Politique de Sachlichkeit - Faculté des sciences sociales

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Politique de Sachlichkeit
MAX WEBER ET LA PENSÉE POLITIQUE
Augustin Simard∗
Même le déploiement dans toutes les
dimensions est une demande de salut,
s’il est pensé jusqu’au bout de sa
négativité.
Siegfried Kracauer (1996 : 31)
Le présent article veut contester le partage de l’œuvre de
Weber entre, d’une part, sa pensée politique et, d’autre part,
son travail sociologique. Envisageant la pensée politique
comme un certain « art d’écrire », nous nous efforcerons de
préciser l’espace qu’elle occupe chez Weber, en examinant
l’articulation incertaine entre deux plans d’intelligibilité
mutuellement exclusifs : la philosophie politique et les sciences
sociales positives. À partir d’un article de 1917, nous
analyserons plus spécifiquement la tension entre deux trames
argumentatives opposées - l’impératif machiavélien et la « cage
d’airain » - et la stratégie par laquelle cette tension est
aménagée, avec plus ou moins de succès, à l’intérieur d’une
« politique de l’objectivité ».
***
On ressent toujours un certain embarras lorsqu’il s’agit d’aborder la
pensée politique de Weber. Cet embarras, cette véritable gêne découle en
fait d’un problème « méthodologique » qui, pour paraître banal à prime
abord, engage rien de moins que la caractérisation de ce qu’est devenue
∗
Je tiens à remercier les professeurs Pierre Bouretz et Philippe Despoix. Le présent article
doit beaucoup à leurs remarques, leurs discussions et leurs travaux respectifs.
Aspects Sociologiques, volume 10, no 1, février 2003
10
ASPECTS SOCIOLOGIQUES
la pensée politique depuis la seconde moitié du XIXe siècle - c’est-à-dire
depuis la constitution du régime discursif spécifique des sciences
sociales. Un problème que l’on peut ramener à cette unique question : où
situer la part de la pensée politique à l’intérieur une œuvre qui s’inscrit
explicitement à l’enseigne de ces nouvelles sciences ?
Une première réponse à cette question est celle, classique, qui
procède via negativa en distinguant nettement objectivité de
l’entendement sociologique et engagement politique, scholarship et
partisanship si l’on veut. La pensée politique de Weber viendrait donc
qualifier tout cet ensemble foisonnant d’articles, de conférences et
d’interventions qui ne cadrent pas avec le profil d’un authentique
fondateur de scientificité. Selon cette première réponse, la caractéristique
essentielle de la pensée politique wébérienne est donc d’être
inessentielle, périphérique, accessoire et, par conséquent, uniquement
digne d’un intérêt biographique. Certes, on a contesté, dès l’ouvrage de
Christoph Steding, Politik und Wissenschaft bei Max Weber (1932), ce
traitement sommaire réservé à la pensée politique de Weber, en affirmant
qu’elle constituait au contraire le foyer véritablement déterminant de ses
travaux sociologiques et que ceux-ci devaient être envisagés comme
l’expression sublimée de positions politiques. Or, en dépit d’un
changement dans l’importance relative des termes, il semble que soit
demeuré intact le postulat d’un partage de l’œuvre de Weber entre, d’un
côté, les travaux sociologiques et, de l’autre, la pensée politique.
Dans une optique plus philosophique, les études classiques de
Löwith (1993), de Strauss (1986) et de Hennis (1997) ont mis en doute ce
partage commode. Ils ont tenté de rendre compte d’une solidarité
profonde entre les deux pôles de l’œuvre wébérienne à partir d’une
posture philosophique et existentielle plus radicale. Ce faisant, chacun
s’efforçait de l’inscrire dans la continuité d’une longue tradition de
pensée : Hennis, notamment, voulait faire de Weber un digne héritier de
la tradition occidentale de la philosophie pratique, tradition animée,
depuis Aristote, par la recherche des conditions dans lesquelles
l’humanité peut honorer son telos propre1.
Il y a bien sûr quelque chose d’insatisfaisant dans cette approche, et
mon propos sera aujourd’hui de tenter d’y remédier. En effet, cette
1
Cf. l’ouvrage célèbre de Wilhelm Hennis (1997 : 48, 59) entre autres. Pour Strauss, il
s’agit bien sûr d’une tradition « négative » puisque Weber apparaît comme celui qui conduit
à son terme ultime le mouvement immanent à la pensée politique moderne, impulsé par
Machiavel.
11
Weber et la pensée politique
Augustin Simard
approche « philosophique » semble forcée, si elle veut ménager la
crédibilité de ses hypothèses, de minimiser le choix conscient effectué
par Weber lui-même en faveur d’une science sociale strictement positive
et, corrélativement, son abandon du mode d’interrogation propre à la
philosophie2. J’aimerais, au contraire, suggérer qu’une analyse
satisfaisante de la pensée politique de Weber doit non seulement tenir
compte de cet abandon, mais en faire également un enjeu central. Une
telle analyse devra, avant tout, s’attacher à saisir la pensée politique
wébérienne dans l’instance d’une écriture en constante (et difficile)
négociation avec deux « économies générales de la vérité »
diamétralement opposées. Par le biais d’une relecture de l’essai
Wahlrecht und Demokratie in Deutschland – écrit par Weber à l’été 1917
– j’aimerais mettre à l’épreuve cette intuition et en mesurer la
productivité.
Dans un premier temps, je préciserai rapidement ce qu’il faut
entendre par « pensée politique », et de quelle manière celle-ci s’est
transformée sous l’impact du discours des sciences sociales. Cela nous
permettra de faire ressortir la position singulière que Weber occupe dans
le cours de ces transformations. Ensuite, j’examinerai plus concrètement
la façon dont cette singularité se répercute dans les écrits de Weber sur la
démocratie allemande.
I
Pour une large part, les difficultés auxquelles se heurtent les
approches « philosophiques » de la pensée politique de Weber tiennent à
l’extrême rigidité des catégories dont elles usent pour atteindre leur
objet : on tente d’abord laborieusement de circonscrire un domaine
spécifique de problèmes, un ensemble de questions pérennes, que l’on
utilise ensuite comme critère distinctif de la pensée politique. Ainsi, on
conclut à un déclin de la pensée politique lorsque, au cours du XIXe
siècle, ces questions sont, une à une, détrônées par l’ambition de
nouvelles sciences en voie de cristallisation. Sur une rive donc, le vieux
« continent » de la philosophie politique ; sur l’autre, le champ vaste et
lisse des sciences sociales. Selon ses humeurs et ses sympathies - c’est-àdire de façon purement abstraite - on situera Weber ici ou là.
2
En d’autres termes : on est porté à oublier le fait massif que Weber n’était absolument pas
un philosophe, mais un historien comparatiste, un juriste, un économiste et, enfin, un
sociologue.
