COMMUNIQUÉ DE PRESSE I GRENOBLE I 7 octobre 2011
Depuis quelques décennies, la banquise arctique subit un déclin spectaculaire, bien au-delà
des projections des modèles climatiques. La rapidité inattendue de cette disparition vient
d’être expliquée par des chercheurs du CNRS, de l’université Joseph Fourier et du
Massachusetts Institute of Technology. Selon eux, les modèles climatiques sous-estiment la
vitesse d’amincissement de la banquise. Celle-ci est en réalité près de quatre fois plus
rapide que celle calculée par les modèles. A l’origine de ce biais, une « mauvaise »
représentation de la dérive des glaces de mer, et donc de leur évacuation vers le sud, à
travers le détroit de Fram, hors du bassin arctique. Permettant de corriger l’écart entre
simulations et observations, une meilleure prise en compte de ce mécanisme suggère la
disparition de la banquise arctique estivale, bien avant la fin du siècle. Ces travaux sont
publiés dans la revue Journal of Geophysical Research le 29 septembre 2011.
L'Arctique perd environ 10% de sa couche de glace permanente tous les dix ans depuis 1980. De
plus, la fonte de la banquise arctique atteint des records : mi-septembre 2007, lors de leur
minimum annuel d’extension, les glaces pérennes couvraient une surface de 4,14 millions de km²1 .
Une triste performance qui a été frôlée de nouveau ce mois de septembre 2011 (4,34 millions de
km2). Les simulations climatiques réalisées dans le cadre du GIEC2 reproduisent effectivement un
déclin des glaces de mer arctiques sous l’effet du réchauffement climatique. Elles prédisent la
disparition de la banquise estivale à la fin de ce siècle. Toutefois, comparés à 30 ans
d’observations détaillées par satellite, ces modèles paraissent optimistes : la banquise arctique
s’est amincie sur la période 1979-2008 en moyenne quatre fois plus vite que dans les simulations
climatiques. Les observations ne sont donc pas correctement reproduites par les modèles
climatiques qui sont calés essentiellement sur des variables globales, comme la température
moyenne du globe, et non « régionales ».
D’où provient cet écart ? L’explication, selon une équipe franco-américaine impliquant notamment
le Laboratoire de glaciologie et géophysique de l’environnement (CNRS/Université Joseph
Fourier), serait une mauvaise représentation, dans les modèles, du comportement mécanique de la
banquise et de la dérive des glaces de mer. Pour le démontrer, les chercheurs se sont intéressés
aux mécanismes de dérive des glaces de mer en regard de leur état (épaisseur et concentration),
puis ont analysé les prédictions des modèles, en lien avec les données sur le terrain. En 2009, ces
mêmes scientifiques avaient mis en évidence une accélération significative de la dérive de la
banquise au cours de ces dernières décennies. Ils l’expliquent désormais par l’amincissement,
devenu plus rapide, de cette glace de mer : une banquise moins épaisse, plus fragile donc, se
fragmente plus aisément. Ce qui la rend plus mobile, favorisant son évacuation vers le sud du
détroit de Fram, entre le Groenland et l’archipel du Svalbard, en dehors de l’océan Arctique, où elle
fondra. Ce mécanisme renforce probablement aujourd’hui le déclin des glaces de mer arctiques.
1 Contre 7,5 millions de km² en moyenne il y a 30 ans.
2 Simulations établies pour le rapport du GIEC de 2007
Pourquoi les modèles climatiques sous-estiment le
déclin de la banquise arctique ?