Colique néphrétique : nouveautés sur la prise en charge aux urgences

REVUE MÉDICALE SUISSE
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3 février 2016
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Colique néphrétique nouveautés
sur la prise en charge aux urgences
La prévalence de la colique néphrétique est en constante aug-
mentation dans les pays industrialisés, représentant un motif
fréquent de consultation aux urgences. La majorité des patients
présente une colique néphrétique simple, qui nécessitera une
antalgie et un suivi ambulatoire. Les médecins travaillant dans
des centres d’urgences jouent un rôle-clé dans le diagnostic, la
prise en charge et l’orientation de ces patients. Ils doivent identi-
fier les facteurs de gravité et recourir à un avis urologique si né-
cessaire. Cet article résume les dernières nouveautés diagnos-
tiques et thérapeutiques dans la prise en charge et l’orientation
des coliques néphrétiques aux urgences.
Renal colic : new care in emergency centers
The prevalence of renal colic is increasing in industrialized countries,
representing a frequent reason for consultation in emergencies.
Most patients have simple renal colic that will require analgesia and
ambulatory monitoring. Doctors working in emergency centers play
a key role in the diagnosis, care and guidance of these patients. They
must identify factors of gravity and request urological advice if ne-
cessary. This article summarizes the recent diagnostic and thera-
peutic innovations in the management and guidance of renal colic
in emergency centers.
INTRODUCTION
La colique néphrétique est un motif fréquent de consultation
aux urgences. Sa prévalence est en constante augmentation
dans les pays industrialisés, avec un ratio homme/femme
d’environ 2/1. Le taux de récidives après un premier épisode
est très élevé: de 15% à un an, il monte à 40% à cinq ans et
75% à vingt ans. En Suisse, l’Office fédéral de la statistique a
dénombré en 2013 plus de dix mille cas de lithiase urinaire né-
cessitant une hospitalisation.1 La plupart du temps (environ
80%), l’évolution est favorable avec l’expulsion spontanée du
calcul en moins d’un mois. Cependant en urgence, il faut
connaître les facteurs de gravité (tableau 1) et savoir quand
recourir à un avis urologique. Cet article destiné aux médecins
de premier recours et urgentistes fait le point sur les nou-
veautés diagnostiques et thérapeutiques dans la prise en charge
et l’orientation des coliques néphrétiques.
Bilan urinaire et sanguin
La bandelette urinaire doit toujours être réalisée en première
intention, car elle peut renseigner sur le pH urinaire (lorsqu’il
est inférieur à 6, il favorise la formation de cristaux d’acide
urique), ainsi que sur la présence de leucocytes et de nitrites
qui orientent vers un tableau infectieux. Toutefois, la pré-
sence isolée de leucocytes dans les urines, sans autre signe
d’infection, est fréquemment retrouvée et ne doit pas justifier
une culture urinaire systématique.2 Rappelons que l’hématu-
rie microscopique n’est présente que dans 70 à 90% des cas.
La durée entre le début des symptômes et la réalisation du
prélèvement est déterminante: l’hématurie est retrouvée chez
95% des patients au premier jour, mais uniquement chez 65%
des patients au troisième jour.3
Le bilan biologique, comprenant une créatinine, un hémo-
gramme et une protéine C-réactive, peut s’avérer nécessaire
lorsqu’une colique néphrétique compliquée est suspectée, de
même qu’un bilan de la crase (TP, PTT) en prévision d’une
éventuelle intervention urologique.
STONE score
Le «STONE score» est un outil d’aide à la décision qui a été
développé afin d’évaluer la probabilité d’une colique néphré-
tique chez un patient présentant une douleur abdominale.4
Ce score, basé sur cinq éléments, permet de catégoriser les
patients à probabilité faible (9%), moyenne (51%) ou haute
(89%) (tableau 2). Les auteurs de l’étude estiment qu’en cas
de probabilité haute (score 10-13 points), le diagnostic de
colique néphrétique peut être posé avec suffisamment de
certitude, de sorte qu’aucun examen complémentaire n’est
nécessaire. Notons que ce score ne prend pas en compte les
coliques néphrétiques compliquées.