12
ASPECTS SOCIOLOGIQUES
Qu’arriverait-il si, plutôt que de se satisfaire d’une caractérisation en
termes d’objets, l’on tentait de définir la pensée politique sur un mode
plus formel, comme un certain « art d’écrire » qui serait susceptible de
« parler » plusieurs discours mais qui demeurerait sans idiome propre ? Il
s’agit là, bien sûr, d’une célèbre intuition de Leo Strauss, mais détournée
de son but premier et considérablement enrichie par des penseurs comme
Claude Lefort (1972; 1992) et Sheldon Wolin (1960; 1981). Il faudrait
dès lors chercher la pensée politique au niveau de la performance
proprement dite, c’est-à-dire dans les stratégies plus ou moins obliques
grâce auxquelles un discours atteste de sa légitimité de « chose dite »,
tente de justifier le partage entre son dedans et son dehors, entre ce qu’il
dit et ce qui le fait parler. La pensée politique ne serait donc pas tant à
concevoir comme un ensemble de propositions portant sur un domaine
d’objets précis (le Pouvoir, le Prince, la Cité, etc.) - une théorie de la
politique, si l’on veut - que comme un politique de la théorie. Une
pensée politique au sens littéral du terme.
Cette définition de la pensée politique comme « art d’écrire » est
plus opératoire qu’elle ne pourrait le sembler à première vue.
Concrètement, on en peut tirer trois conséquences. Premièrement, elle
suggère que c’est à l’endroit précis où, dans une œuvre donnée, viennent
se rencontrer deux discours aux prétentions concurrentes que les traces
du travail de la pensée politique seront les mieux visibles. À ces
intersections, en effet, l’art d’écrire passe à l’avant-plan car il ne s’agit
plus simplement de « parler » un discours « de l’intérieur » (pour ainsi
dire), mais de mettre en rapport deux discours qui tendent à s’anéantir
mutuellement. Les procédés par lesquels l’auteur cherche, dans l’instance
même de son écriture, à atteindre une sorte d’équilibre tendu deviennent
alors sensibles, palpables, puisque eux seuls peuvent maintenir l’unité du
propos3.
Deuxième conséquence, cette définition de la pensée politique
comme art d’écrire nous permet d’identifier un dispositif discursif par
lequel elle se démarque : celui de la nécessité. Au risque de paraître trop
schématique, on dira que ce qui singularise ce mode particulier d’écriture
qu’est la pensée politique, c’est qu’elle paraît portée par la tentative de
3
C’est, par exemple, en examinant comment les philosophes juifs et musulmans des Xe et
XIe siècles ont aménager le conflit mortel entre, d’un côté, le discours de la Révélation et,
de l’autre, celui de la métaphysique grecque que Leo Strauss est parvenu à mettre en
lumière l’enjeu éminemment politique qui structure l’ensemble de leurs œuvres – et, du
même coup, l’importante filiation platonicienne que tend à masquer un propos d’apparence
aristotélicienne. Sur cette question, cf. Leo Strauss (1988 : 136-142).
13
Weber et la pensée politique
Augustin Simard
représenter et de mettre en œuvre une nécessité qui organise le Sujet
politique. À défaut de pouvoir développer entièrement cette hypothèse,
on peut en préciser les deux termes :
a)
Représentation d’une nécessité, d’une part, selon des schèmes
fort variables : l’idée antique de Nature (physis), la Loi révélée,
un postulat anthropologique radicalement immanent (comme
la peur d’une mort violente de Hobbes) ou encore les exigences
d’une « pensée post-métaphysique ». Peu importe sa figure, la
nécessité apparaît comme quelque chose d’extérieur au discours,
quelque chose qui lui sera à jamais irréductible, mais qui
l’informe et lui fournit son point de départ.
b) Mise en œuvre d’une nécessité, d’autre part, puisque le propre
de l’art d’écrire de la pensée politique est de donner corps à cet
irréductible, de restituer dans l’écriture elle-même le sens et la
force de cette nécessité.
Troisième corollaire, enfin, cette caractérisation de la pensée
politique comme art d’écrire permet de rechercher la continuité d’une
éventuelle tradition non plus en regard d’un ensemble de « problèmes
éternels », mais (plutôt) en regard de la permanence d’une fonction.
Aussi, plutôt que de s’indigner de la disparition des concepts de la
philosophie politique classique - et de conclure à la fin de la pensée
politique tout court - on examinera, plus sobrement, la façon dont cet
« art d’écrire » propre à la pensée politique continue de fonctionner à
l’intérieur et, surtout, entre des discours qui récusent pourtant les
problématiques auxquelles l’étiquette de « pensée politique » a pu être
accolée.
Mais revenons à Max Weber. Aussi bruyamment qu’elle fût
exprimée, la prétention de la part de l’entendement sociologique à
s’affranchir du discours de la philosophie politique classique ne sonne
pas le glas de la pensée politique comme telle, mais marque seulement un
déplacement de ses objets. Il est vrai que ce déplacement est souvent
recouvert par une rhétorique de la tabula rasa qui interdit d’en prendre
conscience - et encore moins de le maîtriser. Ce qui apparaît au contraire
remarquable chez Weber, c’est la façon dont les limites du discours de la
philosophie politique sont réfléchies, plutôt que de se voir banalement
opposer la suprématie du regard sociologique. La pensée politique de
Weber dessinerait donc un mouvement d’oscillation permanent entre
deux plans d’intelligibilité distincts, deux économies de la vérité qu’elle
14
ASPECTS SOCIOLOGIQUES
sait inconciliables, deux « codes » si l’on veut. C’est ce mouvement que
j’aimerais à présent éclairer.
II
Le texte de Weber qui nous intéresse plus spécifiquement ici a été
publié en décembre 1917 sous le titre Suffrage et démocratie en
Allemagne dans la série « Der Deutsche Volkstaat », chez l’éditeur de la
revue « Die Hilfe »4. Il aurait été écrit entre la mi-juillet et la miseptembre de la même année, alors que le Reich allemand entrait dans
une grave crise politique, déclenchée par la discussion d’un projet de loi
visant à convertir les territoires orientaux conquis par l’armée allemande
en propriété nobiliaire. Pour Weber, ce qui ne semble à première vue
qu’une basse manoeuvre politique marque en réalité la dernière étape
d’une lente décadence des élites politiques allemandes, dont les causes
seraient à rechercher dans l’héritage de Bismarck (Weber, 1988b :319320).
C’est le succès, au sein de la diète prussienne, d’une campagne
d’opposition à la réforme du suffrage censitaire qui pousse Weber à
l’offensive au cours de l’été 1917. Depuis plusieurs années déjà, Weber
appelait de ses voeux cette réforme du suffrage. La campagne
d’opposition orchestrée par les conservateurs ne fait que le confirmer
dans cette direction. Le but premier du texte qui nous intéresse ici est de
montrer le caractère, ne disons pas simplement désirable, mais
véritablement nécessaire du suffrage universel en Prusse. C’est à nous
convaincre de cette nécessité que s’emploie l’art d’écrire du Weber
politique. Or - la pensée de Weber, même politique, n’étant jamais une
pensée simple - cette nécessité est développée sur deux plans distincts, en
fonction de deux « grammaires » différentes. Il sera donc possible de
repérer dans le texte wébérien deux trames argumentatives qui, pour
s’enchevêtrer constamment, n’en appartiennent pas moins à deux univers
de discours incompatibles. D’où la difficulté, mais également l’intérêt,
d’un art d’écrire qui tente, par une négociation incessante, de les faire
tenir côte à côte.
