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Reflexions, le site de vulgarisation de l'Université de Liège
Une dose curative d'antibiotiques à chaque instant
13/06/14
Pour être efficaces, les antibiotiques doivent être administrés à juste dose en fonction de l'état physiologique
du patient. Or celui-ci peut varier considérablement d'un moment à l'autre, notamment chez les patients aux
soins intensifs. Quatre universités francophones belges se sont attelées à mettre au point une méthode de
dosage rapide des antibiotiques au chevet du patient. Celle-ci va maintenant être testée dans le cadre du
projet européen MON4STRAT, coordonné par l'Université de Liège. Les effets bénéfiques seront mesurés au
moyen de trois critères : l'augmentation du pourcentage de guérison, la diminution de la durée du traitement
antibiotique nécessaire pour venir à bout de l'infection et la diminution du phénomène de résistance des
bactéries qui en sont responsables.
Certains s'y sentent en sécurité,
d'autres ont la chair de poule rien qu'à l'idée d'en franchir les portes. Les hôpitaux suscitent de grandes
émotions et sont des lieux où se côtoient joies, espoirs, peurs et tristesses. Les avantages des hôpitaux sont
nombreux et permettent une prise en charge des personnes ne pouvant être traitées à domicile ou dans le
cabinet de leur médecin. Côté désavantage, le principal est très certainement la proximité d'un grand nombre
de personnes malades et donc l'exposition accrue aux microbes. Malgré des règles d'hygiène bien étudiées
et appliquées, il est impossible d'empêcher complètement le mouvement de certaines bactéries ou virus au
sein des hôpitaux. Et le phénomène croissant de la résistance des bactéries aux antibiotiques n'arrange pas
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les choses. Les infections contractées au cours d'un séjour à l'hôpital sont appelée maladies nosocomiales.
Plus précisément, une maladie est considérée comme nosocomiale si elle est absente lors de l'admission
du patient et que celui-ci la développe au moins 48h après être entré dans l'établissement de santé (délai
allongé jusqu' à 1 an dans le cas d'infections sur une cicatrice chirurgicale ou suite à la pose d'une prothèse).
Diverses études scientifiques estiment qu'environ 5% des patients en court séjour à l'hôpital sont sujets à des
infections nosocomiales.
Mesurer la dose d'antibiotiques au chevet du patient
Nous ne sommes pas tous égaux face au risque d'infection à l'hôpital. En effet, comme souvent, ce sont les
plus faibles qui courent le plus grand risque : les patients en réanimation, les personnes immunodéprimées,
âgées ou encore exposées à un dispositif invasif comme lors d'une intubation par exemple.
Parmi les maladies nosocomiales, les infections pneumo-respiratoires sont les deuxièmes plus fréquentes
(15%) après les infections urinaires (30%). « Dans le cas de patients intubés et ventilés qui ont été admis
pour d'autres raisons médicales et qui ont contracté une pneumonie à l'hôpital, 40% meurent des suites
de l'infection nosocomiale », explique le Professeur Bernard Joris du Centre d'Ingénierie des Protéines
de l'Université de Liège. C'est précisément sur l'amélioration de la guérison de ces patients que ce dernier
s'est concentré en collaboration avec des chercheurs de l'UCL, de l'ULB et de l'UMons. « Nous avons
commencé à travailler ensemble grâce à un projet financé par la Région wallonne appelé MedATR », indique
Bernard Joris. « Les chercheurs de l'UCL, l'ULB et l'UMons avaient mis au point un biosenseur, basé sur
la technique de spectroscopie infrarouge, capable de détecter spécifiquement certaines biomolécules et
voulaient appliquer cette technique dans le domaine médical », poursuit-il. L'idée a alors germé de doser
les antibiotiques Bêta-lactames (de la famille de la pénicilline) dans le sang des patients ventilés et intubés
aux soins intensifs. « Pour développer un biosenseur capable de doser spécifiquement ces antibiotiques, ils
avaient besoin d'un partenaire ayant une expertise dans les protéines qui reconnaissent la pénicilline. C'est
ainsi que nous avons décidé de travailler ensemble», précise le chercheur.
