La communication selon Bourdieu

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La communication selon Bourdieu
Jeu social et enjeu de société
Communication et Civilisation
Collection dirigée par Nicolas Pelissier
La collection Communication et Civilisation, créée en septembre
1996, s'est donné un double objectif. D'une part, promouvoir des
recherches originales menées sur l'information et la communication
en France, en publiant notamment les travaux de jeunes chercheurs
dont les découvertes gagnent à connaître une diffusion plus large.
D'autre part, valoriser les études portant sur l'internationalisation de la
communication et ses interactions avec les cultures locales.
Information et communication sont ici envisagées dans leur acception
la plus large, celle qui motive le statut d'interdiscipline des sciences
qui les étudient. Que l'on se réfère à l'anthropologie, aux
technosciences, à la philosophie ou à I'histoire, il s'agit de révéler la
très grande diversité de l'approche communicationnelle des
phénomènes humains.
Cependant, ni l'information, ni la communication ne doivent être
envisagées comme des objets autonomes et autosuffisants.
Déjà parus
Serge AGOSTINELLI (sous la dir.), L'éthique des situations de
communication numérique, 2005.
P. MOEGLIN et G. TREMBLAY, L'avenir de la télévision
généraliste, 2005.
Michèle GELLEREAU, Les mises en scène de la visite guidée,
2005.
Philippe MAAREK, La communication politique française
après le tournant de 2002, 2004.
Mélusine HARLÉ, École et télévision: le choc des cultures.
Réalité, mythe, imaginaire, 2004.
Stéphane OLIVESI, Questions de méthode: Une critique de la
connaissance pour les sciences de la communication, 2004.
Jean-Paul METZGER (dir.), Partage des savoirs. Logiques,
contraintes et crises, 2004.
Jean-Paul METZGER (dir.), Médiation et représentation des
savoirs, 2004.
Serge AGOSTINELLI, Les nouveaux outils de communication
des savoirs, 2003.
Michael PALMER, Quels mots pour le dire ?, 2003.
Stéphane Olivesi
La communication selon Bourdieu
Jeu social et enjeu de société
L'Harmattan
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site: www.librairiehannattan.com
[email protected]
e.mail: [email protected]
@L'Harmatlan,2005
ISBN: 2-7475- 9308-8
EAN : 9782747593083
Introduction
La réception des travaux de Pierre Bourdieu dans le champ des
sciences de la communication suscite, là comme ailleurs, des réactions
contrastées. Les ancrages disciplinaires des chercheurs expliquent
souvent ces attitudes. Des présupposés « politiques» au sens très
général de conceptions du monde social, mais aussi d'engagement
civique, déterminent cette réception. Enfin, la visibilité médiatique et
académique de Pierre Bourdieu a influencé cette réception dans un sens
qui ne lui a pas toujours été favorable.
Une esquisse de typologie conduirait ainsi à classer les chercheurs
selon leur attitude face à une œuvre centrale, voire incontournable, dans
les sciences humaines et sociales:
- ceux pour qui la sociologie de Pierre Bourdieu constitue une
référence théorique centrale, féconde, structurante dans leur
propre travail de recherche;
- ceux qui en font un usage plus occasionnel, plus ponctuel
aussi, mobilisant d'autres cadres d'analyses et, de ce fait,
évitant le « catalogage » dans une sorte d'orthodoxie;
- ceux dont les préoccupations théoriques ou la nature des
objets étudiés sont trop éloignés pour permettre la mobilisation
des outils et des concepts bourdieusiens ;
- ceux, enfin, qui par répulsion
et par principe écartent
1
systématiquement toute référence et manifestent une ffanche
hostilité à l'égard de ce qui s'apparente de près ou de loin à une
sociologie critique.
Une recension des travaux de recherche, suivie d'une analyse de la
biographie scientifique de leurs auteurs, permettrait certainement
d'affiner cette grossière esquisse, en explicitant les relations entre, d'un
côté, les ancrages disciplinaires des chercheurs, leurs positions
théoriques, leurs affinités « politiques », leurs obj ets d'étude, leurs
I
On notera la véritable prouesse que constitue, sur ce point, le dictionnaire
des
méthodes d'Alex Mucchielli qui parvient à ne pas mentionner le nom de P. Bourdieu, ni
d'ailleurs
ce qui pourrait s'apparenter
à une sociologie
critique. Dictionnaire
des
techniques qualitatives en sciences humaines et sociales, Armand Colin, 1996.
options méthodologiques et, de l'autre, le degré d'adhésion ou de rejet
du travail de Pierre Bourdieu.
