1 Lycée Guez de Balzac Angoulême 2 Se polariser avec la lumière Introduction Alors que l’œil humain en est incapable, beaucoup d’animaux perçoivent la polarisation des ondes lumineuses notamment pour s’orienter. Mieux des céphalopodes comme la seiche peuvent contrôler et moduler la polarisation de la lumière réfléchie sous l’eau par leur peau, qui sans changer de couleur, peut ainsi renvoyer une information à un œil capable de détecter les variations de polarisation de la lumière pour communiquer secrètement avec leurs congénères ou échapper à des prédateurs. Est-il envisageable pour l’homme de communiquer en utilisant la lumière polarisée ? Avant de répondre à cette problématique, on se propose d’aborder quelques notions sur la lumière polarisée, phénomène n’ayant jamais été étudié au lycée. 1. Nature de la lumière La lumière est une onde électromagnétique. Elle correspond à la propagation simultanée dans l’espace d’un champ électrique et d’un champ magnétique . Ces champs sont perpendiculaires entre eux et perpendiculaires à la direction de propagation. Le plan contenant et est appelé le plan d’onde. Le vecteur champ électrique caractérise l’état de polarisation de l’onde. Si la direction du champ électrique (et donc du champ magnétique) est fixe au cours du temps par rapport à la direction de propagation, on dit que la lumière est polarisée rectilignement Propagation d’une onde électromagnétique polarisée rectilignement 3 Une onde est polarisée rectilignement si l’espace. L’extrémité du vecteur a une direction bien définie dans décrit un segment de droite dans le plan d’onde. Lumière naturelle La lumière issue du soleil, des lampes à incandescence,… est dite non polarisée ou incohérente : cela veut dire que le champ électrique a une direction qui varie aléatoirement dans le plan d’onde. Maintenant que nous avons une idée de ce qu’est la lumière polarisée l’étape logique suivante est de comprendre comment la produire, la modifier et la manipuler afin qu’elle corresponde à nos besoins. On se propose d’étudier sommairement les quatre processus qui permettent d’obtenir une lumière polarisée : le dichroïsme ou absorption différentielle, la réflexion, la diffusion et la biréfringence. Un dispositif optique qui, recevant de la lumière naturelle, produit une forme quelconque de lumière polarisée, est un polariseur. 2. Polarisation par dichroïsme a. Filtre “Polaroïd” Il y a plusieurs façons d’obtenir une source de lumière polarisée. Le plus simple et le plus économique consiste à utiliser une feuille polarisante souvent appelée, par abus de langage, filtre “Polaroïd” (c’est une marque déposée). Il s’agit d’une feuille constituée de longues molécules toutes orientées dans la même direction et figées dans une matrice plastique. Ces molécules absorbent efficacement une onde lumineuse dont le champ électrique oscille parallèlement à la direction des molécules. Par contre, ces molécules sont quasiment sans effet sur une onde lumineuse polarisée perpendiculairement aux molécules. Ainsi, l’absorption lumineuse dépend de la polarisation : on parle alors de dichroïsme. On peut donc fabriquer, à l’aide d’une feuille polarisante, un polariseur c’est-à-dire un système optique qui ne laisse passer que la lumière qui vibre dans une direction fixée : tous les rayons émergeants vibrent dans le même plan et la lumière est polarisée rectilignement. 4 Ces systèmes présentent l’inconvénient d’atténuer sensiblement le champ suivant la direction passante. b. Action d’un polariseur rectiligne sur la lumière naturelle condenseur diaphragme polariseur écran lampe lentille Envoyons un faisceau de lumière naturelle cylindrique sur un polariseur. Quelle que soit l’orientation du polariseur rectiligne, l’éclairement de la tache sur l’écran reste constant. On montre que l’intensité transmise vaut théoriquement la moitié de l’intensité avant le polariseur. Le polariseur apparaît gris car il absorbe la moitié de la lumière incidente. 