L’intérêt de ce score est évident tant pour les durées de séjour
aux urgences que sur les doses d’irradiation reçues par les pa-
tients. Ce score a été validé prospectivement sur 491 patients,
parmi lesquels un diagnostic alternatif (appendicite, diverti-
culite, tumeur, cholécystite et anévrisme aortique) a toutefois
été posé chez 2% des patients avec un score élevé.
Drs ELÉONORE MORANDI a, OMAR KHERAD a, YVES CHOLLET b et PHILIPPE DUSSOIX c
Rev Med Suisse 2016 ; 12 : 256-60
a Service de médecine interne, b Service d’urologie, c Service des urgences,
Hôpital de La Tour, Avenue J.-D. Maillard 3, 1217 Meyrin
eleonore.morandi@latour.ch | omar.kherad@latour.ch | [email protected]
philippe.dussoix@latour.ch
Signes infectieux
Insuffisance rénale
Oligurie / anurie
Immunosuppression
Traumatisme
Pathologie rénale ou urologique connue
Echec de traitement antalgique
Colique néphrétique bilatérale
Rein unique (fonctionnel ou anatomique)
Tableau 1 Facteurs de gravité évoquant une
colique néphrétique compliquée
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Dans une seconde étude de validation, des auteurs ont récem-
ment évalué la performance de ce score à partir d’une étude
randomisée, contrôlée, évaluant les performances diagnosti-
ques du CT et de l’US.5 La sensibilité et la spécificité du
STONE score élevé étaient de 53 et 87% respectivement.
D’aucuns estiment que l’âge et les caractéristiques de la dou-
leur devraient être pris en considération pour éviter de man-
quer des diag nostics aux conséquences graves. Ce score ne
semble pas avoir les performances diagnostiques suffisantes
pour remplacer la stratégie diagnostique incluant les examens
urinaire, biologi que et radiologique.
IMAGERIE
Un examen d’imagerie est nécessaire lors des premiers épi-
sodes de colique néphrétique, afin d’orienter la prise en charge
du patient selon le nombre, la localisation ou la taille des
calculs.
CTscan
L’examen de choix pour une colique néphrétique simple est
actuellement un CT low-dose (CT abdominal, sans produit de
contraste (PC)), avec une dose d’irradiation réduite d’environ
un facteur 6 par rapport au CT standard6 (tableau 3).
Ses performances diagnostiques sont excellentes pour les
calculs >3 mm, avec une sensibilité de 97% et une spécificité
de 96%. Le CT low-dose offre de moins bonnes performan ces
diagnostiques pour les calculs <3 mm que l’uro-CT, mais rap-
pelons qu’environ 95% de ceux-ci passeront spontanément.
Pour les coliques néphrétiques avec des signes de gravité (ta-
bleau 1) ou chez les patients avec un IMC >30 kg/m, il est re-
commandé de réaliser un Uro-CT 7 (CT abdominal, sans pro-
duit de contraste). Celui-ci ayant une sensibilité de 95-98% et
une spécificité de 100% (pour les calculs <3 mm), il est indiqué
en première intention dans ces situations où la localisation et
la taille du calcul détermineront la prise en charge chirurgi-
cale, en excluant des diagnostics alternatifs (tableau 3).
Abdomen sans préparation ASP
L’abdomen sans préparation n’a plus sa place dans la prise en
charge des coliques néphrétiques aux urgences. Les perfor-
mances diagnostiques du CT low-dose, de même que son taux
d’irradiation plus ou moins identique ont fait sortir l’ASP de
l’arsenal diagnostique des lithiases urinaires.8 Cet examen reste
toutefois indiqué pour le suivi des patients avec des calculs
radio-opaques en combinaison avec l’ultrason.
Ultrason
L’utilisation systématique du scanner a été remise en ques-
tion en raison du risque non négligeable d’irradiation, notam-
ment chez des patients jeunes à haut risque de récidive.
Une récente étude randomisée multicentrique,9 incluant 2759
patients, a comparé l’échographie effectuée par un urgentiste
(au lit du malade), celle standard réalisée par un radiologue et
un CT-scan (non low-dose) lors d’une suspicion de lithiase
urinaire.
