Impact de la crise financière internationale sur l`économie

Impact de la crise financière internationale sur l’économie sénégalaise
François Joseph Cabral
Résumé
Dans cette recherche, nous utilisons une modèle d’équilibre général calculable dynamique basé sur le
modèle PEP développé par Decaluwé et al. (2009) afin d’évaluer les effets de la crise financière
internationale sur l’économie sénégalaise. Nous mettons en exergue les principaux canaux par lesquels
celle-ci a pu se transmettre à l’économie dans le cas du Sénégal : les prix mondiaux, la demande
d’exportation, les transferts des migrants, l’aide publique au développement, les investissements directs
étrangers. Les résultats de notre analyse attestent que parmi les canaux qui ont facilité la transmission
du choc à l’économie sénégalaise, la baisse de la demande mondiale à l’exportation et celle des
transferts des migrants se révèlent être les plus importants. En effet, ces diminutions sont celles qui ont
le plus contribué à déprimer l’activité économique et, ont, en conséquence, favorisé une détérioration
des principaux agrégats macroéconomiques. Elles ont, en outre, favoriser à l’effritement de l’assiette
fiscale de l’Etat qui a vu ses ressources intérieures baisser.
Introduction
Déjà durant l’été 1997, la crise financière qui avait affecté l’Asie, puis la Russie et une partie de
l’Amérique latine, s’était diffusée au reste du monde par l’intermédiaire de plusieurs canaux. Cette crise
avait provoqué une contraction sévère des importations des économies concernées et pénalisé les
exportations des autres pays. Le commerce international était ainsi devenu un vecteur essentiel de
propagation de la crise à l’ensemble du monde. Cette crise avait partout entrainé un chômage massif et
des difficultés sociales majeures et, particulièrement en Asie et en Russie (Dauphin, 1999). En Afrique
sub-saharienne, cette crise n’a sérieusement ébranlé qu’un seul pays, l’Afrique du sud, où elle a été
introduite par les flux financiers. Dans les autres pays, la transmission s’est essentiellement effectuée
sous forme de chocs commerciaux. Toutefois, à l’exception des pays exportateurs de pétrole, le repli des
cours des matières premières a eu des effets mineurs sur les pays de la région (Harris, 1999). La crise
financière survenue à l’été 2007 dont les effets ont culminé en 2009 est d’une ampleur beaucoup plus
importante que celle survenue à l’été 1997. Après s’être étendues à toute la sphère financière, les
répercussions de cette crise dite des « subprimes » sur l’économie réelle ont fait craindre le pire. Le
terme « subprimes » renvoie au marché des prêts risqués qui peuvent concerner l’immobilier (prêts
hypothécaires), les cartes de crédits, la location de voitures, etc. Ces prêts sont accordés à une clientèle
peu solvable mais le segment le plus important de ce marché étant constitué des prêts immobiliers d’où
le terme « subprimes » généralement associé aux prêts hypothécaires. Même éloigné de l’épicentre du
phénomène (les USA), le Sénégal, tout comme la plupart des pays en développement, n’en est pas
moins concerné. Il donc important d’expliciter les canaux par lesquels la crise pourrait se transmettre à
l’économie sénégalaise. Il est également utile d’en évaluer les impacts afin d’en tirer des enseignements
de politiques. L’objectif de ce papier est de quantifier les effets de la crise financière internationale sur
l’économie sénégalaise. Dans une première section, nous examinons la situation macroéconomique de
l’économie sénégalaise dans le contexte de la crise. Dans une seconde section, les canaux de
transmission de la crise sont analysés. Dans un troisième scénario, le modèle est décrit et les résultats
des simulations exposés dans une quatrième section.
1. L’économie sénégalaise face à la crise mondiale : contexte macroéconomique
L’économie sénégalaise a enregistré une progression modérée de son PIB depuis l’indépendance. Un
regain de croissance n’a été obser qu’à la faveur de la dévaluation intervenue en 1994. Dans la
période ayant précédé le changement de parité, le taux de croissance a ainsi fluctué entre un minima de
1,8% (1970-1979) et un maxima de 3% (1980-1984). En revanche, la population s’est accrue au rythme
moyen de 2,7%, si bien que le Pib par tête, a enregistré une évolution négative. Le taux d’épargne a
fortement chuté de 1970 à 1984 avant de se redresser au cours des périodes suivantes. En
conséquence, le taux d’investissement a stagné en moyenne autour de 12% dans la période 1960-1984.