4
L’édition utilisée ici est « Wahlrecht und Demokratie in Deutschland » dans le vol. 15 de
la première partie du Max Weber Gesamtausgabe : Zur Politik im Weltkrieg. Schriften und
Reden 1914-1918, W. Mommsen éd., Tübingen, Mohr (Siebeck), pp. 343-396. Toutes les
traductions sont nôtres. En raison de la lourdeur de la prose wébérienne, elles s’autorisent
parfois quelques libertés. Le texte allemand a été néanmoins inclus dans les notes de bas de
page.
15
Weber et la pensée politique
Augustin Simard
La première trame argumentative relève de ce qu’on pourrait appeler
la « grammaire » de la science politique classique, et plus spécifiquement
d’une variante de celle-ci : l’impératif machiavélien5. Cette trame se
laisse repérer dès les premières pages du texte - dès l’instant où Weber
campe l’opposition, à ses yeux radicale, entre deux « dispositions »
(Gesinnung) éthico-économiques : celle du capital prébendier et celle du
capital producteur (Erwerbskaptial) (pp. 352-353). Ce que Weber tente
d’appréhender par le truchement de cette opposition, c’est le type d’ordre
politique, le type d’agencement de forces qui permettra au Reich d’être à
la hauteur de la contingence historique. À la racine de chacune de ces
« dispositions », Weber décèle une certaine posture face au caractère
conflictuel de la vie sociale, posture qui se répercute directement dans la
forme de l’État. D’un côté, un État de prébende, obsédé par l’image
d’une société ordonnée, qui doit constamment juguler les conflits en
érigeant une couche de rentiers instruits, apolitiques et « neutres », au
prix d’une dépendance croissante envers les grands financiers. La France
et l’Allemagne sont, selon Weber, à ranger dans cette première catégorie.
De l’autre côté, un État d’entrepreneurs, dont l’Angleterre figure le
modèle, qui accueille le choc des intérêts, lui donne libre carrière dans
ses institutions et en fait la pierre de touche de son activité. Seul ce type
d’État, suggère Weber, repose sur son propre fond. Au-delà d’une
évidente idéalisation, remarquable apparaît l’analogie avec une antinomie
structurante de la pensée machiavélienne, l’antinomie entre Venise et
Rome6. Face à la république vénitienne, oligarchique, crispée dans son
opposition à tout élargissement du consiglio et dépendante des armées de
condottiere, la Rome républicaine figure un régime turbulent, un régime
qui se nourrit de la lutte entre le Sénat et la plèbe et se montre capable de
lancer ses armées de soldats-citoyens à l’assaut de n’importe quel
ennemi. Pour Weber comme pour Machiavel, il s’agit par là de libérer un
dynamisme qui, loin de s’opposer à une politique efficace, en est la
condition nécessaire.
Mais le problème véritable n’est pas celui de l’efficacité de l’État. Si
Max Weber s’inscrit dans le prolongement de l’impératif machiavélien,
c’est parce qu’il réitère l’injonction d’une politique objective, une
politique de la Sachlichkeit, une politique qui épouserait la verità
effetuale. À l’instar de Machiavel, le réalisme prôné par Weber n’est pas
5
Pour une mise en relief de l’impératif machiavélien dans l’histoire de la pensée politique,
cf. Manent (1977 : 9-12).
6
Sur la portée et la signification de cette antinomie, cf. Lefort (2000 : 215-237). Se référer
également à John G. A. Pocock (1997 : 200-208).
16
ASPECTS SOCIOLOGIQUES
une politique de la puissance, car celle-ci ne connaît qu’un indicatif pur
auquel il faut s’adapter. Rien ne saurait être plus éloigné de la pensée de
Weber que l’idée d’une adaptation au simple succès factuel. Ce qui au
contraire fonde le mode impératif ici, c’est l’idée (improbable) d’une
objectivité de la politique qui serait menacée de disparaître faute d’être
suffisamment ressentie par ses acteurs. L’impératif machiavélien est
donc une stratégie paradoxale qui vise à restaurer l’objectivité du
domaine politique. Il fonctionne comme un commandement : ressent la
nécessité objective de ton action ! Et il répond au spectacle d’un monde
sens dessus dessous où cette nécessité objective semble avoir perdu toute
efficace (Manent, 1977 : 31-33). Pour Weber comme pour Machiavel, la
situation présente défie les lois de l’univers politique : l’Italie des XVe et
XVIe siècles est un monde « hors de son assiette naturelle » où l’« on
assiste à des guerres qui ne tuent pas, à des défaites dont on se sauve en
ouvrant sa bourse ; on observe des princes [...] qui ne connaissent pas la
sanction naturelle de leur incompétence » (Manent, 1977 : 32-33). Même
la conduite de la guerre, activité pourtant d’une mortelle objectivité,
semble désormais soumise à l’arbitraire et à la sentimentalité des princes
sans qualité7.
Ce tableau d’un univers politique anormal dans lequel toute
imputation devient impossible correspond assez bien à la description par
Weber de la politique impériale depuis l’affaire du Daily Telegraph
jusqu’au projet d’anoblissement des conquêtes militaires. Ce qui frappe
Weber dans ce qu’il appelle « le non-sens inouï de la situation présente »
(trad.)8, c’est que la rationalité formelle de la bureaucratie, plutôt que de
freiner le dilettantisme de Guillaume II, semble au contraire le renforcer.
7
Concernant cette improbable subversion de la réalité objective, le passage décisif dans
l’œuvre de Machiavel est sans doute le chapitre XXXIII du livre V des Histoires
florentines, où l’auteur raconte la défaite pitoyable du condottiere Piccinio, à la solde de
l’Empereur, face aux armées de Florence, composées de mercenaires. Il vaut la peine d’être
cité : « Dans aucun temps la guerre portée dans le pays ennemi ne fut moins dangereuse
pour les agresseurs. Au milieu d’une déroute si complète, dans un combat si acharné qui
dura quatre heures entières, il n’y eut de tué qu’un seul homme qui encore ne périt pas de
ses blessures ou de quelque maître coup, mais qui tomba de cheval et mourut foulé aux
pieds des chevaux. Une bataille n’offrait alors aucun danger : on combattait toujours à
cheval, couvert d’armes et assuré de la vie lorsqu’on se rendait prisonnier ; on était donc
toujours à l’abri de la mort, par ses armes pendant l’action, et en se rendant lorsqu’on ne
pouvait plus combattre ». Et Machiavel de conclure : « Cette bataille et tout ce qui la suivit
offrit un mémorable exemple de la veulerie des armées de ce temps-là ». Pour un récit du
même ordre, on pourra également se rapporter au chapitre VI du livre IV.
