fourni une explication utile aux chercheurs qui venaient de découvrir les variations
génétiques.
Malgré la simplicité et l'élégance de la théorie de Kimura, la classification des mutations
en catégories distinctes - bénéfiques, neutres, ou défavorables - m'apparaissait trop
réductrice. Mes propres travaux ont consisté à démontrer combien les mutations
tangentes, celles qui n'engendrent que d'infimes effets positifs ou négatifs, pouvaient se
révéler extrêmement importantes dans la détermination des changements liés à
l'évolution. Ce point de vue a servi de base à la théorie quasi-neutre de l'évolution
moléculaire.
L'incroyable abondance de données relatives aux génomes et à la génétique des
populations au XXIe siècle est non seulement venue appuyer davantage ma théorie
vieille de 42 ans, mais elle a également ouvert d'importants nouveaux domaines de
recherche. Notre connaissance de la structure et du fonctionnement des protéines a par
exemple été considérablement enrichie par la découverte des processus de pliages
dynamiques. On pense que ces processus fourniraient la souplesse permettant aux
protéines de fonctionner, d'une manière pouvant être reliée aux mutations quasi-neutres.
L'un des défis les plus passionnants de la biologie de l'évolution réside dans la tentative
d'identification des mécanismes moléculaires de l'expression génétique qui déterminent
l'évolution morphologique. Cette discipline est en passe de gagner en compréhension,
autour d'un ensemble de systèmes complexes s'opérant au sein des cellules
individuelles. Ces systèmes, qui opèrent à l'échelle moléculaire, s'inscrivent au cœur
de l'épigénétique - à savoir l'étude des modifications de la fonction génétique qui ne
peuvent être expliquées par des différences de séquences ADN.
L'épigénétique est une discipline indispensable à la compréhension du lien entre la
constitution génétique, ou génotype, et les traits que nous pouvons physiquement
observer. Au sein des organismes les plus développés - tels que le corps humain - les
processus épigénétiques sont contrôlés par la chromatine, à savoir un ensemble de
macromolécules situé à l'intérieur des cellules et constitué d'ADN, de protéines et d'ARN.
La manière dont fonctionne la chromatine est en retour influencée par la génétique et les
facteurs environnementaux, ce qui rend son fonctionnement difficile à cerner. Ces
macromolécules à évolution rapide et à variations extrêmes valent néanmoins la peine
qu'on les étudie, dans la mesure où elles pourraient être à l'origine de certaines maladies
humaines.
Un autre facteur caractéristique de la relation entre la constitution génétique et les traits
observables réside dans la manière dont les protéines sont parfois amenées à être
modifiées. Par exemple, les enzymes protéiques peuvent être activées et désactivées, ce
qui explique la variation de leur fonctionnement et de leur activité. Comme d'autres
formes d'expression génétique, il semblerait que ce processus soit influencé par une
combinaison de facteurs innés et environnementaux.
Il semble qu'aucun mécanisme distinct ne puisse être étudié de manière isolée ; à une
échelle minime, un certain nombre de facteurs tels que la sélection, la dérive et
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