LES ÉCOLES OBTIENNENT-ELLES LA NOTE DE PASSAGE? POLITIQUES NUTRITIONELLES DANS LES ÉCOLES CANADIENNES Bill Jeffery et Aileen Leo | Centre pour la science dans l’intérêt public (CSIP) L es parents font confiance aux gouvernements pour ce qui est de prendre bien soin de leurs enfants pendant environ 200 jours par an. Mais lorsqu’il s’agit de se débarrasser de la malbouffe dans les écoles et d’offrir des repas sains aux élèves, nos gouvernements échouent. C’est la conclusion que tire Les écoles obtiennent-elles la note de passage? Politiques nutritionnelles dans les écoles canadiennes, un rapport publié en octobre par le Centre pour la science dans l’intérêt public (que l’on peut également consulter en ligne à l’adresse suivante : www.cspinet.org/canada). Les maladies liées au régime alimentaire représentent un problème de santé publique grave au Canada. Bon nombre de Canadiennes et de Canadiens, dont les enfants, consomment trop de calories; trop d’aliments riches en gras trans et saturés, en sel et en sucres ajoutés et pas suffisamment de fruits, de légumes, de céréales entières et de légumineuses. Chaque année, les maladies liées au régime alimentaire, comme les maladies du cœur, les accidents vasculaires cérébraux, le diabète et certaines formes de cancer, entraînent la mort prématurée de dizaines de milliers de Canadiennes et de Canadiens et coûtent à l’économie des milliards de dollars en dépenses de soins de santé et en perte de productivité. Si nous n’intervenons pas, les maladies liées au régime alimentaire risquent d’entraver l’accès aux services de santé et de réduire notre capacité de financer le régime public d’assurance-maladie. Plus tôt cette année, le Comité permanent de la santé de la Chambre des communes a conclu qu’à cause d’un taux élevé d’obésité infantile, les enfants d’aujourd’hui pourraient être la première génération depuis un certain temps à vivre moins longtemps et en moins bonne santé que leurs parents. Les écoles sont un lieu idéal pour commencer à renverser cette tendance et à encourager les enfants à choisir des aliments plus sains, comme des fruits, des légumes et des céréales entières, que le Guide alimentaire canadien (2007) recommande. Cependant, des sondages provinciaux sur les aliments offerts à l’école menés de 2000 à 2006 indiquent qu’un nombre trop important de choix alimentaires scolaires étaient élevés en gras trans et saturés, en sel et en sucres – peut-être parce que les cafétérias privilégient l’optimisation des ventes des produits plutôt que la santé des élèves. De telles conclusions ont contribué à pousser la plupart des provinces à établir, depuis 2005, des lignes directrices sur la nutrition dans les écoles. En 2005, dans le cadre de la Stratégie pancanadienne intégrée en matière des modes de vie sains, les ministres de la Santé se sont engagés à établir des normes nutritionnelles dans les écoles et des programmes d’alimentation saine. Les critères nutritionnels pour les aliments servis dans les écoles sont maintenant en place dans huit provinces sur dix. Au moment de la rédaction du rapport (octobre 2007), l’ébauche des lignes directrices en Alberta était au stade de la consultation, et 10 le gouvernement du Québec annonçait que ses nouveaux critères s’appliqueront à partir de 2008. Le Yukon, les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut ne disposent d’absolument aucune norme nutritionnelle dans les écoles. Nous n’avons aucune donnée probante solide et à jour sur les aliments vendus aujourd’hui dans les écoles (et si les gouvernements provinciaux le savent, ils ne le disent pas), mais l’année dernière, le Globe and Mail a mené sa propre enquête dans 139 conseils et commissions scolaires du Canada. Il a conclu que la plupart des écoles canadiennes sont encore à l’état de « friches nutritionnelles ». Certaines politiques provinciales de nutrition dans les écoles comportent des mesures qui, si elles sont suivies, pourront contribuer à améliorer