, nous avons le beau rôle, soit celui de nous perfectionner, de faire preuve de créativité et de faire mieux. Et comme les athlètes, nous avons le désir et la capacité d’y arriver. Comme vous le savez sans doute, plusieurs travaux sont en cours, tant pour combler les besoins de soins actuels que ceux à venir. À cet effet, la Direction des soins infirmiers est heureuse de partager avec vous le projet de trois infirmières portant sur l’amélioration de leur rôle dans le secteur de la toxicomanie et de la psychiatrie, projet qui a remporté le prix Innovation clinique de l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec l’automne dernier. Nous avons toutes les raisons d’être fières de ces infirmières qui se dévouent pour cette clientèle présentant des problèmes complexes de santé, clientèle qui est à risque d’être oubliée ou rejetée par une société souvent guidée par les préjugés. Depuis trois ans, les infirmières de liaison offrent des soins à des milliers de patients, ce qui permet de résorber des situations de crise et d’éviter de multiples consultations à l’urgence. Plus précisément, durant l’année 2012, dans les différents points de service où elles sont appelées à intervenir, les infirmières de liaison en comorbidité ont répondu à 1856 consultations qui ont été demandées pour des nouveaux patients ou des patients à revoir, lors d’un séjour à l’urgence ou dans les unités hospitalières. Elles ont répondu à 777 consultations en médecine des toxicomanies qui ont donné lieu à 174 hospitalisations dans l’unité de désintoxication, à 372 consultations en psychiatrie des toxicomanies, desquelles ont découlé 68 hospitalisations dans les lits de comorbidité psychiatrie/toxicomanie et à 707 consultations en psychiatrie générale. Par ailleurs, 127 personnes ont été dirigées en consultation externe pour la psychiatrie des toxicomanies et 179 en médecine des toxicomanies. De plus, 309 consultations ont été faites auprès de personnes utilisatrices de drogues injectables (UDI) et 257 auprès de personnes toxicomanes infectées par le virus de l’hépatite C. Par ailleurs, 70 références ont été faites dans différents guichets d’accès en santé mentale-adulte (GASM-adulte) à Montréal et en région. Dans le souci de s’arrimer aux infirmières soignantes du Comité de la pratique infirmière, ce numéro de l’Avant-Garde vous informe tant sur les travaux en cours concernant la documentation clinique, notamment la note d’évolution infirmière, que sur la plateforme Hospitalis qui facilite la consultation et la mise à jour de documents cliniques. L’avancement des travaux est intéressant et sera bientôt diffusé. Dans l’optique de la continuité des pratiques collaboratives et considérant le travail d’équipe réalisé à ce jour avec les autres directions, je vous invite à prendre connaissance de l’article Hôpitaux promoteurs de santé qui place le CHUM au rang mondial. Une information intéressante. Sans prendre tout le mérite d’un accès facilité aux services intégrés de la médecine et de la psychiatrie des toxicomanies, l’équipe des infirmières de liaison en comorbidité constitue sans contredit un maillon essentiel de l’articulation d’une trajectoire de services simplifiée pour les patients aux prises avec des comorbidités toxicomanie/ psychiatrie/ITSS. Il s’agit là d’une première au Québec dans l’offre de service! Un numéro en format électronique à lire et à partager! Bonne lecture! Sylvie Dubois Références Gouvernement du Québec. (2006). Plan d’action interministériel en toxicomanie 2006-2011. Québec : ministère de la Santé et des Services sociaux. PAG E 2 L’ AVA N T- G A R D E Rush, B., Urbanoski, K., Bassani, D., Castel, S., Wild, T.C., Strike, C., Kimberley, D. et Somers, J. (2008). Prevalence of co-occurring substance use and other mental disorders in the Canadian population. Canadian Journal of Psychiatry, 53(12), p. 800-809. VOL. 14 NO 2 - PRINTEMPS 2014 La documentation en soins infirmiers Depuis décembre dernier, la mise en œuvre de la nouvelle feuille de note d’évolution bat son plein au CHUM! Mais une éternelle question