La mécanique du cycliste 1 : « Le cycliste et son équation » Nous abordons ici la mécanique du cycliste vue par un physicien. C’est Gilbert Vincent, professeur de physique à l’université de Grenoble, qui s’en charge, s’appuyant sur son savoir d’universitaire et son expérience de randonneur. Quatre chapitres traitent du sujet. Des redondances en permettront une lecture (quasi) indépendante : 1) Le cycliste et son équation. Ce chapitre est exclusivement présenté sur le site internet du « Randonneur » dès la fin de l’année 2013. 2) Le cycliste par monts et par vaux dans le numéro 54 de janvier 2014. 3) Le cycliste dans le vent dans le numéro 55 de mai 2014. 4) Le cycliste freine dans le numéro 56 de septembre 2014. Quatre chapitres précis, illustrés, sans démagogie. Certes, la lecture en est plus proche d’une rude montée que d’une descente sensuelle. Il est évident que cette approche très fouillée n’intéressera pas tous les lecteurs du « Randonneur » mais en passionnera une minorité. Personnellement j’y trouve un complément indispensable à mon travail de physiologiste. Et notre revue n’a pas de complexe et peut bien livrer un travail de référence ! François PIEDNOIR Rédacteur en chef du « Randonneur » Dans ce 1er chapitre nous allons effectuer une synthèse des aspects purement mécaniques du couple randonneur-vélo ; plus exactement nous allons établir les liens entre la vitesse, les forces, et la puissance. Nous rencontrerons quelques formules ; pour les allergiques, elles peuvent être éventuellement « zappées » dans la mesure où leurs significations sont explicitées dans le texte, et leurs effets concrets résumés par des graphiques. A / Où il est question de masse, de poids, de forces et d’unités En préambule, nous allons tout de suite préciser une notion faussement familière : le poids. En fait ce qui nous est intrinsèque, c’est non pas notre poids mais notre masse (exemple m = 70 kg), qui est la même sur Terre ou sur la Lune, ou n’importe où d’ailleurs. Le poids c’est la force d’attraction par une autre masse qui s’exprime en newton. Il dépend de l’endroit où on se trouve. Concrètement, nos randonnées se déroulant pour l’instant sur Terre, il faut multiplier notre masse m par le champ de pesanteur g (= 9,81 ms-2) pour obtenir le poids. Donc le poids (en newton, symbole officiel N) est égal à mg soit sensiblement 10 fois notre masse exprimée en kg. Dans la suite, quand nous parlerons de la masse ou du poids, ce seront ceux de l’ensemble randonneur-vélo. Toutes les relations et grandeurs sont données dans le système international : mètre, kilogramme et seconde pour la mécanique. C’est parfois un peu pénible car nos compteurs sont en km/h et non en m/s, mais les relations sont plus fluides, et surtout cela évite de (très) grosses erreurs. Rappel de la conversion : 1 m/s ↔ 3,6 km/h. Donc il faut diviser la vitesse lue sur les compteurs par 3,6 pour obtenir des m/s. Quelques correspondances utiles : m/s km/h 2 3 ~7 ~ 11 5 18 7 ~ 25 10 36 15 54 20 72 NB : les forces et le newton ne sont pas abscons. Ce sont au contraire des notions très « sensitives ». Si nous prenons un citron dans notre main, elle sera soumise à une force d’environ 1 newton, et si nous saisissons une bouteille, pleine bien sûr sinon c’est sans intérêt, ce sera une bonne douzaine de newtons. B / Les forces en présence A priori on sent bien que trois forces sont à prendre en considération : - le poids du randonneur et de son vélo dans les montées ou descentes ; - le frottement de l’air sur l’ensemble de l’équipage ; - le frottement des deux roues à la fois par leur frottement sur la route, et dans une moindre mesure par le frottement de leurs roulements (la transmission viendra plus loin). Les deux