Au risque de proposer une analyse qui s'apparente par certains traits
à un plaidoyer (mais peut-on esquisser un tel projet sans être a priori
convaincu de l'existence d'apports suffisamment significatifs pour
justifier l'exercice ?), le présent ouvrage limite son ambition à
expliciter les apports et les acquis de cette sociologie dans la
compréhension des phénomènes de communication ainsi que dans
l'analyse des objets « canoniques» des sciences de la communication.
Il n'opte pas, en conséquence, pour une démarche sociologique qui
aurait consisté à identifier à l'intérieur du groupe des chercheurs en
communication (élargi au-delà du cercle restreint de ceux qui
appartiennent institutionnellement à la discipline), les usages divers et
variés de cette sociologie critique. Une telle démarche soulèverait en
effet de nombreux problèmes de méthodes relatifs à la définition du
groupe des chercheurs ainsi qu'au repérage et à la catégorisation de
leurs usages. Elle s'opposerait surtout à la logique du présent essai qui
vise à suggérer de nouveaux usages, de nouvelles formes d'importation
des grilles de lectures bourdieusiennes, pour enrichir la compréhension
de la communication comme enjeu de société etjeu social.
Saisir la communication comme enjeu de société signifie d'abord
que la sociologie de Pierre Bourdieu met à la disposition du chercheur
les moyens théoriques et méthodologiques d' objectivation de la
communication à partir de son émergence sous la forme de champs de
pratiques autonomes, mais aussi sous l'angle des transformations
structurelles de domaines d'activités progressivement « conquis» par
la communication.2 Saisir la communication comme jeu social vise
complémentairement à objectiver celle-ci d'un point de vue plus microsociologique pour comprendre la logique des relations entre agents, les
formes de domination et les échanges symboliques qui en forment la
trame pratique.
Les réticences que l'on peut éprouver à écrire « sur» Bourdieu, c' està-dire à se livrer à une entreprise de détournement de capital
symbolique, s'estompent ainsi derrière la volonté de valoriser cet
objet. Cet exercice de valorisation n'est évidemment pas gratuit. Il se
justifie par la méconnaissance ou la sous-estimation dont cette œuvre
pourtant très médiatisée pâtit, notamment dans le champ des SIC
2
B. Miège, La société conquise par la communication,
- 6 -
PUG, 1996.
(Sciences de l'information et de la communication). Trois objectifs
définissent l'exercice et résument la démarche entreprise:
- mettre au jour les apports des concepts et des modèles
bourdieusiens dans la compréhension des phénomènes de
communication;
- analyser les conditions d'applications de ces concepts et de ces
modèles à des domaines ou des objets, particulièrement investis
par les sciences de la communication;
- enfin, éclairer les limites de ces mêmes concepts et modèles
du double point de vue de leurs applications aux phénomènes
de communication et de leur fonctionnalité heuristique propre.
Cette visée « instrumentalisante » esquive ainsi le problème de la
posture herméneutique du leetor.3 Elle ne cherche pas à ressaisir une
très hypothétique unité de l'œuvre ou une intention pérenne qui aurait
présidé à sa réalisation, pour ensuite déduire certains enseignements
définitifs. P. Bourdieu avait d'ailleurs consacré un court texte
d'hommage à M. Foucault qui témoigne de sa propre familiarité avec
la problématique foucaldienne de l'auteur.4 Ce texte invite à réfléchir
sur les conditions de possibilité d'un discours « sur» Bourdieu qui
évite à la fois de réifier « l' œuvre» et de sacraliser «l'auteur». Les
défenseurs et les détracteurs de P. Bourdieu partagent trop souvent une
même croyance dans l'unité de l' œuvre et l'intentionnalité de l'auteur,
articulant à leur insu leur discours sur des prémisses identiques. Divers
exemples pourraient illustrer cette tentation récurrente d'autant plus
forte que la disparition récente de P. Bourdieu renforce la rhétorique de
l'hommage qui a de toute évidence sa raison d'être sociale, mais ne
s'apparente pas au registre scientifique le plus convaincant.
On retiendra à titre de simple illustration I'hommage de L. Pinto
consistant à associer Bourdieu à Derrida et Foucault dans un article
intitulé « Volonté de savoir. Bourdieu, Derrida, Foucault». 5 Cet
article ne prêterait pas à discussion s'il se présentait pour ce qu'il est
réellement à savoir un hommage scientifique (que l'on jugera à bon
droit justifié). Mais l'auteur indique que « le présent essai est plutôt
en affinité avec le type de soeioanalyse pratiqué par Pierre Bourdieu,
J
Cf. P. Bourdieu, Méditations pascaliennes,
Seuil, 1997, pp. 10, 67, 103. P. Bourdieu,
Choses dites, Minuit, 1987, pp. 132-133.
4
P. Bourdieu,
« "Qu'est-ce
que faire parler un auteur ?" A propos de Michel
Foucault », in Sociétés et représentations,
Paris, CREDHESS, 1996, n03.
