Reflexions, le site de vulgarisation de l'Université de Liège
© Université de Liège - http://reflexions.ulg.ac.be/ - 21 April 2017
- 2 -
personne, chaque politicien et chaque journaliste développant sa propre théorie plus ou moins approximative.
Quelques semaines plus tard, l'épidémie disparaît. Et la bactérie déserte les médias et les consciences,
laissant derrière elle toute une série de questions sans réponse. Et pourtant, si elle a rencontré une soudaine
et éphémère célébrité, la bactérie est présente partout dans le monde, et contamine quotidiennement les
hommes ou les animaux, même si les cas d'épidémies demeurent relativement rares.
Il existe plusieurs souches de la bactérie E. coli qui provoquent une inflammation du système intestinal et, donc,
une diarrhée. Mais certaines de ces souches produisent des Verotoxines, qui peuvent contaminer le sang et
entraîner une série de symptômes plus ou moins graves, pouvant aller d'une diarrhée, parfois sanguinolente,
à une destruction de la fonction rénale (syndrome hémolytique urémique, ou SHU), suivant la résistance de
la personne contaminée et/ou la concentration de toxines. Une fois que les toxines ont contaminé le sang au
point de dégrader la fonction rénale, il devient difficile de soigner la maladie. Et si le patient ne peut bénéficier
d'une greffe de rein, opération pour laquelle il existe de longues listes d'attentes, ou être dialysé, donc rattaché
quotidiennement à une machine qui permet d'éliminer les déchets du sang, la maladie peut s'avérer mortelle.
Dans le cas de l'épidémie de 2011, sur les près de 4000 personnes ayant contracté l'infection, 55 d'entre elles
ont été victime d'atteintes rénales menant au décès.
Souches animales versus souches humaines
Près d'un an après l'épidémie, une équipe de scientifiques spécialisés en médecines humaine et vétérinaire
publie un article (1) synthétisant son émergence, la recontextualisant, tant du point de vue de la médecine
humaine au sens large que de l'épidémiologie, de la médecine vétérinaire et de la bactériologie. « La première
finalité de l'article, explique Jacques Mainil, Professeur en bactériologie à la faculté de médecine vétérinaire
de l'Université de Liège, était de remettre l'église au milieu du village. Il y a eu beaucoup de courts-circuits,
de rumeurs, d'erreurs et d'incompréhensions autour de cette épidémie. Noyé dans ce florilège d'informations
approximatives, le grand public, tout comme une grande partie de la communauté scientifique, n'avait pas les
clés pour comprendre les causes de cette catastrophe. »
Une première erreur en cas d'épidémie due à une intoxication alimentaire est de systématiquement condamner
l'animal. Ce réflexe accusateur est conditionné par l'existence d'une souche courante de la bactérie E. coli,
la souche EHEC O157:H7. Cette souche peut en effet être présente dans l'intestin des bovins, et d'autres
ruminants, qui ne souffrent cependant pas de maladies dues à leur présence : les animaux sont dits « porteurs
sains ». Lors de la phase d'abattage, la souche EHEC O157:H7 peut malheureusement contaminer la viande
destinée à la consommation. Si le produit n'est pas bien cuit ou bien conservé au frais, elle prolifère, se
multiplie, et suite à l'ingestion par un être humain, s'attaque à son système intestinal causant des diarrhées
éventuellement hémorragiques, avant de provoquer des lésions des reins chez certains individus. Cette
souche, trivialement appelée « la bactérie du hamburger », contamine assez fréquemment des hommes et
des femmes : il peut s'agir de cas ponctuels ou de grandes épidémies, selon la source de la contamination.
Quand l'épidémie s'est déclenchée en Allemagne en 2011, les suspicions se sont naturellement portées dans
un premier temps vers cette souche EHEC O157:H7, qui reste la plus fréquente. Or, après deux semaines
d'enquête, il a été révélé qu'il s'agissait d'une nouvelle souche d'E. coli, la souche O104:H4. L'ensemble des
propriétés de cette souche, quasi inconnue jusqu'alors, fait que, contrairement à la souche EHEC O157:H7,
elle ne peut se fixer qu'aux cellules de l'intestin humain et ne se retrouve pas chez les animaux. Ces propriétés
prouvent donc qu'elle est d'origine humaine (Voir ci-dessous « Une nouvelle nomenclature pour mieux cerner
l'origine de la maladie »). « Cette information a vite été « oubliée », déplore le chercheur. En tant que vétérinaire