le régime alimentaire des enfants canadiens. Cependant, les normes de nutrition dans les écoles canadiennes ressemblent à un ensemble disparate de lignes directrices minces et décousues. Elles présentent plusieurs lacunes, dont : • • Des normes nutritionnelles faibles qui autorisent la vente d’aliments de faible valeur nutritive. Le Nouveau-Brunswick, par exemple, autorise deux fois par semaine la vente de produits riches en gras et en sel comme les crèmes glacées et les pizzas. L’Îledu-Prince-Édouard vend des aliments riches en gras et en sel, comme les pizzas au fromage et des pretzels, deux ou trois fois par semaine. Les normes provisoires de l’Alberta autorisent, toutes les semaines, la vente de dizaines d’aliments riches en gras, en sel et en sucres, comprenant croustilles de pomme de terre, boissons gazeuses, barres de chocolat, bonbons, crèmes glacées, gâteaux, biscuits, aliments frits, beignes, pâtisseries et crème fouettée. Terre-Neuve-et-Labrador met chaque jour au menu autant de crèmes glacées, d’ailes de poulet, de viandes frites, de pretzels et d’autres aliments vides qu’il est possible pourvu que la liste de ces aliments représentent moins de la moitié des aliments offerts à l’école. Manque de limites explicites sur les gras saturés et trans et le contenu en sel et en sucres. En Saskatchewan et dans plusieurs autres provinces, les normes nutritionnelles dans les écoles ne font que suggérer quels genres d’aliments en général peuvent être vendus et ne fournissent presque aucun critère relativement à la valeur nutritive afin de guider le choix de ces aliments. Les autres provinces, à savoir TerreNeuve-et-Labrador, le Nouveau-Brunswick, l’Île-duPrince-Édouard, le Québec et l’Ontario indiquent seulement de manière fragmentaire ou pas du tout | POLITIQUES NUTRITIONELLES DANS LES ÉCOLES CANADIENNES | • • • le contenu en gras, en sel, en sucres et le nombre de calories par portion. Grande variation entre les provinces des normes nutritionnelles pour les aliments servis dans les écoles. Il s’agit d’approches quant à la limitation de choix alimentaires en-dessous des normes ainsi qu’à l’application des critères à l’ensemble ou à seulement une partie des denrées alimentaires offertes dans les écoles. Absence d’élaboration de politiques nutritionnelles dans les écoles. Les territoires du Nord n’ont pas encore publié de normes nutritionnelles scolaires. Absence d’information publiée sur l’adhésion des écoles aux normes nutritionnelles provinciales. Compte tenu du manque d’information offerte au public sur l’adhésion des écoles aux normes, il est très difficile de déterminer dans quelle mesure les critères nutritionnels provinciaux à l’égard des écoles sont en fait suivis. En avril 2007, le U.S. Institute of Medicine (IOM), en collaboration avec des spécialistes canadiens, a publié le document scientifique Nutrition Standards for Foods in Schools (normes nutritionnelles pour les aliments servis dans les écoles). (Les normes de l’IOM établissent principalement des limites en termes de calories, de gras, de sel et de sucres ajoutés dans les aliments distribués dans les écoles, aliments autres que ceux offerts dans le programme de repas scolaires subventionné du département de l’Agriculture des États-Unis et qui sont assujettis à des critères nutritionnels différents actuellement à l’étude). Selon le rapport Les écoles obtiennent-elles la note de passage?, les normes de tous les gouvernements provinciaux du Canada n’atteignent pas ces repères clés. L’Alberta, qui n’a encore qu’une ébauche de politique, a obtenu un B, alors que la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve-et-Labrador ont reçu un C. La Colombie-Britannique, le Manitoba, le Québec et le Nouveau-Brunswick sont passés de justesse avec un D. Mais le Saskatchewan, l’Ontario et l’Île-du-Prince-Édouard ont été recalés; ils fournissent aux exploitants des services alimentaires peu d’orientations claires sur les aliments à servir