premières sont très directement ressenties, et pour la dernière, attendre une crevaison. La figure 1, page suivante, donne en avant-première un résumé succinct du texte qui suit. 1/ le poids dans les pentes Une force qui a le bon goût de nous aider… une fois sur deux ! Pas besoin de faire un dessin. Notre poids, il faut le monter, et il nous redescend. La force qui nous concerne est la projection du poids mg sur la pente ; elle s’exprime de manière très simple : Fp = mgp où p est la pente, définie ici par p = dénivelée /distance parcourue, par convention positive si le randonneur monte, et négative dans une descente. Sur le plat, p = 0. Pour une pente de 0,02 (2 %) en montée, un randonneur de 80 kg avec son vélo devra vaincre : Fp = 80 x 10 x 0,02 = 16 newtons (rappel g ~ 10) Par contre s’il redescend cette pente à 2 %, cette force de 16 newtons va gentiment l’aider. Le Randonneur - Janvier 2014 - Texte hors revue - page 1 Figure 1 : Forces en présence et puissance du cycliste. e ne forc ercer u r équilibrer x e s i o « Je d F pou s ta n te. +F + s F = F a rp à v i t e s s e c o n s t F. V. e ce e t a v a n n c e d e m a n d é e e s t P, a e s l s i b i u n p La dispo issance rendement u p a M e R est l donc si e smission an )V» de la t r Fp + Fs + F ( P. R e = a 2 SC xV n Projectio =½ρ air : F a t n e m e t Frot = mg p s mg : F p du poid ales sion péd is Transm nt R e endeme ons : R → pign nts leme sol, rou s t n e m e f Frott F s = mg 2/ le frottement des roues sur le sol, avec un zeste de frottement des roulements des roues. Il est lié au poids (mg) et à un coefficient de frottement f qui prend l’ensemble en compte. Cette force de frottement s’oppose toujours au mouvement et s’exprime par : Fs = mgf relation très semblable à celle du poids dans les pentes. Le coefficient f va de 0,002 (0,2 %) pour les pneus performants bien gonflés sur très bon asphalte, à 0,01 (1 %) pour des pneus VTT sans crampons démesurés. Il peut être beaucoup plus élevé sur des chemins et sentiers. Notons que la force Fs ne dépend pas du fait que l’on monte ou descende, et n’est pas non plus fonction de la vitesse. Par exemple avec une masse totale de 80 kg, et un coefficient de 0,01, la force de frottement vaut : Fs = 80 x 10 x 0,01 = 8 newtons 3/ le frottement de l’air C’est l’ennemi numéro un pour qui veut rouler vite ! Il croit très rapidement avec la vitesse : un vrai régulateur de vitesse ! Ici, ce frottement s’opposera toujours au mouvement car nous considérerons des randonnées sans vent. Le chapitre 3 « Le cycliste dans le vent » précisera l’effet du vent. Cette force, appelée trainée, n’est pas directement liée au poids, mais à plusieurs facteurs : - la surface S du cyclo qui balaie l’air (il n’y a plus qu’à prendre une photo de face et à mesurer la surface apparente) ; - un coefficient de pénétration dans l’air, le fameux Cx, quelquefois noté à tort Cd ; - la masse volumique ρ (rho) de l’air ; - et bien sûr la vitesse du cycliste, qui intervient en V 2 (V au carré soit V.V). Elle se traduit par la relation : Fa = ½ ρ S Cx .V 2 Pour un gabarit moyen, la tête dans le guidon, le coefficient SCx est voisin de à 0,30 m2, et il tourne autour de 0,40 en position relevée. Un vélo couché fait gagner au moins 30 %. À basse altitude, ρ = 1,2 kg/m3. Un exemple avec un coefficient ½ ρ S Cx = 0,25 et une vitesse de 7 m/s (~ 25 km/h) : Fa = 0,25 x 7 x 7 = 12 newtons Le Randonneur - Janvier 2014 - Texte hors revue - page 2 Pente p NB : la masse volumique ρ de l’air diminue avec l’altitude (cf annexe 1). Elle n’est plus que de 1,0 kg/m3 au sommet des cols à 2 000 m d’altitude où le randonneur verra la force de frottement de l’air diminuer d’un petit 20 % par rapport à la plaine. D’autres effets