Prise en charge des patients avec problèmes de toxicomanie et de santé mentale Journée Alliance, Laval 18 novembre 2016 Didier Jutras-Aswad MD, MS, FRCPC Médecin psychiatre et directeur, Unité de psychiatrie des toxicomanies du CHUM Chercheur, Centre de recherche du CHUM Professeur agrégé de clinique, Département de psychiatrie, Universtié de Montréal Déclaration des conflits d’intérêt potentiels Nom de la compagnie/organisation Insys Type d’affiliation Soutien pour recherche, consultation 2015-2018,2016 Date Pfizer Subvention de recherche 2014-2016 Lundbeck-Otsuka Présentation (sans droit de regard sur le contenu) 2015-2016 Mylan Présentation (sans droit de regard sur le contenu) 2014 Objectifs • Définir les enjeux entourant l’intervention chez une personne présentant des problèmes concomitants de toxicomanie et de santé mentale; • Utiliser les données probantes dans le traitement des troubles concomitants; • Développer des approches et stratégies de collaboration pour mieux intervenir auprès des personnes souffrant de troubles concomitants. Pertinence clinique de la comorbidité: épidémiologie Compton, W. M. et al. Arch Gen Psychiatry 2007;64:566-576. Pertinence clinique de la comorbidité: l’exemple de la dépression • La dépression prédit le risque de développer une toxicomanie et vice versa1 • La dépression prédit le risque de rechute chez le patient dépendant à une substance2 • La présence de toxicomanie est associé à une évolution défavorable de la dépression3 1Gilman et al, Drug Alcohol Depend 2001; 2Greenfield SF et al. Arch Gen Psychiatry 1998; 3 Mueller et al Am J Psychiatry 1994 Pertinence clinique de la comorbidité: l’exemple de la dépression Greenfield et al, Arch Gen Psychiatry. 1998;55(3):259-265 Pertinence clinique de la comorbidité: l’exemple de la dépression A Double-Blind, Placebo-Controlled Trial Combining Sertraline and Naltrexone for Treating Co-Occurring Depression and Alcohol Dependence Pettinati et al, Am J Psychiatry. 2010;167(6):668-675 Modèles de traitement des troubles concomitants toxicomanie et santé mentale • Traitement séquentiel • – Traitement d’une première condition (toxicomanie) et traitement de l’autre condition par la suite (p. ex. trouble de l’humeur) Traitement parallèle • – Les 2 conditions sont traitées simultanément par 2 équipes de traitement différentes, chacune étant spécialisée dans l’une des problématiques Traitement intégré – Les 2 conditions sont traitées par la même équipe de traitement (intégration des 2 programmes) Modèle à quatre quadrants Sévérité toxicomanie Très sévère Services spécialisés en dépendance Programmes intégrés spécialisés en comorbidité Services de première ligne Services spécialisés en santé mentale Légère Très sévère Sévérité du trouble de santé mentale SAMHSA, 2005; NASADAD, 1999 1er problème… Le diagnostic Défis du diagnostic d’un trouble psychiatrique chez le patient qui consomme activement • Les substances peuvent induire des symptômes semblables à plusieurs troubles psychiatriques • Difficulté à obtenir une histoire détaillée de la symptomatologie • Préjugés/stigmatisation de la population souffrant de toxicomanie et de troubles de santé mentale • Difficulté à avoir accès à une évaluation spécialisée Fiabilité et persistance des diagnostics remises en question… 535 patients Diagnostic de psychose induite par le cannabis Suivi 3 ans Autre épisode psychotique pendant le suivi: 77.2% Dx de psychose du spectrum de la schizophrénie: 44.5% Arendt et al., Br J Psychiatry, 2005 La comorbidité n’a pas que 2 axes… Problématiques relationnelles Problèmes médicaux Motivation Toxicomanie: symptômes physiques et comportementaux Problèmes psychologiques et psychiatriques Problèmes sociaux Complexité de certains (plusieurs) patients • Jeune homme de 29 ans • TLU sévère cocaïne et alcool; TLU modéré amphétamine; utilisation de cannabis • Trouble psychotique induit par les substances à répétition • Trouble anxieux non-spécifié • Trouble de personnalité mixte limite et antisociale • VIH + • En bris de lien avec sa