1. INSTABILITÉS ET TURBULENCE 77
une vitesse vse déplacera de v dt en un temps dt . Cette advection est décrite par le terme non
linéaire v·∇v. Comme nous le verrons par la suite, c’est cette non linéarité qui engendre toute
la complexité (et la richesse) des écoulements turbulents. Le premier terme du membre de droite
est une force de pression (ψ=P/ρoù la densité ρest une constante). On peut le considérer
comme un multiplicateur de Lagrange contraint par l’équation de continuité (39.146). Enfin,
nous introduisons la dissipation visqueuse qui peut être vue comme un frottement entre les
particules fluides. Cette dissipation est quantifiée par la viscosité cinématique ν.
A partir de ces ingrédients physiques, on peut être tenté d’évaluer quels sont les termes
dominants dans l’équation (39.145). Pour se faire, il faut connaître les quantités physiques de
l’écoulement : sa taille L, sa vitesse caractéristique Vet sa viscosité ν. On peut alors quantifier
les deux termes physiques par :
v·∇v∼V2/L(39.147)
ν∆v∼νV/L2(39.148)
le rapport de force entre les deux termes est alors un nombre sans dimension, le nombre de
Reynolds qui s’écrit :
Re =
VL
ν
∼
v·∇v
ν∆v(39.149)
Lorsque le nombre de Reynolds est suffisamment petit, l’équation (39.145) est dominée par
des effets visqueux : elle est essentiellement linéaire et donne en principe lieu à des écoulements
laminaires stables. Au contraire, à grand nombre de Reynolds, l’équation du mouvement est
essentiellement non linéaire, produisant ainsi des écoulements plus ou moins turbulents. Ce
nombre est donc un paramètre permettant de quantifier, a priori, la stabilité d’un écoulement.
•Instabilités sous-critiques et super-critiques. Pour différencier ces deux types d’instabilité,
on utilise couramment le nombre de Reynolds de l’écoulement Re et l’amplitude de la
perturbation introduite. On parlera alors d’instabilité super-critique lorsque l’écoulement
laminaire devient instable à partir d’un certain Reynolds, et ce, quelque soit l’amplitude de la
perturbation appliquée à l’écoulement (voir Fig. 35). Au contraire, une instabilité sera sous-
critique si elle nécessite une amplitude minimum pour apparaître (cette amplitude minimum
étant a priori une fonction de Re). On pourra alors parler d’un écoulement métastable.
Techniquement, le fait qu’une instabilité super-critique puisse exister pour des amplitudes
arbitrairement faibles permet de les étudier analytiquement en linéarisant l’équation de la
dynamique en fonction des perturbations, supposées infinitésimales. Ce type d’approche permet
alors d’obtenir une équation différentielle linéaire dont l’étude est notoirement plus simple que
le problème complet. On peut ainsi obtenir les modes propres de l’équation linéarisée et une
instabilité sera alors caractérisée par la croissance spontanée d’un ou plusieurs modes propres.
En ce sens, les instabilités super-critiques sont aussi appelées instabilités linéaires.
Pour les instabilités sous-critiques, la linéarisation est impossible. En effet, l’existence d’une
amplitude minimum pour obtenir l’instabilité signifie qu’il faut aussi considérer les termes non
linéaires dans l’équation (39.145). On peut néanmoins utiliser une première linéarisation pour
obtenir, comme dans le cas précédent, les modes propres. Cependant, ces modes resteront
stables. Ainsi, contrairement au cas précédent, l’instabilité ne proviendra non pas d’une
croissance spontanée d’un mode mais d’un couplage non linéaire entre plusieurs modes propres.
On parlera alors d’une instabilité non linéaire.