5 c. Action d’un polariseur rectilignement rectiligne sur une lumière polarisée Un polariseur est appelé analyseur lorsqu’il agit sur une lumière déjà polarisée. condenseur diaphragme polariseur analyseur écran lampe lentille En tournant l'analyseur dans son propre plan, on observe que l'éclairement varie entre un éclairement maximal et l'extinction totale du faisceau transmis. Cette extinction se produit chaque fois que les directions de (P) et (A) sont croisées. S’il est possible d’éteindre une onde lumineuse au moyen d’un analyseur, celle-ci est polarisée rectilignement. d. Analogie mécanique du phénomène Considérons une corde horizontale tendue passant à travers une fente étroite perpendiculaire à la corde. Donnons à l’extrémité de la corde, un mouvement vibratoire vertical. Nous constatons que : Si la fente est verticale, la propagation du mouvement vibratoire se fait normalement au-delà de la fente, avec conservation de l’amplitude. Si la fente est horizontale, il n’y a plus de vibrations au-delà de la fente. Si l’on fait tourner la fente de la position verticale à la position horizontale, l’amplitude des vibrations de la corde au-delà de la fente diminue à mesure que l’angle α de la fente avec la verticale augmente. 6 L’analogie avec la polarisation de la lumière apparait nettement : les vibrations de la corde avant la fente correspondent aux vibrations lumineuses d’un rayon polarisé et la fente joue le rôle de l’analyseur en ne laissant passer que la composante de la vibration parallèle à la fente. 3. Loi de Malus a. Enoncé de la loi Un faisceau lumineux cylindrique d’intensité I0 est envoyé sur un polariseur P idéal de direction de transmission . Un second polariseur, appelé analyseur, est placé à la suite de P. Il possède une direction de tansmission électrique faisant un angle α avec transmis par P est polarisé rectilignement selon l’analyseur A, on a donc . Le champ A l’entrée de . A la sortie de l’analyseur A, seule la composante de parallèle à est transmise : . L’intensité IA recueillie à la sortie de l’analyseur est proportionnelle au carré de l’amplitude de , de même que l’intensité Ip à la sortie de P est proportionnelle au carré de l’amplitude de , donc . Cette relation traduit la loi de Malus. Lumière naturelle Lumière polarisée selon Lumière polarisée selon α Si l’onde incidente d’intensité Ip est polarisée rectilignement selon la direction , alors l’onde émergente est polarisée selon la direction et son intensité IA suit la loi de Malus : Polariseur idéal P Analyseur idéal A La loi de Malus constitue une preuve directe du caractère vectoriel du champ électrique b.Vérification expérimentale condenseur diaphragme polariseur analyseu analyseur luxmètre lampe lentille 7 Un luxmètre est un capteur permettant de mesurer l’éclairement. L'unité de mesure est le lux. Résultats obtenus α (°) E(lx) α (°) E(lx) 0 58 90 2 10 55 100 5 20 49 110 12 30 40 120 20 40 30 130 28 50 22 140 37 60 14 150 45 70 7 160 51 80 4 170 54 L’éclairement E est proportionnel à x = cos2(α) Variante : On mesure l’intensité transmise à l’aide d’une photodiode polarisée en inverse (dans ce cas, l’intensité du courant qui traverse la photodiode est proportionnelle à l’intensité lumineuse reçue ; on a ainsi un capteur d’éclairement). Il est intéressant de remplacer le polariseur fixe par un analyseur tournant (l’analyseur est fixé sur l’arbre d’un moteur). Après traversée de cet analyseur la lumière tombe sur le détecteur ; on peut ainsi mettre en évidence à l’oscilloscope les variations de l’intensité lumineuse. Le signal obtenu est sinusoïdal avec un minimum nul. condenseur diaphragme polariseur analys Analyseur tournant lampe R lentille Oscilloscope + Photodiode polarisée en inverse 8 4. Réalisation d’un synthétiseur élémentaire à partir de la loi de Malus a. Montage 6V U1 + + P A 10k U2 Suiveur Détecteur 1k 1k - 10k par une tension 10k - OCT Laser