J Maroc Urol 2007 ; 5 : 31-33 CORPS LIBRE INTRAPERITONEAL : TRAITEMENT LAPAROSCOPIQUE (A PROPOS D’UNE OBSERVATION RARE) FAIT CLINIQUE M. ALAMI, E. KASMAOUI, M. LEZREK, D. BASSOU, R. ZAINI, A. BEDDOUCH Service d’Urologie de l’Hôpital Militaire Moulay Ismail, Meknès, Maroc RESUME ABSTRACT Le corps libre intrapéritonéal est un incidentalome extrêmement rare. Il s’agit d’une nécrose graisseuse résultant de la torsion d’une frange épiploïque. Leur découverte est fortuite, à la suite d’un bilan radiologique. Nous rapportons une observation d’un patient âgé de 68 ans, présentant une symptomatologie dysuriante. L’échographie endorectale avait montré l’existence d’une masse latérorectale droite. Le complément scanographique et IRM n’avaient pas posé le diagnostic de certitude. L’exploration abdominale coelioscopique avait permis l’extraction facile de la masse. L’examen histologique était en faveur d’une nécrose graisseuse avec fibrose réactionnelle autour. L’évolution postoperative était favorable. INTRAPERITONEAL FREE-FLOATING BODY : MANAGEMENT BAY LAPAROSCOPY. A RARE CASE Intraperitoneal free-floating body are an extremely rare incidentaloma. This abnormality is composed of organized fat necrosis, resulting from torsion of appendix epiploica. Their discovery is casual, following a radiological examination. We report the case of 68year-old man presented with dysuria. Endorectal ultrasonography showed a right laterorectal mass. Accurately diagnosis was not made although on computed tomography and magnetic resonance imaging. Removal laparoscopic exploration of the mass was performed easily. Histological examination was in favour of fat necrosis with laminated fibrous. Postoperative follow-up was favourable. Mots clés : laparoscopie ; corps libre ; nécrose graisseuse Correspondance : Dr. M. ALAMI, Service d’Urologie de l’Hôpital Militaire Moulay Ismail, Meknès, Maroc. e-mail : [email protected] Key words: laparoscopy ; free-floating body ; fat necrosis INTRODUCTION masse latérorectale droite surtout visible sur l’échographie endorectale. Cette masse est très hypoéchogène à centre échogène de 3,5 cm de diamètre (fig. 1). Le scanner abdominal a montré, sur les coupes en contraste spontané, une masse arrondie bien limitée latéro-rectale droite, de structure tissulaire avec un centre hypodense dont la densité mesurée à -40 unités Hounsfield, témoin de sa nature graisseuse, il n’y avait pas de calcifications (fig. 2). Après injection du produit de contraste, un rehaussement homogène est retrouvé, il n’y avait pas de signes d’invasion locorégionale, ni de lésion viscérale ou d’adénopathie intra-abdominale. Le rapport imprécis de la masse avec la vésicule séminale droite avait motivé la réalisation d’une IRM abdominale, qui avait confirmé sur les coupes coronales l’intégrité de la vésicule séminale droite, et la nature graisseuse du centre de la masse sur la séquence en annulation du signal de la graisse (fig. 3). L’aspect en hyposignal marqué en séquence T2 de la masse est en faveur d’une nature fibreuse. Devant cet aspect, une exploration chirurgicale coelioscopique était proposée. Celle-ci révélait la présence d’une masse blanchâtre dure mobile sans aucune adhérence avec le péritoine ou aux organes de voisinage (fig. 4). Une extraction de Les corps libres intrapéritonéaux sont extrêmement rares. Leur découverte est presque toujours fortuite. Ils sont le résultat d’une nécrose graisseuse bien organisée d’une frange épiploïque ayant subit une torsion spontanée [1, 2, 3]. Nous rapportons une observation inhabituelle chez un patient dont la symptomatologie était orientée vers des troubles urinaires d’origine prostatique. CAS CLINIQUE Monsieur RA, âgé de 68 ans, ne présentant pas d’antécédents pathologiques particuliers, avait consulté pour des troubles urinaires minimes à type de pollakiurie et de dysurie. L’examen physique était strictement normal. Le toucher rectal montrait une hypertrophie bénigne de la prostate. L’examen cytobactériologique des urines était normal ainsi que le taux de l’antigène spécifique de la prostate. L’échographie vésicoprostatique révélait un résidu post-mictionnel de 50 cc, un volume de la prostate estimé à 43 cc et une -31- Corps libre intrapéritonéal : traitement laparoscopique M. ALAMI et coll. la masse dans un sac de façon intact après élargissement de l’incision du trocart a été réalisée (fig. 5). L’examen anatomopathologique