seront présentés au chapitre 2. C / La force résultante et la force motrice Tout ce petit monde se regroupe pour donner finalement la force résultante F : F = m g p + mg f + ½ ρ S Cx V 2 F = m g ( p + f ) + ½ ρ S Cx V 2 ou Si nous reprenons les forces que nous avons successivement évoquées : F = 16 + 8 + 12 = 36 newtons. Une remarque pratique importante : la pente p et le coefficient de frottement sur le sol f jouent des rôles tout à fait similaires ; un coefficient de frottement de 1 %, est strictement équivalent à une pente positive (donc une montée) de 1 % ; tout se passe comme si toutes les pentes gravies étaient augmentées de 1 %. De la même manière, ce frottement « réduit » la pente des descentes : une descente à 4 % ne sera qu’une « descente » à 3 %. Une descente à 1 % « annule » un frottement sur le sol de 1 % : il n’y a plus alors que le frottement de l’air : en effet, si p + f = 0, alors F = ½ ρ S Cx.V 2. Et maintenant que fait-on de cette force? Un illustre savant, Newton (tiens, déjà entendu ce nom !), nous a enseigné que si un corps se déplace à vitesse constante, cas qui nous intéresse ici, la somme des forces qui agissent sur lui est nulle. C’est donc qu’il existe une autre force, exactement égale à F, mais de signe opposé. En montée ou sur le plat, on peut imaginer cette force comme une ficelle qui tire le vélo, attachée à une moto compatissante, ou qui passerait sur une poulie avec un seau plein d’eau accroché au bout, solutions qui ne sont pas toujours « sportivement correctes » ou faciles à mettre en œuvre ! C’est bien le randonneur qui va assumer cette force par l’intermédiaire du pédalage ; ce dernier se traduit au contact de la roue arrière avec le sol par une force égale à F mais dirigée (en général) vers l’avant, force dite motrice. Cette force va nous conduire directement à l’énergie dépensée par le randonneur, appelée aussi travail, et à la puissance mécanique qu’il développe. Avant de continuer, plusieurs remarques pour les spécialistes ; pour être tout à fait exact, si α est l’angle entre la route et l’horizontale : 1/ la définition que nous avons prise pour p (=dénivelée / distance parcourue) est le sin α, et c’est très exactement la grandeur qui convient pour l’équation du cycliste. Attention en math, la définition de la pente est : dénivelée / distance horizontale, soit en fait tg α. 2/ rigoureusement, f devrait être remplacé par f cos α mais comme α est petit, le cosinus est très proche de 1 (0,995 pour une pente à 10 %), et quasiment tout le monde travaille avec f et non f cos α. 3/ sous sa forme exacte : F = m g sin α + m g f cos α + ½ ρ S Cx V 2 cette équation s’applique à beaucoup de cas : motos, automobiles, parachutistes (α = - π/2) ; dans l’analyse des forces pour l’équation dynamique du décollage des fusées (α = + π/2), et des avions (α = 0), il suffirait de remplacer la force F générée par le cycliste, par la poussée des réacteurs (en newtons et pas en tonnes !). D / Travail fourni : les joules ou la bonne excuse pour s’arrêter au restaurant au sommet du col. La mécanique nous enseigne que le travail En fourni par une force constante est égale au produit de cette force par la distance parcourue D. En = F . D Ce travail s’exprime en joules ( J), c’est une énergie. La notation très généralement utilisée pour le travail est W (de l’anglais work). Pour éviter une confusion avec les futurs watts, nous prendrons ici la notation En, pour Énergie. Avec la force de 36 newtons calculée précédemment, si le randonneur parcourt 10 km, le travail sera égal à : En = 36 x 10 000 = 360 000 joules. Le chiffre est élevé, car le joule est petit à notre échelle, on parle plutôt en kJ (1 000 joules) : ici 360 kJ. Direction le restaurant pour