8
« Wer hat diesen unerhörten Unsinn der gegenwärtigen Lage möglich gemacht? » (Weber,
1988b: 377).
17
Weber et la pensée politique
Augustin Simard
Le second chapitre du livre de Weber Parlement et gouvernement dans le
nouvel ordre politique allemand (1918) est précisément consacré à
expliquer ce cercle vicieux entre la puissance impersonnelle de la
bureaucratie et le règne personnel d’un monarque incompétent. Ne
connaissant ni « la lutte pour le pouvoir personnel », ni « l’engagement
de sa pleine responsabilité en faveur d’une cause (Sache) qui est la
conséquence d’un tel pouvoir » (trad.)9, le monarque qui décide
d’intervenir dans les affaires politiques ne rencontre devant lui qu’un
corps de fonctionnaires duquel il dépend totalement mais dont la
structure hiérarchique exclut toute relation de responsabilité personnelle.
« Alors, poursuit Weber, s’établit une relation circulaire. [...] Le
monarque croit qu’il gouverne personnellement, alors qu’en vérité, sous
son couvert, des fonctionnaires jouissent d’un pouvoir sans contrôle ni
responsabilité. Le monarque est flatté et, parce qu’il peut changer les
personnes qui occupent les principaux ministères, exhibe l’apparat
romantique du pouvoir » (trad.)10. Sous l’apparence pompeuse de la
Weltpolitik, la multiplication d’actes apocryphes.
Si la nécessité objective doit par définition échapper à la volonté du
sujet politique, ce n’est pas à des errements personnels qu’il faut
rapporter la subversion de l’ordre normal des choses politiques, mais à
une structure viciée11. Là où Machiavel situe le fonctionnement absurde
du pouvoir temporel des papes (Manent, 1977 : 30-31), Weber décrit la
convergence entre, d’une part, « les privilèges électoraux d’une caste
prussienne, exprimant ses intérêts politiques intérieurs et exhibant ses
dissensions, ses indécisions et ses ambiguïtés » et, d’autre part, le
paragraphe 9 al. 2 de la constitution de 1871 qui fait écran à toute
responsabilité des ministres devant le Reichstag - avec pour résultat,
l’absence d’un véritable parlement devant lequel le gouvernement
impérial aurait à répondre de ses actes. Si la seule politique sensée est de
s’ouvrir à l’objectivité ou, plus exactement, de reproduire à l’intérieur du
9
« Kampf um eigene Macht und die aus dieser Macht folgende Eigenverantwortung für
seine Sache […] » (Weber, 1988b : 335).
10
«Der Monarch glaubt selbst zu regieren, während in Wahrheit das Beamtentum sich des
Privilegs erfreut, gedeckt durch ihn, unkontrolliert und verantwortungslos schalten zu
können. Dem Monarchen wird geschmeichelt und ihm, weil er die Person des leitenden
Ministers nach persönlichem Belieben wechseln kann, der romantische Schein der Macht
gezeigt » (Weber, 1988b : 338).
11
« On fait beaucoup trop de cas de l’impulsivité du monarque et de son caractère. C’est la
structure politique qui doit être tenue responsable », lettre de Weber à Friedrich Naumann,
12 novembre 1908.
18
ASPECTS SOCIOLOGIQUES
sujet politique le sens de cette objectivité, les régimes politiques qui,
obsédés par l’ordre, tentent d’exclure tout ce qui leur résiste, sapent
l’objectivité de l’action politique. L’objectivité de la politique devient
alors fortuna, destin aveugle qui s’abat de l’extérieur.
Dans cette première trame argumentative - celle de l’impératif
machiavélien - le suffrage universel intervient donc comme une solution
technique à un problème structurel. Mais, concrètement, comment
l’élargissement du suffrage en Prusse peut-il contribuer à la restauration
d’un univers politique répondant à une nécessité objective intrinsèque ?
Weber indique deux façons, d’importance inégale comme on le verra.
La première est que le suffrage universel, selon une formule obscure
de Weber, entretient « une relation étroite avec une certaine égalité de
destin, que l’État moderne comme tel crée ». Et Weber d’ajouter : « les
hommes sont égaux “devant la mort” » (trad.)12. L’argument découlerait
du rapport protection = obéissance à la base de l’État moderne : d’un
côté, un minimum de sécurité, de droits et de bien-être matériel ; de
l’autre, « un champ de bataille où mourir » (trad.)13. C’est pourquoi,
poursuit Weber, « toute inégalité de droits politiques, autrefois, dérivait
ultimement d’une [...] inégalité dans les qualifications militaires,
inégalité qui n’existe plus dans l’armée et dans l’État buraucratisés »
(trad)14. La possibilité généralisée de servir sous les drapeaux appelle
donc une citoyenneté politique indistincte. On connaît bien l’efficacité
historique de cet argument15. Pourtant, pour Weber – comme pour
Machiavel d’ailleurs – l’expérience militaire ne se réduit pas à une figure
du rapport protection = obéissance propre à l’État moderne ; elle
constitue, en réalité, un événement positif, révélateur et – osons le mot –
pédagogique. Une page plus loin, Max Weber, imaginant les objections
qu’élèveraient ses adversaires, est conduit à préciser son argument :
« Quelque soit l’état d’esprit des soldats au retour du front, ils
ramèneront des expériences, des impressions et des découvertes qui
12
« […] jener Gleichheit gewisser Schicksale, die wiederum der moderne Staat als solcher
schafft. »Gleich« sind die Menschen vor dem Tod » (Weber, 1988c : 372).
13
« […] das Schlachtfeld für den Tod » (Weber, 1988c : 372).
14
« Alle Ungleichheiten der politischen Rechte der Vergangenheit führten letztlich auf […]
Ungleichheit der militärischen Qualifikation zurück, welche im bürokratisierten Staat und
Heer fehlen » (Weber, 1988c : 372)
15
Faut-il rappeler que, au Canada, en 1917 justement, le droit de vote a été accordé d’abord
aux femmes qui avaient servi dans les Forces armées, ou qui entretenaient un lien de
parenté avec un militaire ?
19
Weber et la pensée politique
Augustin Simard
n’appartiendront qu’à eux. Ce que nous pouvons légitimement attendre
d’eux, c’est un degré au moins plus élevé d’objectivité (Sachlichkeit), car
les tâches que réclame la guerre moderne sont objectives au plus haut
point » (trad.)16. Pour cette raison, poursuit Weber, « nous nous attendons
à ce qu’ils soient davantage immunisés contre les phrases creuses des
simples plumitifs, peu importe leur parti » (trad.)17. Texte remarquable,
en vérité, puisqu’il suggère une supériorité des hommes du front sur leurs
concitoyens, supériorité résultant de l’épreuve de la guerre de masse
comme telle. La guerre moderne, en ce qu’elle n’offre plus prise à une
transfiguration éthique ou religieuse, deviendrait le vecteur d’un
désenchantement radical. Elle prive en effet le combattant de toute
identité, selon une logique de stricte équivalence. Elle ouvre de ce fait un
champ dans lequel l’expérience vécue n’a aucune autonomie, demeurant
entièrement soumise à une cause/chose (Sache) – réifiée pour tout dire.
