
Vive l'economie politique !
Pour Pascal Combemale aussi, les problèmes sont pédagogiques, puisque l'enseignement est tout entier orienté
vers les 5% des étudiants qui, au maximum, continueront en thèse. De plus, cet enseignement est " centré sur le
professeur ", ce qui permet en particulier de délivrer des cours dénués de toute pertinence, sans obligation de
répondre aux questions que se posent les étudiants.
Mais pour Pascal Combemale, il est malheureusement utopique d'espérer passer de cette logique à une " logique
centrée sur l'étudiant ". Le seul moyen de sauver ce qui peut l'être est alors de renoncer à l'absurde spécialisation
disciplinaire actuelle, pour passer à un enseignement pluridisciplinaire, " puisque 95% des étudiants ne feront pas de
recherche, tout en ayant le plus grand besoin, dans leur vie professionnelle et dans leur vie de citoyen, d'outils
d'analyse de la réalité sociale, de toute la réalité sociale. ".
Des enseignements expérimentaux mettent d'ailleurs déjà en oeuvre cette approche : mais ils sont menacés par les
pesanteurs bureaucratiques (ah bon ?) et les méfiances réciproques des enseignants des matières concernées
(pourtant, entre " chers collègues ", on devrait s'entendre, non ?). Il faut donc une direction politique claire les
sauvegarder. Le WWF peut-il faire quelque chose pour cette espèce, très jeune et pourtant déjà terriblement
menacée, sans doute à cause de sa frêle beauté qui attire les vieux prédateurs ?
" Economistes : la reproduction "
P. Combemale, (prof. de sciences économiques et sociales à Henri IV, Paris)
Extraits
" Si l'objectif prioritaire demeure, de fait, la formation de chercheurs en économie, alors il faut continuer à accepter
que tout le dispositif soit consacré à l'avenir de 5% des étudiants. Cela ne semble pas impossible tant que cet
objectif est masqué par le succès relatif des diplômés sur le marché du travail, une configuration qui durera tant que
durera la prophétie auto-réalisatrice.
Cette situation ne nous semble pas satisfaisante, et c'est la raison pour laquelle nous souhaitons que le mouvement
des étudiants contraigne l'institution à se réformer. Suivant quelles orientations ?
Commençons par constater que les étudiants demandent que soit respectée une règle pédagogique élémentaire :
l'enseignant doit partir des questions qui ont un sens pour ceux à qui il s'adresse. Certes, son rôle est aussi de les
reformuler en langage économique, de montrer la nécessité d'un détour théorique, (...), mais à la condition de
toujours relier ce qu'il fait à la question initiale et à la réalité à laquelle elle se rapporte, sans jamais les perdre de
vue.
Il est inacceptable, pour les étudiants, de s'entendre régulièrement répondre lorsqu'ils posent des questions précises,
"Vous verrez ça plus tard, en cours de Micro 4". Il est tout aussi inacceptable de faire cours sur le alors que les
étudiants ne savent rien de l'organisation du travail et du fonctionnement des entreprises réelles, de faire cours sur
des modèles de négociation collective alors qu'ils ne savent rien des syndicats ou du droit du travail, de faire
référence à l'Etat alors qu'ils méconnaissent les institutions, de modéliser des marchés financiers "efficients" alors
qu'ils ignorent l'histoire des crises financières, etc.
Le seul fait de renverser la logique actuelle de reproduction, centrée sur le professeur, (...), en une logique centrée
sur l'étudiant, les questions qu'il se pose et son projet, constituerait une révolution qui paraît utopique en l'état des
structures de l'université. Dès lors, que faire ?
Pour répondre à cette question, il convient de partir de l'idée qu'un autisme peut en cacher un autre. L'un des
problèmes majeurs de l'économie, aujourd'hui, n'est pas seulement qu'elle s'enferme trop souvent dans des mondes
imaginaires, mais aussi qu'elle refuse obstinément toute ouverture vers les autres sciences sociales. (...)
Nous ne prétendons pas ici nier que la spécialisation disciplinaire soit une condition d'efficacité de la recherche.
Nous voulons simplement rappeler que la réalité sociale est une et que la prétention à rendre compte de cette réalité
du seul point de vue d'une discipline particulière, qui rappelle ironiquement le déterminisme moniste de le plus
mauvaise vulgate marxiste, est non seulement vaine, mais engendre des dommages collatéraux pour le moins
désagréables, lorsqu'elle s'accompagne de conclusions normatives qui orientent et justifient des politiques bien
réelles. (...)
C'est pourquoi la solution (...) passe par la création de cursus interdisciplinaires. Au premier cycle, cela devrait
paraître incontestable, puisque 95% des étudiants ne feront pas de recherche, tout en ayant le plus grand besoin,
dans leur vie professionnelle et dans leur vie de citoyen, d'outils d'analyse de la réalité sociale, de toute la réalité
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