compenser cette affreuse dépense, et prévoir un menu qui, bien sûr, prendra aussi en compte notre consommation quotidienne hors randonnée. Un peu de physiologie en passant. Le corps humain ayant un rendement mécanique guère supérieur à 20 %, ce n’est pas 360 kJ qu’il faudra absorber pour éponger la randonnée, mais 5 fois plus ! Il existe une autre unité de travail, hors système, mais très connue, c’est la calorie. Elle vaut 4,18 joules. Bien qu’à bannir, elle est commode ici, car il faut consommer un peu plus d’une calorie pour un joule mécanique dépensé. La note du restaurant est réglée ? On peut continuer pour introduire la notion la plus intéressante, la puissance développée ? E / Puissance développée : les watts et l’équation du cycliste La puissance, c’est le travail fourni En, divisé par le temps correspondant t : P = En / t Elle s’exprime en watts (W), les mêmes que ceux d’une ampoule d’éclairage ou d’un moteur quelconque. Dans notre exemple, si le randonneur se déplace à 25 km/h, il va parcourir les 10 km en 24 minutes : P = 360 000 / (24 x 60) = 250 watts, puissance qui n’est à la portée que des bons amateurs entrainés ! En reprenant l’expression du travail En = F . D, il vient : P = F . D / t , où D / t, distance divisée par le temps, est simplement la vitesse du randonneur, donc : P=F. V La puissance (en watt) est simplement égale à la force (en newton) multipliée par la vitesse (en m/s). Reprenons notre exemple (V = 25 km/h soit ~ 7 m/s) : P = 36 x 7 = 252 watts : aux arrondis près, ça marche. Avant d’arriver à l’équation du cycliste, encore une petite notion, celle du rendement de la transmission. La puissance développée par le cycliste est transmise à la roue arrière par des intermédiaires qui se servent au passage : les pédales et le pédalier montés sur roulements, la chaine qui frotte sur les plateaux comme sur les pignons et les galets du dérailleur, qui eux frottent aussi sur leur axe. Donc ce n’est pas la puissance P du cycliste qui sert à avancer, mais P Re où Re est le rendement. Malgré tous ces intermédiaires, le rendement Re est très bon, voisin de 0,98 (98 %). Ceci signifie que seulement 2 % de la puissance est dissipée par la transmission. Ouf, voici enfin l’équation du cycliste, d’abord sous sa forme développée : P Re = m g p V + m g f V + ½ ρ S Cx V 3 Équation qui signifie que la puissance P développée par le cycliste, multipliée par le rendement Re de la transmission, est égale à la puissance liée à la pente (m g p V), plus celle dissipée par les frottements sur le sol (m g f V) et dans l’air (½ ρ S Cx V 3 ). Affreux pour le cycliste, et tous les véhicules, ce V 3 (1) ! Sous sa forme compacte, la plus classique, elle s’écrit : P Re = {m g (p + ƒ) + ½ ρ S CxV2} V Sortons nos calculettes, ou mieux les ordinateurs et leurs math-qq chose ou leurs tableurs. Pour peu que l’on connaisse les coefficients, il sera facile de calculer la puissance. Par contre se donner la puissance et chercher la vitesse est une autre paire de manches. L’auteur pourra vous aider si besoin. Remarque : L’équation a été présentée en termes de puissances. On pourrait tout à fait l’écrire en revenant aux forces : P Re / V = m g (p + f ) + ½ ρ S Cx V 2 Ce qui revient à dire que le cycliste exerce une force propulsive P Re / V qu’il peut augmenter à loisir en diminuant sa vitesse, à condition bien sûr d’avoir les développements nécessaires, et de tenir en équilibre sur le vélo ! Le Randonneur - Janvier 2014 - Texte hors revue - page 3 Puissance P / Vitesse en montée, sur le plat et en descente m = 80 kg, Re = 0,98, ƒ = 0,5 %, ρSCx/2 = 0,22, vent nul Pentes : montée 10 %, plat, descente 10 % Puissance cycliste-vélo (watt) 400 200 0 0 10 20 30 40 50 60 70 80 -200 -400 -600 