La comparaison portait entre autres sur la dose d’irradiation
reçue, et sur le taux de complications, à savoir des diagnostics
à haut risque qui auraient pu être manqués, (par exemple:
rupture d’anévrisme abdominal, appendicite perforée, pyélo-
néphrite).
Alors que les groupes «ultrason» ont reçu logiquement moins
d’irradiation, les taux de complications, de même que les taux
de réadmissions et les scores de douleur ne différaient pas
entre les trois groupes.
En ce qui concerne la détection d’un calcul, la sensibilité de
l’ultrason effectué par un urgentiste ou un radiologue était
respectivement de 85 et 84%, et ne différait pas significative-
ment de celle du CT-scan (88%). A noter qu’il s’agissait d’une
étude pragmatique qui laissait la possibilité au médecin en
charge d’effectuer un examen radiologique complémentaire
en cas de doute diagnostique. Un CT-scan fut dès lors réalisé
chez 41% des patients initialement attitrés au groupe ultrason
au lit du malade, représentant une limite de l’étude. Les au-
Eléments du STONE score Points
Sexe :
Féminin
Masculin
0
2
Temps entre le début de la douleur et la venue aux urgences :
> 24 h
6-24 h
< 6 h
0
1
3
Origine, race :
Noire
Non noire
0
3
Hématurie microscopique :
Absente
Présente
0
3
Nausée :
Absence
Nausée seule
Vomissement seul
0
1
2
Total
Probabilité basse
Probabilité moyenne
Probabilité haute
0-5
6-9
10-13
Tableau 2 STONE score
Irradiation mSv Coûts matériels +
interprétation TarMed
(urgences jour)
Abdomen sans préparation 1 à 2 Environ CHF 100.–
Echographie abdominale
inférieure
0 Environ CHF 200.–
CT abdominal low dose (sans PC) 1,6 à 2,16Environ CHF 400.–
Uro-CT (sans PC) 9,6 à 12,6 6 Environ CHF 400.–
CT abdominal (avec PC) 25 à 35 9 Environ CHF 1050.–
Tableau 3 Colique néphrétique : doses et coûts
des différents examens d’imagerie
PC : produit de contraste.
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THÈME
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 février 
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médecine interne
générale
teurs concluent toutefois que dans la prise en charge initiale
d’une colique néphrétique simple aux urgences, un ultrason
devrait être systématiquement réalisé. Cet examen permet de
mettre en évidence une hydronéphrose, d’objectiver un blo-
cage complet avec disparition du jet urétéral ainsi que de ré-
véler un calcul rénal à la jonction pyélo-urétérale ou la jonc-
tion urétéro-vésicale. Selon la qualité de cet examen, le médecin
en charge décidera si un scanner doit compléter ou non le bilan
ou si un avis urologique doit être demandé.
TRAITEMENT
Antalgie
Lors d’une suspicion de colique néphrétique, l’antalgie doit
être initiée avant les résultats des divers examens. Le premier
choix doit se porter sur les anti-inflammatoires non stéroï-
diens, qui ont démontré un meilleur pouvoir antalgique sur
les douleurs de lithiase urinaire que les opioïdes.10
Agents favorisant l’expulsion
La MET (medical expulsive therapy) consiste en l’administra-
tion d’un antagoniste alpha-adrénergique (par exemple: tam-
sulosine, Pradif) ou anticalcique (par exemple: nifédipine,
Adalat) afin d’agir sur le muscle lisse de l’uretère, y induire une
relaxation, conduisant à une diminution de la douleur et à une
meilleure expulsion du calcul.
Une récente étude publiée dans le Lancet en 2015, incluant 1167
patients, a comparé les effets de la tamsulosine, de la nifédipine
et d’un placebo sur la nécessité d’une intervention chi rur-
gicale dans les quatre semaines après le diagnostic de lithiase
urinaire. L’étude conclut que ni la tamsulosine ni la nifédipine
n’affecte la proportion de patients nécessitant une interven-
tion chirurgicale durant les quatre à douze semaines suivant
le diagnostic, remettant en question la nécessité d’un tel trai-
tement à long terme.11 Cependant, selon les recommandations
urologiques 2015,10 il est tout de même conseillé d’utiliser un
Suspicion clinique
de colique néphrétique
Colique néphrétique
simple
Calcul ≤ 6 mm
R traitement
conservateur (MET)
et suivi ambulatoire
Calcul > 6 mm
R avis urologique
en urgence
Echographie
abdominale
CT low-dose
Normale
Uro-CT +
avis urologique en
urgence
En fonction des résultats, discuter
CT abdominal injecté, chirurgie et / ou
hospitalisation
Traitement conservateur (MET) et suivi
ambulatoire à 24-48 h (CT low-dose si
persistance des symptômes ?)