Un projet européen pour tester une méthode innovante
L'hypothèse des chercheurs est la suivante : si on parvient à doser les antibiotiques au chevet des patients
aux soins intensifs et à adapter rapidement la dose en fonction de leur état physiologique, cela pourrait
permettre d'améliorer le taux et la vitesse de guérison de ces patients. En effet l'idéal serait d'atteindre une
dose curative d'antibiotiques tout au long du traitement du patient. Ce n'est pas le cas actuellement car
le volume de distribution des antibiotiques peut varier considérablement selon l'état du malade. Or si une
surdose d'antibiotiques assure de tuer la bactérie, elle peut aussi être toxique pour l'homme. « Cela peut
entraîner des complications neurologiques par exemple » poursuit le chercheur. « Et lorsque la dose n'est
pas suffisante, l'antibiotique ne vient pas à bout de la bactérie et cela favorise la résistance des bactéries à
ce médicament. Pour bien faire il faudrait que la concentration d'antibiotiques dans le sang du patient soit à
chaque instant en ligne avec la concentration curative », reprend Bernard Joris. L'objectif du projet MedATR
était donc de mettre au point une méthode de dosage des antibiotiques Bêta-lactames au chevet des patients
ventilés et intubés atteints d'une infection pneumo-respiratoire nosocomiale. Les résultats encourageants
de ce projet ont mené d'une part à un brevet mondial (et un accord de licence avec la société wallonne
WOW Technology) et d'autre part à la mise sur pied d'un projet européen FP7 coordonné par Bernard
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Joris : MON4STRAT.
Celuici, lancé au mois de février pour une durée de 4 ans, consiste en une étude clinique visant à vérifier l'intérêt
thérapeutique de la méthode de dosage rapide du taux de Bêta-lactames des patients mise au point dans le
cadre de MedATR. « Aujourd'hui, la seule méthode pour mesurer la dose d'antibiotiques dans un échantillon
est de passer par un laboratoire clinique qui utilise la technique HPLC couplée à la spectrométrie de masse.
On obtient les résultats environ 24h après le prélèvement et ceux-ci ne reflètent parfois plus l'état du patient »,
explique Bernard Joris.
Première étape : un dispositif adapté aux soins intensifs !
Pour pouvoir doser et ajuster rapidement la dose d'antibiotiques en fonction de l'état physiologique du patient,
les chercheurs ont fait appel à la société WOW Technology qui a développé un dispositif particulier. « Il est
fonctionnel mais ne peut être utilisé dans un service de soins intensifs à ce stade », indique Bernard Joris. La
première étape du projet MON4STRAT consistera donc à créer une machine sur table roulante, facilement
utilisable dans le service de soins intensifs des hôpitaux. « Cet appareil devrait être finalisé en 2015 », précise
Bernard Joris.
Suivront ensuite la validation de la méthode de dosage, la mise au point d'un logiciel d'aide à la prise de
décision et la formation des infirmières à l'utilisation de l'appareil de dosage. Le principe est simple : récolter
un échantillon de sang, l'installer dans l'appareil qui donnera les mesures au bout d'une trentaines de minutes
ainsi qu'une proposition d'adaptation de la dose d'antibiotiques tenant compte de l'état du patient.
Une fois ces différents aspects réglés, les effets d'une prise en charge quasi-instantanée au chevet du patient
dans les hôpitaux partenaires du projet à Bruxelles, Madrid, Paris, Lille et Tartu (Estonie) pourront commencer
à être évalués. « Selon nos estimations, l'étude portera sur quelque 150 patients adultes ventilés et intubés
atteints d'une pneumonie contractée à l'hôpital », poursuit le scientifique. La moitié des patients seront traités
« normalement » et représentera le groupe contrôle au cours de l'étude clinique. L'autre moitié verra ses doses
d'antibiotiques ajustées selon le principe de cette nouvelle méthode innovante.
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Trois critères pour évaluer les effets de cette méthode
Toutes les données récoltées au cours de la phase de monitoring seront soumises à des analyses statistiques
afin de déterminer si l'ajustement des concentrations d'antibiotiques - pour arriver à une dose curative à
chaque instant - entraîne de réels bienfaits chez ces patients. Les effets bénéfiques seront mesurés au
moyen de trois critères : l'augmentation du pourcentage de guérison, la diminution de la durée du traitement
antibiotique nécessaire pour venir à bout de l'infection et la diminution du phénomène de résistance des
bactéries qui en sont responsables.
Au total 11 partenaires européens se sont lancés dans cette aventure. Un volet de cette étude clinique
consistera également à analyser le modèle pharmacocinétique pour la distribution des Bêta-lactames chez des
nourrissons et chez des enfants de moins de 15 ans. « Ces tests cliniques seront uniquement observationnels.
Il faudra d'abord que la méthode de réajustement de la concentration curative fasse ses preuves chez les
adultes avant de pouvoir penser à la tester auprès d'enfants », précise Bernard Joris.
Le projet MON4STRAT ayant démarré officiellement le 1er février dernier, il faudra patienter de longs mois
avant d'en connaître les résultats. Cela n'empêche pas les chercheurs de déjà rêver à l'étape suivante :
l'appareil idéal pour le dosage des Bêta-lactames directement relié au patient, permettant une injection
continue d'antibiotiques et un monitoring individualisé !
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