Par la mise en œuvre de nouveaux modes et processus
communicationnels, l’innovation permettrait donc de provoquer de
« nouveaux effets » et d’engendrer des changements à « grande échelle »
dans la prévention. En effet, malgré les divers modèles expérimentés en
Afrique (e.g. Iec/Ccc), le problème du Sida est plus que jamais d'actualité.
L’action étant un des centres de notre étude, nous la relions à la
notion d’institution pour lui donner du « sens », pour ajuster les actes de
communication et montrer que l’action individuelle peut être
« débordée » par l’action collective. Cette action collective peut aussi être
« renouvelée » par l’action individuelle. Par ailleurs, tout changement
devant procéder d'un changement de paradigme (Brenot & Tuvée, 1996),
nous lions notre approche à l’émergence d’une « culture de
responsabilité »4 (Bernard, 2006b ; 2008) pour contribuer à la
compréhension du changement sollicité. Ainsi, les travaux de Castoriadis
(1975) - penseur de l’imaginaire social et de la dynamique historique -
nous ont conduit à réfléchir sur les dynamiques instituantes.
1.4. Les dynamiques instituantes
Dans une première approche, nous utilisons ici le concept de la
dynamique historique des sociétés humaines que Castoriadis (1975) a
appelée le « social historique » avec le couple instituant/institué. Par
instituant, nous entendons « la contestation, la capacité d’innovation et en
général la pratique politique, comme signifiant de la pratique sociale »
(Hess & Savoye, 1993 : 3). En somme, l’instituant met en cause les
habitudes, les normes et les manières de penser.
Dans l’institué, nous incluons, non seulement « l’ordre établi, les
valeurs, modes de représentation et d’organisations considérés comme
normaux », mais aussi « les procédures habituelles de prévision
(économique, sociale, politique) » (Hess & Savoye, 1993, p. 3). L’institué
se manifeste donc dans ce que nous faisons sans même y penser, c’est-à-
dire nos habitudes, nos normes comportementales et sociales. Ainsi,
l’institué se prend pour l’universalité, l’institution.
Castoriadis fait partie de ceux pour qui le sens de la lutte pour
l’autonomie conduit au sens de la responsabilité de l’engagement. Dans le
même ordre d’idées, Van Eynde (2000, p. 71) affirme que « toute société
est dans une dynamique instituante qui doit, par son mouvement même, se
fixer en des formes instituées, lesquelles sont comme le produit et l’auto-
limitation de l’instituant ». C’est dire donc que par l’instituant - quelque
chose qui dit non - nous saisissons l’institué. L’instituant peut ainsi se
réaliser dans une pratique innovante à travers des engagements
individuels et collectifs.
Dans une deuxième approche, nous nous référons au cadre
théorique défini par Françoise Bernard (2006, 2008). Nous y développons
que nos sociétés sont faites d’institués, avec des formes institutionnelles
que l’auteure nomme « institutions empiriques ». L’instituant, dans ce
cas, signifie « émergence », « renouvellement », « innovation ». De ce
fait, toutes les sociétés sont instituées (sociétés primitives,
industrielles…), mais se modifient sur de longues périodes. Il s’agit, pour
nous, de considérer les « actions sociétales » comme des « actions
instituantes » avec un passage vers de nouvelles responsabilités. Ainsi,
nous proposons de développer une nouvelle culture, comme la « culture
4 Françoise Bernard (2006) nomme « culture de la responsabilité », ce qui
concerne toutes les organisations qui confirment leur rôle d’institution. C’est
dans le processus d’autopoïesis de cette institution que se forge une culture de la
responsabilité sociétale pouvant transcender les cultures locales de telle ou telle
organisation, de tel ou tel collectif d’acteurs.
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