Conduite actuelle devant une azoospermie
A. Jardin
Jusqu'à ces dernières années, lorsqu'on avait à traiter de la conduite à tenir dans l'infertilité masculine, le
chapitre oligoasthénotératospermie était toujours délicat à présenter simplement.
A l'inverse celui des azoospermies était simple : azoospermie à testicules normaux, FSH normale =
recherche d'un obstacle à la migration des spermatozoïdes et traitement chaque fois que possible de cet
obstacle Azoospermie plus hypotrophie testiculaire et ou FSH élevée = pas de solution thérapeutique,
recours à l'IAD ou adoption.
L'ICSI est venue bouleverser ces schémas au point que la définition même de l'azoospermie et surtout sa
classification sont remises en question : La définition de l'azoospermie était : Absence de spermatozoïde
dans l'éjaculât. : Une meilleure identification des cellules rondes retrouvées dans l’éjaculât permet de
reconnaître pares centrifugation des spermatides susceptibles d’être peut-être utilisées en P.M.A. La
classification simple des azoospermies en excrétoires et sécrétoires ni même en pre-testiculaires,
testiculaires et post -testiculaires ne rend pas compte de la grande diversité de ces azoospermies
testiculaires pourtant les plus fréquemment rencontrées. Une classification génétique que certains appellent
de leurs vœux contribuerait sûrement à mieux les connaître, mais serait sans doute trop limitative.
Ainsi a-t-on vu un grand «chambardement » dans le traitement de l'infertilité masculine au point qu'un
pionnier de l'ICSI a pu écrire : "le traitement conventionnel de l'infertilité masculine a été réévalué et
abandonné". Une telle affirmation nous paraît excessive car il est évident que certaines stérilités masculines
restent en ce début de troisième millénaire réversibles grâce à un traitement adéquat.
Avant donc d'essayer de discuter de la conduite à tenir chez des hommes azoospermes en fonction des
différentes étiologies, il paraît important de redire quelques principes avant de prendre en charge ces
hommes et leur couple.
I - A l'heure de l'ICSI seul un homme ayant eu une castration bilatérale en l'absence de toute conservation de
sperme peut être déclaré stérile. Il est donc exceptionnel de pouvoir déclarer stérile un homme avant un
examen au microscope de son contenu testiculaire.
II – L'équation azoospermie = ICSI est excessive si la femme a moins de 36 ans.
III – Même si elle est difficile, l'évaluation du nombre de chances pour un homme de procréer naturellement
devrait être entreprise le plus tôt possible dans sa vie. La reconnaissance précoce des facteurs de risque
d'infertilité et la prévention de certaines infertilités masculines devraient être une préoccupation pour les
médecins dans les années à venir. Trop d'infertilités masculines sont explorées trop tard.
IV – Même si l'ICSI a permis à de nombreux couples de réaliser leur désir d'enfant, ne doivent pas être
oubliés : - son risque de grossesses multiples avec ses conséquences, - les embryons surnuméraires
obtenus à la gestion desquels le couple n'est souvent suffisamment préparé, - son coût élevé, - enfin les
incertitudes concernant l'avenir des enfants de l'ICSI et en particulier leur fertilité.
1/6
C'est dire que chaque fois qu'une infertilité masculine est reconnue, il est nécessaire d'évaluer tous les
facteurs de risque pouvant intervenir dans cette infertilité et essayer de les traiter. Mais c'est dire aussi que, à
partir du moment où un geste chirurgical est proposé sur le contenu scrotal d'un homme azoosperme un
prélèvement testiculaire suivi de congélation sera proposé.
En deux consultations, dans un couple dont l'homme est azoosperme une stratégie cohérente de prise en
charge est possible sous condition de :
• préciser de façon détaillée les antécédents personnels et familiaux
• apprécier le volume testiculaire
• évaluer cliniquement les annexes et l'appareil génital profond
• rechercher l'existence d'un varicocèle clinique
• Enfin de faire pratiquer : dosages sanguins de F.S.H. et Inhibine, étude de la biochimie séminale en
dosant dans le sperme les marqueurs de ses différents étages
Schématiquement on peut classer les azoospermies vues dans une consultation d'urologie de la façon
suivante.