montrait une formation de 4,5 cm sur 4 cm de grand axe dont l’examen microscopique était en faveur d’un foyer de stéato-nécrose avec fibrose réactionnelle autour sans processus tumoral. L’évolution était favorable. Le patient était amélioré sur le plan urinaire par un alpha-bloquant. Fig. 3. IRM pelvienne, coupe coronale séquence T2 : masse en hyposignal intense, centre graisseux en hypersignal, intégrité de la vésicule séminale (flèche). Fig. 1. Echographie endo-rectale : masse latéro-rectale droite de 3,5 cm de diamètre, très hypoéchogène à centre échogène. Fig. 4. Vue coelioscopique montrant la prise du corps libre par une pince. a b Fig. 2. TDM pelvienne, coupe en contraste spontané : masse tissulaire latéro-rectale à centre graisseux. Rapport étroit avec la vésicule séminale droite. Fig. 5. Corps libre mesurant 4,5 cm de diamètre. -32- J Maroc Urol 2007 ; 5 : 31-33 DISCUSSION et n’ont pas de composante graisseuse centrale. L’exploration chirurgicale coelioscopique était impérative. Celle-ci a permis chez notre patient l’extraction de la masse avec le minimum de gestes invasifs et avait permis d’offrir le matériel pour le diagnostic histologique. Les corps libres intrapéritonéaux sont des incidentalomes extrêmement rares. D’après les données de base medline, le premier cas était rapporté en novembre 1956. Jusqu’au 2004, uniquement 14 cas sont publiés dans le monde. Notre observation représente le 15ème cas. Ces corps libres sont souvent le résultat d’une torsion d’une frange épiploïque du côlon et rarement du grand épiploon [1]. Cette frange épiploïque de structure graisseuse recouverte par le péritoine subit des troubles de la circulation sanguine conduisant à son infarcissement. Sur le plan histologique, elle se traduit par une nécrose graisseuse aseptique qui s’entoure avec le temps par un tissu fibreux voire des calcifications. La frange épiploïque peut rester appendu ou se détacher et se perdre dans le péritoine [4]. Souvent, ces corps libres intrapéritonéaux sont de petite taille et sont retrouvés au cours des laparotomies. Il est exceptionnel que ces corps deviennent de taille importante [5]. Dans la plupart des cas, ces incidentalomes sont asymptomatiques et sont découverts fortuitement, à la faveur d’un bilan pour une autre pathologie. Chez notre patient, les troubles mictionnels d’origine prostatique étaient les signes qui ont conduit au bilan radiologique et à la découverte de la masse. Rubenstein [5] rapporte une observation exceptionnelle où le corps libre calcifié et mesurant 4 cm était responsable de signes vésicaux irritatives par compression extrinsèque. L’aspect de ces corps au scanner et à l’IRM apparaît sous forme de masse bien circonscrite avec dans leur partie centrale une calcification [2, 5].Chez notre patient, il n’y avait pas de calcification à l’intérieur de la masse et le diagnostic différentiel pouvait se faire avec : le textilome ; celuici était écarté devant l’absence d’antécédent chirurgical; le tératome bien qu’il survient surtout chez la femme; le myélolipome qui est souvent de siège rétropéritonéal présacré ; le liposarcome qui se présente sous forme de masse infiltrante volumineuse et hétérogène ; les adénopathies et les métastases qui sont souvent multiples CONCLUSION Le corps flottant intrapéritonéal est un diagnostic histologique. Les diagnostics différentiels sont nombreux et difficile à éliminer par l’imagerie.L’exploration chirurgicale et notamment cœlioscopique est nécessaire, permettant le geste thérapeutique, et offrant le matériel pour le diagnostic histologique. REFERENCES 1. Ghahremani GG, White EM, Hoff FL, Gore RM, Miller JW, Christ ML. Appendices epiploicae of the colon : radiologic and pathologic features. Radiographics 1992 ; 12 : 59-77. 2. Takada A, Moriya Y, Muramatsu Y, Sagae T. A case of giant peritoneal loose bodies mimicking calcified leiomyoma originating from the rectum. Jpn J Clin Oncol 1998 ; 28 : 441-2. 3. Ramdial PK, Singh B. Membranous fat necrosis in appendices epiploicae : a clinicopathological study. Arch Virchows 1998 ; 432 : 223-8. 4. Murat FJ, Gettman MT. Free-floating organized fat necrosis : rare presentation of pelvic mass managed with laparoscopic techniques. Urology 2004 ; 63: 176-7. 5. Rubenstein JN, Hairston JC, Eggener SE, Gonzalez CM. Irritative voiding symptoms and microscopic hematuria caused by intraperitoneal calcified fat necrosis. Urology 2002 ; 59 : 444. -33-