Il ne s’est amélioré qu’à la faveur du changement de parité intervenu en 1994 au terme duquel on a
relevé une nette amélioration de l’investissement privé. Son niveau est estimé à 19% en moyenne au
cours de la période 1994-2000. Le niveau élevé de l’absorption dans l’économie est reflété par la part
importante de la consommation finale dans le Pib. Au cours des différentes périodes de réforme, le
rythme d’accroissement du Pib a été plus appréciable pour les secteurs secondaire et tertiaire. Le
secteur primaire a connu une croissance irrégulière et, parfois même, négative. Son Pib a crû en
moyenne de -2,4% au cours de la période 1980-1984.
Dans la période d’après 2000, marquée par un changement de régime politique, les mesures
d’ajustement soutenues de l’économie sénégalaise ont continué à produire leurs effets. Le taux de
croissance a enregistré des niveaux relativement appréciables mais est resté instable. En effet, pendant
les années 2002, 2006 et 2008, on assiste à une nette contraction de l’activité sous l’effet de chocs
énergétiques et climatiques auxquels est venue s’ajouter la crise mondiale observée en 2008. En
conséquence, le rythme d’accroissement du Pib est tombé au cours de ces périodes en dessous de celui
de la population, rendant plus ardus les efforts de lutte contre la pauvreté. Le recul du Pib observé en
2002 est essentiellement lié à la forte contraction du secteur primaire (Tableau 2). Cette période est
également marquée par une baisse de l’effort d’accumulation tel que reflété par l’évolution du taux
d’investissement. L’année 2006 est, quant à elle, marquée par une sévère récession du secteur primaire.
En effet, l’activité s’est contractée au cours de deux années consécutives (2005 et 2006). De même, la
part des exportations dans le Pib a reflué au profit de celle de la consommation finale, ce qui pourrait
être le reflet d’une perte relative de compétitivité de l’économie.
L’analyse du recul observé du Pib au cours de l’année 2008 marquée par la survenue d’une crise
mondiale fait ressortir une contraction de l’activité dans les secteurs secondaire et tertiaire entre 2007
et 2008. En revanche, l’effort d’accumulation tel que reflété par l’évolution du taux d’investissement a
été relativement soutenu au cours de la période 2004-2008. Cet effort a permis d’amortir des chocs
subis par l’économie, et d’atténuer la contraction des autres composantes de la demande, en particulier
les exportations sous l’effet de la crise mondiale relevée en 2008. L’épargne intérieure est demeurée
relativement faible avec une contribution relativement plus marquée du secteur public à partir de 2006.
Au cours de la période 2001-2006, la stabilité des prix est bien assurée. En revanche, l’objectif de
stabilisation du cadre macroéconomique a été relativement contrarié entre 2007 et 2008 par la
mauvaise maîtrise de l’inflation. Cette situation est, en grande partie, due à la conjonction des chocs
céréalier et pétrolier qui ont été amplifiés par la crise financière dont les prémices sont apparues au
premier trimestre de l’année 2007.
Tableau 1.1 : Évolution de quelques indicateurs macroéconomiques, 2001-2008
Indicateurs
2 001
2 002
2 003
2 004
2 005
2 006
2007
2008
(valeurs constantes)
4,6
0,7
6,7
5,9
5,6
2,4
4,7
2,5
secteurs (%) (valeurs constantes)
Secteur primaire
1,3
-22,2
17,8
2,4
11,0
-8,1
-5,5
12,7
Agriculture
0,4
-34,5
38,6
4,1
16,0
-15,6
-15,8
24,6
Secteur secondaire
5,0
5,7
4,2
6,0
2,5
0,8
6,2
-2,7
Secteur tertiaire
3,6
5,7
6,8
7,5
5,7
5,9
7,0
3,5
Contribution au Pib (en %)
Secteur primaire
16,3
13,6
15,1
13,7
14,6
13,0
11,8
13,0
Agriculture
9,3
6,8
8,3
7,2
8,1
6,6
5,2
6,7
Secteur secondaire
21,7
22,3
21,4
21,7
20,5
20,1
20,3
21,1
Secteur tertiaire
43,8
44,9
44,7
45,8
45,4
46,6
47,4
46,3
Administration publique
18,2
19,1
18,8
18,8
19,4
20,4
20,6
19,6
consommation (en %)
Taux d'investissement
18,4
17,2
22,3
21,6
25,2
25,5
26,8
26,9
Taux d'épargne intérieure
9,4
6,8
10,2
9,0
9,7
9,7
9,8
8,1
publique
3,1
6,0
5,8
6,4
6,4
3,7
4,9
4,0
Privée
6,3
0,8
4,4
2,6
2,7
3,7
1,5
3,4
Taux d'épargne nationale
13,4
11,2
15,9
15,2
16,7
15,6
17,2
17,6
Consommation finale
90,6
93,2
89,8
91,0
90,9
92,6
93,6
92,6
Finances publiques
Taux de pression fiscale
16,1
16,9
17,0
17,4
18,5
18,8
19,3
18,8
(en % du Pib)
Exportations
28,7
28,5
26,6
27,1
27,0
25,6
23,2
28,4
Importations
37,8
39,0
38,7
39,8
42,4
43,1
43,2
48,5
Indicateurs des prix
Taux d'inflation
2,6
3,3
0,5
0,5
2,3
3,4
6,4
7,1
Source: DPEE (MEFP).
