mise au point Le syndrome d’apnées du sommeil Quel lien avec le diabète ? Dr Ana Estrade* Le lien épidémiologique entre diabète de type 2 et le syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS) est fort et fait l’objet actuellement de nombreuses études. Nous nous proposons ici, à travers cette mise au point, de tenter de répondre aux questions suivantes : • quelle est la fréquence de l’association diabète de type 2 et SAOS ? • sur quelles hypothèses physiopathologiques repose cette association ? • le traitement du SAOS a-t-il un impact bénéfique sur l’équilibre glycémique ? • quel est l’intérêt du dépistage et comment dépister le SAOS ? • enfin une parenthèse sera ouverte sur l’association entre SAOS et diabète de type 1. éPIDéMIOLOGIE Des pathologies fréquentes ❚❚Le diabète Le diabète concerne actuellement en France métropolitaine 2,4 millions de personnes, dont 2,2 millions de diabétiques de type 2. La prévalence était estimée en 2009 selon les dernières données * Service de diabétologie, maladies métaboliques, nutrition, CHU de Toulouse 194 ❚❚Le syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS) Rappelons que le syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS) se définit selon les dernières recommandations de la Société Française de Pneumologie (1) comme l’association : • d’une somnolence diurne excessive non expliquée par d’autres facteurs (critère A) ; • ou de deux des critères parmi les suivants : ronflements, sensation d’étouffement ou de suffocation pendant le sommeil, sommeil non réparateur, fatigue diurne, difficultés de concentration, nycturie (critère B) ; • et d’un critère polysomnographique ou polygraphique : index apnée/hypopnée (IAH) O 5/h (critère C). On parle de SAOS léger pour un IAH entre 5 et 15/h, modéré entre 15 et 30/h et sévère au-delà de 30/h. © Amy Walters - Fotolia Introduction de l’étude ENTRED 2007-2010, à 4,39 % soit une augmentation de + 6 %/an entre 2000 et 2009. A l’échelle internationale, l’IDF (International Diabetes Federation) estime en 2010 le nombre de personnes diabétiques à 285 millions soit 6,4 % de la population mondiale. Les prévisions pour 2030 si elles sont peut-être alarmistes, sont pour le moins alarmantes avec 438 millions de patients diabétiques dans le monde… De par la nécessité d’examens complémentaires longs, coûteux et beaucoup moins accessibles qu’une glycémie à jeun, il est facile de concevoir que la prévalence du syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS) est quant à elle beaucoup plus difficile à déterminer. L’étude de la cohorte DESIR en France estime la prévalence à 7 % chez les femmes et 14 % chez les hommes en 1994 et l’incidence à 6 ans en France à 6 % chez les femmes et 14 % chez les hommes. Le recueil de données est cependant déclaratif (2). La Wisconsin Sleep Cohorte StuDiabète & Obésité • Mai 2011 • vol. 6 • numéro 49 Le Syndrome d’Apnées du Sommeil dy (3), bien qu’ancienne (1993), se basait sur des enregistrements polysomnographiques chez 602 patients permettant après extrapolation d’estimer la prévalence du SAOS dans la population générale américaine à 2 % chez les femmes et 4 % chez les hommes. On conçoit donc aisément la variabilité des données épidémiologiques en fonction du mode diagnostique du SAOS. L’association épidémiologique de ces deux pathologies a fait l’objet de plusieurs études. Diabète et SAOS : un lien épidémiologique fort ❚❚La prévalence du diabète chez les porteurs d’un SAOS est élevée Ainsi, l’étude de Meslier en 2003 (4) retrouve chez 682 hommes présentant un SAOS sur des données polysomnographiques, une prévalence du diabète de type 2 (diagnostiqué par une HGPO 75 g) à 30 % et celle de l’intolérance au glucose à 20 % soit 50 % des patients présentant des anomalies glucidiques dans cette population. ❚❚Prévalence du SAOS chez les diabétiques de type 2 De même, la prévalence du SAOS chez les patients diabétiques de type 2 est importante. La prévalence d’un SAOS chez 306 patients diabétiques de type 2 obèses (IMC moyen 36,5 kg/m2) a été évaluée à 86,6 % parmi lesquels 33,4 % de SAOS légers (IAH entre 5 et 15), 30,5 % de SAOS modérés (IAH entre 15 et 30) et 22,6 % de SAS sévères (IAH > 30) (5). Une autre étude, conduite chez 303 diabétiques de type 2 obèses Diabète & Obésité • Mai 2011 • vol. 6 • numéro 49 et mal équilibrés (HbA1c : 9,19,3 %) retrouve également une prévalence du SAOS à 63 %, avec un SAOS léger chez 34 % des patients, un SAOS modéré chez 19 % des patients, et un SAOS sévère chez 10 % d’entre eux (6). La méta-analyse de Cappuccio montre un risque majoré significatif d’obésité chez les enfants et les adultes présentant un manque de sommeil. Ainsi, les adultes qui dorment moins de 5 heures par nuit ont Il existe une forte prévalence de diabète de type 2 chez les patients présentant un SAOS et une forte prévalence du SAOS chez les patients diabétiques. Il existe donc une forte prévalence de diabète de type 2 chez les patients présentant un SAOS et également une forte prévalence du SAOS chez les patients diabétiques. De manière logique, en résulte la question du lien physiopathologique qui pourrait unir ces deux pathologies. L’obésité, qui constitue le lit à la fois du diabète et du SAOS paraît être le dénominateur commun de ces deux pathologies. Mais au-delà de ce lien en apparence évident, il semblerait que le SAOS soit un facteur de risque de survenue de diabète et de déséquilibre glycémique indépendamment de l’obésité. PHYSIOPATHOLOGIE Un dénominateur commun : l’obésité ❚❚SAOS et obésité On conçoit facilement le développement d’un syndrome d’apnées chez le sujet obèse. Inversement, le manque de sommeil peut être également associé à une prise de poids sur plusieurs années comme le suggère l’étude épidémiologique sur la Nurses’Health Study Cohort (7). une augmentation de 50 % du risque d’obésité par rapport aux adultes qui dorment plus longtemps (8). ❚❚Diabète et obésité Le lien entre obésité et diabète via l’insulinorésistance n’est plus à démontrer. SAOS : un facteur de risque indépendant du développement du dt2 ❚❚Ronflement Déjà des études épidémiologiques montrent que le ronflement est associé à une augmentation du risque de survenue d’un diabète de type 2 à 10 ans. Ainsi, Elmasry et al. (9) retrouvent chez 2 668 hommes âgés de 30 à 69 ans, interrogés en 1984 et en 1994, un taux de survenue de diabète à 10 ans de 5,4 % chez les patients ronfleurs vs 2,4 % chez les patients non ronfleurs (p < 0,001). Chez les patients obèses ronfleurs, l’incidence de diabète est de 13,5 % vs 8,6 % chez les patients obèses non ronfleurs. Bien que l’obésité semble être le principal facteur de risque de développement d’un diabète de type 2, les auteurs concluent que la coexistence d’un ronflement majore ce risque. 195 mise au point L’étude de Al-Delaimy (10) ayant porté sur 69 852 femmes de la Nurses’Health Study Cohort, retrouve également une augmentation de l’incidence de diabète à 10 ans. Le risque relatif de développement d’un diabète de type 2, après ajustement à l’IMC, est de 1,48 (IC : 1,29-1,70) chez les patientes ronfleuses occasionnelles et de 2,25 (IC 1,91-2,66) (p < 0,0001) chez les troubles respiratoires du sommeil. Chaque patient a bénéficié d’un enregistrement par polysomnographie et a été classé par quartile de sévérité du SAOS. Au cours du suivi (en moyenne de 2,7 ans), il a été étudié l’incidence de diabète (défini par une GAJ > 1,26 g/l). Les résultats montrent une incidence de 5,5 cas pour 100 patients/année dans les groupes Le SAOS serait un facteur de risque indépendant de développement de diabète de type 2 et de déséquilibre glycémique chez le diabétique de type 2. patientes ronfleuses régulières vs les non-ronfleuses. Il semble également que l’association ronflement-diabète soit en partie indépendante de l’obésité de manière significative. Néanmoins, ces données sont à interpréter avec précaution dans la mesure où il s’agit de données déclaratives recueillies par questionnaires aussi bien pour le ronflement que pour le diagnostic de diabète. Elles restent toutefois intéressantes du fait de l’importance des populations concernées et témoignent encore du fort lien épidémiologique entre ces 2 pathologies. ❚❚Chez le non diabétique Chez le sujet non diabétique, le SAOS serait un facteur de risque de survenue de diabète, indépendant