l'économie thyroïdienne aux ajustements rendus nécessaires par la grossesse (2).
Au cours de la grossesse, d'importantes modifications de l'économie thyroïdienne sont observées, en raison
de l'élévation marquée des concentrations circulantes de la thyroxine-binding globulin (TBG), en réponse à
l'élévation des oestrogènes circulants. Pour maintenir les taux des hormones thyroïdiennes libres circulantes,
l'augmentation de la capacité de liaison du système est accompagnée d'un ajustement du pool
extra-thyroïdien de thyroxine.
L'élévation de la TBG se produit au cours du premier trimestre et il est possible de calculer que l'ajustement
thyroîdien représente un accroissement global de la production de thyroxine d'environ 40 % au cours du
premier mois, de 60 % au cours du second mois, enfin de 75 % au cours du troisième mois par rapport aux
valeurs de base. Ceci correspond à un accroissement de la production hormonale d'environ 1 à 3 % chaque
jour pendant trois mois. Nos travaux ont montré que l'élévation de la TBG est accompagnée d'une diminution
du degré moyen de saturation de la TBG par son ligand (la thyroxine), et d'une diminution parallèle des
hormones libres d'environ 20 à 30 %.
Pendant la première moitié de la grossesse, on observe une chute progressive des hormones libres et un
plateau est atteint, maintenu pendant la seconde moitié de la gestation. Chez la plupart des femmes, les
concentrations de T4 et de T3 libres sont proches des limites inférieures de la normalité. De plus, nos travaux
ont clairement démontré que l'ajustement individuel de l'économie thyroïdienne chez les sujets normaux est
variable. En bref, environ un tiers des femmes enceintes présentent une hypothyroxinémie relative ainsi
qu'une sécrétion préférentielle de T3 (élévation du rapport molaire T3/T4), et une élévation discrète de la
TSH, témoignant d'une stimulation glandulaire excessive.
Par ailleurs, la mesure de l'iodurie pendant la gestation a permis de confirmer que l'apport iodé moyen des
femmes enceintes à Bruxelles est de 45 à 50 µg/jour et est infÈrieur à 100 µg/jour dans plus de 80 % des
cas. Cet apport iodé est largement inférieur aux recommandations générales de l'O.M.S. Pendant la
grossesse il doit être considéré comme d'autant plus insuffisant que les besoins thyroïdiens sont accrus. La
déficience iodée relative joue donc un rôle important, entraînant une accentuation de la stimulation
thyroïdienne : le bilan iodé tend à se négativer si la femme enceinte ne reçoit pas de supplément en iode.
La conséquence principale de la stimulation thyroïdienne excessive chez la femme enceinte est le
développement fréquent d'un goitre (3). Nous avons réalisé plusieurs centaines d'ultrasonographies
thyroïdiennes chez les femmes enceintes en début de grossesse avec des contrôles à l'accouchement. Les
résultats montrent clairement que la grossesse constitue un stimulus goitrogénique non négligeable dans nos
régions, puisque le volume thyroïdien mesuré par échographie a augmenté en moyenne de 20 % et chez
certaines femmes, l'augmentation était supérieure à 100 %.
En fin de gestation, 9 % des femmes examinées présentaient un volume glandulaire supérieur aux limites
admises, correspondant au développement d'un goitre. Cette information constitue donc un argument
supplémentaire que l'apport iodé quotidien des femmes enceintes doit être augmenté de façon à représenter
un apport minimum de 150 µg d'iodure. Enfin, chez un certain nombre de femmes qui ont développé un
goitre gestationnel, les contrôles échographiques ont montré que le volume thyroïdien n'est pas revenu à son
niveau initial un an aprçs l'accouchement. Ces résultats suggèrent un lien direct entre le stress thyroïdien que
constitue la grossesse et le développement ultérieur de pathologies définitives de la thyroïde (4).
Les critères biochimiques les plus sensibles des altérations thyroïdiennes observées chez la femme enceinte
et témoigentt d'une stimulation excessive de la thyroïde. Parmi ceux-ci, le taux de thyroglobuline sérique (TG)
s'avère extrêmement utile. Le taux de TG est corrélé au développement d'un goitre gestationnel et aussi à la
persistance d'une stimulation thyroïdienne anormale au cours du post-partum, généralement due à
l'allaitement qui tend à entretenir la carence en iode.
Au cours d'études très récentes, nous avons administré un supplément de 100 µg d'iodure quotidiennement
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