Vitesse du cycliste (km/h) Figure 2 : Relation puissance - vitesse. F / Illustrations graphiques une droite car le frottement de l’air est négligeable : il faut sensiblement 2 fois plus de puissance pour aller 2 fois plus vite. Pour la même puissance de 160 watts, figurée sur le graphique, la vitesse tourne alors autour de 7 km/h, ce qui semble quelque peu escargot, mais c’est bien la vitesse que notre moteur nous autorise, sauf surchauffe ! La descente est plus mouvementée ! Une puissance nulle se retrouve aussi pour une vitesse de 66 km/h : sans pédaler, le randonneur laisse se débrouiller les 3 forces en présence, dont la somme est nulle (F = 0). Par contre s’il estime qu’il va trop vite et qu’il serait préférable de rouler prudemment à 40 km/h, il devra fournir une puissance négative (!) de 500 watts, et cette valeur peut, avec des pentes supérieures et l’effet du vent dépasser très largement le kW (cf. chapitre 4). Un petit dessin valant mieux qu’un grand discours, le plus simple est de représenter l’allure de cette équation. La figure 2 représente la puissance du cycliste en fonction de sa vitesse, sur le plat (courbe du centre), dans une montée à 10 % (courbe du haut) et dans une descente à 10 % (courbe en creux, en bas). Les valeurs des coefficients utilisés pour notre randonneur « lambda » sont indiquées sur la figure. À vitesse nulle, la puissance est nulle (P = 0) dans tous les cas. Normal ! Sur le plat, la puissance demandée augmente progressivement avec la vitesse, et un randonneur qui fournirait 160 watts (cf. le trait jaune horizontal sur le graphique) roulerait à 30 km/h. Dans la montée à 10 %, la puissance évolue quasiment selon 70 Figure 3 : Vitesse en fonction de la pente pour différentes puissances (sans vent). Watts à partir du haut : 500 400 300 250 200 150 100 50 0 50 Vitesse du cycliste (en km/h) m = 80 kg, Re = 98 %, f = 0,5 %, ρ S Cx / 2 = 0,22 kg/m P60Re = {m g (p + ƒ) + ½ ρSCxV 2} V 40 30 20 10 -10 -8 -6 descente Le Randonneur - Janvier 2014 - Texte hors revue - page 4 -4 -2 0 0 pente (%) 2 4 6 montée 8 10 h : dénivelée en mètres P (watt) ≈ 11 m h / t m = masse de l’attelage Figure 4 : la « formule minute ». t : temps en secondes En fait si la puissance est négative, c’est que le cycliste freine, pour créer une force dirigée cette fois vers l’arrière, et cette puissance de 500 watts sera dissipée par les freins, essentiellement par les jantes ou disques : d’où la puissance notée « Puissance cyclistevélo ». Pour les matheux, la force F calculée précédemment est négative. Au contraire, si notre randonneur décide de pédaler, sa vitesse va dépasser 66 km/h, mais très péniblement. Avec 160 watts, quasi impossibles à fournir à cette vitesse, il ne gagnera que 3 km/h. Il rentre dans un mur d’air très difficile à pénétrer, d’autant plus difficile d’ailleurs que sa vitesse est élevée. Un autre graphique (figure 3) est très instructif : il représente la vitesse en fonction de la pente pour différentes puissances du randonneur, de zéro à 300 watts par pas de 50 watts, puis deux courbes pour les « pros » : 400 watts et 500 watts (2). Chacun pourra, en connaissant sa vitesse V dans une pente p : -- déterminer la courbe qui lui correspond, et extrapoler à toutes les autres pentes, ou au plat ; -- évaluer sa puissance, moyennant quelques aménagements évoqués ci-après. G / Quelques « questions fréquemment posées » Questions à poser d’ailleurs car importantes ! 1/ Vaut-il mieux calculer sa puissance en montée, sur le plat ou en descente ? TOUJOURS EN MONTÉE car le coefficient de frottement de l’air est difficile à préciser exactement, et le vent peut jouer des tours pendables sur le plat ou en descente (voir le chapitre 3 « Le cycliste dans le vent »). 