5
L. Pinto, « Volonté de savoir. Bourdieu, Derrida, Foucault ». in Pierre Bourdieu,
sociologue, sous la direction de L. Pinto, G. Sapiro, P. Champagne, Fayard, 2004.
-7-
et qu'il suppose nombre de développements de sa sociologie des
intellectuels. »11 suffit pourtant d'interroger l'épinglage des trois
patronymes qui trônent en tête de l'article pour se convaincre que
l'argumentation emprunte très peu à la socioanalyse des champs
sociaux et beaucoup à 1'hagiographie, l'auteur n 'hésitant pas à dessiner
une sorte de Panthéon imaginaire des savants admirés. Est-il donc si
difficile d'objectiver l'agent social « Bourdieu» comme lui-même a
suggéré de le faire pour les autres agents sociaux? Non seulement rien
n'interdit de traiter ainsi « Bourdieu », mais c'est très certainement le
meilleur moyen de saisir l'extrême fécondité de son travail que de le
cerner dans ses effets à l'intérieur du champ des productions
scientifiques.
La visée « instrumentalisante » qui sous-tend les analyses s'attache
donc à saisir ces effets déjà observés au sein des sciences de la
communication et, plus généralement, des sciences humaines et
sociales. Simultanément, elle tente d'évaluer les bénéfices escomptés
d'une importation raisonnée des modèles et des catégories
bourdieusiens. On ajoutera enfin qu'expliciter ces apports, c'est aussi
s'expliquer soi-même en explicitant un ensemble de routines et de
réflexes savants intériorisés. Car le travail de P. Bourdieu aura marqué
de son empreinte les chercheurs soit par une fréquentation directe de
« l' œuvre» et parfois de son « auteur », soit par la reprise plus ou
moins maîtrisée, plus ou moins distanciée, de formules et de schémas
de pensée transformés en une sorte de vulgate largement répandue dans
les milieux académiques.
- 8-
Chapitre 1
Principes pour une socio-analyse
la communication
Un positivisme
de
critique
La démarche sociologique implique d'abord un renoncement à
l'essayisme ainsi qu'à ses réponses sommaires qui espèrent se
dispenser d'analyses empiriquement fondées pour parvenir à des
conclusions, enchantées ou désespérées, mais toujours grandiloquentes.
Le trop célèbre « Manque de communication» qui, à la manière du
non-être pour le Sophiste, explique ce qui est par ce qui n'est pas,
illustre
abondamment
ce
genre
d'arguties.
D'inspiration
durkheimienne, la posture socio-analytique conduit le chercheur à
neutraliser les préjugés véhiculés par les prénotions, mais aussi les
discours convenus qui flattent le sens commun en reproduisant des
évidences (mal-)entendues.
L'article « Sociologue des mythologies et mythologies de
sociologues» reste exemplaire sur ce point. Son geste initial appelle sa
répétition
pour contrer nos modernes fast
thinkers de la
cOll1munication : « massmédiologues (..) dont le propos obéit à la
syntaxe du discours prophétique, lors même qu'il ne s'en donne pas le
ton. Il ne s'agit pas de nier que les nouveaux moyens de
communication puissent être l'objet d'un traitement scientifique et ils
le sont souvent en fait. Simplement, il est peut-être temps de bannir de
l'univers scientifique où certains tentent de l'introduire une vulgate
pathétique qui s'est constituée (oo.) à leur sujet et qui balance entre
l'indémontrable et le même-pas-faux )). 1 À l'encontre des discours ni
vrais ni faux de ceux qui prétendent dire la vérité du social en ne se
I
P. Bourdieu,
sociologues
J.-C. Passeron,
», Les temps modernes,
« Sociologue des mythologies et mythologie de
1963, n0211, p. 998.
fondant que sur leur expérience (scholastique) du monde social,
P. Bourdieu et J.-C. Passeron rappelaient quelques règles de méthode
touj ours indispensables pour qui veut éviter les méandres de la
généralité et ne pas prendre « les choses de la logique pour la logique
des choses».
En s'attachant à définir rigoureusement les 0bj ets étudiés, à
neutraliser les fausses évidences pour mieux cerner les faits sociaux, la
démarche socio-analytique en dévoile la vérité, souvent paradoxale. Les
réponses aux questions qui ne se posent qu'à ceux qui ne se posent pas
de questions apparaissent dans toute leur vacuité. D'où une
transformation du regard sur la communication qui concentre sur elle à
la fois les demandes sociales de toutes sortes (du responsable
commercial en mal de recette pour convaincre ses clients au journaliste
soucieux de se draper dans une posture pseudo-réflexive...) et les
prophéties des futurologues qui perçoivent en celle-ci le principe
inconditionné des transformations de la société ou la solution à tous
2
ses maux.