demeure : qu’est-ce qu’une note d’évolution? La définition que l’on trouve dans le chapitre concerné du Guide clinique en soins infirmiers est la suivante : « information qui décrit l’évolution de la situation de santé, les interventions effectuées, les réactions du patient ainsi que les résultats obtenus, tout en expliquant les décisions cliniques de l’infirmière. » La documentation est une responsabilité professionnelle inhérente à la pratique des soins infirmiers. Elle sert avant tout à fournir de l’information afin d’orienter les décisions cliniques des différents intervenants. Voici huit notions essentielles d’une note infirmière (Jefferies, Johnson et Griffiths, 2010) : QUIZ 1 Le médecin a prescrit les analyses suivantes pour un patient : temps de prothrombine (INR), potassium, formule sanguine et code 50. Dans quel ordre devez-vous faire les prélèvements, pour respecter la bonne pratique? A.Rose, bleu, doré, lavande B. Bleu, lavande, doré, rose C.Doré, rose, bleu, lavande D.Bleu, doré, lavande, rose 2 Quelle situation parmi les suivantes peut causer l’hémolyse du prélèvement? A.Garrot laissé en place plus d’une minute Elle doit être centrée sur la personne : que souhaite-elle? Comment réagit-elle? Quelle est sa perception de son état de santé? B. Présence d’alcool sur le site de ponction Elle doit démontrer clairement les objectifs visés, les interventions et les résultats obtenus. Attention! Ce qui est mentionné au rapport interservices doit aussi l’être dans les notes infirmières. D.Prélèvement effectué par un cathéter court périphérique Elle doit refléter ce que la personne vit. Dans quelles situations est-il nécessaire d’utiliser un tube de rejet? Elle doit faire état des faits; toute forme d’interprétation doit être évitée. Elle doit se faire de manière chronologique pour un meilleur suivi du processus de soins. Elle doit se faire de manière continue et non rétrospective. C.Inversion trop brusque des tubes E. Toutes ces réponses 3 A.Lorsqu’une aiguille à ailettes est utilisée B. Lors d’un prélèvement pour une formule sanguine C.Pour tous les tests de coagulation, sauf pour le temps de prothrombine (INR) Elle doit témoigner de l’amélioration ou de la détérioration de l’état de santé de la personne. D.Avant tout prélèvement Elle doit respecter les principes de déontologie : l’information doit être consignée au dossier au fur et à mesure, de façon organisée, précise, complète, pertinente et exacte. Quel est le temps maximal recommandé pour laisser en place un garrot pendant un prélèvement sanguin? 4 A.30 secondes La documentation clinique témoigne donc de l’évaluation et du jugement clinique infirmier. Pour l’infirmière auxiliaire, la note témoigne des observations et des soins réalisés, afin qu’elle puisse contribuer à l’évaluation de la condition clinique de la personne. B. 45 secondes Références Il est recommandé d’inverser tous les tubes de 5 à 10 fois à la suite du prélèvement. Vrai ou faux? Jefferies, D., Johnson, M. et Griffiths, R. (2010). A meta-study of the essentials of quality nursing documentation. International Journal of nursing Practice. 16,112-124. C.1 minute D.2 minutes 5 L’ AVA N T- G A R D E VOL. 14 NO 2 - PRINTEMPS 2014 PAG E 3 PROMOTION DE LA SANTÉ Stella Artuso, kinésiologue, M.Sc en santé communautaire Audrey-Maude Mercier, M. Sc. en communication Stella Artuso et Audrey-Maude Mercier sont conseillères en promotion de la santé DES PATIENTES INTÉGRÉES AU COMITÉ INTERDISCIPLINAIRE DE PROMOTION DE LA SANTÉ DU CENTRE DES NAISSANCES DU CHUM : UN PLUS! Le CHUM invite désormais de nombreux patients à prendre part, à titre de patients ressources, à plusieurs projets qui visent l’amélioration de la qualité des soins et services. Au terme d’un ou de plusieurs parcours de soins au CHUM, certains patients mettent ainsi leur expérience et leur savoir acquis au service de l’organisation, afin d’enrichir les projets en cours. Le centre d’excellence en promotion de la santé du Centre des naissances du CHUM a intégré au printemps 2013 deux patientes en tant que membres permanentes de son