Oscillateur commandé 100Ώ + u d’éclairement Amplificateur de u =10(u2-u1) différence La tension continue u2 dépend de l’angle α entre le polariseur P et l’analyseur A. La photodiode reçoit la lumière issue du laser mais aussi la lumière ambiante. L’amplificateur de différence permet d’éliminer la tension due à l’éclairage ambiant. En l’absence de lumière issue du laser, on règle à l’aide du potentiomètre la tension u 1 telle que la tension de sortie u de l’amplificateur de différence s’annule On va utiliser la tension continue u, issue de l’étage amplificateur, pour commander la fréquence d’un oscillateur à relaxation. b. Oscillateur à relaxation à A.O Dans un oscillateur à relaxation, l’énergie s’accumule puis s’évacue d’un unique réservoir : un condensateur. En plus du réservoir l’oscillateur nécessite un dispositif déclenchant le « remplissage » et la « vidange » du réservoir ; pour cela on utilise des dispositifs à seuils. L’oscillateur comprend un intégrateur inverseur associé à un comparateur à hystérésis non inverseur. C R2 R ue R1 + Intégrateur inverseur + u’ Comparateur à hystérésis non inverseur 9 La tension de sortie de l’intégrateur est une tension triangulaire ; la tension de sortie du comparateur est une tension rectangulaire. On obtient en permanence la charge et la décharge du condensateur de capacité C, interrompue par le basculement du comparateur. ue Oscillogramme u’ La fréquence des tensions obtenues est donnée par l’expression R = 100k C = 10 nF R1 = 3,3k R2 = 10k f = 757 Hz Vérification expérimentale f= 747Hz c. Commande de la fréquence de l’oscillateur Pour réaliser la commande de la fréquence de l’oscillateur précédent par la tension continue u , on introduit dans la boucle du montage de base un multiplieur analogique C R R2 - R1 + + - U OCT 10 La fréquence des oscillations est donnée par l’expression La fréquence des oscillations est proportionnelle à la tension de commande U. On a ainsi réalisé un oscillateur commandé par une tension. Si R = 10k R 1 = 3,3k R2 = 10k U = 1V f = 757Hz Vérifions que la fréquence de l’oscillateur est proportionnelle à la tension continue U (V) f(kH) 1,00 0,747 1,50 1,11 2,00 1,48 2,50 1,84 3,00 2,20 Graphe f=h(U) Dans le domaine étudié, la linéarité de la commande est correcte. Branchons un HP à la sortie de l’OCT. On obtient un son dont la fréquence dépend de la tension continue u c'est-à-dire de l’angle entre le polariseur et l’analyseur. Avec un peu d’entraînement, on peut jouer une petite mélodie bien de chez nous ! On a pu, en utilisant la lumière polarisée, émettre un son de fréquence réglable selon l’angle entre polariseur et analyseur. Il est possible de produire la polarisation de la lumière en utilisant les phénomènes de réflexion, de diffusion, de biréfringence… Nous allons considérer quelques unes de ces différentes possibilités. 5. Polarisation de la lumière par réflexion vitreuse En 1808, le polytechnicien Malus observe les rayons du soleil réfléchis par une vitre du palais du Luxembourg et tombe sur une découverte : la lumière peut être polarisée par réflexion ! a. Expérience Recevons un faisceau cylindrique de lumière naturelle sur un miroir de verre noir sans tain, qui transmet seulement la lumière réfléchie sur la première face. Interposons le polariseur entre le miroir et l’écran normalement au faisceau réfléchi. 11 Polariseur Lumière incidente écran i Miroir plan Lumière réfléchie En faisant tourner le polariseur, on constate que l’éclat de la tache lumineuse sur l’écran n’est pas constant. Pour un tour complet du polariseur, l’intensité de la tache passe par deux maximums et deux minimums ; entre un maximum de lumière et un minimum, le polariseur a tourné de 90°. La lumière réfléchie sur le verre n’a pas les mêmes propriétés que la lumière naturelle. Recommençons l’expérience en modifiant l’angle d’incidence sur le miroir. L’intensité des minimums varie avec l’angle d’incidence i. Pour une incidence i voisine de 57°, l’intensité des minimums est nulle ; il y a extinction complète. 