de l’obésité. L’étude de Botros (2009) (11), étude longitudinale observationnelle, a porté sur 544 adultes non diabétiques parmi 1 233 adultes d’une cohorte de vétérans (plus de 90 % d’hommes) du Connecticut (Etats-Unis), présentant des symptômes évocateurs de 196 SAOS vs 1,8 dans le groupe contrôle. La probabilité de développer un diabète dans le groupe SAOS est significativement majorée (p < 0,003). Après ajustement à l’âge, à l’IMC, à la modification de l’IMC, au sexe, à la glycémie à jeun, l’association SAOS et diabète reste significativement pertinente (HR : 1,43 ; IC : 1,10-1,86 ; p < 0,008). L’apnée du sommeil apparaît donc comme un facteur de risque indépendant de développement du diabète. Pour les deux quartiles les plus élevés d’IAH, 60 % des sujets étaient traités par PPC ce qui est associé à une atténuation significative du risque d’apparition d’un diabète de type 2 par comparaison aux non-utilisateurs (p = 0,04). L’étude de Reichmuth et al. (12) a montré également que le SAOS augmentait le risque de diabète de type 2 mais il n’a pas été retrouvé de relation indépendante vis-à-vis de l’obésité. Il apparaît donc nécessaire de réaliser des études supplémentaires pour asseoir définitivement le rôle indépendant du SAOS dans le développement du diabète de type 2. ❚❚Chez le diabétique Il a été montré chez 14 patients diabétiques de type 2 que le SAOS sévère était associé à une plus grande variabilité glycémique nocturne, mesurée par des Holters glycémiques (CGMS). Le traitement par PPC réduit cette variabilité (13). La dette de sommeil et/ou une mauvaise qualité du sommeil paraissent également associées à un moins bon contrôle glycémique global, évalué par l’HbA1c (14). De plus, la sévérité du SAS est corrélée à un moindre contrôle glycémique. Dans l’étude d’Aronsohn, 60 patients diabétiques de type 2 ont réalisé une polysomnographie qui a objectivé 77 % de SAOS dans cette population (IAH > 5). Après ajustement à l’âge, au sexe, à l’IMC, au nombre de traitements antidiabétiques, à l’exercice et à la durée de sommeil, la comparaison par rapport au groupe sans SAOS retrouve une augmentation statistiquement significative de l’HbA1c de 1,49 %, 1,93 % et 3,69 % chez les patients atteints de SAOS légers, modérés et sévères (15) (Fig. 1). Mécanismes physiopathologiques évoqués : le SAOS majorerait l’insulinorésistance La Sleep Heart Health Study a étudié 2 656 patients par polysomnographie et explorations glucidiques (glycémie à jeun, HGPO, index HOMA) entre 1994 et 1999. Selon le degré de sévérité du SAOS, il existe une augmentation significative de l’odds ratio de la glycémie à jeun et de l’insulinorésistance, après ajustement à l’IMC notamment (16). De même, chez 30 patients obèses Diabète & Obésité • Mai 2011 • vol. 6 • numéro 49 Le Syndrome d’Apnées du Sommeil P < 0,0001 for linear trend 9,5 8,5 7,5 6,5 5,5 4,5 Sensibilité à l’insuline (milliunités/litre)-1min-1 10 HbA1c ajustée (%) 10,5 8 6 4 2 0 3,5 Base Pas de SAS SAS léger SAS modéré SAS sévère Figure 1 – Lien entre le syndrome d’apnées du sommeil Après 3 nuits sans sommeil lent profond Figure 2 – Sommeil lent profond et sensibilité à l’insuline. et le taux d’hémoglobine glyquée. et apnéiques, il existe une majoration de l’insulinorésistance évaluée par une HGPO par rapport à un groupe d’obèses non apnéiques et un groupe témoin non obèse non apnéique (17). Cette majoration de l’insulinorésistance est sous-tendue par deux hypothèses physiopathologiques. ❚❚La fragmentation du sommeil Une étude a montré ainsi que la suppression du sommeil lent profond pendant 3 nuits chez 9 patients volontaires sains diminuait la sensibilité à l’insuline (18) (Fig. 2). • Dans la cohorte du Sleep Heart Health Study, il est montré qu’une durée de sommeil < 6 h ou > 9 h est associée à une prévalence augmentée de diabète et d’intolérance au glucose (19). • D’autres études montrent également que la durée du sommeil influence les sécrétions hormonales : ainsi, une durée de sommeil < 4 h entraîne une diminution des taux moyens, des taux maximum et de l’amplitude de la sécrétion de leptine par rapport à une durée de sommeil Diabète & Obésité • Mai 