ou pas. De plus, ces notes ne nous donnent aucune indication sur quelles écoles suivent réellement les conseils de leurs gouvernements provinciaux. Bulletin scolaire en matière de politiques nutritionelles pour les écoles Province/territoire Note Colombie-Britannique D Alberta* B* Saskatchewan F Province/territoire Note Manitoba D Ontario F Québec D Nouveau-Brunswick D Nouvelle-Écosse C Île-du-Prince-Édouard F Terre-Neuve-et-Labrador C Nunavut Aucune norme Territoires du Nord-Ouest Aucune norme Yukon Aucune norme * ébauche de politique Pour les écoles à court d’argent, vendre de la malbouffe a un intérêt évident : de faibles coûts et un marché captif de consommatrices et de consommateurs enthousiastes et qui manquent de discernement. Vendre de la malbouffe peut être de l’argent facile pour appuyer les activités parascolaires, mais quelles sont les conséquences pour la santé? Voulons-nous que nos enfants se nourrissent d’aliments qui favorisent l’obésité, l’hypertension, l’hypercholestérolémie cholestérol et même le diabète? Un meilleur financement public des repas servis dans les écoles est nécessaire pour contribuer à ce que les élèves consomment des aliments sains, comme le recommande le Guide alimentaire canadien. À l’heure actuelle, il n’existe aucun programme de repas scolaires subventionné par les deniers publics, et les programmes financés par les provinces sont restreints et fragmentaires. Tous les gouvernements provinciaux, sauf celui de l’Alberta, dégagent des fonds pour appuyer des programmes communautaires de repas servis dans les écoles. L’organisme national à but non lucratif Déjeuner pour Apprendre nourrit des milliers d’autres enfants. Mais l’investissement annuel combiné (les gouvernements provinciaux et le secteur à but non lucratif ) n’a représenté dans l’année scolaire 2005-2006 que 5,95 $ par élève. À plus de 23 $ par élève – et une augmentation massive étant prévue – le programme britanno-colombien de fruits et de légumes gratuits apporte une lueur d’espoir au Canada. Le gouvernement fédéral fait toujours l’école buissonnière lorsqu’il s’agit de financer les aliments servis dans les écoles, même dans les territoires du Nord où il joue un rôle important, conformément à la Constitution. Au contraire, le gouvernement fédéral des États-Unis dépense chaque année à lui seul plus de 200 $CA par élève – environ 40 fois les fonds injectés en moyenne par le gouvernement canadien. Des investissements accrus permettraient aux écoles d’offrir dans leurs cafétérias des aliments de valeur nutritive plus élevée, comme des légumes, des fruits et des céréales entières. Surtout, les écoles pourraient vendre ces aliments assez bon marché pour que les enfants ayant moins d’argent puissent les acheter. 11 | POLITIQUES NUTRITIONELLES DANS LES ÉCOLES CANADIENNES | Pour améliorer les normes canadiennes régissant les aliments servis dans les écoles, le CSIP, entre autres, presse les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux de faire ce qui suit : 1. 2. 3. Élaborer et appuyer la mise en œuvre de politiques nutritionnelles scolaires complètes qui englobent des normes nutritionnelles pour tous les aliments offerts dans les écoles et qui reflètent le Guide alimentaire canadien (2007) et le Nutrition Standards for Foods in Schools (2007) de l’U.S. Institute of Medicine. Les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux ainsi que les municipalités peuvent et doivent faire davantage pour retirer la malbouffe des écoles et aider les enfants à se nourrir de plats nutritifs. Le personnel enseignant peut veiller à cela. L’influence des enseignantes et des enseignants canadiens dans la vie de nos enfants est primordiale, et la participation du personnel enseignant dans la campagne du CSIP visant à améliorer les aliments scolaires dans le Canada est essentielle pour en assurer le succès. Surveiller régulièrement les politiques et les lignes directrices alimentaires scolaires, les aliments offerts