famille, hébergement instable 2e problème… Les interventions Un réseau complexe… Lahaie, Jutras-Aswad et coll, 2015 Traitement intégré des comorbidités Psychosocial interventions for people with both severe mental illness and substance misuse Hunet GE, Siegfried N, Morley K, Sitharthan T, Cleary M Cochrane Review 2013 ‘’We included 32 RCTs and found no compelling evidence to support any one psychosocial treatment over another for people to remain in treatment or to reduce substance use or improve mental state in people with serious mental illnesses. Furthermore, methodological difficulties exist which hinder pooling and interpreting results. Further high quality trials are required which address these concerns and improve the evidence in this important area.’’ Traitement pharmacologique de la dépression chez les patients souffrant de toxicomanie Héroïne Amphétamines Premier choix Aucun Deuxième choix Aucun Premier choix Aucun Deuxième choix Aucun Troisième choix Ajout buprénorphine Aucun Troisième choix Aucun Non recommandé Non recommandé Aucun Opiacés Cannabis Premier choix Aucun Deuxième choix Aucun Troisième choix Aucun Non recommandé Fluoxétine Premier choix Aucun Deuxième choix Aucun Troisième choix Ajout imipramine à methadone Non recommandé Ajout fluoxétine à méthadone Ajout sertraline à méthadone Traitement de maintien CANMAT; Beaulieu S et al, Ann Clin Psychiatry. 2012 Feb;24(1):38-55. Traitement intégré des comorbidités: bémols… – Le traitement intégré n’est pas une panacée: mêmes défis qu’en psychiatrie et en toxicomanie – Pour l’instant, le bénéfice se situe davantage dans la structure des programmes et la capacité à offrir des services pour les deux problématiques que dans la spécificité des interventions – Tout patient ne doit pas nécessairement être traité dans un programme DD: risques et périls des transferts – Traitement intégré ≠ service 3e ligne… Qu’est-ce qu’on fait? Il faut améliorer la capacité d’intégration des services à tous les niveaux de soins Il faut changer la recette • Organisation centrée sur les besoins des patients et non des institutions – Bonne connaissance des populations – Prise en considération des autres problèmes de la personne: aspects sociaux, maladies physiques (p. ex. VIH, VHC) – Concertation entre les acteurs clés impliqués auprès des patients • Minimiser la fréquence et l’impact des références – Améliorer l’intégration des services à tous les niveaux de soins – Attention portée aux mécanismes de références Il faut changer la recette • Fluidité et flexibilité du système – C’est aux institutions de s’adapter aux patients, non l’inverse – Identifier et vaincre les barrières CONCRÈTES à la fluidité des trajectoires de services – Porter attention aux détails du fonctionnement du réseau qui peuvent mener à des échecs d’offre de services aux patients – Développer des réflexes différents: ‘’ jusqu’où je peux aller et qu’estce que je peux faire pour cette personne compte tenu de mon expertise?’’ vs ‘’est-ce que cette personne correspond à nos critères?’’ Il faut aider le patient ‘’ici’’ le plus souvent possible Sévérité toxicomanie Très sévère Services spécialisés en dépendance Programmes intégrés spécialisés en comorbidité -No wrong door -Flexibilité -Organisation centrée sur le patient et ses besoins -Fluidité -Dimensions sociales et physiques Services de première ligne Services spécialisés en santé mentale Légère Très sévère Sévérité du trouble de santé mentale SAMHSA, 2005; NASADAD, 1999 Modèles de traitement des troubles concomitants toxicomanie et santé mentale Un pari… • Le défi: créer un programme de ‘’3e ligne’’ qui ne répond pas aux prémisses habituelles d’un tel service – Critères d’admission strictes – Interventions spécifiques ultracomplexes, nonreproductibles – Activité principale: prise en charge à moyen-long terme Un pari… • Le résultat: – Critères centrés sur les besoins du patient et la capacité du réseau actuel de répondre à ses besoins – Programme multidisciplinaire et flexible misant sur plusieurs modalités thérapeutiques et