6.Analyse de la polarisation de la lumière réfléchie par la carapace d’un insecte Nous allons mettre en évidence la polarisation de la lumière réfléchie sur le dos d'un insecte (scarabée de Colombie du Musée du lycée) grâce à deux photographies en lumière polarisée et un traitement d’image. a. Expérience On réalise le montage représenté ci-dessous On tourne le polaroid de manière à obtenir un minimum d’intensité On prend la première photo On tourne le polaroid de manière à avoir un maximum d’intensité. On prend la seconde photo On transfère les images sur un ordinateur Appareil photo Polariseur Lumière polarisée Lumière blanche 12 Chaque pixel des deux images mesure l’intensité réfléchie par une zone particulière située le dos de l'insecte. Si l'intensité IH (x,y) représente l'intensité d'un point de coordonnées (x,y) sur l'image pour le polaroid tourné à l’horizontale et si l'intensité IV représente l'intensité d'un point de coordonnées (x,y) sur l'image pour le polaroid tourné à la verticale , alors on va pouvoir calculer le degré de Polarisation Horizontale par rapport à la polarisation Verticale de la lumière mesurée en ce point, noté DPOHV grâce à la relation : x Si la polarisation ne change pas alors IH = IV DPOHV = 0 Si la lumière est très polarisée alors IH>>IV ou IV>>IH et DPOHV = 1 y On va donc calculer DPOHV pour chaque pixel sur l’image de l’insecte. On obtiendra une nouvelle image, où les points brillants seront des zones fortement polarisées et les points sombres des zones faiblement polarisées. IH-IV Image - V Image IH +IV H Image V + Carte DPOHV Image H Différentes étapes du traitement d’images Zones de polarisation de la lumière b. Pourquoi la cuticule polarise-t-elle la lumière ? Le corps des insectes est protégé par une cuticule ( nom zoologique de leur »peau ») riche en chitine. La chitine est une très grosse molécule, constituée d’un alignement de plusieurs milliers d’exemplaires d’une petite molécule azotée, la N-acéthylglucosamine, assemblées en fibres microscopiques. Ces fibres sont disposées en feuillets superposés, à l’intérieur desquelles elles sont tournées d’un petit angle par rapport à celles du feuillet inférieur, ce qui conduit à une 13 structure hélicoïdale analogue à celle observée dans les cristaux liquides cholestériques (les cristaux cholestériques doivent leurs noms à leur découverte au XIX°siècle dans les substances naturelles dérivées du cholestérol. Ces molécules de chitine organisées sous forme d’hélices sont capables de moduler la lumière, à l’instar des cristaux liquides. Elles la réfléchissent ainsi comme un miroir, ce qui donne l’effet de brillance. Mais ces hélices sont également polarisantes, c'est-à-dire qu’elles diffusent les ondes lumineuses dans une direction privilégiée, ce qui amplifie le phénomène de réflexion. Quant à la couleur verte, cuivrée ou argentée, elle dépend du pas de vis des hélices de chitine. c. d. e. f. g. h. i. j. Orientation des molécules dans une phase cholestérique c.Comment les seiches polarisent la lumière ? Certaines cellules de la peau des seiches contiennent de petites plaques qui polarisent la lumière par réflexion. Sous contrôle nerveux, ces cellules passent en une seconde d’un état où les plaquettes sont orientées dans des directions quelconques, et où elles renvoient donc une lumière non polarisée, à un état ordonné qui polarise la lumière. Pourquoi l’œil de la seiche est-il sensible à la polarisation, alors que les molécules responsables de sa vision sont semblables aux nôtres ? La rétine de l’œil de seiche est constituée de cellules rhabdomériques ou rhabdomes qui sont sensibles à la lumière polarisée. Dans chacune des cellules, les molécules de pigments (de la rhodopsine) sont linéaires. Contraintes de se déplacer selon l’axe de la molécule, les charges électriques ne peuvent être mises en mouvement que par un champ électrique parallèle à cet axe, c'est-à-dire par une lumière de polarisation parallèle à la molécule. Dans notre œil, les molécules ont des directions aléatoires. Chez la seiche, elles ont une orientation commune, d’où la sensibilité des cellules visuelles à la polarisation. 