et la consommation des élèves en fonction de repères établis. La santé de la prochaine génération d’enfants intéresse tous les Canadiennes et les Canadiens. Restons à l’abri de la malbouffe, subventionnons les aliments sains, comme les légumes et les fruits, et surveillons les progrès des écoles dans ce sens. L’amélioration (et l’application) de normes nutritionnelles décentes en matière d’aliments servis dans les écoles et un subventionnement accru de repas scolaires nutritifs aideraient les enfants à améliorer leur régime alimentaire et à établir des habitudes alimentaires plus saines qui continueront à l’âge adulte. Appuyer l’élaboration d’un programme pancanadien de repas scolaires, fondé sur des normes nutritionnelles qui protègent la santé et qui encouragent des habitudes alimentaires saines. Les enfants du Canada ont droit à des repas nutritifs servis à l’école indépendamment de l’endroit où ils vivent. Tous les ordres de gouvernement peuvent contribuer à protéger la santé de nos enfants en élaborant des normes nutritionnelles scolaires à l’échelle nationale. Malgré l’argument couramment avancé selon lequel l’éducation est une responsabilité exclusivement provinciale, les aliments servis à l’école ne relèvent pas exclusivement des ministres de l’Éducation provinciaux. Même si les provinces disposent de pouvoirs vastes (mais non complets) pour gérer les affaires des écoles, le gouvernement fédéral a eu pendant longtemps le vaste pouvoir incontesté de réglementer les approvisionnements alimentaires dans tout le Canada. Les deux ordres de gouvernement assument depuis longtemps la responsabilité de la protection de la santé, de la nutrition, de la sécurité alimentaire, de la protection de l’enfant et de la protection des consommateurs et consommatrices. Le gouvernement fédéral dispose également d’un pouvoir juridique pratiquement illimité pour établir des normes nutritionnelles en exerçant son pouvoir de dépenser au moyen de subventions conditionnelles. Par conséquent, l’affirmation par le gouvernement fédéral qu’il n’a aucun pouvoir d’agir doit être considérée avec scepticisme. À ce jour, le rapport du CSIP sur les aliments servis dans les écoles a généré un flot impressionnant de réponses du public, dont des dizaines de nouvelles diffusées par la radio ou par la presse, d’éditoriaux favorables écrits dans trois principaux quotidiens, de réponses publiques immédiates de la part de membres du cabinet de sa province et d’un premier ministre, et un flux constant de Idéalement, ce programme appuie également l’agriculture locale et contribue à l’environnement durable, mais ces volets ne sont pas couverts par le rapport. 12 courriels et d’appels de parents, d’administrations d’écoles ainsi que de professionnels de la santé intéressés. Le corps enseignant, les parents et le personnel professionnel de la santé peuvent contribuer à améliorer l’environnement nutritionnel scolaire en téléphonant ou en écrivant aux autorités sanitaires et éducationnelles fédérales, provinciales, territoriales et municipales pour les presser d’agir. Il est possible d’obtenir des renseignements sur la campagne du CSIP en communiquant avec Bill Jeffery ([email protected]) ou Aileen Leo ([email protected]) ou à l’adresse suivante : www.cspinet.org/canada. Au sujet des auteurs Bill Jeffery, LL.B., est coordonnateur national et Aileen Leo est conseillère principale en politiques au Centre pour la science dans l’intérêt public (Canada). Le CSIP est un organisme de défense de la santé des consommatrices et consommateurs qui se consacre à la nutrition et à la sécurité alimentaire et est basé à Ottawa et à Washington, D.C. Les efforts d’action politique du bureau du CSIP à Ottawa sont appuyés par plus de 100 000 personnes abonnées à la version canadienne du bulletin de santé Nutrition Action Healthletter. Le CSIP n’accepte aucun financement des industries ou des gouvernements, et le bulletin de santé ne contient aucune publicité.