Un cas de transmission nosocomiale du VIH Revue critique de l'actualité scientifique internationale sur le VIH et les virus des hépatites n°79 - décembre 99 Un cas de transmission nosocomiale du VIH Sophie Chamaret Unité d'oncologie virale Institut Pasteur (Paris) Nosocomial HIV-transmission in an outpatient clinic detected by epidemiological and phylogenetic analyses Katzenstein T.L., Jørgensen L.B., Permin H. et al. AIDS, 1999, 13, 1737-44 Le cas de transmission nosocomiale du VIH rapporté dans cet article concerne une femme (patient 1) de 58 ans en 1992. A cette date, un diagnostic d'hypogammaglobulinémie a été établi après 8 épisodes de pneumonie accumulés en moins d'un an et a justifié un traitement d'immunoglobulines par voie intraveineuse dans le cadre d'un hôpital de jour de Copenhague, où étaient également traités des patients VIH positifs. En 1996, cette femme a présenté une perte de poids de 10 kilos. Un cancer fut d'abord suspecté, mais une sérologie VIH pratiquée en mars 1997 donna un résultat positif. Différents facteurs de risques –relations sexuelles, utilisation de drogue par voie intravaineuse et transfusion sanguine– furent étudiés puis écartés. Une étude des sérums conservés a permis de dater l'infection: le prélèvement de mars 1995 était négatif, sérologiquement et par PCR (Polymerase Chain Reaction), et celui de février 1996 positif par ces deux techniques. En estimant une période de 6 mois nécessaire pour une séroconversion totale, cette femme a par conséquent été contaminée entre octobre 1994 et février 1996 . La possibilité d'une infection nosocomiale a donc été évoquée, et les recherches effectuées ont montré qu'entre octobre 1994 et février 1996, cette femme était venue le même jour que 14 http://publications.crips.asso.fr/transcriptase/79_1128.htm (1 sur 3) [11/04/2003 17:32:03] Un cas de transmission nosocomiale du VIH patients au stade sida qui recevaient soit une chimiothérapie intraveineuse soit des transfusions de sang. Plus précisément, cette femme est venue à 5 reprises le même jour qu'un patient, (patient 2), recevant du foscarnet en IV, et dont la charge virale est passée de 527 000 et de 160 000 au moment de la contamination possible. Les sérums de ces 14 patients étaient congelés, et une étude génotypique des virus a été réalisée sur les sérums correspondant à la date suspectée de l'infection. Des RT-PCR (transcription inverse puis amplification génique) ont été réalisées, et un travail identique effectué sur les prélèvements de 20 patients locaux VIH positifs. Pour la patiente 1, des analyses similaires ont été pratiquées sur les cellules mononucléées du sang périphérique et sur du plasma. Enfin, les séquences de référence de divers sous-types (de A à H) ont été inclues dans les analyses phylogénétiques. Dans le gène env, la région C2-V2-C3 a été amplifiée, dans le gène gag la région codant pour la p17 et une partie du gène codant pour la transcriptase inverse. L'arbre phylogénétique dérivé des séquences de la région de env et comparant les différents sous-types montre qu'il s'agit d'un sous-type D pour deux patients (EM et HP), et de sous-types B pour les autres. Plus précisément, les analyses statistiques des séquences de la patiente 1 et du patient 2 montrent une reproductibilité de 99,9%. Cette parenté entre la patiente 1 et le patient 2 est confirmée lors de la comparaison avec les 20 isolats représentant la diversité locale des souches VIH. De même, lorsque l'on considère la région p17 de gag, la reproductibilité est de 100% entre la patiente 1 et le patient 2. Enfin, il est intéressant de noter que les IgG ont augmenté chez cette femme de façon transitoire après l'infection par le VIH, ce qui avait conduit à une diminution dans le dosage de la thérapie de substitution. Le taux d'IgG plasmatique présente ensuite un pic lors de la mise en place d'une thérapie antirétrovirale, provoquant une négativation de la charge virale. Un changement identique est observé avec les IgM, alors qu'aucune modification n'est détectée pour les IgA. Un examen attentif des pratiques de routine pour les traitements intraveineux des patients n’a pas montré d'erreur de procédure. Cependant, dans le stress et lors d’un surcroît de travail, on peut suspecter des entorses possibles. Le mode de contamination le plus probable de cette femme par le patient 2 (traité par le foscarnet par voie IV) est lié à une bouteille d'eau physiologique. http://publications.crips.asso.fr/transcriptase/79_1128.htm (2 sur 3) [11/04/2003 17:32:03] Un cas de transmission nosocomiale du VIH Il s'agit de flacons de 50 ml avec une membrane perméable, permettant de prélever du liquide avec une seringue. Ces bouteilles sont changées tous les jours. Or, il semblerait qu'un soignant purgeant le Port-a-cath du patient 2 ait eu besoin de davantage de tampon physiologique et ait utilisé la même seringue, pouvant être contaminée par quelques microlitres de sang, le patient ayant une charge virale élevée. Ce même flacon aurait été ensuite utilisé pour rincer le goutte à goutte de la patiente 1, provoquant la contamination. Un argument supplémentaire de la contamination de la patiente 1 par le patient 2 est que l'on retrouve dans la région de la transcriptase inverse de l'ARN de cette femme la mutation W88S, connue pour être liée au foscarnet. La contamination de l'un vers l'autre est donc quasi certaine. Depuis la procédure a été changée, et des ampoules à usage unique sont utilisées. Il a été rapporté très peu de cas de transmission de patient à patient ou de soignant à patient, le plus connu étant sans doute celui du dentiste de Floride. Ils restent toujours très difficiles à documenter. Cependant, les techniques de biologie moléculaire permettent d'avoir des arguments de plus en plus solides pour établir une transmission horizontale. Dans cet article, si le mode de passage du patient VIH positif à cette femme reste malgré tout encore une hypothèse, il semble cependant définitivement acquis qu'il y ait eu contamination à l'hôpital. - S. Ch. http://publications.crips.asso.fr/transcriptase/79_1128.htm (3 sur 3) [11/04/2003 17:32:03]