comité interdisciplinaire en promotion de la santé. Animés par le caractère novateur de cette initiative, les membres du comité ont souhaité, à l’automne 2013, évaluer les retombées de l’intégration de ces patientes sur la dynamique de groupe, par le biais de courts questionnaires. Reçue favorablement par l’ensemble des professionnels et des patientes ayant pris part à cette évaluation, cette initiative a été perçue comme un moyen de mieux comprendre la réalité des familles du Centre des naissances. L’intégration de patientes ressources a aussi permis la mise en œuvre d’actions qui sont davantage concertées, humaines et efficaces envers la clientèle ciblée et ainsi, de répondre plus adéquatement à ses besoins. Le respect, l’ouverture à autrui et la reconnaissance des compétences et de l’expertise des patientes ressources ont aussi été mentionnés comme des conditions essentielles à l’intégration de patients ressources au sein d’un comité de professionnels. Hospitalis : tous les documents pertinents au même endroit et au bout des doigts! Depuis le 11 février dernier, les méthodes de soins ne sont plus accessibles dans l’intranet de la DSI. Toutes les méthodes de soins, désormais disponibles dans la plateforme Hospitalis, sont accessibles sans mot de passe. Afin de les consulter, rendez-vous dans l’intranet et sélectionnez le bouton Hospitalis situé à droite de l’écran. Hospitalis vous offre de nombreux avantages, notamment la recherche à l’aide de mots clés, de la même façon que dans le moteur de recherche Google. Les règles de soins infirmiers et les autres documents pertinents à la pratique seront ajoutés dans le domaine Soins infirmiers au cours du printemps prochain. Profitez dès maintenant des avantages offerts par Hospitalis! Accès rapide aux contenus cliniques recherchés Bonnes pratiques de soins centralisées et uniformisées Perfectionnement professionnel continu en ligne Fiches santé pour la clientèle – Projet d’information et d’éducation à la santé Renseignements : Élaine Perreault, poste 35905 RÉPONSES DU JEU-QUESTIONNAIRE DE LA PAGE 3 1 D. Il est recommandé de respecter l’ordre d’utilisation des tubes au cours d’un prélèvement afin d’éviter le transfert d’additifs d’un tube à l’autre. 2 E. Un garrot laissé en place plus d’une minute, la présence d’alcool sur le site de ponction, l’inversion trop brusque des tubes et un prélèvement effectué par un cathéter court périphérique peuvent causer la destruction des globules rouges (hémolyse) et ainsi, fausser les résultats d’analyses. 3 L’AVANT-GARDE EST PUBLIÉ PAR LA DIRECTION DES SOINS INFIRMIERS DU CHUM TROIS FOIS PAR ANNÉE. RÉVISION, CORRECTION ET CONCEPTION GRAPHIQUE Direction des communications Afin de faciliter la lecture des textes, L’Avant-Garde, de façon générale, utilise le terme infirmière. Il est entendu que cette désignation n’est nullement restrictive et englobe les infirmiers. À l’exception des entrevues personnelles, les articles de L’Avant-Garde peuvent être reproduits sans autorisation, avec mention de la source. ISSN 2292-6054 Titre-clé : L’avant-garde (Montréal. 2000. En ligne) © CHUM 2014 L’Avant-Garde est publié grâce à l’appui financier de la Fondation du CHUM. PAG E 4 L’ AVA N T- G A R D E VOL. 14 NO 2 - PRINTEMPS 2014 A et C. Lorsqu’une aiguille à ailettes est utilisée, l’utilisation du tube de rejet permet de faire le vide d’air dans la tubulure et ainsi, d’éviter que l’air de la tubulure empêche de recueillir la quantité minimale de sang requise. Dès la ponction, le mécanisme de coagulation s’enclenche. Il y a alors libération de thromboplastine tissulaire qui peut fausser les résultats des analyses de coagulation, à l’exception du temps de prothrombine (INR). 4 C. Il est important de laisser un garrot en place pendant moins d’une minute, afin d’éviter l’hémoconcentration (stase veineuse et infiltration du sang dans les tissus), un phénomène qui fausse les résultats d’analyses. 5 Vrai. Il est recommandé d’inverser délicatement les tubes de 5 à 10 fois pour assurer la distribution uniforme des additifs dans le sang prélevé.