une diversité d’interventions selon le profil clinique du patient de même qu’où il se trouve dans son parcours – Possibilité de prise en charge, mais emphase sur le soutien flexible aux acteurs du réseau UPT du CHUM • Sources de référence – CHUM • • • • – – • Département de psychiatrie Médecine des toxicomanies Hépatologie (hépatite C, greffe) Clinique de la douleur, neurologie Départements de psychiatrie du RUIS Partenaires du réseau (CRAN, GASMA…) Indications – – – Toxicomanie et troubles psychiatriques sévères Échecs répétés de référence (ou refus) dans les services de 1re et 2ème ligne habituels, impasses thérapeutiques Sévérité-complexité clinique justifie une évaluation surspécialisée et-ou un suivi en équipe interdisciplinaire intensif UPT: Continuum de services MODALITÉS D’INTERVENTION RÔLES ET SERVICES CLINIQUES OFFERTS URGENCES -Évaluation des situations de crise et des complications aigues de la toxicomanie et des problèmes de santé mentale -Orientation vers les ressources appropriées de traitement UNITÉ INTERNE -Stabilisation de la condition psychiatrique et de la problématique de consommation de façon intégrée -Traitement des sevrages complexes -Précision du diagnostic et du plan de traitement en milieu protégé -Orientation vers les ressources de traitement appropriées PROGRAMME EXTERNE -Évaluation, suivi et traitement intégré des problèmes de santé mentale et de toxicomanie -Thérapies individuelles et de groupe, prise en charge globale, suivi médical et psychiatrique -Collaboration et coordination avec les autres de ressources de traitement dans le réseau SERVICE DE CONSULTATION-CONSEIL -Évaluation, précision du diagnostic et recommandations thérapeutiques pour les collaborateurs intra hospitaliers et du réseau Évaluation-conseil • Procédure d’évaluation flexible • Pré-évaluation nursing, discussion en équipe • Évaluation multidisciplinaire – Une seule ou plusieurs rencontres • Issue de l’évaluation modulée selon les besoins du patient et de l’équipe: rapport évaluation, discussion, court suivi, prise en charge globale Un centre d’expertise en trouble concomitant du RUIS de l’Université de Montréal • Proposition – • Objectif général – • Améliorer la santé, le bien-être et le fonctionnement des personnes souffrant de troubles concomitants Objectifs sous-jacents – – • Créer un centre d’expertise qui permettra de regrouper les forces existantes du réseau dans le champ des troubles concomitants Offrir des services appropriés au bon moment et au bon endroit aux personnes souffrant de troubles concomitants Diminuer les coûts liés à l’utilisation sous-optimale des services Moyen – Créer une entité capable d’offrir un leadership clair sur les plans clinique et académique afin de consolider l’offre de soins surspécialisés en comorbidité, optimiser la hiérarchisation des soins et permettre le développement des compétences par les différents acteurs en 1 ère et 2e ligne Objectifs du Centre d’expertise 1. Consolider l’offre de services de 3e ligne en troubles concomitants et systématiser les mécanismes d’accès à ces services 2. Développer un programme de soutien clinique et mentorat en troubles concomitants aux équipes de 1ère et 2e ligne du réseau 3. Consolider un programme de transfert des connaissances en troubles concomitants auprès des équipes de 1ère et 2e ligne du réseau 4. Favoriser le regroupement des différents acteurs du réseau pour améliorer la fluidité et la hiérarchisation optimale des services en troubles concomitants 5. Continuer d’assurer un leadership en recherche et innovation en troubles concomitants et faciliter le transfert des connaissances générées par ces travaux Le mot de la fin • Augmenter la capacité d’intervention en trouble concomitant à tous les niveaux de services • Créer des partenariats simples et efficaces pour donner accès au bon service, au bon moment, au bon endroit • Flexibiliser les modalités de soutien offerts par les ressources spécialisés • Créer un leadership fort en trouble concomitant Questions ? Commentaires ! [email protected]