Les effets de cette crise financière ont contraindre conduit les décideurs à revoir à la baisse leurs
ambitions. En effet, selon le cadrage macroéconomique, les taux de croissance économique escomptés
pour 2008, 2009 et 2010 étaient respectivement de 2,5%, 3,1% et 5,1%. Cette prévision a être révisé
puisque le taux de croissance réel du Pib s’est finalement établi, respectivement, à 2,3% et 1,2% alors
qu’il est attendu une progression du Pib de l’ordre de 3,4% pour l’année 2010.
2. Canaux hypothétiques de transmission et quelques faits stylisés
La résistance des économies en développement face à la crise économique dépend, en grande partie, de
la qualide leur croissance, de leur cadre macroéconomique et de leur degré de dépendance vis-à-vis
des marchés affectés par la crise (Usa, Union Européenne). Il est difficile aux économies sub-
sahariennes, à l’instar du Sénégal, d’échapper aux effets de ce qui, à l’origine, était une crise financière
circonscrite aux pays du Nord. Quels sont les mécanismes hypothétiques qui pourraient faciliter la
transmission des effets de cette crise financière sur une économie comme celle du Sénégal ? Quelques
canaux peuvent être évoqués qui pourraient faciliter la transmission du choc sur une économie
vulnérable aux chocs externes comme le Sénégal : les prix, les investissements directs étrangers, les
exportations, les transferts des migrants, l’aide publique au développement, la bourse, les barrières
non-tarifaires.
Canal des prix
La récession qui s’installe dans les économies développées aura des conséquences sur l’évolution des
prix. Elle se traduira par un ralentissement de l'inflation (désinflation) et il fort à craindre, si la crise
persiste, qu’elle ne se traduise par une diminution générale et durable des prix (déflation). Plusieurs
travaux se sont intéressés aux effets de la crise financière dans les pays en développement. En
particulier, la crise économique mondiale s’est traduite au Nigéria par un effondrement des prix à
l’exportation du pétrole. Cette situation a conduit les décideurs nigérians à réviser leur budget pour
l’année 2009 compte tenu du lien étroit entre les recettes d’exportations issues de la vente du pétrole
et le budget de l’Etat fédéral (Ajakaiye and Fakiyesi, 2009). Breisinger, Collion, Diao, Rondot (2010) ont
pu aussi montré que dans le cas du Yémen, un pays exportateur de pétrole, la croissance économique a
été vigoureuse au Yémen durant les crises alimentaire et énergique de 2008 en raison du fait que les
effets positifs de l’augmentation du prix du pétrole sur le men l’ont emporté sur l’impact de la crise
alimentaire Toutefois, la baisse du prix du pétrole a été un des canaux par lesquels l’économie du Yémen
a été le plus affecté par la crise financière de 2009. En conséquence, la croissance économique a
fortement régressé. Le Pib agricole a également enregistré un repli. La baisse des prix mondiaux
combinée à celle de la demande mondiale à l’exportation s’est traduite par une baisse de la production
pour beaucoup de secteurs et une détérioration de la situation de l’emploi en Afrique du sud (Chitiga,
Mabugu, Maisonnave et Robichaud, 2009). Pour un pays comme le Sénégal, l’effet est, à priori, mitigé.
En effet, d’une part, la baisse des prix profite aux pays importateurs nets de produits en provenance des
économies développées. En particulier, elle réduit le coût des intrants d’origine étrangère utilisés dans
le processus de production. Chez les ménages, après la forte poussée des prix consécutive au récent
choc céréalier, la facture des importations d’origine agro-alimentaire pourrait en être allégée. D’autre
part, à l’exception du tourisme, les exportations du Sénégal étant orientés vers le segment des produits
de base, la baisse des prix mondiaux rend moins profitable les ventes à l’étranger des producteurs
locaux.
L’examen des données sur les échanges extérieurs du Sénégal dans période 2000-2009 atteste que les
prix à l’importation que les prix à l’exportation ont subi une forte inflexion à la baisse suite au choc
occasionné par la crise. En effet, les pays du Nord occupant un poids relativement important dans la
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