Paradoxalement, la supériorité de l’homme du front est donc de savoir au
plus intime de lui-même que « tous les hommes sont égaux “devant la
mort” ». Le suffrage universel apparaît alors comme le moyen de diffuser
dans les institutions politiques cette lucidité nouvelle.
Mais il est une seconde avenue – plus connue – par laquelle
l’élargissement du suffrage permettra de restaurer l’objectivité de la
politique. Plus connue, dira-t-on, car elle rejoint ce qui fut le grand
combat politique de Weber depuis 1905 : la parlementarisation du
Reich18. L’instauration du suffrage universel devrait en effet permettre de
recentrer la vie politique autour des institutions parlementaires. Or,
Weber use de notions qui sont étrangères à la conception classique des
16
« Welches aber auch immer die Stimmung der heimkehrenden Krieger sein wird, —
jedenfalls bringen sie Erlebnisse, Eindrücke und Erfahrungen mit, welche nur sie gehabt
haben. Was wir von ihnen vor allem erwarten zu dürfen glauben, ist einmal ein mindestens
relativ größeres Maß von Sachlichkeit. Denn in Höchstmaß sachlich sind die Aufgaben,
welche der moderne Krieg stellt » (Weber, 1988c : 373).
17
« […] ein größeres Maß von Gefeitheit gegen bloße Literatenphrasen, gleichviel welcher
Partei» (Weber, 1988c : 373).
18
Pour Weber, la parlementarisation du Reich signifie surtout le recentrement des pouvoirs
législatif, exécutif et administratif autour du Reichstag. Au sens strict, il n’y a que le
législatif fédéral qui est, dans ce cadre, absolument « parlementarisé ». Le pouvoir exécutif
(le Bundesrat) est placé dans un rapport (limité, il est vrai) de responsabilité vis-à-vis du
Reichstag, par l’abrogation de l’article 9 (2) de la Constitution de 1871 (qui interdisait à un
membre du Bundesrat d’occuper un siège au Reichstag, le privant ainsi de toute assise
partisane). Cf. Weber (1988a : 222-225). Idem pour l’administration impériale, qui se
verrait alors soumise au pouvoir des comités parlementaires, au droit d’enquête des députés
et à la nécessité de publier des directives officielles. Weber n’envisage donc pas une
parlementarisation « absolue » du Reich, mais une parlementarisation « indirecte ».
20
ASPECTS SOCIOLOGIQUES
institutions représentatives : au principe libéral de représentation, Weber
substitue l’irréductible positivité du conflit partisan, auquel le parlement
fournit une scène et un cadre. Si la Sachlichkeit est liée à l’épreuve d’une
résistance indépassable – dont le sujet politique ne dispose pas mais qui,
à l’inverse, dispose de lui – nulle surprise que Weber vienne identifier le
conflit partisan comme un foyer d’objectivité. La résistance des opinions,
des intérêts et des valeurs antagonistes fait office de pierre de touche,
confirmation momentanée d’une « élection » incertaine... C’est sur cette
base que Weber envisage une restauration de l’objectivité politique. Dès
lors, l’institution parlementaire n’est plus réductible à la représentation
de forces sociales lourdes de leur antériorité ; il désigne plutôt un espace
de dynamisation et de mise en conflit dont la fonction première est
d’ordre pédagogique. À « l’excitation stérile d’un sentiment qui tourne à
vide », déliée de toute dépendance à une cause, vient s’opposer le sujet
politique passionné qui, sur le « champ de bataille électoral » (Weber,
1963 : 177), dans le travail des commissions et dans les réunions
partisanes, enfin au milieu de la mêlée parlementaire, est soumis de façon
continue à un apprentissage du réel. Le parlement aménage le lieu d’un
test permanent, une arène dans laquelle les leaders doivent prouver leur
« passion objective ». L’attaque de Weber est frontale : « Il est inévitable
qu’un monarque moderne soit autant un amateur qu’un quelconque
membre du parlement [...]. Mais, il existe une différence : un membre du
parlement peut apprendre à mesurer la portée de ses déclarations dans la
lutte partisane, alors que le monarque doit demeurer en retrait de la
lutte » (trad.)19 . C’est donc en toute logique que Weber demande l’octroi
au parlement d’un droit d’enquête élargi sur les actes administratifs
(cross-examination et témoignage sous serment).
Expérience de la guerre moderne, épreuve du conflit partisan : les
deux avenues par lesquelles le suffrage universel viendra (ré)imposer les
exigences de l’objectivité politique semblent unies par une même
fonction pédagogique20. C’est que, ose-t-on croire, l’impératif
19
« Der moderne Monarch ist ganz unvermeidlich stets und immer ein Dilettant, wie nur
irgendein Parlamentarier es ist […]. Mit dem Unterschied, daß […] ein Parlamentarier im
Kampf der Parteien zu lernen vermag, die Tragweite des Wortes zu wägen, während der
Monarch dem Kampf entzogen bleiben soll » (Weber, 1988c : 394).
20
Sur le rôle de Weber éducateur, cf. L. A. Scaff, « Max Weber’s Politics and Political
Education », American Political Science Review, vol. 67, 1973, pp. 128-141. Avec Philippe
Despoix, on rappellera également la teneur des discussions du cercle de Heidelberg, autour
de Max Weber, ainsi que la force d’attraction considérable qu’il exerçait sur les jeunes
étudiants en rupture avec le Reich wilhelminien. Des jeunes étudiants pacifistes ou
révolutionnaires, il faut ajouter, auxquels Weber a toujours soigneusement évité de
21
Weber et la pensée politique
Augustin Simard
machiavélien est étroitement lié à une certaine posture de l’éducateur
politique. Une posture critique, certes, puisqu’il s’agit avant tout de saper
les représentations illusoires de soi-même qui empêchent le sujet
politique de s’ouvrir à la nécessité. Mais l’originalité de l’éducation
politique machiavélienne est aussi de décevoir constamment son lecteur,
de refuser d’occuper la position du maître au moment précis où son
public voudrait pourtant l’y asseoir. On sait que les Discours sur la
première décade de Tite-Live consignent l’enseignement oral de
Machiavel aux jardins Oricellari, devant un public composé pour une
large part de jeunes républicains opposés au régime des Medicis – des
jeunes gens pressés d’agir mais entièrement soumis à l’image d’un
régime harmonieux ordonné par la sagesse des Anciens. C’est à briser le
charme de cette vision idéalisée de la république romaine, véhiculée par
l’humanisme civique, que s’applique Machiavel lorsqu’il entreprend de
« commenter » Tite-Live (Gilbert, 1996; Lefort, 1992a). Commentaire
très libre en vérité, puisque sans rompre explicitement avec
l’interprétation humaniste, il s’attache à la détraquer de l’intérieur à force
de distorsions et de décalages. La posture de l’éducateur politique Weber
est sans doute moins secrète, plus manifeste, mais elle vise – elle aussi –
à conjurer le charme d’images qui détournent le sujet politique de son
ouverture à la nécessité. Dans le texte qui nous intéresse, ce que vise Max
Weber, c’est avant tout l’idée que la démocratie parlementaire serait un
régime politique essentiellement non-allemand (undeutsch), et que son
introduction en Allemagne aurait pour conséquence « la destruction des
“traditions” soi-disant “distinguées” et productrices de culture, ainsi que
de la sagesse politique présumée impénétrable de la classe soi-disant
“aristocratique” qui domine l’État » (trad.)21. Weber consacre une dizaine
de pages – décapantes – à mettre en pièces l’idée qu’une telle aristocratie
« spécifiquement » allemande ait déjà existé. « Une démocratisation de la
société conduite ou véhiculée par une réorganisation politique [...]