14 Œil de seiche 7. Pouvoir rotatoire Après traversée d’un polariseur, la lumière émergente est généralement polarisée rectilignement. Certaines substances, telles que le quartz ou des solutions aqueuses de sucre, possèdent la propriété de faire tourner le plan de polarisation de la lumière. On dit qu’elles sont optiquement actives et le phénomène porte le nom de polarisation rotatoire. Pour un observateur recevant la lumière, si la rotation s’effectue vers la droite, on dit que la substance est dextrogyre. Si elle s’effectue vers la gauche, on la qualifie de lévogyre. a. Loi de Biot (1812) Pour une substance optiquement active en solution dans un solvant inactif (c’est à dire qu’il n’y a pas d’associations moléculaires), le pouvoir rotatoire produit par une longueur l de solution pour une radiation donnée est proportionnel à la concentration massique Cm de la solution (masse de substance active par unité de volume), proportionnelle à la longueur l traversée et proportionnelle au pouvoir rotatoire spécifique [α]s de la substance active dissoute. Pouvoir rotatoire : α = [α]s Cml [α]s dépend peu de la température (5/10 000 de sa valeur par °C) mais est fonction de la longueur d'onde de la lumière utilisée. La rotation croit du rouge au violet : c'est le phénomène de dispersion rotatoire : [α]s = A/λ². Dans le système international, [α]s est exprimé en rad.kg-1.m² Si Cm est exprimé en g.cm-3 et α en degrés, [α]s est donné en °.dm-1.g-1.cm3 b. Mise en évidence expérimentale L'activité optique se manifeste à l'état solide, à l'état liquide ou pour des substances dissoutes. Dans ce qui suit on s'intéresse au dernier cas. Plaçons successivement : une source de lumière quasi monochromatique S (lampe à vapeur de sodium), un polariseur P, une cuve destinée à recevoir la substance à analyser C, un analyseur A dont l'axe est perpendiculaire au polariseur. L'intensité de la lumière transmise par le dispositif est nulle. P Source monochromatique A 15 écran Eau + saccharose Remplissons la cuve d'eau. L'intensité de la lumière transmise est nulle. On dit que l'eau est un composé optiquement inactif ; Introduisons une solution aqueuse de saccharose dans la cuve. L'intensité de la lumière transmise n'est pas nulle. Le saccharose est un composé optiquement actif. On peut retrouver une intensité nulle, en tournant l'analyseur d'un angle a. L'activité optique d'une substance est la manifestation à l'échelle macroscopique de la chiralité (c'est à dire de la dissymétrie) des molécules : la molécule n'est pas superposable à son image dans un miroir (comme 2 mains : l'image d'une main droite par un miroir est une main gauche). Chiros signifie main en grec. 8. Etude de l’effet Faraday Faraday s’intéresse au rapport entre magnétisme et lumière. Il étudie l’action d’un champ magnétique sur la lumière polarisée traversant différents milieux, et découvre, en utilisant le verre lourd qu’il avait mis au point en 1829, que le plan de polarisation de la lumière tourne d’un certain angle lorsqu’elle traverse le verre lourd soumis à un fort champ magnétique. Cette découverte importante, appelée de nos jours effet Faraday, date du 13 septembre 1845. Faraday l’inscrit dans son journal et ajoute « assez fait pour aujourd’hui « ! Afin de créer un champ magnétique important, on va utiliser un électroaimant. a. Etude expérimentale de l’électroaimant Pièces polaires tronconiques en acier percées Bobines comportant 500 spires Noyau de fer doux A l’aide d’un teslamètre à effet Hall, on étudie l’influence de l’intensité I du courant continu qui traverse les bobines sur l’intensité du champ magnétique B dans l’entrefer de l’électroaimant. 