Comment en effet ne pas interpréter l'écho très favorable de certains
travaux académiques récents consacrés au monde journalistique comme
le signe ou l'expression d'une adéquation entre les attentes de milieux
professionnels en quête de représentations légitimantes et des
représentations
bien faites pour fonctionner comme idéologie
professionnelle?
Le Monde journalistique se montre d'ailleurs
suffisamment reconnaissant en les consacrant comme travaux de
référence.3 Leur médiatisation mais aussi les prix décernés
reconnaissant leur haute valeur scientifique révèlent deux phénomènes:
la subordination partielle de l'univers de la recherche aux exigences de
certains milieux socio-professionnels ; les liens associant certaines
catégories d'agents de ces deux univers selon des critères de proximité
sociale et de positionnement stratégique à l'intérieur de leurs univers
respectifs.
La confusion des genres qui résulte de ces voisinages de la science
avec des intérêts profanes renforce l'exigence
de rupture
épistémologique et le souci d'autonomie statutaire. Comme la
sociologie, les sciences de la communication se confrontent à l'illusion
2
3
E. Neveu,
Une société de communication
G. Muhlmann,
Une histoire
politique
?, Montchrestien,
dujournalisme.
- 10-
XIX
1997.
- XX siècle,
PUF,
2004.
récurrente du savoir immédiat.4 La trivialité de leurs objets (discours,
publics, TIC, médias...) conforte le sens commun dans sa croyance en
une compréhension spontanée de leurs logiques. L'enseignement
durkheimien relatif aux techniques de rupture conserve tout son intérêt
car, par son exigence de rigueur, le positivisme incarne dans ce cas
l'esprit
de la critique. Ce qu'écrivaient
P. Bourdieu,
J.C. Chamboredon, J.-C. Passeron dans Le métier de sociologue5
résonne encore aux oreilles du chercheur, confronté aux interpellations
de la doxa, sommé d'acquiescer aux allégations du sens commun et de
se métamorphoser en conseiller avisé, comme s'il existait une sorte
d'obstacle social à traiter de la communication, hors de tout point de
vue normatif et de toute utilité. Ce danger n'est pas qu'externe.
Quelques titres d'ouvrages ou d'articles scientifiques ou quelques
recours à de pseudo-catégories telles que « les jeunes », « le paysage
informatif », « la démocratie médiatique et le grand public », «le
pouvoir des journalistes» suffiraient à prouver que les prénotions ne
résultent pas que de la reprise de lieux communs, mais découlent aussi
de l'usage incontrôlé de termes par des chercheurs peu soucieux
d'étayer leur discours en le confrontant méthodiquement à la réalité.
Un mode de pensée relationnel
Ces critiques à l'encontre de l' essayisme savant comme profane
n'entraînent pas un renoncement à toute prétention théorique. À
l'inverse même, le travail de conceptualisation bénéficie d'une
requalification à partir d'un double effort de modélisation (avec
l'analyse des champs) et d'ancrage du discours sur les réalités du
monde social. Pour quelles autres raisons la sociologie bourdieusienne
permet-elle plus que d'autres ou mieux que d'autres de saisir la
communication comme enjeu de société et jeu social?
La référence à la triple ascendance de l'épistémologie française (avec
à sa tête G. Bachelard et G. Canguilhem),6 du structuralisme lévi4
P. Bourdieu, J.-C. Chamboredon, J.-C. Passeron, Le métier de sociologue (1968),
Mouton / EHESS,
5
1983, pp. 27-29.
Ibid.
6
Souvent critiquée pour son schématisme,
la proposition de M. Foucault qui établit un
partage entre « une philosophie de l'expérience, du sens, du sujet et une philosophie du
savoir, de la rationalité et du concept» conduirait à classer P. Bourdieu, du même côté
que lui, dans la lignée de l'épistémologie
française: « Mais ôtez Canguilhem et vous ne
- Il -
straussien et de la philosophie des formes symboliques (E. Cassirer,
puis dans son sillage E. Panofsky), conduit à rappeler que le mode de
pensée relationnel ne se résume nullement à souligner l'importance
pragmatique de la relation de communication par rapport au contenu de
celle-ci. Contrairement à une supposition largement répandue, les
prétendus apports de « l'école de Palo Alto» sont davantage
synonymes d'appauvrissement que d'innovation en ce qu'ils réduisent
la relation à sa seule dimension pragmatique.7 Le mode de pensée
relationnel s'oppose au caractère réducteur de l' interactionnisme du
double point de vue objectif, de la prise en compte des rapports
sociaux et, subjectif, du vécu propre aux agents: « Contre toutes les
formes de l'illusion occasionnaliste qui consiste à rapporter
directement les pratiques à des propriétés inscrites dans la situation,
(...) les relations « interpersonnelles » ne sont jamais qu'en
apparence des relations d'individu à individu et (...) la vérité de
l'interaction ne réside jamais toute entière dans l'interaction. »8
C'est dire que les relations entre individus ne se réduisent pas à des
jeux d'action-réaction ou plus précisément, que ces jeux trouvent leur
principe d'intelligibilité dans des analyses prenant significativement en
compte les logiques relationnelles associant les agents selon divers
paramètres (intérêt, proximité sociale, interdépendance).