trouverait chez nous, socialement parlant, aucune forme ou valeur
« montrer le chemin ». Cf. le témoignage de Ernst Toller cité dans P. Despoix, Éthiques du
désenchantement. Essais sur la modernité allemande au début du siècle, Paris,
L’Harmattan, 1995, pp. 42-43.
21
« der Zerstörung der angeblich »vornehmen« und daher kulturfördernden »Traditionen«
und auch der vermeintlich unergründlichen politischen Weisheit der den Staat
beherrschenden, angeblich »aristokratischen« Schichten durch die »Demokratie«. »
(Weber, 1988c : 374).
22
ASPECTS SOCIOLOGIQUES
aristocratique qu’elle serait susceptible [...] de détruire » (trad.)22. Pour
Weber, ce masque totémique d’une aristocratie allemande répond à un
mouvement de panique des élites prussiennes face à l’état social
démocratique (au sens de Tocqueville). Car, en vérité, « les Allemands
sont un peuple plébéien – ou, si l’on préfère, un peuple bourgeois et c’est
sur cette base seulement qu’une “forme spécifiquement allemande” peut
s’ériger » (trad.)23 (1988c : 388). Aussi une généalogie court-elle en
filigrane du texte de Weber, tentant de retrouver cette « “forme
allemande” véritablement distincte qui correspondrait au caractère
bourgeois des couches dirigeantes » (1988c : 389). Après avoir pris
naissance dans les « pactes » des villes hanséatiques, le développement
de cette « forme spécifiquement allemande », poursuit Weber, a été
entravé par « les transformations politiques et économiques survenues
depuis 1870 » (1988c : 389). Peut-être la démocratisation politique du
Reich pourra lui donner un second souffle. Mais ce qui est remarquable,
c’est le passage très rusé qui clôt l’argument wébérien : en écho au
paragraphe 257 de Par-delà bien et mal, Weber insiste sur l’importance
des distances intérieures pour toute forme de vie authentique. L’erreur
des épigones de Nietzsche que la démocratie effraie, ajoute-t-il aussitôt,
consiste à croire que ces distances intérieures ne peuvent être préservées
que « sous l’apparat d’un contraste “aristocratique” entre soi et la
masse ». « Au contraire, ces distances sont fausses dès lors qu’elles ont
besoin, comme c’est le cas aujourd’hui, d’un tel support. C’est peut-être
seulement la nécessité de maintenir ces distances à l’intérieur d’un
monde désormais “démocratique” qui pourra prouver leur authenticité »
(trad)24.
22
« Irgendeine durch die politische Neuordnung herbeigeführte oder beförderte
gesellschaftliche Demokratisierung […] fände also bei uns, gesellschaftlich angesehen,
keine aristokratischen Formwerte vor, welche sie […] zerstören. » (Weber, 1988c : 388).
23
« Die Deutschen sind ein Plebejervolk, — oder wenn man es lieber hört: ein bürgerliches
Volk, und nur auf dieser Basis könnte eine spezifisch »deutsche Form« wachsen » (Weber,
1988c : 388).
24
« »Distanz« ist aber keineswegs, wie der Mißverstand der verschiedenen auf Nietzsche
zurückgehenden »Prophetien« bei uns glaubt, nur auf dem Kothurn der »aristokratischen«
Kontrastierung seiner selbst gegen die »Vielzuvielen« zu gewinnen: — sie ist im Gegenteil
stets unecht, wenn sie heute dieser Stütze bedarf. Gerade als Probe ihrer Echtheit kann ihr
vielleicht die Notwendigkeit, sich innerhalb einer demokratischen Welt innerlich zu
behaupten, nur dienlich sein » (Weber, 1988c : 389-390)
23
Weber et la pensée politique
Augustin Simard
III
On a vu jusqu’à présent comment s’ordonnait, à l’intérieur du texte
de Weber, un premier discours sur la politique : celui de l’impératif
machiavélien. Un discours classique, que l’art d’écrire wébérien manie
certes avec brio, mais auquel, simultanément, il refuse d’accorder toute la
place. Et c’est là, précisément, qu’intervient la rupture avec la science
politique classique – avec l’apparition d’un écart dans l’instance même
de l’écriture. « Dans l’instance même de l’écriture », ajoute-t-on, car cet
écart ne résulte pas du travail d’un pur theoros qui se distancerait
souverainement de son objet, mais de la juxtaposition du discours
classique de l’impératif machiavélien et d’un autre discours, structuré par
des prémisses opposées.
Dans le texte Wahlrecht und Demokratie, se profile donc une
seconde trame argumentative, mobilisant un type d’intelligibilité
hétérogène à la première. Bien qu’elle occupe une place considérable,
son propos se limite apparemment à la critique de l’idée d’une
représentation politique structurée par des catégories professionnelles
(berufsständich Vertretung) – idée qui réapparaît, vers la fin de la
guerre25, comme une alternative à la fois à la vieille représentation
prussienne et à la stricte démocratie parlementaire. Selon ses défenseurs,
cette forme de représentation a l’avantage, en demeurant liée à la
concrétude d’un milieu de vie, d’éviter l’abstraction propre à l’État
moderne. Elle assurerait ainsi l’homogénéité entre l’espace de la
politique et les solidarités primaires dans lesquelles le citoyen est
toujours immergé, « les cercles organiques dans lesquels il vit et
travaille » (Weber, 1988c : 362). Or, lance Weber, cet idéal repose sur
« une profonde ignorance de l’essence du capitalisme » (1988c : 356).