2011 • vol. 6 • numéro 49 > 12 h. Des valeurs intermédiaires sont retrouvées lorsque la durée de nuit est évaluée à 8 h suggérant un continuum. De même, la sécrétion de cortisol est perturbée : une durée de sommeil < 4 h majore la sécrétion cortisolique le lendemain en fin d’après-midi. L’insulinorésistance mesurée par HOMA au petit-déjeuner est également majorée lors d’une dette de sommeil. Le sommeil apparaît donc comme un composant majeur de la régulation neuro-endocrinienne du métabolisme énergétique (20) (Fig. 3). ❚❚Hypoxie L’hypoxie intermittente participerait également au développement d’une insulinorésistance. Plusieurs expériences en haute altitude ont montré que l’hypoxie aiguë diminuait l’insulinosensibilité chez des sujets sains (21-23). Cette insulinosensibilité est restaurée après quelques jours d’acclimatation. Le SAOS, par le biais des désaturations, est à l’origine d’une hypoxémie intermittente qui pourrait ainsi majorer l’insulinorésistance. En synthèse, le SAOS pourrait favoriser l’insulinorésistance indépendamment de l’obésité, et par là entraîner des troubles de la glycorégulation voire un diabète. L’IDF a proposé en 2008 le schéma représentant les liens physiopathologiques unissant SAOS et diabète (Fig. 4). La question qui se pose alors est de savoir si le traitement du SAOS apporte un bénéfice en terme de diminution de survenue de diabète et de contrôle glycémique chez le diabétique. TRAITEMENT Principes du traitement du SAOS Le traitement du SAOS repose sur une prise en charge globale, définie par les recommandations de la Société Française de Pneumologie de 2010 (1). L’hygiène de vie est un volet préalable indispensable avec en particulier une prise en charge nutritionnelle visant à réduire l’obésité et le surpoids. Il est également recommandé l’éviction 197 mise au point 4 heures au lit – 3h48 de sommeil 8 heures au lit – 6h52 de sommeil 12 heures au lit – 8h52 de sommeil Leptine (ng/ml) Cortisol (μg/dl) HOMA – Insuline (mU/l) – Glucose (mmol/l)/22,5 Heure Heure Heure Figure 3 – Impact de la durée du sommeil sur les sécrétions hormonales. de toxiques, comme l’alcool, et de certains traitements dépresseurs du système respiratoire, comme les benzodiazépines. Il n’existe pas de traitement médicamenteux spécifique du SAOS. Le traitement de référence actuel repose sur les systèmes de Pression Positive Continue (PPC). Il s’agit d’appareillages de port nocturne qui au moyen de masques faciaux, nasaux ou narinaires délivrent une pression positive continue en air permettant une ouverture des voies aériennes supérieures (Fig. 5). L’indication à la PPC repose sur la présence : • d’une hypersomnolence diurne ; • de 3 critères parmi les suivants : ronflements, céphalées matinales, vigilance réduite, trouble de la libido, HTA, nycturie ; • d’un IAH > 30/h ou 5 < IAH < 30/h et index micro-éveils 10/h. Les alternatives thérapeutiques à la PPC sont représentées par 198 Apnées du sommeil Fragmentation du sommeil Activation sympathique (catécholamines) Modifications de l'axe HTH (cortisol) Hypoxémie intermittente Stress oxydatif (RSO) Activation Modification des voies du profil des inflammatoires adipokines (IL-6, TNFα) (leptines, adiponectine) Résistance à l'insuline/dysfonctionnement des cellules pancréatiques Intolérance au glucose/diabète de type 2 Figure 4 - Les mécanismes potentiels liant l’apnée du sommeil à l’intolérance au glucose. les orthèses mandibulaires et la chirurgie. Efficacité du traitement par PPC Le traitement par PPC a déjà démontré son efficacité de manière significative sur diverses atteintes liées au SAOS. Ainsi, le traitement du SAOS par PPC permet : • l’amélioration du sommeil, de la qualité de vie avec diminution de la somnolence ; ­• la diminution du risque d’accidents de la voie publique ; • l’amélioration des performances au travail ; Diabète & Obésité • Mai 2011 • vol. 6 • numéro 49 © Resmed Le Syndrome d’Apnées du Sommeil Figure 5 – Système de pression positive continue. 