2/ Ma monture et moi même ne totalisons pas 15 + 65 = 80 kg comme l’ensemble présenté, mais 14 + 50 = 64 kg. Comment calculer ma puissance ? Il suffit de noter sa vitesse dans une MONTÉE sérieuse, de pente connue, de lire la puissance sur la figure 3, et ensuite de la diviser par 80 (masse totale considérée dans la figure) et de la multiplier par sa propre masse, ici 64 : c’est la bonne vieille règle de 3. Il aurait été possible de simplifier ce calcul en prenant 100 kg pour la masse totale, mais 80 kg est sans doute plus proche de la moyenne des équipages. Le chapitre 2 « Le cycliste par monts et par vaux » nous apprendra à nous passer de la masse. En fait ce qui caractérise le mieux les performances d’un athlète en général, c’est plus sa puissance par kilogramme que sa puissance elle même. Pour un même nombre de watt/kg, deux randonneurs de masses différentes rouleront à des vitesses très proches. 3/ Comment faire si je suis comparable au randonneur considéré, mais que j’ai des pneus super gonflés, et que je roule sur un asphalte parfait, ce qui me laisse penser que mon coefficient de roulement sur le sol est négligeable ? Dans ce cas il faut décaler toutes les courbes, qui sont conçues pour un frottement de 0,5 %. Pour ce faire, le plus commode est de tracer le nouvel axe vertical de la pente zéro en lieu et place de la pente - 0,5 % de la figure 3. Toutes les vitesses vont évidemment augmenter. Par contre, pour un VTT de coefficient de frottement sur route égal à 1 %, il faut passer de l’autre côté et tracer ce nouvel axe vertical en 1 % - 0,5 % = + 0,5 % : les vitesses diminuent. Une autre possibilité est de tracer la vitesse en fonction de p+f (voir le chapitre 2). 4/ J’aimerais bien calculer moi-même ma puissance mais je ne connais pas mon SCx. Comment le déterminer ? Première solution, aller sur internet… et bien croiser les informations. Deuxième solution, plus vivifiante, s’offrir une belle descente, ou un aller et retour sur le plat, et exploiter l’annexe 2 en fin de chapitre. H / Tout ca me prend la tête... ... mais j’aimerais quand même connaître la puissance que je développe. Pourrais-je l’estimer facilement sans tout ce qui précède… ? Pan sur le bec ! C’est possible : voir la figure 4. Se peser avec son vélo préféré (total = m), rouler dans une montée de dénivelé h, régulière, et en tous cas dépourvue de descente, de pente supérieure à 6-7 % en moyenne, et noter le temps t d’ascension. Et voilà la puissance en watt, calculée avec le travail du poids seul : P = m g h / t ≈ 10 m h / t (car g ≈ 10) Pour faire bonne mesure on ajoutera 10 % au résultat trouvé, pour prendre en compte approximativement les frottements sur le sol et dans l’air. Exemple : masse 70 kg, montée de 600 mètres de dénivelée en 1 heure. P = 10 m h / t = 10 x 70 x 600 / (1 x 60 x 60) = 117 watts, auxquels on ajoute 10 %, soit finalement presque 130 watts. En résumé, on pourra utiliser la relation : P≈11mh/t avec P en W, m en kg, h en mètres (montée), t en secondes. Le Randonneur - Janvier 2014 - Texte hors revue - page 5 Conclusion La relation que nous venons d’écrire ci-dessus donne une valeur approché de la puissance mécanique développée par un cycliste, appréciée dans une montée conséquente. Plus exactement, la relation puissance vitesse recherchée s’écrit : P Re = {m g (p + ƒ) + ½ ρSCxV 2} V P : puissance cycliste (W), Re : rendement de la transmission (~ 0,98) m : masse totale (kg) g : champ de pesanteur (9,8 ms-2) p : dénivelée / distance parcourue (> 0 si montée, < 0 si descente) f : coefficient de frottement route (~ 0,002 à 0,01… ou plus) ½ ρSCx : coefficient de trainée aérodynamique (~~ 0,25 kg/m) V : vitesse cycliste (m/s) Cette équation, très classique fait intervenir