Se restreindre à l'analyse des interactions revient par conséquent à
méconnaître les dynamiques qui conduisent les agents à agir, non pas
simplement en raison du comportement de leurs interlocuteurs ou de la
situation à laquelle ils sont confrontés, mais en fonction de facteurs
liés à la fois à l'espace social objectif de la rencontre et à leurs propres
dispositions. L'analyse formelle d'une quelconque interaction (entre un
directeur et sa secrétaire, un employeur et un demandeur d'emploi, un
enseignant et son public d'étudiants, des voisins, etc.) décrira, parfois
avec finesse, le comportement des acteurs en situation en expliquant en
quoi leur conduite
répond apparemment
à des facteurs
environnementaux et interactionnels. Mais elle ne prendra pas en
compte I'histoire sociale de la relation et I'histoire intériorisée par
chacun des agents, les dispositions qui leur permettent de faire face à la
comprenez plus grand-chose
à toute une série de discussions qui
marxistes français ,. vous ne saisissez pas, non plus, ce qu'i! y a de
sociologues comme Bourdieu, Castel, Passero n, et qui les marque
champ de la sociologie. » M. Foucault, « La vie: l'expérience
et
Dits et écrits 1954-1988, T IV, Gallimard, 1994, pp. 764 et 763-4.
7
ont eu lieu chez les
spécifique chez des
si fortement
dans le
la science»
(1985),
S. Olivesi, « De l'épistémologie à l'anthropologie de la communication. Variations
critiques autour de Palo Alto », Réseaux, CNET, septembre-octobre
1997, n085.
8
P. Bourdieu, Esquisse d'une théorie de la pratique (1972), Seuil, 2000, p. 275.
- 12 -
situation, les ressources et les stratégies qu'ils engagent dans ces
différentes occurrences de la vie quotidienne afin de parvenir à leur fin.
Le mode de pensée relationnel qui s'incarne exemplairement dans la
catégorie de champ répond donc à cette nécessité: « La notion de
champ suppose une rupture avec la représentation réaliste qui porte à
réduire l'effet du milieu à l'effet de l'action directe s'effectuant dans
une interaction. C'est la structure des relations constitutives de
l'espace du champ qui commande la forme que peuvent revêtir les
relations visibles d'interaction et le contenu même de l'expérience que
les agents peuvent en avoir ».9 Non seulement les agents entretiennent
des relations les uns avec les autres du simple fait de leur inscription
dans cet espace social, mais leur être dans ses multiples facettes se
définit relationnellement.
Ce primat de la relation sur la substance caractériserait les
« philosophies du soupçon» héritières de Nietzsche, Marx et Freud et,
par extension, des auteurs hâtivement rangés par des journalistes en
mal de vocabulaire sous le label « structuraliste ». Il s'accorde en tout
cas avec une analyse des phénomènes de communication puisque ceuxci s'ordonnent précisément à une structure relationnelle. En rejetant la
fiction du sujet et ses dérivées, il ouvre un espace d'analyse permettant
de saisir et d'expliquer les conduites et les pratiques des agents sociaux
ainsi que les représentations et les croyances qui se rattachent à ces
mêmes pratiques.
Définis comme des êtres relationnels, les agents agissent et
réagissent, non pas en raison d'obscures motivations ou de leur librearbitre, mais parce qu'ils n'existent pas, si ce n'est abstraitement, en
dehors de l'espace social dans lequel leurs conduites comme leurs
pratiques prennent sens à la fois pour eux-mêmes et pour les autres
agents. C'est d'ailleurs un des apports fondamentaux résultant de ce
mode de pensée relationnel que de s'être émancipé du substantialisme
sans avoir gommé la réalité de l'individu sous le poids des structures,
comme pour mieux articuler ces deux entités indissociables et dépasser
les oppositions scholastiques entre l'individu et la société, la partie et
le tout, le singulier et le collectif. Pas de champ social sans les agents
sociaux qui le composent, mais pas d'agent social qui se dissocie de
l'espace social qu'il intériorise et qui modèle son être. Dès lors,
comprendre les champs sociaux consiste à analyser les trames de
9
P. Bourdieu,
Leçon sur la leçon, Minuit, 1982, p. 42.
- 13 -
relations associant des agents. Et, réciproquement, comprendre les
agents sociaux nécessite de les saisir relationnellement, car ce qu'ils
font et ce qu'ils ne font pas s'explique par l'inscription de leur
conduite dans une trame relationnelle déterminante.