Azoospermie plus antécédents de vasectomie :
L'homme vasectomisé a déjà procréé et sa fertilité a donc été affirmée. Il représente la meilleure chance de
réussite de la chirurgie réparatrice de la voie séminale, la vasovasostomie a à son actif entre 60 et 80 % de
résultats en terme de grossesse, ceci à condition d'une technique rigoureuse où la supériorité de la chirurgie
au microscope n'est plus discutée. Ces résultats sont à nuancer en fonction de l'ancienneté de la vasectomie
et de façon moins certaine de la présence plus ou moins importante d'anticorps antispermatozoïdes qui sont
retrouvés après vasectomie dans 60 à 70% des cas. Le délai de récupération d'un spermogramme
permettant une fécondation naturelle est variable allant de quelques semaines à plus de 18 mois.
L'azoospermie du vasectomisé qui souhaite à nouveau procréer nous paraît exemplaire des excès des
indications d'ICSI dans l'infertilité masculine que l'on rencontre aujourd'hui.
Nombre d'auteurs ont en effet proposé ces dernières années d'avoir recours à la fécondation in vitro et
encore plus à l'ICSI à partir des spermatozoïdes prélevés dans l'épididyme ou dans les testicules le jour
même de la PMA : certes le nombre de chances de succès de ces PMA chez les anciens vasectomisés est
grand mais ne peut pour nous se discuter que si la femme est en train d'atteindre l'âge où elle devient
nettement moins fertile. Certains ont pu arguer non seulement de la simplicité mais d'un coût peut être moins
important de la procréation médicalement assistée : Schlegel a évalué en 1997 le coût d'une naissance chez
un vasectomisé à 25475 dollars pour une grossesse obtenue naturellement après vasovasostomie (47 % de
chances) et 73146 dollars après ICSI utilisant les spermatozoïdes épididymaires ou testiculaires (33 % de
chances par essai). La chirurgie réparatrice de la voie séminale reste donc le meilleur choix.
Azoospermie plus antécédents infectieux d'épididymite (germes
banals ou Chlamydia)
Ce type d'azoospermie a été à l'origine des premiers succès des anastomoses épididymo-déférentielles
publiées depuis 100 ans mais sont devenues beaucoup plus rares avec les traitements corrects des
épididymites aiguës associant antibiotiques et corticoïdes. De tels cas doivent être cependant reconnus car
le nombre de chances de succès des anastomoses épididymo-déférentielles est aujourd'hui supérieur à 20
%. Si l'on prend soin là encore de faire une chirurgie sous microscope et d'essayer d'obtenir une désinfection
2/6
préopératoire. L'anastomose se fait au mieux entre la lumière du déférent et une anse du canal épididymaire
dilaté facilement reconnu. Le siège de l'anastomose est fait au mieux dans une zone où le liquide
épididymaire contenant des spermatozoïdes est le plus clair possible là où sont les spermatozoïdes mobiles.
Ces interventions comme les vaso-vasostomies sont faites dans le cadre de la chirurgie ambulatoire. Là
encore le délai de récupération de spermatozoïdes fécondants dans l'éjaculât peut demander plusieurs mois.
L'examen biochimique préopératoire permet de prévoir la perméabilité des canaux éjaculateurs sur
l'existence de fructose normal et de marqueurs prostatiques normaux dans le sperme alors que les
marqueurs épididymaires sont absents. Dans le cas où la biochimie laisse un doute au diagnostic, la
déférentographie permet de visualiser la voie séminale profonde et la perméabilité du canal éjaculateur.
Azoospermie plus obstacle profond.
Un obstacle profond peut être suspecté sur la présence dans les antécédents d'infection prostato-séminale à
répétition mais ce fait est rare. Un éjaculât de petit volume doit faire évoquer un tel diagnostic. La biochimie
séminale est très contributive montrant un abaissement de tous les marqueurs de la voie séminale.
L'imagerie y est particulièrement contributive, échographie transrectale de la prostate et de la voie séminale
profonde, IRM. Enfin si un geste est décidé, la déférentographie peut être utile. Qu'il s'agisse d'ouvrir un
canal éjaculateur obstrué, d'aller extirper un calcul obstruant un canal éjaculateur. Le résultat de ces gestes
chirurgicaux sont cependant médiocres et il est dans ces cas particulièrement utile d'avoir prélevé des
spermatozoïdes en amont afin de les conserver. L'obstacle profond des canaux éjaculateurs peut être réalisé
par un utricule prostatique sous tension, la résection du veru montanum ou la ponction de ce kyste ont
permis d'obtenir, dans de rares cas, et après massages prostatiques répétés, quelques bons résultats.
Azoospermie plus antécédents de cure de hernie bilatérale.