Anormale (hydronéphrose,
disparition du jet urétéral,
calcul rénal)
Colique néphrétique compliquée
(état fébrile, oligo-anurie,
insuffisance rénale, colique
néphrétique bilatérale, rein unique,
échec du traitement antalgique,
traumatisme, cancer connu)
fig 1 Prise en charge de la colique néphrétique
Bilan urinaire
Bilan biologique
Antalgie
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Le STONE score ne semble pas avoir les performances diagnos-
tiques suffisantes pour remplacer la stratégie incluant l’anamnèse,
l’examen urinaire, biologique et radiologique
Pour les coliques néphrétiques simples, un ultrason devrait être
réalisé en première intention
Le premier choix pour l’antalgie des coliques néphrétiques doit
se porter sur les anti-inflammatoires non stéroïdiens, qui ont
démontré un meilleur pouvoir antalgique que les opioïdes
Les traitements facilitant l’expulsion(MET) restent une
solution pour diminuer la douleur aiguë et faciliter la descente
des calculs, mais n’ont pas montré d’influence sur la prise en
charge chirurgicale
implicaTions praTiques
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14 Hauser J Caviezel A Iselin C Traitement
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
15 Ernandez T Stoermann Chopard C
Bonny O et al Approche pratique de la
lithiase rénale duo entre généralistes et
spécialistes Rev Med Suisse 
* à lire
** à lire absolument
traitement MET en aigu, non pas pour diminuer le taux d’in-
terventions chirurgicales mais pour diminuer la douleur, et
faciliter le passage des calculs en accord avec les nombreuses
études précédentes, analysant près de 7000 patients. Dans ces
cas, la tamsulosine a démontré sa supériorité par rapport à la
nifédipine. N’oublions pas qu’aucune de ces deux molécules ne
doit être donnée en cas de colique néphrétique compliquée.
ÉVOLUTION
La taille et la localisation du calcul sont des éléments déter-
minants du passage spontané du calcul. En effet, pour les
calculs de 1 mm de diamètre le pourcentage d’expulsions
spontanées est d’environ 87%; 60% pour ceux de 5 à 7 mm et
25% pour ceux > 9 mm.12,13 Un traitement conservateur sera
généralement proposé pour les calculs ≤ 6 mm.
Le débat concernant la restriction hydrique versus l’hyper-
hydratation reste ouvert, la littérature, actuellement, ne per-
mettant toujours pas de trancher. La restriction hydrique
reste cependant plus fréquemment prescrite afin de diminuer
les douleurs.14
L’avis urologique doit être demandé pour toute colique né-
phrétique compliquée et pour le suivi d’un calcul >6 mm, de
même que chez les patients dont le traitement conservateur a
échoué dans les deux à quatre semaines après le diagnostic.
Environ 15% des patients nécessitent une prise en charge
chirurgicale, celle-ci se fait principalement par voie endosco-
pique.
A partir du deuxième épisode ou lors d’une colique néphré-
tique compliquée, une consultation spécialisée en lithiase ré-
nale permettra d’identifier une cause réversible afin d’éviter
une récidive.15
CONCLUSION
La prise en charge des coliques néphrétiques aux urgences
s’est simplifiée ces dernières années (figure 1). En l’absence
de critères de gravité, le recours systématique à l’échographie
par l’urgentiste ou le radiologue permet d’écarter une obstruc-
tion complète avec une souffrance rénale. S’il faut compléter
l’imagerie par un scanner, les améliorations techniques l’ont
rendu nettement moins irradiant. La plupart du temps, le trai-
tement conservateur conduit à l’expulsion du calcul en quel-
ques semaines, mais le recours à l’urologue est nécessaire pour
les coliques néphrétiques compliquées et les calculs >6 mm.
Conflit d’intérêts : Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation
avec cet article.
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