Objectiver
la communication
Déjouant l'illusion d'une immédiate lisibilité du social, les analyses
suggérées par P. Bourdieu interrogent les enjeux de la communication
du double point de vue de sa fonctionnalité sociale et des luttes qui en
constituent le principe d'intelligibilité souvent dénié. Il en résulte un
désenchantement qui conditionne la compréhension des pratiques par la
neutralisation de tout présupposé normatif. Cette opération ouvre un
large espace d'analyse des pratiques de communication, simultanément
positiviste et critique. Appréhendées en elles-mêmes, pour elles-mêmes
et non plus à l'aune d'un quelconque idéal normatif, leur objectivation
socio-historique explicite leur genèse et éclaire ainsi différents types de
phénomènes:
- tout d'abord, des transformations morphologiques d'espaces
sociaux existants sous l'effet du développement de la
communication;
- ensuite, la constitution de domaines d'activités autonomes,
centrés sur la communication;
- ou encore, des changements dans les manières de se conduire,
dans la définition des stratégies d'action, dans les habitus, de la
part d'agents sociaux de plus en plus sollicités par l'injonction
sociale à communiquer selon des normes spécifiques;
- enfin, la répartition inégalitaire des ressources dont les agents
disposent pour satisfaire ce genre d'injonctions à communiquer,
et les formes de domination symbolique qui en résultent.
Il y a lieu d'établir sur ce point un parallèle entre l'extension de la
communication dans la société et la genèse des chalnps. Si l'on suit la
thèse socio-historique d'une constitution progressive des champs
sociaux sur la base d'un double principe de différenciation et de
spécialisation,1O la communication apparaît à la fois comme un des
éléments moteurs de certaines évolutions récentes et comme un de
lOp. Bourdieu, « Espace social et genèse des classes », Actes de la recherche
sciences sociales, Minuit, 1984, n052/53, pp. 3-7.
- 14 -
en
leurs effets. Elle participe à la structuration des champs et aux luttes
qui se nouent en leur sein. Elle en est à la fois l'opérateur, car ces
luttes se jouent symboliquement dans la conquête ou la perte de
légitimité, et le régulateur puisqu'elle s'apparente à un vecteur pacifié
de la violence constitutive de ces luttes. La différenciation d'un champ
dépend de l' autonomisation des relations de communication entre
agents, qui associent de manière exclusive ceux-ci autour d'enjeux
propres. Corrélativement, la spécialisation résultant de l'affirmation et
de la reconnaissance d'enjeux propres au champ s'accompagne d'une
extension et d'une intensification des échanges entre les agents
appartenant à ce champ.
La sociologie des champs sociaux conduit à interpréter la conquête
de la société par « la communication» Il dans le sens d'une nécessité
interne à l'évolution structurelle de cette même société obéissant au
double principe de différenciation des espaces sociaux et de
spécialisation de ceux-ci autour d'enjeux propres. Cette interprétation
s'accompagne
d'une vision
immanentiste
qui
associe
la
communication à la trame du social et à sa dynamique. D'autres
lectures, notamment économiques, pourraient évidemment compléter
cette interprétation qui se lit à la fois de manière positiviste et critique.
Elle neutralise en effet les spéculations sur « La communication» et
« La société» en rabattant toute hypothèse sur le terrain empirique de
la réalité des champs sociaux. Elle permet surtout d'interroger la
communication dans la diversité de ses déclinaisons empiriques sous
l'angle des fonctions qui lui sont imparties, des rôles qu'elle joue ainsi
que de ses implications.
La métaphore spatiale irrigue tout le travail de conception du social.
Saisi en terme de « champ », ce dernier relève d'une topologieI2 qui
étudie les positions relatives des agents dans ces espaces partiellement
autonomes, la distance qui les sépare selon la -ou les- polarité de ces
mêmes lieux, les déplacements d'un point à un autre à l'intérieur de
ces espaces-temps. Les références récurrentes à la définition de l'être
chez Aristote13 (extraite de la Métaphysique14) éclairent cette
conception qui revient à placer le sociologue face à une matière qui
peut être dite de multiples manières selon les catégories, principes de
II
B. Miège, Op. cit.
12
P. Bourdieu, « Avenir de classe et causalité du probable », Revue française de
sociologie, 1974, na 1, p. 42.
13
« Espace social et genèse des classes », op. cit., p. 4.
14
Aristote, Métaphysique
(Trad. Tricot), 1. Vrin, 1981, Tome 1, p. 176.
- 15 -
vision et de division, engagées dans son appréhension. Cette position
théorique vise à déjouer les écueils du nominalisme et du réalisme.
