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L'AVENIR DE L'HOMME DANS NOS SOCIÉTÉS - DEUXIEME DEBAT
même, attitude heuristique qui le conduisit naturellement à accorder à son expérience
personnelle, à ses expériences subjectives, tout le poids d’objectivité qui leur revenait et,
par suite, à s’ouvrir à sa dimension spirituelle, autrement dit: à la totalité de son être.
D’où ce sentiment de joie qui, après l’expérience de «la petite madeleine» (et quelques
autres), le convainquit de consacrer son œuvre à la recherche du «temps perdu» ce qui
est dire de son éternité et qui nous vaut l’œuvre incomparable que nous connaissons.
Une participante - Quand je discute avec des jeunes, même croyants, je m'aperçois que
leur connaissance de leur religion est très faible. On en a eu l'illustration avec ces jeunes
convertis au Jihad qui ne connaissent rien à l'Islam et se réclament d'Allah. Avant,
c'était surtout au sein des familles que se faisait l'éducation religieuse, mais cela a pra-
tiquement disparu, et ce n'est pas l'école publique qui peut s'en charger: alors n'y a-t-il
pas là un problème?
Ghaleb Bencheikh - Permettez moi une précision sémantique: Allah n'est que l'appella-
tion arabe de la divinité, ce n'est pas un nom propre, ce n'est pas le Dieu des musulmans,
la «Divinité mahométane «comme on dit dans les encyclopédies de prestige. Là où
vous avez raison, au-delà des approches pédantes sur la religion, comme l'approche
ternaire…, la religion forme comme un cadre humain du sacré, la religion devient le lieu
de la réponse aux sempiternelles questions qui taraudent l'homme et qui lui donnent
sens (juste ou pas c'est une autre affaire), la question des origines et des ns dernières, la
question de la téléologie, sommes-nous en Absurdie dans un univers kafkaïen, ou y a-
t-il une raison de notre présence ici-bas… La religion forme se divise elle-même en reli-
gion refuge, religion tremplin, et religion comme un cadre de l'expérience humaine du
sacré ou du divin Alors quand vous dites que ces jeunes gens sont des convertis: voyez
ce qu'on apprend sur Coulibaly, qu'il aurait été vu il y a quelques mois sur une plage
avec sa copine en bikini, et voila qu'il se découvre des velléités d'aller défendre l'hon-
neur du prophète bafoué par une caricature. Comme on dit dans la
Divine Comédie
de
Dante, il voit qu'il est placé dans le Pandémonium, mais cela n'a pas choqué les musul-
mans lettrés qui savent qu'il y a un pastiche de l'épître du Pardon de Brahami dans la
Divine Comédie.
Deuxième cas, cette lle de 28 ans qui s'est fait exploser: quelques mois
avant elle menait une vie dissolue, se droguait, puis elle s'était présentée à Pôle emploi
pour trouver du travail; et la voila qui trouve plaisant de mettre le voile ou la burqa.
Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas une responsabilité des idéologues, mais ces jeunes
sont aussi des paumés qui pensent donner un sens à leur vie en agissant de la sorte, par
ressentiment, par haine, par envie de donner un coup de pied dans la fourmilière pour
se venger des autres. On ne naît pas monstre, on le devient. C'est pour cela qu'il faut
faire un énorme travail de préparation des individus en dilatant les cœurs à l'amour et à
la tendresse, parce que c'est par manque d'amour et de tendresse que nous succombons.
Un participant -
Jean Cardonnel a écrit en 1968 le livre «Dieu est mort en Jésus-Christ».
Qu'en pensez-vous?
Bernard Ginisty - Je rappelle les dernières paroles du Christ en croix: «Dieu, pourquoi
m'as-tu abandonné?» puis «Père, je remets mon âme entre tes mains». Je le disais tout
à l'heure, le mot Dieu n'est pas utilisé dans le «Notre Père» la seule prière que le Christ
ait enseignée. Si vous me poussez dans mes retranchements, je pense que le mot Dieu
est un concept païen!
Une participante - (à Mr Fromaget) A propos de la différence que vous faites entre
l'esprit et l'âme: comment situez-vous l'inconscient par rapport à Dieu.