Ignorance de tout ce qui distingue un capitalisme « politique »,
occasionnel, de la conduite rationnelle, continue, permanente propre au
capitalisme occidental. Condensant des développements entiers de son
analyse de l’éthique économique des religions universelles, Weber se
limite ici à signaler que « les dispositions (Gesinnung) – ou, si l’on
préfère s’exprimer ainsi, les ethos sous-jacents à ces deux types différents
de capitalisme sont aussi opposés qu’il est possible pour deux forces
spirituelles de l’être » (trad)26. Le capitalisme moderne, poursuit-il, est lié
25
Notamment sous la plume d’un Walter Rathenau et dans les projets du secrétaire d’État
Wichard von Möllendorf.
26
« Daß […] die grundlegende »Gesinnung«, oder wenn man es so ausdrücken will: das
»Ethos« jener beiden verschiedenen Arten von Kapitalismus untereinander so
24
ASPECTS SOCIOLOGIQUES
à la constitution d’une « cage d’airain » (eine eherne Gehaüse)27, d’un
« système sans échappatoire », qui ne peut plus être subordonné à une
« économie nationale structurée organiquement ». S’y risquerait-on – au
moyen
d’une
communautarisation
des
entreprises
(Vergemeinwirtschaftung der Betriebe), par exemple – que les
contraintes d’airain, plutôt que de disparaître, s’imposeraient de façon
encore plus incontrôlable (trad)28 : « une danse sauvage autour du Veau
d’or, une chasse périlleuse à toutes les occasions de profit s’échappant
des pores du système bureaucratique, la perte de tout critère [...] dans la
conduite des affaires, et une contrainte d’airain [ein eherner Zwang, je
souligne] obligeant chacun, même l’homme d’affaires le plus
consciencieux, soit à se joindre et à hurler avec les hyènes dans cet
unique Golgotha de toute éthique économique, soit à être condamné à la
déchéance économique ».
On mesure sans peine le gouffre qui sépare cette nécessité
« d’airain » – à laquelle aucune action ne semble pouvoir être soustraite –
de la nécessité fragilisée que l’impératif machiavélien tentait de restaurer.
Impossible, en effet, de « s’ouvrir » à cette nouvelle nécessité. Elle relève
du mode d’intelligibilité propre à l’entendement sociologique ; elle
s’exprime dans un vocabulaire qui n’est plus celui – synthétique – de la
science politique classique. À vrai dire, elle suppose précisément la perte
entgegengesetzt ist, wie zwei geistige und sittliche Potenzen es überhaupt zu sein vermögen
[…] » (Weber, 1988c : 356)
27
Cette expression de Weber n’est bien sûr pas innocente : elle réfère à la célèbre
métaphore de la cage d’acier (die stahlarte Gehaüse) qui clôt L’éthique protestante et
l’esprit du capitalisme. Or, loin d’être une coquetterie, cette métaphore nous conduit au
cœur de la pensée de Weber, là où s’entrecroisent la compréhension wébérienne du type de
rationalité propre à l’Occident moderne et la forme même du discours de la sociologie que
Weber tente de développer. Signalons simplement que le terme Gehaüse serait sans doute
mieux rendu par celui de « cellule ». Ce dernier terme, en effet, donne à entendre l’écho de
la doctrine gnostique de Marcion (200 ap. J.-C.), selon laquelle l’homme est prisonnier d’un
monde créé par le mauvais démiurge – création qui doit donc être rejetée in toto dans
l’appel à un dieu bon mais inaccessible. C’est avec une grande acuité que le jeune Lukàcs
va saisir la pleine portée de cette métaphore, pour ensuite relever le défi qu’elle renferme
« à travers une dialectique du mal qui va fonder son horizon eschatologique ». Cf. Philippe
Despoix, op. cit., p. 166. Cf. également la note 100, page 182, de la traduction allemande du
même ouvrage [Ethiken der Entzauberung, Bodenheim, Philo, 1998.] qui fait explicitement
le lien avec la Gehaüse de Weber.
28
« Ein wilder Tanz um das goldene Kalb, ein hasardierendes Haschen nach jenen
Zufallschancen, welche durch alle Poren dieses bürokratischen Systems quellen, ein Verlust
jedes Maßstabes und […] ein eherner Zwang für jeden, auch den gewissenhaftesten,
Geschäftsmann, bei Strafe des ökonomischen Untergangs mit den Hyänen dieser
beispiellosen Schädelstätte aller Wirtschaftsethik mitzuheulen » (Weber, 1988c : 357)
25
Weber et la pensée politique
Augustin Simard
de tout principe synthétique, une expérience qui défie toute ambition
synoptique. Est-ce à dire que l'impératif viendrait désormais se résorber
dans l’indicatif ? Que le discours de la politique réaliste céderait sa place
à une archi-politique29 ? Enfin, que la pensée politique comme telle
cesserait d’exister ? Le texte de Weber déploie un art d’écrire qui nous
interdit de le penser : dans les pages subséquentes, Weber tente en effet
de nous convaincre que cette nécessité « d’airain » devrait informer une
politique bien précise, une politique qui ne s’imposera pas d’elle-même.
En d’autres mots, elle renferme bien « un fil de l’agressivité », une
certaine injonction qui, à défaut d’être explicitement articulée, n’en
acquiert pas moins une formidable résonance.
Comment fonctionne ce nouveau dispositif de la nécessité, et
comment parvient-il à fonder un mode impératif ? Si la représentation
politique selon les catégories professionnelles repose sur « une profonde
ignorance de l’essence du capitalisme », c’est parce qu’elle demeure
aveugle au découplage structurel, mais historiquement advenu, des
rapports économiques capitalistes et du fonctionnement de l’ordre
politique moderne. Non pas que l’économique et le politique soient des
réalités antithétiques ; ces deux réalités ne se trouvent plus posées sur un
même plan. Et c’est précisément cette différenciation des plans – ou,
selon la terminologie wébérienne, cette hétérogénéité des « ordres de
vie » – qui condamne toute forme « organique » de représentation
politique. Dès lors que l’expérience qui caractérise en propre
« l’humanité européenne moderne » (Weber, 1988c : 356) – que Max
Weber assimile à l’humanité de « profession », la Berufsmenschentum –
est celle de la tension entre des « ordres de vie » de plus en plus
autonomes et différenciés, le projet d’arrimer la représentation politique à
l’unité d’un contexte de socialisation concret et cohérent ne peut que
s’avérer impossible.
Dans les faits, Weber envisage cette impossibilité comme un doubleéchec. D’une part, la structure professionnelle de l’économie capitaliste
moderne est beaucoup trop fluide pour se laisser réfléchir dans un
mécanisme de représentation politique (Weber, 1988c : 359). Ainsi,
plutôt que d’appréhender « la réalité de la vie économique », les
catégories professionnelles définies pour fin de représentation vont en
réalité conduire, dans la sphère des activités économiques, à des
coagulations d’intérêts artificielles et contradictoires, qui parasiteront
éventuellement sa rationalité intrinsèque. « Ces corps de métiers, écrit
29
Sur la notion d’archi-politique, cf. Jacques Rancière (1995 : 100-105).