directement la masse, ce qui rend difficile les comparaisons, et n’autorise pas un graphique « universel ». Comme annoncé précédemment, le chapitre suivant nous conduira à une approche où la masse ne jouera qu’un rôle très secondaire. Pour terminer, il est important de se rendre compte que nous roulons avec une puissance disponible donnée, comme c’est le cas pour tout moteur. Il est aussi facile de monter un col que de rouler sur le plat. Un cycliste peut (devrait) gravir un col avec sensiblement la même fréquence de pédalage, et la même force sur les pédales, que celles utilisées sur le plat. Il faut bien sûr pour cela avoir les développements adéquats, et accepter de rouler lentement… c’est juste cela qui est difficile. Gilbert VINCENT, Grenoble, le 16 mai 2013 [email protected] (1) Petite consolation, la consommation (sur le plat, frottement du sol négligé), qu’elle soit nourriture ou carburant, augmente avec V , car plus on va vite... moins ça dure longtemps. (2) Ces 400 à 500 watts, le cycliste peut se les offrir avec l’acquisition d’un vélo à assistance électrique qui ajoutera près de 300 watts à sa propre puissance, mais aussi 5 à 8 kg supplémentaires. 2 Bibliographie : • Tous les ouvrages de licence première année ou de classes préparatoires en sciences. Un exemple : PÉREZ ( José-Philippe), Mécanique, Fondements et applications, Masson. Ou encore, dans le genre très physicien : FEYNMAN (Richard, Phillips), Le cours de physique de Feynman, Mécanique Tome 1, Dunod, Paris, 1963. • PIEDNOIR (François), Pédaler intelligent - La biomécanique du cycliste, FFCT : incontournable pour une approche très fouillée du tandem cycliste-vélo. • http://physique.belledonne.monsite-orange.fr/ : de l’auteur, avec un tableur interactif en fin de Mécanique. Annexe 1 : masse volumique de l’air en fonction de l’altitude. Pour une température au niveau de la mer de 20°C : Altitude (km) ρ (kg/m ) 3 0 1 2 3 4 5 1,20 1,09 0,99 0,90 0,81 0,73 Le Randonneur - Janvier 2014 - Texte hors revue - page 6 Annexe 2 : évaluation du produit SCx DANS UNE BONNE DESCENTE : -- lancer la machine dans la pente ; -- prendre la posture choisie ; -- se débrouiller pour être à la vitesse d’équilibre, hors pédalage ; -- noter cette vitesse que l’on appellera V0. Comme la puissance P est nulle, l’équation générale ρ V2 P Re = m g( p + f ) + SC x V 2 implique que : ρ V02 0 =m g( p + f ) + SC x 2 En descente, p est négatif : appelons |p| la valeur absolue de p. Le SCx (en m2) peut alors être calculé par la relation : SCx = m g( p − f ) 1 2 ρ V02 Pour f : voir sur internet ou alors ~ 0,005 pour un vélo de route et ~ 0,010 pour un VTT sur une route goudronnée. Pour ρ : voir l’annexe 1. Rappel : g = 9,8 m/s2, V0 en m/s. Simple, oui mais : • les pentes sont rarement régulières ; • il faut bien lancer la machine dans la pente, car sans pédaler, après 1/2 km, on serait encore à 2 ou 3 km/h de la vitesse d’équilibre ; • un vent nul n’existe pas, or, ici, il ajoute ou retranche sa vitesse à celle du cycliste (voir l’analyse détaillée dans le chapitre 3). Sachant que 5 km/h d’écart par rapport à la vitesse d’équilibre, c’est, suivant la pente, de 15 % à 25 % d’erreur sur SCx, ce n’est pas gagné ! SUR LE PLAT : choisir un profil le plus horizontal possible, qui autorise une vitesse assez régulière, avec un vent « nul » ou très faible, et noter la vitesse moyenne Vmoy indiquée par le compteur pour UN ALLER ET RETOUR. Le SCx sera alors donné par : SC x = P Re −m g f Vmoy 1 2 2 ρ Vmoy Oui, mais il faut connaître sa puissance P (ou P Re ) ! On n’y coupe pas, il faut grimper une montée raide et utiliser l’équation générale du début de l’annexe 2, qui fournira P Re en prenant momentanément pour SCx une valeur de 0,4 m2.