16 Teslamètre Montage 24V + Sonde à effet Hall A Rhéostat 33Ω Résultats expérimentaux Ecartement entre les pièces polaires e = 2,5cm I(A) B(mT) 0 0 0,5 18,5 B (mT) 1 36,9 1,5 53,6 2,0 70,5 2,5 87,0 3,0 102,6 3,5 117,0 4,0 126,0 4,42 120,0 e =2,5cm 120 100 80 60 40 20 0,5 1 1,5 2 2,5 3 3,5 Pour I< 3,5A on obtient une droite de coefficient directeur 3,4.10 -2T.A-1. 4 I (A) 17 Dans l’entrefer de l’électroaimant, l’intensité du courant et le champ magnétique créé sont deux grandeurs proportionnelles. Pour I>3,5A, les points expérimentaux s’écartent de la droite. Le champ B n’est plus proportionnel à I (phénomène de saturation et d’hystérésis). Théoriquement l’intensité du champ magnétique B au centre de l’entrefer de l’électroaimant est donnée par l’expression µ0 : perméabilité magnétique du vide ou de l’air µ0=4π.10-7 H/m Dans le cas où N= 1000 , e = 2,5 cm Bthéorique = 5,0.10-2I b. Etude expérimentale de l’effet Faraday Un barreau de flint (verre au plomb) est placé dans l’entrefer d’un électroaimant à pièces polaires percées. Barreau de flint Un faisceau cylindrique monochromatique traverse le barreau de flint dans le sens du champ magnétique ou le sens opposé selon le sens du courant dans les bobines. Vue d’ensemble du dispositif expérimental 9 8 7 6 5 4 3 2 1 18 1 : lampe émettant une lumière blanche 3 : filtre monochromatique 2 : diaphragme circulaire 4 : lentille convergente 5 : Polariseur 6 : électroaimant et barreau de flint dans l’entrefer 7 : Analyseur 8 : lentille convergente 9 : écran Le polariseur et l’analyseur sont croisés, aucune lumière n’est transmise. Faisons passer un courant dans les bobines : la lumière est rétablie. Il faut tourner l’analyseur d’un angle β pour rétablir l’extinction. Si on inverse le sens du courant, la rotation est inversée. L’angle de rotation étant faible, on améliore la précision en mesurant l’angle 2 β à partir des deux rotations du champ. Angle de rotation β en fonction de l’intensité du champ magnétique B pour une même longueur d’onde λ =490nm. I(A) B(mT) 2β(°) 1,0 36,9 3 2,0 70,5 7 3,0 102,6 9 4,0 126 12 2β (°) Λ =490 nm 10 8 6 4 2 20 40 60 80 100 120 B (mT) La représentation graphique est une droite. L’angle de rotation β est proportionnel à l’intensité du champ magnétique B. c. Loi de Verdet Le phénomène précédent a été étudié par le physicien français M. Verdet (1824-1866) qui a montré que l’angle de rotation β et l’intensité du champ magnétique sont liés par la relation β = VBd d est la longueur parcourue par l’onde dans le milieu et V un facteur 19 de proportionnalité appelé constante de Verdet. La constante de Verdet dépend du matériau et de la longueur d’onde Dans l’exemple précédent d = 2,0cm Constante de Verdet du flint : V=2500°T-1.m-1 = 43,6rad.T-1.m-1. d. Influence de la longueur d’onde sur la constante de Verdet On reprend l’expérience précédente pour différentes longueurs d’onde Λ(nm) V °.T-1.m-1 V rad.T-1m-1 490 2500 43,6 520 2115,4 36,9 580 1730,8 27 680 769,2 13,4 V (rad/T/m) 40 35 30 25 20 (nm-2) 15 2,5 .10-6 3.10-6 3,5.10-6 4.10-6 4,5.10-6 La constante de Verdet dépend de la longueur d’onde ; elle est proportionnelle à l’inverse du carré de la longueur d’onde. 9. Modulateur à effet Faraday Avant d’aborder le modulateur à effet Faraday, rappelons qu’il est facile de transmettre un signal audio en modulant la lumière laser. a. Expérience Appliquons entre les bornes de modulation d’une diode laser une tension alternative sinusoïdale délivrée par un générateur de signaux. Disposons une photodiode, polarisée en inverse, sur le trajet du faisceau laser. 