26
ASPECTS SOCIOLOGIQUES
Weber, n’auront donc plus seulement à protéger des intérêts
professionnels, car le résultat de la lutte électorale au sein de chaque
corporation décidera de la répartition des prébendes et des fonctions
officielles » (trad.)30. Impossibilité, par conséquent, de dissoudre les
impératifs proprement politiques dans le flux des rapports économiques
sans altérer la nature même de ces rapports. Il existerait, en quelque sorte,
« un travail (Wirken) autonome des intérêts purement politiques »
(Weber, 1988c : 360) qui, refoulé, ne peut que faire retour un plus tard –
entraînant, écrit Weber, « le déchirement progressif des solidarités
professionnelles » (Weber, 1988c : 360).
Symétriquement, l’interférence de catégories économiques dans
l’activité politique entraînera nécessairement un brouillage de sa logique
propre, celle de la décision comme ultima ratio (Weber, 1988c : 365369). Car plutôt que de s’ordonner en fonction d’une prise de décision
autoritaire, souveraine et disjonctive, l’agrégation des divers intérêts
professionnels s’effectue toujours par le biais de compromis partiels et
réversibles. C’est la conséquence de la multiplication des associations
fonctionnelles – qui n’atteint sa pleine ampleur qu’avec la généralisation
du contrat-fonction (Zweckkontrakt) – que de disjoindre de plus en plus
nettement logique du compromis et logique de la décision autoritaire.
Certes, admet Weber, les décisions émanant des parlements modernes
résultent souvent de compromis ; « Mais on doit savoir que c’est toujours
avec l’ultima ratio du bulletin de vote à l’arrière-plan. C’est-à-dire qu’un
compromis survient toujours sous la pression du fait que si aucun
compromis n’est passé, le vote ou l’élection qui suivra pourrait produire
un résultat également désagréable pour tous les intéressés » (trad.)31. Il
existerait donc une forme d’incommunicabilité entre, d’un côté, le mode
de composition des relations entre acteurs économiques (du moins, telles
qu’elles se déploient dans le capitalisme occidental) et, de l’autre, le
régime interne de la politique moderne. Dès lors, le type de régulation
spécifique à l’activité économique est incapable de se traduire, comme le
souhaiteraient les défenseurs du mode de représentation par catégories
professionnelles, dans le langage de l’État moderne – dans la mesure, du
30
« […] nun würden diese berufsständischen Körperschaften ja nicht nur berufliche
Interessen wahrzunehmen haben, sondern: das Ergebnis des Wahlkampfes in ihnen
entschiede über die Besetzung der staatlichen Pfründen und Ämter » (Weber, 1988c : 361)
31
« Aber, wohl gemerkt: immer mit der ultima ratio des Stimmzettels im Hintergrund. Das
heißt also: unter dem Druck, daß in Ermangelung des Zustandekommens des
Kompromisses die dann stattfindende Wahl oder Abstimmung ein vielleicht allen
Beteiligten annähernd gleich unerwünschtes Resultat haben werde » (Weber, 1988c : 368).
27
Weber et la pensée politique
Augustin Simard
moins, où celui-ci repose bel et bien sur la catégorie de l’autorité
souveraine.
De cette impossible synthèse entre deux univers de pratiques
distincts et clos sur eux-mêmes, Weber conclut non seulement au
nécessaire abandon de toute idée d’un ordre politique structuré en
fonction d’une réalité économique primordiale, mais au caractère tout
aussi nécessaire d’un suffrage universel et indifférencié. «L’égalité du
droit de vote correspond, de par sa nature “mécanique”, à l’essence de
l’État moderne » (trad.)32. Selon un paradoxe classique, c’est au moment
où elle s’apparente le plus à une pure arithmétique que la politique
parvient à réaliser le plus fidèlement le principe de la décision
souveraine. Seule la logique du nombre et du décompte permet en effet
d’élever la décision à son ultime degré de rationalité formelle :
calculabilité optimale, discontinuité et indépendance objective, maîtrise
de son propre encodage, indifférence face aux contenus particuliers, etc.
La nécessité « d’airain » invoquée par Weber acquiert donc une figure
précise : celle du décrochage, historiquement advenu, des différentes
pratiques sociales les unes par rapport aux autres. C’est dans cet étau
« d’airain » que prend place le suffrage universel : comme un opérateur
de différenciation qui achèverait le découplage réciproque des pratiques
politiques et économiques.
IV
Que, chez Weber, la pensée politique soit à chercher dans un certain
art d’écrire qui fait entrer en résonance deux formes de discours
opposées, c’est ce que tentait de montrer l’examen de ce texte méconnu
de Weber, Walhrecht und Demokratie in Deutschland. Et c’est peut-être
dans ce texte qu’apparaît le plus nettement la position inconfortable qui
est celle de Weber, à la jonction de deux mondes. D’une part, celui où de
nouvelles sciences bouleversent l’ordre des savoirs et rendent
indisponibles certains discours traditionnels, au nombre desquels la
philosophie politique classique ; de l’autre, celui où s’impose encore
l’exigence d’une forme d’unité du monde social-historique, d’un principe
extérieur auquel se rapporterait l’ensemble des conduites humaines. Le
fonctionnement du dispositif de la nécessité nous a permis de mettre en
lumière cette tension dont vit l’art d’écrire politique wébérien, mais qu’il
32
« […] diese Gleichheit des Stimmrechtes entspricht in ihrer »mechanischen« Natur dem
Wesen des heutigen Staates » (Weber, 1988c : 369).
28
ASPECTS SOCIOLOGIQUES
ne résout jamais. Bien sûr, dans le texte de Weber comme tel, les deux
trames argumentatives demeurent étroitement enchevêtrées. Plus
généralement, il en va de même de la notion de Sachlichkeit, livrée dans
l’œuvre de Weber à un jeu continu et déboussolant de retournements de
sens. Il n’empêche : dans le texte de 1917, un contraste de style rend
immédiatement sensible le passage d’une trame argumentative à l’autre.
Dans la première, l’écriture de Weber, vive, agile, précise, sait emporter
l’adhésion de son lecteur ; dans la seconde, elle devient plus embarrassée,
répétitive, hésite devant l’objectif à atteindre. Un peu comme si elle
tentait de rendre compte d’un phénomène – la différenciation des
« ordres de vie » – qu’elle ne parvient à saisir que comme le terme
négatif d’une vaste opposition.
En terminant, enfin, une considération philologique. Le texte qui
nous intéresse a connu deux publications : 1) dans son intégralité, sous
forme de brochure en décembre de 1917 (c’est la version que nous avons
retenue) ; 2) sous la forme de courts extraits dans la revue Die Hilfe,
dirigée par Friedrich Naumann, quelques semaines plus tôt. En regard de
l’hypothèse que nous avons tenté de développer, il est remarquable – et
peut-être même révélateur – que Weber, en composant ce petit collage,
ait choisi exclusivement des passages provenant de la première trame
argumentative.
Augustin Simard
Candidat au doctorat,
École des hautes études en
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