14 p < 0,001 p < 0,001 n. s. 12 10 ISI 8 6 4 2 0 Base Après 2 jours Après 3 mois Figure 6 – Impacts de la pression positive continue sur les effets secondaires. A - Incidence cumulée des évènements cardio- Figure 7 – Evolution de l’insulinosensibilité au cours d’un vasculaires fatals (%). B - Incidence cumulée des évènements traitement par PPC. cardiovasculaires non fatals (%). • l’amélioration de l’HTA ; elle dépend cependant de la sévérité du SAOS, du contrôle tensionnel initial et de l’observance à la PPC ; • la diminution du risque de récidive de FA ; • la réduction du risque d’accident cardiovasculaire (24) (Fig. 6). Qu’en est-il de l’équilibre glycémique ? Les études ne permettent pas à l’heure actuelle de trancher de manière certaine sur l’efficacité de la PPC sur la diminution de l’insulinorésistance et Diabète & Obésité • Mai 2011 • vol. 6 • numéro 49 le contrôle glycémique chez les patients diabétiques. ❚❚En faveur d’un bénéfice Chez le patient non diabétique Citons l’étude de Harsch (25) qui retrouve une amélioration de l’insulinorésistance. Chez 40 patients non diabétiques ayant un IAH > 20/h, l’insulinorésistance est mesurée par un clamp hyperinsulinique euglycémique avant un traitement par PPC, deux jours après et 3 mois après. Dès 48 h, il existe une amélio- ration significative de l’insulinosensibilité qui se maintient à 3 mois. Néanmoins ces résultats encourageants sont à pondérer car il n’est pas retrouvé d’amélioration significative à J2 chez les patients présentant un IMC > 30 kg/m2 et une discrète amélioration à 3 mois (Fig. 7). Cette même étude poursuivie à 3 ans chez 9 patients montre un maintien de l’amélioration de l’insulinosensibilité (26). Chez le patient diabétique Babu et al. montrent une amélio199 mise au point ration de l’équilibre glycémique mesurée par un enregistrement de la mesure continue du glucose (Guardian®) et de l’HbA1c chez 25 patients diabétiques de type 2, 1 à 3 mois après un traitement par PPC sans autre modification du traitement antidiabétique (27). L’étude de Pallayova citée plus haut (13) retrouve également sur des enregistrements par CGMS une diminution de la variabilité glycémique nocturne chez 14 patients diabétiques de type 2 présentant un SAOS sévère, après traitement par CPAP. Néanmoins, il s’agit d’études concernant de faibles effectifs et surtout il s’agit d’études non contrôlées. ❚❚Absence d’efficacité Chez le patient non diabétique L’étude de Coughlin est une étude contrôlée, randomisée et en double aveugle qui concerne 34 patients présentant un SAOS (naïfs de traitement) non diabétiques. Après traitement par CPAP ou placebo pendant 6 semaines, il a été certes retrouvé une amélioration significative de l’HTA mais pas de l’insulinorésistance (mesurée par HOMA, clamp hyperinsulinique euglycémique et glycémie à jeun). Une des raisons pouvant expliquer cette non-significativité tient peut-être à la durée d’utilisation de la PPC évaluée à moins de 4 h dans le groupe traité et moins de 3 h dans le groupe placebo (28). Chez le patient diabétique L’étude de West va également dans le même sens chez des patients diabétiques. Il s’agit d’une 200 étude contrôlée concernant 42 patients cette fois diabétiques de type 2 et présentant un SAOS, randomisés en double aveugle pour recevoir soit un traitement par PPC soit un placebo pendant 3 mois. Les résultats n’ont pas retrouvé d’amélioration de l’HbA1c ni de l’insulinorésistance (29). Là aussi, comme dans l’étude précédente, l’utilisation de la PPC est évaluée en moyenne < 4 h/ nuit pouvant être en partie responsable de la non-amélioration de l’équilibre glycémique. Néanmoins, les auteurs récusent cette explication arguant que chez les patients les plus compliants, la PPC n’a pas non plus montré d’efficacité sur les paramètres glycémiques. ❚❚En synthèse Nous ne pouvons tirer de conclusions définitives sur l’efficacité du traitement par PPC sur l’amélioration de l’insulinorésistance ou de l’équilibre glycémique chez le diabétique de type 2. D’une part, les études citées concernent des populations différentes. De plus, la comparaison est difficile dans la mesure où certaines d’entre elles ne sont pas des études contrôlées. Il faut également citer le problème de la compliance à l’appareillage qui reste un point essentiel de la prise en charge. D’autre part, il ne faut pas