Il s'agit d'une cause non exceptionnelle d'azoospermie, les résultats dans notre expérience de réparation de
la voie séminale ont presque toujours été des échecs mais Matsuda tout récemment a montré l'existence de
spermatozoïdes dans l'éjaculât après réparation de la voie séminale dans 39 %, il a montré aussi que si
l'azoospermie persistait après réparation, il considérait qu'il y avait un obstacle épididymaire associé et en
faisant une anastomose épididymo-déférentielle, obtenait des spermatozoïdes dans tous les cas de sa courte
série. Il obtenait enfin 43 % de grossesses naturelles. Il s'agit d'un tel exemple de persévérances payantes
dans la chirurgie de la voie séminale.
Azoospermie plus agénésie déférentielle.
L'agénésie déférentielle est loin d'être exceptionnelle et représente dans notre expérience plus de 5 % des
azoospermies qui consultent. La plupart du temps il s'agit d'une découverte lors de l'examen à la première
consultation d'un homme ayant une azoospermie qui malheureusement n'a jamais eu de palpation de son
contenu scrotal dans les différents examens médicaux qu'il a pu subir jusque là. Un petit éjaculât associé à
l'azoospermie doit bien sûr d'emblée faire évoquer un tel diagnostic. Le petit éjaculât n'est cependant pas
constant puisque l'agénésie des vésicules séminales associée est variable d'un individu à l'autre.
Dès la première consultation il est important de reconnaître s'il s'agit d'une agénésie qui s'intègre dans le
cadre de la mucoviscidose ou non. Le premier examen à faire est donc de rechercher une anomalie de
l'appareil urinaire associée, rein unique congénital, anomalie importante d'une voie excrétrice. L'agénésie
déférentielle s'inscrit alors dans le cadre d'une anomalie du développement pendant la vie fœtale et conduit
alors à une PMA le plus souvent ICSI à partir de spermatozoïdes prélevés de façon synchrone à la ponction
d'ovocytes dans la mesure où il n'y a aucune possibilité de réparation de la voie séminale. Le plus souvent, il
3/6
s'agit d'une anomalie rattachée à la mucoviscidose puisque la majorité des patients qui en sont atteints sont
porteurs d'une ou plusieurs mutation du gène CFTR, la plus fréquente étant la mutation Delta F 508. Le
recours à l'ICSI après ponction épididymaire ou testiculaire est justifié dans de tels cas mais le recours au
conseil génétique est alors bien sûr de mise.
Azoospermie plus varicocèle.
Dulloch avait observé en 1955 la guérison d'une azoospermie après correction chirurgicale de la varicocèle.
Cette observation princeps a été à l'origine de très nombreuses publications contradictoires sur l'intérêt de la
cure de varicocèle chez l'homme infertile. Si les résultats de la chirurgie du varicocèle dans l'infertilité font
encore l'objet de discussions, la reconnaissance du varicocèle comme facteur d'infertilité de l'homme est
aujourd'hui bien admis. Il n'est donc pas déraisonnable de proposer à un homme azoosperme dont les
testicules ne sont pas atrophiques, une cure chirurgicale qui a pu donner dans un certain nombre de cas, des
résultats parfois spectaculaires, ceci à condition d'avoir essayer d'éradiquer les autres facteurs d'infertilité
chez le porteur de varicocèle en particulier le tabac qui semble bien potentialiser le rôle néfaste du varicocèle
sur la spermatogenèse.
Azoospermie plus testicules non descendus opérés.
La constatation d'une azoospermie chez un homme ayant été opéré à gauche et à droite de testicules non
descendus laisse augurer la plupart du temps de l'origine testiculaire de cette azoospermie. Celle ci est
confirmée par un taux de FSH élevé et une biochimie séminale souvent normale. Ces patients doivent être
alors considérés comme des patients ayant des testicules hypotrophiques voir chapitre 13. L'existence
d'anomalies de la voie séminales associées à un testicule non descendu sont rencontrées dans 30% des
cas. Il est donc licite, lorsque est constatée une azoospermie et un ou deux testicules de bonne qualité et un
taux de FSH normal ou à la limite de la normale, d'explorer la voie séminale à la recherche d'un obstacle
éventuellement réparable. Cet obstacle peut aussi être bien sûr secondaire au geste chirurgicale
d'abaissement testiculaire. Ces faits sont rares.
Azoospermie plus deux testicules cryptorchides.