20 D i Laser + o GDS e Suiveur 10k d + + + V + HP s u i o v Amplificateur de i e puissance l a e e V 2 A m u p r l s laser permet de moduler la puissance lumineuse délivrée par La tension appliquée au celui-ci. + i r électrique produit dans la photodiode par le faisceau lumineux L’intensité io du courant f i qu’elle reçoit reproduit les variations de la puissance de ce dernier, et donc les i e variations de la tension de modulation appliquée au laser. c On peut moduler la puissance lumineuse délivrée par le laser en lui appliquant la tension a 1 t aux bornes d’un microphone. Le haut-parleur restitue le son de la voix. e b. Modulateur à effet Faraday Comment peut-on transmettre une onde sonore en utilisant l’effet Faraday ? La polarisation rotatoire par effet Faraday permet de commander électriquement l’intensité de l’onde émise par le laser. Plaçons- nous dans le cas où le champ magnétique appliqué dépend du temps B(t) ; on peut obtenir un tel champ grâce à un courant variable i(t) qui alimente le circuit de l’électroaimant. L’analyseur fait avec le polariseur un angle θ constant. Sous l’action du champ magnétique, la substance provoque une rotation α du plan de polarisation qui dépend du temps. D’après la loi de Malus l’éclairement à la sortie de l’analyseur a pour expression u r d e p u Ainsi l’éclairement I(t) produit par le faisceau laser peut être modulé par le courant de i s commande i(t). Une telle modulation n’est pas linéaire mais comme α<<θ, on admet que s Si on choisit θ= 45° a En bref, on introduit dans la bobine le signal à transmettre sous la forme d’une n modulation de tension et le faisceau laser émergeant transporte les informations c sous la forme de variations d’amplitude e Cellule photoélectrique P bobine A Ampli Laser Amplificateur de courant GDS flint HP 21 On peut remplacer le générateur de signaux par un microphone et le son est restitué par le haut-parleur. Le signal sonore a été codé sous forme d’une variation de polarisation du faisceau laser. Donc on a pu communiquer en utilisant la lumière polarisée. Peut-on communiquer secrètement à partir de lumière polarisée ? Dans la dernière décennie, une branche de la physique moderne s’est intéressée à la question, et propose une solution ultime et renversante: la cryptographie quantique. 10. Cryptographie quantique La cryptographie s’attache à protéger les messages en utilisant des clés. Le mot cryptographie vient des mots en grec ancien kruptos (« caché ») et graphein (« écrire »). La cryptographie quantique applique les mécanismes de la mécanique quantique aux méthodes de chiffrement ; elle promet une sécurité inconditionnelle, tout en ne nécessitant pas d’échange de clé en personne. Pour établir une clé par cryptographie quantique on s’est intéressé au protocole BB84, qui doit son nom à ses auteurs Charles H.Bennet et Gilles Brassard et dont la mise au point remonte à 1984. Selon ce protocole on utilise un laser qui émet des impulsions que l’on peut supposer constituées de photons uniques. Ces photons sont polarisés et c’est cette polarisation qui sert à transmettre l’information. Si un utilisateur tente de lire les informations, il va obligatoirement modifier la polarisation des photons qui alerterons les utilisateurs. On a simulé à partir de lumière blanche et de polariseurs le protocole BB84 pour générer de façon aléatoire la clé en s’assurant qu’elle n’ait pas été interceptée. Nous remercions chaleureusement nos professeurs de Physique et de SVT qui nous ont accompagnés tout au long du projet. Nous remercions également l’entreprise SEMI pour son aide matérielle ainsi que Schneider Electric pour ses conseils. 22 Bibliographie Le monde a ses raisons JM Courty Edouard Kierlik Belin Pour la Science Optique Une approche expérimentale et Pratique Sylvain Houard de boeck Physique Eugène Hecht La lumière du laser de boeck Michel Henry Roland Jouanisson Optique expérimentale Sextant Masson Hermann Expériences de Physique Roger Duffait Bréal L’Empire de la physique Cabinet de physique du lycée Guez de Balzac Une petite histoire de la physique JP Maury Vuibert Dossier Pour la Science Le monde quantique N°68 Juillet-Septembre 2010 Pour la Science n°334 aout 2005 La cryptographie quantique de Benoit Gagnon www.geekrants.com