Elle conduit à objectiver le monde social et les agents en son sein sans
jamais perdre de vue qu'ils participent à la construction de celui-ci par
le travail de représentations qu'ils accomplissent. Ce travail
conditionne leurs propres perceptions et leurs manières d'agir en son
sein. Il détermine ainsi leurs actions sur un mode inconscient. Pour
cette raison, l'analyse des pratiques de communication ne se dissocie
pas de celle des systèmes de représentations dont disposent les agents
SOCIaux.
- 16-
Chapitre 2
Les logiques
communication
sociales
de
la
À la fin de son parcours de chercheur, P. Bourdieu s'étonnait encore
de ce que les agents sociaux soient aussi « raisonnables». Il voulait
dire que ces derniers nourrissent des espoirs raisonnés, qu'ils
ambitionnent ce que leurs ressources sociales les prédisposent à
ambitionner et que, rares sont les décalages objectifs entre leurs
attentes et les possibilités objectives de les atteindre. Ce phénomène
traduit l'ajustement qui résulte de la formation d'un habitus leur
garantissant une forme d'adéquation au monde social et, surtout, un
sens du jeu social qui les conduit à jouer ce qu'il est raisonnable de
jouer en regard de leurs ressources.
Les agents sociaux paraissent ainsi « raisonnables» à défaut d'être
des acteurs pleinement rationnels. Ils agissent conformément à des fins
relatives qui dépendent de leur propre capacité à pressentir ce qu'ils ont
plus ou moins intérêt à faire et, par conséquent, à se fixer comme but
selon une approximation tactique. Pour ce faire, ils s'appuient sur une
connaissance non-réfléchie, inhérente à leur habitus et impliquée dans
leur pratique. Dans la plupart des cas, l'agent social sait mieux que
quiconque ce qu'il est raisonnable de faire. Son parcours, ses
ressources, son histoire sociale et familiale fonctionnent à l'état de
schème de pratique pour évaluer la pertinence de ses choix.
Ce phénomène s'observe tout particulièrement dans les choix
scolaires qui expriment souvent la rationalisation,
synonyme
d'ajustement, qu'opèrent très tôt les agents sociaux: choix entre étude
courte et étude longue, choix entre orientation technique et fonnation
généraliste, choix entre école et université, etc. Tous ces choix
apparents ne font que traduire le sens du j eu social de l'agent qui
repose en dernière analyse sur sa représentation, socialement
déterminée, du monde social et de sa place en son sein. Comme mu
par un principe de réalité, véritable principe de raison sociale, les
agents nourrissent des ambitions raisonnables à la hauteur de leurs
propres dispositions de manière à ne pas encourir trop de risques et à
ne pas minorer leur propre fortune.
La rationalité
des pratiques
Comme toute réalité sociale, les pratiques de communication,
individuelles ou collectives, directes ou médiatisées, s'ordonnent à des
contraintes. Elles se plient à des règles qui garantissent la conformité
du discours et des actes aux usages et aux conventions. Mettre au jour
ces régularités ainsi que les finalités à partir desquelles elles
s'ordonnent confère une intelligibilité aux pratiques analysées dont les
déterminations et, par extension, la rationalité sont ainsi révélées. Le
modèle bourdieusien
d'analyse
des pratiques
apporte une
compréhension des formes de communication propres aux différents
champs sociaux étudiés.
Les pratiques de communication varient selon un certain nombre de
variables: le degré de pacification des relations de pouvoir entre
agents; les logiques relationnelles qui associent ceux-ci autour
d'enjeux variables; les aptitudes et les dispositions requises pour que
les agents puissent « faire face» ; les luttes qui se déroulent au sein
des champs; la cristallisation de normes et de conventions autour de
ces rapports de force; la répartition inégalitaire des ressources, etc. La
compréhension des pratiques de communication et la saisie de leur
logique supposent un travail analytique consistant d'abord à identifier
ces variables, à évaluer leur prégnance pour ensuite formuler
l'expression d'hypothèses de recherches. Dans un univers social tel que
celui de la politique, des dispositions spécifiques se reflétant dans
I'hexis conditionnent par exemple l'accès à la parole autorisée. Dans
l'univers académique et, en particulier, dans le champ philosophique
souvent évoqué par P. Bourdieu, non pour exorciser une origine
disciplinaire mal assumée, mais parce que ce champ a occupé dans
l'espace académique français une position longtemps dominante, la
maîtrise des manières de bien dire ainsi que la manifestation de
dispositions adaptées, véritables normes de comportement à
intérioriser, conditionnent la reconnaissance symbolique des agents.
- 18-
Les pratiques, les manières d'être et d'agir dans le monde social,
traduisent une rationalité « limitée» par de multiples facteurs qui ne
sont que l'expression
intériorisée de déterminations sociales.