oublier malgré le manque de données sur les paramètres glycémiques et la morbi-mortalité, l’impact positif du traitement par PPC sur d’autres paramètres notamment l’hypertension artérielle et les signes du SAOS (ronflements, hypersomnolence diurne...) ; d’où l’intérêt du dépistage du SAOS, de son diagnostic et de son traitement. DéPISTAGE DU SAOS modalités La Société Française de Pneumologie recommande en 2010 le dépistage du SAOS chez les patients à risque. • La détermination de la probabilité d’un SAOS se fait par la clinique, l’utilisation de questionnaires (type Epworth qui explore la somnolence diurne excessive) et la recherche d’autres troubles du sommeil (diagnostics différentiels). Il est recommandé d’enregistrer rapidement les patients suspects de SAOS présentant : ­- une somnolence diurne sévère ; - et/ou des comorbidités cardiovasculaires ou respiratoires sévères ; - et/ou une activité professionnelle à risque accidentel. • Le diagnostic de confirmation se fait par polysomnographie (examen de référence) ou polygraphie ventilatoire et l’interprétation doit être effectuée par un médecin spécialiste. Recommandations chez le diabétique de type 2 L’IDF a émis en 2008 des recommandations sur la recherche d’un SAOS chez le patient diabétique de type 2. Il n’est pas recommandé une recherche systématique du SAOS chez tout patient diabétique de type 2. Le dépistage doit être ciblé chez les patients présentant une somnolence diurne excessive. La recherche peut s’effectuer initialement par questionnaires (notamment le questionnaire de Berlin) puis un bilan de débrouillage par oxymétrie nocturne peut être réalisé du fait d’une accessibilité plus aisée. Le diagnostic devra être confirmé par polysomnographie ou polygraphie ventilatoire. Diabète & Obésité • Mai 2011 • vol. 6 • numéro 49 Le Syndrome d’Apnées du Sommeil Le SAOS est, nous l’avons vu, essentiellement relié au diabète de type 2. Néanmoins, des études récentes se sont intéressées à sa recherche dans le cadre du diabète de type 1. SAOS ET DIABèTE DE TYPe 1 Une étude pilote grenobloise (30) menée chez 40 DT1 (âge moyen 43 ans, IMC moyen 24,7 kg/m2, HbA1c = 7,8 ± 0,9 %) a retrouvé chez 40 % d’entre eux un SAOS documenté par enregistrement polysomnographique. Les patients atteints d’un SAOS sont plus âgés, ont une plus longue durée d’évolution du diabète, ont plus souvent des complications micro(rétinopathie) et macro-angiopathiques. Une des hypothèses avancées serait celle de la neuropathie. Ces résultats restent cependant à confirmer par d’autres études à plus grande échelle. CONCLUSION Le diabète de type 2 et le SAOS sont des pathologies fréquentes et étroitement intriquées par un dénominateur commun : l’obésité. Mais le SAOS serait également un facteur de risque indépendant de survenue de diabète et de déséquilibre chez le diabétique de type 2 par une majoration de l’insulinorésistance. L’association du SAOS au diabète de type 1 n’apparaît pas non plus anecdotique mais des études à plus grande échelle sont nécessaires. L’efficacité de la PPC sur l’amélioration des pa- ramètres glycémiques reste encore à prouver. Néanmoins, le bénéfice du traitement sur d’autres paramètres comme l’hypertension artérielle ou les symptômes du SAOS rend l’intérêt du dépistage et du diagnostic indiscutable. Le dépistage doit être ciblé chez les patients diabétiques de type 2. Il apparaît donc indispensable d’établir une collaboration étroite entre les spécialistes du SAOS (pneumologues, neurologues) et les diabétologues qui sont amenés à voir les mêmes patients pour une prise en charge coordonnée. n Mots-clés : Syndrome d’apnées du sommeil, Ronflement, Risque cardiovasculaire, Insulinorésistance, Contrôle glycémique Bibliographie 1. Société française de pneumologie. Recommandations pour la pratique clinique du syndrome d’apnées hypopnées obstructives du sommeil de l’adulte. 2010. 2. Balkau B, Lange C, Fezeu L et al. Predicting diabetes: clinical, biological, and genetic approaches: data from the Epidemiological Study on the Insulin Resistance Syndrome (DESIR). Diabetes Care 2008 ; 31 : 2056-61. 3. 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