La découverte de deux testicules cryptorchides chez un homme consultant pour azoospermie est une
circonstance tout à fait exceptionnelle du moins chez les patients originaires de l'hexagone. Même si les
résultats de la chirurgie d'abaissement du testicule chez l'adulte sont médiocres et conduisent certains à
proposer une castration bilatérale avec traitement substitutif du fait du risque de cancer du testicule dans de
tels cas; il nous paraît raisonnable de proposer surtout chez un couple ayant un projet parental, un
abaissement chirurgical. Une telle attitude nous a permis d'obtenir certes une seule fois, la récupération d'un
spermogramme normal, un an après l'intervention et permettre à cet homme d'avoir ensuite trois enfants
naturellement. De tels faits sont rares, mais plusieurs publications justifient une telle attitude.
Azoospermie plus antécédents de chimiothérapie ou radiothérapie.
La plupart du temps, après chimiothérapie ou radiothérapie chez le jeune adulte est notée une récupération
d'une spermatogénèse dans les mois ou années qui suivent le traitement. D'autre part, la généralisation de la
conservation du sperme avant chimiothérapie ou radiothérapie permet aux hommes qui ne récupéreront pas
de spermatogénèse de procréer du moins lorsque la qualité du sperme au moment de la conservation était
suffisante. Les traitements des enfants en particulier par le Chloraminophène pour les syndromes
4/6
néphrotiques, il y a une vingtaine d'années est à l'origine de nombre d'azoospermies pour lesquelles
malheureusement, même la biopsie testiculaire, ne met pas en évidence de spermatozoïdes permettant
d'être utilisés.
Azoospermie plus testicules normaux, aucun antécédent, FSH
normale ; biochimie normale.
Il s'agit alors le plus souvent d'un arrêt de la spermatogénèse au stade de spermatocytes II que viendra
confirmer la biopsie testiculaire. Il n'est pas exclu dans de tels cas d'avoir dans certaines zones du testicule
des spermatides ou spermatozoïdes utilisables pour une ICSI.
Azoospermie plus syndrome de Klinefelter.
La constitution chromosomique 47 XXY domine le tableau des infertilités d'origine chromosomique par sa
fréquence (67.5 % des anomalies des chromosomes sexuels.) Même en cas d'azoospermie, il n'est pas du
tout exclu de trouver dans le testicule des spermatozoïdes utilisables pour une ICSI. Plusieurs publications
font état de grossesses dans de tels cas. Là encore un conseil génétique est bien sûr de mise avant toute
tentative.
Azoospermie plus hypogonadisme hypogonadotrophique.
Un tel cas est aujourd'hui tout à fait exceptionnel dans une consultation d'infertilité du moins dans un service
d'uro-andrologie. Reconnu le plus souvent cliniquement, confirmé par un taux de FSH très bas, il représente
une des rares azoospermies réversibles grâce à un traitement médical (traitement par les gonadotrophines).
Azoospermie plus testicules plus ou moins hypotrophiques, FSH
élevée, taux d'inhibine très bas.
Il s'agit du cas malheureusement le plus souvent rencontré dans les consultations d'infertilité même dans les
services d'uro-andrologie. Ils étaient, il y a quelques années encore, au-dessus de toute ressource
thérapeutique. Les prélèvements testiculaires dans de tels cas ont montré que l'on pouvait retrouver des
spermatozoïdes utilisables pour une ICSI. Il est donc licite de proposer de tels prélèvements.
Malheureusement dans de nombreux cas, la recherche la plus minutieuse ne permet pas de retrouver de
spermatozoïdes. Le syndrome Sertoli cells only persiste.Cependant, dans notre expérience comme dans
celle d'autres équipes, nous avons retrouvé des spermatozoïdes utilisables pour l'I.C.S.I. chez près de 50%
des patients ayant été "étiquetés" autrefois Sertoli cells only sur des biopsies testiculaires. Il n'y a pas à
l'heure actuelle de marqueurs suffisamment fiables pour affirmer ou infirmer la présence de spermatozoïdes
dans un testicule.
Le volume du testicule est un élément important, le taux de FSH également mais ne sont pas suffisamment
fiables pour éviter à un homme un prélèvement testiculaire. L'inhibine B a été proposée et semble plus
performante que FSH ou la taille du testicule, en effet la comparaison des taux chez les patients ayant des
spermatozoïdes retrouvés par TESE et ceux n'en ayant pas a montré un taux plus élevé d'inhibine B chez les
patients ayant des spermatozoïdes. Le seuil de discrimination proposé est un taux supérieur à 40
picogrammes par ml avec une sensibilité de 90% et une spécificité de 100 %.Le taux d'inhibine mérite donc
d'être systématiquement demandé. D'autre part, si on dispose chez ces patients d'une biopsie il semble pour
5/6
1 / 6 100%