P. Macherey en déduisait que pour P. Bourdieu « "la pratique" ça
n'existe pas, ou du moins ça n'existe que pour ceux qui cherchent à en
dégager la vérité absolue en en faisant la théorie, alors qu'existent
seulement en fait, au pluriel, des pratiques, constituées et
déconstituées dans l 'histoire dont elles sont à la fois les produits et
les conditions, puisque ce sont elles qui déterminent les schèmes de
son évolution. »1 Deux enseignements en découlent. Le premier se
rapporte au souci de P. Bourdieu de toujours saisir les pratiques, non
pas en soi, mais au plus près des déterminations qui les sous-tendent.
Le second réside dans son émancipation précoce à l'égard d'un
« objectivisme
structuraliste»
et d'un « subjectivisme
existentialiste », c'est-à-dire de la double ascendance de C. LéviStrauss et de J.-P. Sartre, sans rien négliger de leurs apports respectifs
dans la compréhension des pratiques. Toute la force heuristique de son
analyse des pratiques réside dans l'articulation entre leur structuration
sous l'effet de contraintes sociales et le vécu des agents sociaux qui en
fait consubstantiellement parti.
Parce qu'il se définit comme un être produit d'une socialisation
antérieure, l'agent social agit, non pas exclusivement en réaction à un
environnement, mais conformément à une compréhension spontanée,
impliquée dans l'action, de ce qu'il est possible et raisonnable de faire
ou de ne pas faire. Son histoire, c'est-à-dire la somme de ses
expériences antérieures, fonctionne à l'état de schème pratique, de
savoir-faire lui permettant de s'orienter en pensée et en acte. Sur ce
point encore, la sociologie des champs sociaux s'oppose à
l'interactionnisme
et à l'individualisme. « La notion de champ,
indiquait P. Bourdieu à propos du dOlnaine scientifique, marque une
première rupture avec la vision interactionniste en ce qu'elle prend
acte de l'existence de cette structure de relations objectives entre les
laboratoires et entre les chercheurs qui commande ou oriente les
pratiques,. elle opère une seconde rupture, en ce que la vision
relationnelle ou structurale qu'elle introduit s'associe à une
philosophie dispositionnaliste
de l'action, qui rompt avec le
finalisme, corrélatif d'un intentionnalisme naïf, selon lequel les
agents
-
dans le cas particulier les chercheurs
-
seraient des
calculateurs rationnels à la recherche moins de la vérité que des
I
P. Macherey,
« A partir de Bourdieu:
penser
p.137.
- 19 -
la pratique », La pensée,
2002, n0330,
profits sociaux assurés à ceux qui paraissent
l'avoir découverte
».2
La capacité d'action des agents dépend des dispositions intériorisées
au fil de leur socialisation. Cette conception « dispositionnaliste »
s'applique tout particulièrement à la communication en tant qu'acte
social et pratique puisque celle-ci présuppose la mobilisation de
ressources variables, résultant d'une acquisition progressive. Faire face
aux situations, se conformer aux règles du jeu et, éventuellement, en
tirer profit requiert une telle capitalisation de ressources. Inégalitaire,
cette capitalisation implique que les agents sociaux soient plus ou
moins
pourvus
de
compétences
communicationnelles.
Dysfonctionnements,
malentendus, incompréhensions
résultent
souvent de l'inadéquation entre l'agent doté de dispositions propres et
la structure objective du champ qui nécessite la mise en jeu d'autres
ressources. Tout acte, toute pratique engage un certain capital, conçu
comme ensemble de ressources permettant à l'agent de communiquer.
Il suppose aussi une structure de relations qui confère une réalité, ne
serait-ce qu'à titre de virtualité nécessaire, à des « agents-destinataires»
participant à la construction du sens parce qu'ils partagent une même
connaissance du jeu social et des enjeux.
Les pratiques
culturelles
Ces logiques sociales structurent toutes les pratiques de
communication, mais leur emprise paraît plus prononcée, plus évidente
aussi, pour un domaine tel que la culture. On ne tentera pas de résumer
en quelques mots ou en quelques phrases un ouvrage majeur comme
La distinction. Critique sociale du jugemenl tant ses apports
s'avèrent nombreux, appelant différents registres de lecture. Ouvrage
théorique parmi les plus aboutis, il est peut-être aussi le plus intime,
au sens où il exprime pleinement la vision du monde dont
P. Bourdieu, l'agent social, était le dépositaire.
Cette vision plonge ses racines dans « le marxisme» dont elle
reprend deux schèmes théoriques fondamentaux: la détermination de la
conscience des agents par leur condition d'existence et la division de la
société en classes. Mais elle corrige et enrichit singulièrement « le
2
3
P. Bourdieu,
Science de la science et réjlexivité,
P. Bourdieu,
La distinction.
Critique
sociale
Raisons d'agir, 2001, pp. 68-69.
dujugement,
- 20 -
Minuit,
1979.
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